Date : 20000317
Dossier : T-231-99
ENTRE :
PANTAINER LTD. ET PANALPINA INC.,
demanderesses,
-et-
996660 ONTARIO LTD. exerçant son activité sous le nom de
MOLISANA IMPORTS,
défenderesse.
MOTIFS DE L"ORDONNANCE
LE JUGE TEITELBAUM
INTRODUCTION
[1] Il s"agit d"une requête en jugement sommaire présentée par les demanderesses et d"une requête incidente des défenderesses. Les demanderesses, Pantainer Ltd. et Panalpina Inc. (les demanderesses), présentent cette requête en jugement sommaire pour recouvrer les sommes qui leur sont dues par la défenderesse pour le fret (134 513,40 $) et les frais accessoires, soit un montant total de 144 037,98 $ plus intérêts. La défenderesse fait valoir que les dommages à la cargaison et les pertes financières imputables aux prétendus manquements au contrat par les demanderesses lui donnent un droit de compensation contre la demande.
[2] La défenderesse présente une requête incidente pour obtenir :
1) une ordonnance lui accordant l"autorisation de modifier la défense et demande reconventionnelle; |
2) une ordonnance suspendant l"action et la requête en jugement sommaire des demanderesses jusqu"au jugement sur une action introduite par la défenderesse en Cour supérieure d"Ontario; |
3) une ordonnance disposant que l"action principale et la demande reconventionnelle soient jugées ensemble soit devant la présente Cour soit devant la Cour supérieure d"Ontario; |
4) les dépens de la présente requête sur une base avocat-client;
5) tout autre redressement que l"honorable Cour pourra juger approprié.
LES FAITS
[3] Pantainer Ltd. est une société par actions constituée selon les lois de Suisse qui agit comme transporteur de marchandises par voie d"eau et qui délivre des documents de transport confirmant la réception et le transport de marchandises à leur destination selon les instructions reçues des clients de Panalpina Inc.
[4] Panalpina Inc. est une société par actions constituée selon les lois du Canada et exerce l"activité de transitaire dans tout le Canada; elle a son siège social dans la ville de Toronto et dans la municipalité régionale de York.
[5] Panalpina Inc., à titre de mandataire de Pantainer Ltd., organise le transport par des transporteurs maritimes de marchandises pour lesquelles Pantainer Ltd. délivre ses documents de transport.
[6] La défenderesse est une société par actions constituée selon les lois du Canada et exerce l"activité d"importateur de produits alimentaires; elle a son établissement principal dans la ville de Toronto.
[7] Les demanderesses ont déposé une déclaration en février 1999, par laquelle elles demandent à la défenderesse :
[traduction] |
a) les sommes qui leur sont dues sur des factures de fret, de frais accessoires de transport et frais de douane, soit un total de 144 037,98 $, ces services et ces sommes étant décrits de façon plus détaillée dans les factures transmises à la défenderesse par les demanderesses; |
b) les intérêts sur cette somme au taux commercial de la Banque du Canada du 1er février 1999 jusqu"à la date du paiement ou du jugement, selon la plus rapprochée de ces deux dates; |
c) les intérêts avant jugement et après jugement conformément aux dispositions de la Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. (1985), ch. F-7; |
d) les dépens de la présente action sur la base avocat-client; |
e) tout autre redressement que l"honorable Cour pourra juger approprié. |
[8] La somme demandée est établie, selon les demanderesses, par les factures qu"elles ont transmises à la défenderesse.
[9] Le 10 septembre 1999, la défenderesse a signifié et déposé une défense et demande reconventionnelle modifiée contre les demanderesses et MG Transport Canada Inc. (MG Transport), filiale de Panalpina Inc.
[10] Depuis 1997, la défenderesse et les demanderesses ont passé des contrats selon lesquels les demanderesses prenaient en charge le transport et l"entreposage au Canada de produits alimentaires commandés par la défenderesse d"Italie et d"ailleurs.
[11] Dans chacun de ces contrats, une condition fondamentale était que les demanderesses et leurs employés, préposés ou mandataires exerceraient une diligence raisonnable pour le transport, l"entreposage et la manutention des marchandises de la défenderesse.
[12] Selon la défenderesse, une autre condition fondamentale était que les demanderesses ne mettraient pas fin à leur relation avec la défenderesse, notamment aux ententes de crédit en place entre les deux parties, sans un préavis raisonnable à la défenderesse.
[13] La défenderesse allègue qu"en plusieurs occasions depuis 1997, les demanderesses n"ont pas respecté ces conditions fondamentales, lui causant ainsi des dommages, ce qui les empêche maintenant de prétendre au redressement demandé dans la déclaration.
L"expédition de novembre 1997
[14] Vers novembre 1997, la défenderesse a acheté quatre conteneurs de pâtes de qualité supérieure à des vendeurs d"Italie au coût d"environ 130 000 $.
[15] La défenderesse a engagé Panalpina Inc. pour acheminer les expéditions de produits alimentaires dans des conteneurs d"Italie vers l"Ontario. Pantainer a convenu de transporter ces marchandises en Ontario.
[16] En cours de route d"Italie au Canada, le navire utilisé par les demanderesses a coulé et les demanderesses ont d"abord avisé la défenderesse que les quatre conteneurs avaient tous été perdus en mer.
[17] En février 1998, les demanderesses ont avisé la défenderesse que, contrairement à l"avis donné auparavant à la défenderesse, trois des quatre conteneurs de pâtes de qualité supérieure n"avaient pas été perdus en mer, mais avaient plutôt été acheminés aux îles Canaries, où ils avaient été entreposés dans un endroit inconnu depuis novembre 1997.
[18] Les demanderesses, sans consulter la défenderesse, ont alors expédié les trois conteneurs des îles Canaries à Toronto.
[19] Panalpina a dédouané les expéditions au Canada et les a conservées dans un entrepôt de Toronto appartenant à MG Transport et exploité par cette dernière.
[20] La défenderesse allègue que, au cours du transport et pendant l"entreposage, ces trois conteneurs et leur contenu ont été endommagés de sorte qu"une bonne partie des pâtes qui s"y trouvaient étaient brisées, écrasées et rendues inutilisables.
[21] En outre, la défenderesse allègue que les conteneurs, pendant qu"ils se trouvaient aux îles Canaries, ont été entreposés dans des conditions de chaleur et d"humidité qui ont causé une détérioration des pâtes. Des insectes avaient infesté une partie des pâtes, les rendant impropres à la consommation.
[22] Panalpina a facturé à la défenderesse le fret et les frais accessoires au moment de l"achèvement du transport et de la livraison des conteneurs à l"entrepôt de MG Transport. La somme non réglée de 144 037,98 $ n"est pas contestée.
[23] La défenderesse allègue qu"elle a consenti à payer le fret sous la contrainte. La contrainte alléguée consiste en ce que les demanderesses refusaient de remettre des conteneurs de marchandises de la période des Fêtes à moins que la défenderesse ne s"engage à payer les sommes dues sans déduction.
[24] Les conditions des documents de transport et les Conditions générales de l"Association des transitaires internationaux canadiens, inc. régissent les obligations des parties. Selon ces conditions, le fret et les frais accessoires au transport devaient être payés sans déduction à l"échéance.
[25] Les demanderesses ont refusé au départ de verser à la défenderesse plus qu"une somme modique pour les pâtes endommagées. Elles ont finalement offert de payer à la défenderesse 56 913,96 $ à l"égard des trois conteneurs, tout en lui faisant valoir que la plus grande partie des pâtes étaient comestibles et pouvaient être vendues pour la récupération, étant entendu qu"elle pourrait conserver le produit de la vente.
[26] La défenderesse a accepté ce paiement le 11 juin 1998 en se fiant aux déclarations des demanderesses et de leurs mandataires. Mais la défenderesse s"est rendu compte que ces déclarations étaient fausses et faites avec négligence.
[27] Le 18 juin 1998, les pâtes ont été rejetées comme non comestibles par Agriculture Canada. Il était impossible de vendre ou de récupérer de quelque autre manière la moindre partie des pâtes, de sorte que la défenderesse a subi des dommages de plus de 50 000 $.
L"expédition d"avril 1998
[28] En avril 1998, les demanderesses ont expédié plus de 4 500 caisses de pâtes de qualité supérieure au Canada à l"intention de la défenderesse. À l"arrivée au Canada, ces caisses ont été chargées sur environ 80 palettes dans l"entrepôt des demanderesses.
[29] La défenderesse a donné aux demanderesses des instructions d"entreposer les palettes sur des cadres spécialement conçus dans les entrepôts des demanderesses et leur a payé un supplément de 1,00 $ par palette pour ce service.
[30] Il s"agissait là de la pratique habituelle de la défenderesse pour tous les envois de pâtes organisés par les demanderesses depuis le début de leur relation commerciale.
[31] La défenderesse allègue que les demanderesses n"ont pas respecté leur contrat avec la défenderesse en n"entreposant pas les palettes sur des cadres spécialement conçus et en empilant plutôt les palettes de pâtes les unes sur les autres.
[32] Étant donné le poids des produits, un grand nombre de boîtes de pâtes ont été brisées ou écrasées du fait d"être entreposées de cette manière et une bonne partie des pâtes ont été endommagées et rendues invendables.
[33] Par suite de ce dommage, la défenderesse allègue qu"elle a été forcée de réduire son prix de 11,00 $ par caisse en moyenne, ce qui a entraîné un dommage de plus de 50 000 $.
[34] En outre, la défenderesse allègue que les demanderesses ont endommagé 457 autres caisses de pâtes de la défenderesse, au cours des opérations de chargement, déchargement, entreposage et transport, causant ainsi à la défenderesse des dommages supplémentaires de 9 000 $.
L"aire d"entreposage insuffisante
[35] En septembre 1998, la défenderesse a commandé cinquante conteneurs de pâtes d"Italie et a engagé les demanderesses en vue de l"expédition et de l"entreposage de ces conteneurs.
[36] La défenderesse allègue que ce contrat était fondé sur les déclarations et promesses des demanderesses qu"elles attribueraient une aire d"entreposage suffisante à l"arrivée des pâtes.
[37] En novembre 1998, deux mois après la conclusion du contrat, 25 des 50 conteneurs étaient arrivés à Toronto ou se trouvaient dans des navires à destination du Canada et les demanderesses auraient alors avisé la défenderesse qu"elles n"avaient pas une aire d"entreposage suffisante pour les conteneurs.
[38] La défenderesse allègue que les demanderesses avaient, en fait, une aire d"entreposage suffisante et que, si elles prétendaient le contraire, c"était en réponse à la manière dont elle avait réagi à la conduite des demanderesses à propos des expéditions de novembre 1997 et d"avril 1998.
[39] Par suite de cette déclaration, la défenderesse déclare qu"elle a été obligée de conclure d"autres ententes pour l"entreposage dans un court délai et à un coût accru.
L"expédition des produits de la période des Fêtes
[40] En novembre 1998, la défenderesse a acheté divers produits alimentaires d"Italie, qui, selon ce qu"elle allègue, ne se vendent ordinairement que pendant la période des Fêtes. Ces produits comprenaient du panettone, des anchois, des biscottes et des variétés spécifiques de pâtes.
[41] La défenderesse a conclu un contrat avec les demanderesses en vue de l"expédition de ces produits au Canada. La défenderesse allègue que les demanderesses savaient que la prompte réception de ces produits à Toronto avait la plus grande importance et que la livraison à temps de ces produits constituait donc une condition fondamentale du contrat de la défenderesse avec les demanderesses.
[42] Les demanderesses n"ont pas livré ces produits à la défenderesse à temps pour qu"elle puisse les vendre pendant la période des Fêtes. La défenderesse allègue que, de ce fait, elle a été forcée de vendre ces produits à rabais, ce qui a entraîné des dommages de plus de 10 000 $.
[43] Le 25 novembre 1998, les demanderesses et la défenderesse ont mis un terme à leur relation commerciale. Il n"est pas contesté que la défenderesse a convenu que ses demandes ne seraient pas compensées avec le fret et les frais accessoires dus par elle.
[44] La défenderesse allègue que les demanderesses ont mis un terme à leur relation d"une manière arbitraire et sans justification.
[45] Par suite de cette fin inattendue de la relation, la défenderesse a dû engager des dépenses supplémentaires de plus de 20 000 $ pour le transfert de ses produits des entrepôts des demanderesses à d"autres lieux d"entreposage et pour l"achat de palettes supplémentaires au prix fort.
[46] La défenderesse expose que les demanderesses continuent de retenir injustement des marchandises lui appartenant, d"une valeur d"environ 1 000 $.
[47] Par lettre datée du 26 novembre 1998, les demanderesses ont avisé la défenderesse que les ententes de crédit qui avaient été révoquées la veille ne seraient rétablies que sur réception d"une confirmation écrite, par la défenderesse, que :
[traduction] Molisana Import paiera toutes les factures de Panalpina et de M.G. Transport établies conformément au présent tarif ... Cette garantie doit également indiquer que toute réclamation que vous pouvez avoir contre Panalpina selon votre propre interprétation de la situation actuelle à l"entrepôt n"aura pas d"impact sur votre paiement de toutes nos factures dans les délais convenus. |
[48] Par lettre datée du 18 novembre 1998 et envoyée par télécopieur le 27 novembre 1998, la défenderesse a fait une offre " sous toutes réserves " visant à régler la situation à l"entrepôt et les points en litige entre les parties comme une question distincte de celle des factures envoyées par les demanderesses.
[49] Plutôt que d"accepter cette offre, les demanderesses ont rédigé un accord différent, envoyé à la défenderesse par télécopieur le 30 novembre 1998, proposant notamment que la défenderesse accepte de ne pas retenir le paiement des factures en raison d"un [traduction] " différend concernant l"entreposage à Toronto " et qu"elle " ne dépose pas de demande " au sujet de l"état de ses produits.
[50] La défenderesse allègue qu"elle n"a pas accepté cet accord.
[51] La défenderesse présente maintenant une requête incidente pour compenser les dommages qu"elle a subis et la responsabilité qu"elle pourrait encourir.
[52] La défenderesse a également présenté une requête distincte pour une demande reconventionnelle contre les demanderesses. Par voie de demande reconventionnelle, la défenderesse formule les demandes suivantes à la demanderesse :
[traduction] |
1) des dommages-intérêts de 150 000 $ pour négligence, rupture de contrat et déclaration inexacte faite avec négligence; |
2) des dommages-intérêts punitifs et exemplaires de 100 000 $; |
3) les intérêts avant jugement et après jugement sur les sommes ci-dessus conformément à la Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. (1985), ch. F-7; |
4) les dépens de l"action et de la demande reconventionnelle sur une base avocat-client, et tout autre redressement que l"honorable Cour jugera approprié. |
LES DISPOSITIONS LÉGISLATIVES PERTINENTES
Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. (1985), ch. F-7
Section 22 Navigation and shipping (1) The Trial Division has concurrent original jurisdiction, between subject and subject as well as otherwise, in all cases in which a claim for relief is made or a remedy is sought under or by virtue of Canadian maritime law or any other law of Canada relating to any matter coming within the class of subject of navigation and shipping, except to the extent that jurisdiction has been otherwise specially assigned. (2) Maritime jurisdiction"Without limiting the generality of subsection (1), it is hereby declared for greater certainty that the Trial Division has jurisdiction with respect to any one or more of the following: |
Article 22 Navigation et marine marchande (1) La Section de première instance a compétence concurrente, en première instance, dans les cas " opposant notamment des administrés " où une demande de réparation ou un recours est présenté en vertu du droit maritime canadien ou d"une loi fédérale concernant la navigation ou la marine marchande, sauf attribution expresse contraire de cette compétence. (2) Compétence maritime"Il demeure entendu que, sans préjudice de la portée générale du paragraphe (1), la Section de première instance a compétence dans les cas suivants: (a) any claim with respect to title, possession or ownership of a ship or any part interest therein or with respect to the proceeds of sale of a ship or any part interest therein; a) une demande portant sur les titres de propriété ou la possession, en tout ou en partie, d"un navire ou sur le produit, en tout ou en partie, de la vente d"un navire; |
(b) any question arising between co-owners of a ship with respect to possession, employment or earnings of a ship; (c) any claim in respect of a mortgage or hypothecation of, or charge on, a ship or any part interest therein or any charge in the nature of bottomry or respondentia for which a ship or part interest therein or cargo was made security; (d) any claim for damage or for loss of life or personal injury caused by a ship either in collision or otherwise; (e) any claim for damage sustained by, or for loss of, a ship including, without restricting the generality of the foregoing, damage to or loss of the cargo or equipment of, or any property in or on or being loaded on or off, a ship; (f) any claim arising out of an agreement relating to the carriage of goods on a ship under a through bill of lading, or in respect of which a through bill of lading is intended to be issued, for loss or damage to goods occurring at any time or place during transit; (g) any claim for loss of life or personal injury occurring in connection with the operation of a ship including, without restricting the generality of the foregoing, any claim for loss of life or personal injury sustained in consequence of any defect in a ship or in her apparel or equipment, or of the wrongful act, neglect or default of the owners, charterers or persons in possession or control of a ship or of the master or crew thereof or of any other person for whose wrongful acts, neglects or defaults the owners, charterers or persons in possession or control of the ship are responsible, being an act, neglect or default in the management of the ship, in the loading, carriage or discharge of goods on, in or from the ship or in the embarkation, carriage or disembarkation of persons on, in or from the ship; (h) any claim for loss of or damage to goods carried in or on a ship including, without restricting the generality of the foregoing, loss of or damage to passengers" baggage or personal effects; (i) any claim arising out of any agreement relating to the carriage of goods in or on a ship or to the use or hire of a ship whether by charter party or otherwise; (j) any claim for salvage including, without restricting the generality of the foregoing, claims for salvage of life, cargo, equipment or other property of, from or by an aircraft to the same extent and in the same manner as if the aircraft were a ship; (k) any claim for towage in respect of a ship or of an aircraft while the aircraft is water-borne; (l) any claim for pilotage in respect of a ship or of an aircraft while the aircraft is water-borne; (m) any claim in respect of goods, materials or services wherever supplied to a ship for the operation or maintenance of the ship, including, without restricting the generality of the foregoing, claims in respect of stevedoring and lighterage; (n) any claim arising out of a contract relating to the construction, repair or equipping of a ship; (o) any claim by a master, officer or member of the crew of a ship for wages, money, property or other remuneration or benefits arising out of his employment; (p) any claim by a master, charterer or agent of a ship or shipowner in respect of disbursements, or by a shipper in respect of advances, made on account of a ship; (q) any claim in respect of general average contribution; |
b) un litige entre les copropriétaires d"un navire quant à la possession ou à l"affectation d"un navire ou aux recettes en provenant; |
c) une demande relative à un prêt à la grosse ou à une hypothèque, un privilège ou une sûreté maritimes grevant tout ou partie d"un navire ou sa cargaison; d) une demande d"indemnisation pour décès, dommages corporels ou matériels causés par un navire, notamment par collision; e) une demande d"indemnisation pour l"avarie ou la perte d"un navire, notamment de sa cargaison ou de son équipement ou de tout bien à son bord ou en cours de transbordement; f) une demande d"indemnisation, fondée sur une convention relative au transport par navire de marchandises couvertes par un connaissement direct ou devant en faire l"objet, pour la perte ou l"avarie de marchandises en cours de route; g) une demande d"indemnisation pour décès ou lésions corporelles survenus dans le cadre de l"exploitation d"un navire, notamment par suite d"un vice de construction dans celui-ci ou son équipement ou par la faute ou la négligence des propriétaires ou des affréteurs du navire ou des personnes qui en disposent, ou de son capitaine ou de son équipage, ou de quiconque engageant la responsabilité d"une de ces personnes par une faute ou négligence commise dans la manoeuvre du navire, le transport et le transbordement de personnes ou de marchandises; h) une demande d"indemnisation pour la perte ou l"avarie de marchandises transportées à bord d"un navire, notamment dans le cas des bagages ou effets personnels des passagers; i) une demande fondée sur une convention relative au transport de marchandises à bord d"un navire, à l"usage ou au louage d"un navire, notamment par charte-partie; j) une demande d"indemnisation pour sauvetage, notamment pour le sauvetage des personnes, de la cargaison, de l"équipement ou des autres biens d"un aéronef, ou au moyen d"un aéronef, assimilé en l"occurrence à un navire; k) une demande d"indemnisation pour remorquage d"un navire, ou d"un aéronef à flot; l) une demande d"indemnisation pour pilotage d"un navire, ou d"un aéronef à flot; m) une demande relative à des marchandises, matériels ou services fournis à un navire pour son fonctionnement ou son entretien, notamment en ce qui concerne l"acconage et le gabarage; n) une demande fondée sur un contrat de construction, de réparation ou d"équipement d"un navire; o) une demande formulée par un capitaine, un officier ou un autre membre de l"équipage d"un navire relativement au salaire, à l"argent, aux biens ou à toute autre forme de rémunération ou de prestations découlant de son engagement; p) une demande d"un capitaine, affréteur, mandataire ou propriétaire de navire relative aux débours faits pour un navire, et d"un expéditeur concernant des avances faites pour un navire; q) une demande relative à la contribution à l"avarie commune; |
r) une demande fondée sur un contrat d"assurance maritime ou y afférente; s) une demande de remboursement des droits de bassin, de port ou de canaux, notamment des droits perçus pour l"utilisation des installations fournies à cet égard. |
(r) any claim arising out of or in connection with a contract of marine insurance; and (s) any claim for dock charges, harbour dues or canal tolls including, without restricting the generality of the foregoing, charges for the use of facilities supplied in connection therewith. (3) Jurisdiction applicable"For greater certainty, it is hereby declared that the jurisdiction conferred on the Court by this section is applicable (a) in relation to all ships, whether Canadian or not and wherever the residence or domicile of the owners may be; (b) in relation to all aircraft where the cause of action arises out of paragraphs (2)(j) to (l), whether those aircraft are Canadian or not and wherever the residence or domicile of the owners may be; (c) in relation to all claims, whether arising on the high seas, in Canadian waters or elsewhere and whether those waters are naturally navigable or artificially made so, including, without restricting the generality of the foregoing, in the case of salvage, claims in respect of cargo or wreck found on the shores of those waters; and (d) in relation to all mortgages or hypothecations of, or charges by way of security on, a ship, whether registered or not, or whether legal or equitable, and whether created under foreign law or not. |
(3) Étendue de la compétence"Il est entendu que la compétence conférée à la Cour par le présent article s"étend: a) à tous les navires, canadiens ou non, quel que soit le lieu de résidence ou le domicile des propriétaires; b) à tous les aéronefs, canadiens ou non, quel que soit le lieu de résidence ou le domicile des propriétaires, lorsque le droit d"action découle des alinéas (2)j) à l); c) à toutes les demandes, que les faits y donnant lieu se soient produits en haute mer ou dans les eaux canadiennes ou ailleurs et que ces eaux soient naturellement ou artificiellement navigables, et notamment, dans le cas de sauvetage, aux demandes relatives aux cargaisons ou épaves trouvées sur les rives de ces eaux; d) à toutes les hypothèques ou tous les privilèges donnés en garantie sur un navire " enregistrés ou non et reconnus en droit ou en equity ", qu"ils relèvent du droit canadien ou du droit étranger. |
LES QUESTIONS EN LITIGE
[53] Les requêtes présentées à la Cour soulèvent les deux questions suivantes :
1) La défenderesse a-t-elle un droit de compensation et, dans la négative, faudrait-il surseoir à l"exécution du jugement jusqu"à ce que soit jugée la demande reconventionnelle? |
2) Les demandes relatives à l"entreposage des marchandises entrent-elles dans la compétence de la Cour? |
LES ARGUMENTS DES PARTIES
Les arguments des demanderesses
[54] Les demanderesses plaident que les dispositions sur le jugement sommaire visent à permettre à la Cour de décider les affaires qui ne devraient pas être instruites parce qu"il n"y a pas de question sérieuse à trancher.
[55] Selon les demanderesses, la Cour, après avoir examiné les questions de fait et de droit qui se posent dans cette affaire, doit en venir à la conclusion qu"il n"y a pas de question sérieuse à trancher.
Le droit de compensation
[56] Les demanderesses plaident qu"il est bien établi, en droit maritime anglais, qu"on ne peut faire valoir une demande à l"égard de la cargaison par la voie d"une déduction sur le fret. Cette règle, selon laquelle la compensation des dommages-intérêts ne peut être invoquée en défense à une action portant sur le fret, a été adoptée en droit maritime canadien.
[57] Le fret et les frais accessoires qui sont dus ne sont pas, au dire des demanderesses, directement liés à l"expédition ayant donné lieu à la demande de compensation et à la demande reconventionnelle. La défenderesse n"aurait donc pas de droit de compensation sur ce fondement.
[58] À titre subsidiaire, les demanderesses soutiennent que, selon le droit canadien, la compensation des dommages ne constitue pas une défense à une action portant sur le fret et que, pour cette raison, il ne serait pas opportun d"autoriser la défenderesse à se prévaloir de ce droit.
La compétence de la Cour
[59] Les demanderesses soutiennent que la compétence de la Cour à l"égard de demandes se rapportant à l"entreposage de marchandises doit trouver son fondement dans le paragraphe 22(1) de la Loi sur la Cour fédérale , lequel renvoie à la définition du droit maritime canadien exposée à l"article 2 de la Loi.
[60] Selon les demanderesses, les demandes concernant l"entreposage que la défenderesse formule contre MG Transport ne correspondent pas aux paramètres de la définition du " droit maritime " pour trois raisons. D"abord, l"entrepôt est situé à Toronto, loin du port de déchargement. En second lieu, il n"y a pas de rapport entre les activités de MG Transport et celles qui se déroulent dans la région portuaire. En troisième lieu, l"entreposage est intervenu après la livraison et n"était pas à court terme.
[61] Pour ces raisons, les demanderesses soutiennent que les demandes relatives à l"entreposage ne sont pas de la compétence de la Cour parce qu"elles ne sont pas liées entièrement aux affaires maritimes.
Les arguments de la défenderesse
[62] La défenderesse plaide qu"elle a droit le compenser les dommages qu"elle a subis avec les demandes des demanderesses dans la présente action.
[63] La défenderesse fait valoir qu"elle n"a jamais renoncé à ses demandes contre les demanderesses. Toutefois, si la Cour devait juger qu"elle a renoncé à ses demandes, elle soutient qu"elle n"a reçu aucune contrepartie des demanderesses pour cette renonciation.
[64] À titre plus subsidiaire encore, toute renonciation qu"a pu faire la défenderesse l"a été sous la contrainte exercée par les demanderesses, dans la mesure où :
1) les demanderesses avaient prétendu révoquer leurs ententes de crédit avec la défenderesse avec prise d"effet immédiate plutôt que sur préavis raisonnable et exigeaient diverses concessions de la défenderesse avant de rétablir ces ententes; |
2) les demanderesses refusaient de remettre des stocks appartenant à la défenderesse, notamment des articles à caractère saisonnier, ce qui lui aurait fait subir des dommages importants; |
3) en novembre 1998, la défenderesse n"était pas au courant de la nature et de l"étendue des dommages causés à ses marchandises par les actions et les omissions des demanderesses. |
[65] Selon la défenderesse, la Cour est compétente à l"égard des demandes relatives à l"entreposage parce qu"elles sont liées entièrement au droit maritime.
ANALYSE
Question I : Compétence à l"égard des demandes relatives à l"entreposage
[66] Avant d"entreprendre l"analyse du droit canadien sur la compensation en matière maritime, je vais commencer par traiter de la compétence de la Cour à l"égard des demandes relatives à l"entreposage des marchandises de la défenderesse.
[67] À l"audience, le 10 septembre 1999, l"avocat de la défenderesse a indiqué que d"autres parties de la requête incidente dépendaient de la décision de la Cour sur sa compétence à l"égard de toutes les questions soulevées dans l"instance.
[68] L"avocat de la défenderesse a décrit la nature de la relation commerciale entre les deux parties, à la page 13 de la transcription, dans les termes suivants :
[traduction] [...] la relation contractuelle entre les parties dans la présente affaire, et mon confrère l"a décrite, je pense, de manière exacte, étant donné la relation entre Panalpina and MG Transport, l"entreposage fait partie intégrante, à mon humble avis, du transport des marchandises dans la présente affaire. [...] |
[69] L"avocat renvoie la Cour aux factures qui sont données à l"appui des états de compte déposés par les demanderesses pour la présente requête. Ces factures sont pertinentes dans la mesure où chacune comporte une mention de l"entreposage, bien qu"elle ne soit pas accompagnée d"une somme, le montant de l"entreposage étant compris dans la somme totale.
[70] La défenderesse a ensuite expliqué la nature des services que les demanderesses fournissaient à la défenderesse et la raison pour laquelle elle passait des contrats de fret. Les demanderesses offraient beaucoup plus que des services de courtage pour organiser le transport des marchandises d"Italie au Canada; en fait, elles se présentaient comme distributeurs des marchandises aux clients de la défenderesse.
[71] Autre élément important à relever pour la présente requête, la preuve que la défenderesse ne traitait qu"avec Panalpina pour fixer les conditions des contrats, et non avec MG Transport aussi. En effet, les demanderesses présentaient, pour la défenderesse, le net avantage d"être un transporteur prenant en charge le transport, l"entreposage et la distribution de ses marchandises. Selon la formule de l"avocat de la défenderesse, les demanderesses lui offraient ainsi divers services à un guichet unique.
[72] La défenderesse soutient donc que la Cour a compétence sur toute l"affaire parce que l"entreposage des marchandises faisait partie intégrante des contrats de fret.
[73] À l"appui de cet argument, la défenderesse cite la décision du juge Rothstein Expeditors International Freight Forwarding c. Propak Systems Ltd., [1995] A.C.F. n 376, dans laquelle il dit au paragraphe 16 de ses motifs :
À ce stade de la procédure, la demande compensatoire et la demande reconventionnelle de la défenderesse étant en instance de jugement sommaire, je ne pense pas qu'il soit nécessaire d'ordonner le paiement immédiat du fret réclamé par la demanderesse. La demanderesse n'a pas apporté d'éléments de preuve démontrant qu'une suspension lui causera un préjudice grave. La demande compensatoire et la demande reconventionnelle découlent de la même opération que la demande de paiement de fret et elles ne sont pas à première vue dénuées de fondement. La demanderesse a d'ailleurs reconnu que les marchandises expédiées sont arrivées en mauvais état. Il est logique d'imposer une suspension. |
[74] Sur le fondement de ces commentaires, la défenderesse plaide que les factures de novembre 1998 qui font l"objet de la requête en jugement sommaire sont également déterminantes sur les points de savoir si le contrat prévoyait l"entreposage et si on a fait des déclarations inexactes à la défenderesse.
[75] S"agissant du préjudice que la défenderesse subirait si la suspension n"était pas accordée, l"avocat indique que la condamnation à payer 144 000 $ plus les intérêts et les dépens lui causerait un désavantage grave compte tenu que l"affaire ne sera probablement pas plaidée avant 18 mois.
[76] Pour ces raisons, la défenderesse soutient que la Cour devrait surseoir à l"exécution du jugement jusqu"à ce que la demande reconventionnelle soit résolue.
[77] En réponse aux arguments de la défenderesse au sujet de l"affaire Expeditors , précitée, les demanderesses font valoir que les demandes ayant un fondement juridictionnel ne soulèvent pas de question à instruire, alors que les demandes qui soulèvent une question à instruire sont dépourvues de fondement juridictionnel.
[78] Dans l"affaire Expeditors , précitée, la demande reconventionnelle examinée par la Cour et qui a conduit celle-ci à accorder la suspension, entrait clairement dans la compétence de la Cour. L"avocat des demanderesses plaide qu"il s"agit là d"un facteur de distinction que la Cour devrait prendre en considération en vue de décider s"il faut suivre le raisonnement du juge Rothstein dans l"affaire précitée.
[79] Étant donné le parallélisme évident entre cette affaire et la présente espèce, il est utile de revoir les faits sur lesquels le juge Rothstein a fondé sa décision. La demanderesse, un expéditeur de fret, demandait le paiement d"un fret impayé et la défenderesse présentait une demande compensatoire et une demande reconventionnelle pour livraison tardive. Du matériel de fabrication de gaz a été livré en mauvais état par la demanderesse et il a fallu 139 jours pour le remettre en état de fonctionner. Le contrat entre les parties comportait une garantie de délai de transit stipulant une pénalité pour livraison tardive de 100 $ par jour et la demanderesse demandait que cette pénalité soit déduite du fret. Les deux parties demandaient un jugement sommaire.
[80] Dans cette affaire, les parties avaient convenu que la question était de savoir si la demanderesse pouvait prétendre à bénéficier d"un jugement sommaire pour le montant total du fret impayé ou s"il fallait d"abord que soient jugées la demande compensatoire et la demande reconventionnelle de la défenderesse.
[81] Le juge Rothstein a statué que la demanderesse avait droit à un jugement sommaire pour le montant total du fret, soit 210 900,49 $, en application de la règle voulant que le fret soit payé sans déduction d"une somme demandée par voie de demande compensatoire ou de demande reconventionnelle.
[82] Le contrat qui avait été signé par les parties comportait une clause pénale, mais ne stipulait pas que les parties avaient convenu de déduire du montant du fret payable normalement le montant calculé au titre de la garantie du délai.
[83] Le sursis d"exécution du jugement du juge Rothstein a été accordé en attendant la décision prononcée sur la demande compensatoire et la demande reconventionnelle, au motif que l"une et l"autre découlaient de la même opération et que la demanderesse n"avait pas établi que le sursis lui causerait un préjudice grave.
[84] La règle générale voulant que le fret soit payé sans aucune déduction, à moins d"une entente contraire entre les parties, est dérivée de l"arrêt Aries Tanker Corporation v. Total Transport Ltd., [1977] 1 Lloyd"s Rep. 334 (H.L.), souvent cité comme l"affaire Aries , où lord Simon of Glaisdale a déclaré à la page 340 :
[traduction] Le fret, qui représente la règle établie à l'origine, reste inchangé, comme un affleurement de roches précambriennes dépassant d'un magma de dépôts sédimentaires. Les éditions successives de Scrutton et Carver précisent qu'en l'absence de stipulation contraire, le fret doit être payé sans aucune déduction. Les chartes-parties ont toujours été négociées en tenant compte de cette règle. |
[85] En l"espèce, la défenderesse prétend que le dommage aux marchandises et les pertes financières attribuables, selon ce qu"allègue la défenderesse, aux manquements aux contrats par les demanderesses lui donnent un droit de compensation contre la demande portant sur le fret. Toutefois, selon les conditions des documents de transport, les parties n"avaient pas convenu de déroger à la règle générale voulant que le fret soit payé sans déduction et on ne trouve de clause pénale dans aucun des contrats.
[86] L"avocat des défenderesses a plaidé, lors de l"audience, le 10 septembre 1999, que la présente affaire devait être distinguée de l"affaire Expeditors , précitée, sur le fondement que la défenderesse avait présenté un " assortiment " de demandes qui n"avaient jamais été présentées autrement qu"en liaison avec cette demande reconventionnelle. Par contraste, dans l"affaire Expeditors , précitée, la demande de la défenderesse portait sur l"expédition qui a occasionné le fret qui a conduit aux dommages et à la quantification de ceux-ci.
[87] La défenderesse a fait valoir que la demande reconventionnelle se chiffrait à 150 000 $, mais les demanderesses ont contesté ce chiffre et soutiennent que les dommages ne sont pas prouvés ni acceptés et qu"ils découlent de demandes dépourvues de fondement.
[88] En outre, les demanderesses plaident que la Cour doit prendre en compte les circonstances entourant la fin de la relation commerciale entre les deux parties pour évaluer si la défenderesse a un droit de compensation.
[89] Essentiellement, les demanderesses font valoir qu"elles ont cherché à mettre un terme à la relation commerciale de la manière la plus professionnelle et la plus honorable possible tout en veillant à ce que les sommes dues leur soient payées lorsque la période du crédit arriverait à expiration. Selon leur position, la défenderesse a présenté ses intentions de façon inexacte en s"engageant à payer les sommes dues abstraction faite de ses demandes contre les demanderesses et elle ne devrait pas être autorisée à prétexter d"une demande reconventionnelle pour ne pas payer ce qu"elle doit.
[90] En résumé, les demanderesses demandent à la Cour de ne pas accorder le sursis d"exécution du jugement pour trois raisons : 1) les deux parties ont conclu un contrat fondé sur la règle que le fret serait payé sans déduction, 2) les demanderesses ont déboursé le fret au transporteur effectif, ainsi que les taxes et les droits de douane, et 3) la défenderesse a expressément convenu dans sa confirmation donnée dans le cadre du règlement de ne pas invoquer ces demandes reconventionnelles pour refuser le paiement si le crédit était rétabli.
[91] En réponse à ces raisons militant contre l"octroi d"un sursis, la défenderesse expose que le règlement a été obtenu sur le fondement des déclarations inexactes des demanderesses quant à la qualité des pâtes, de sorte que la défenderesse pouvait légitimement désavouer ce règlement. En second lieu, sur la question de la fin de la relation commerciale entre les parties, la défenderesse prétend que les demanderesses n"ont pas procédé de manière professionnelle ou honorable et qu"en fait c"est même tout le contraire.
[92] Aux yeux de la défenderesse, les demanderesses ont eu recours à des tactiques abusives pour contraindre la défenderesse à signer l"accord si elle voulait obtenir ses marchandises à temps pour la période des Fêtes. En outre, la défenderesse soutient que cela équivalait à une rupture de contrat, parce que le contrat prévoyait le chargement, la livraison, l"entreposage et la distribution des marchandises à Loblaws.
[93] Donc, la Cour doit décider si c"est là un fondement légitime pour refuser un sursis d"exécution du jugement en faveur des demanderesses sur les factures impayées.
[94] Je suis d"avis qu"aucune clause des conditions fixées par les parties ne suggère que l"ancienne règle anglaise voulant que le fret soit payable sans déduction ne s"applique pas et, en conséquence, je conclus que la défenderesse doit la somme de 144 037,98 $ aux demanderesses.
[95] Mais ce n"est pas là la question soulevée par la requête. La principale question en litige, c"est de savoir s"il devrait y avoir sursis de l"exécution du jugement jusqu"à ce que la demande reconventionnelle soit jugée. Cela m"amène à la deuxième question " les demandes relatives à l"entreposage sont-elles de la compétence de la Cour?
La question II : La compétence sur les demandes relatives à l"entreposage
[96] La défenderesse a plaidé que les composantes entreposage et distribution du contrat avec les demanderesses étaient essentielles pour leur permettre d"obtenir le contrat de transport maritime des marchandises. Pour cette raison, elle soutient que ces demandes relèvent de la compétence de la Cour en matière de navigation et marine marchande.
[97] Les demanderesses, de leur côté, font valoir que les demandes de la défenderesse relatives à l"entreposage ne sont pas liées entièrement aux matières maritimes et ne peuvent donc correspondre aux paramètres du paragraphe 22(2) de la Loi.
[98] Je renvoie au passage, que citent les demanderesses au paragraphe 23 de leur mémoire des faits et du droit, tiré de l"affaire ITO Ltd. c. Miida Electronics Inc., [1986] 1 R.C.S. 752, aux pages 775 et 776, (1986), 28 D.L.R. (4th) 641, à la page 657 :
... je tiens à souligner que la nature maritime de l'espèce dépend de trois facteurs importants. Le premier est le fait que les activités d'acconage se déroulent à proximité de la mer, c'est-à-dire dans la zone qui constitue le port de Montréal. Le second est le rapport qui existe entre les activités de l'acconier dans la zone portuaire et le contrat de transport maritime. Le troisième est le fait que l'entreposage en cause était à court terme en attendant la livraison finale des marchandises au destinataire. À mon avis, ce sont ces facteurs qui, pris ensemble, permettent de caractériser la présente affaire comme mettant en cause du droit maritime canadien. |
[99] Dans l"affaire Pakistan National Shipping Corp . c. Canada et al. (1997), 212 N.R. 304, la présente Cour a jugé qu"elle avait compétence au motif que la demande présentée était liée entièrement à un contrat maritime, puisqu"il s"agissait d"une action délictuelle dont la cause provenait d"un transport de marchandises par mer.
[100] À mon avis, il faut donner au paragraphe 22(1) et en particulier à l"alinéa 22(2)i) une interprétation large et fondée sur l"objet, qui embrasse toutes les demandes provenant d"un contrat relatif au transport de marchandises par mer.
[101] L"alinéa 22(2)i) emploie la formule " une demande fondée sur une convention relative ... à l"usage ou au louage d"un navire ... par charte-partie ". Les demandes relatives à l"entreposage en l"espèce étaient fondées sur des contrats de transport de marchandises par mer et entrent donc dans la compétence de la Cour.
Question III: Le sursis de l"exécution du jugement
[102] Je suis convaincu que la défenderesse ne peut invoquer de droit de compensation et que ses demandes relatives à l"entreposage entrent dans la compétence de la Cour. J"en viens maintenant à la question du sursis d"exécution du jugement.
[103] Les faits de l"espèce, ainsi qu"on peut le voir par ce que j"en ai dit plus haut, sont différents de ceux qui ont été considérés par le juge Rothstein dans l"affaire Expeditors , précitée.
[104] Comme je l"ai dit au paragraphe 84, la règle générale veut que le fret soit payé sans déduction, à moins d"entente contraire entre les parties.
[105] En l"espèce, les parties n"ont pas conclu d"entente contraire.
[106] Je ne vois pas de raison pour laquelle la défenderesse ne devrait pas payer ce qu"elle doit pour le fret.
CONCLUSION
[107] Sur la requête en jugement sommaire présentée par les demanderesses, la Cour accorde le jugement sommaire et ordonne à la défenderesse de payer aux demanderesses la somme de 144 037,98 $ avec intérêt sur cette somme au taux commercial de la Banque du Canada à compter du 1er février 1999 jusqu"à la date du paiement, avec les intérêts avant le jugement et après le jugement conformément aux dispositions de la Loi sur la Cour fédérale avec dépens.
[108] En ce qui concerne la requête incidente de la défenderesse, elle est rejetée au motif que la demande reconventionnelle de la défenderesse ne peut être décidée sans une instruction complète devant la Cour, laquelle, ainsi que je l"ai dit, a pleine juridiction pour l"instruire.
[109] La requête de la défenderesse visant à obtenir un sursis d"exécution de ma décision sur la requête en jugement sommaire des demanderesses est rejetée.
Max M. Teitelbaum
J.C.F.C. |
Ottawa (Ontario),
le 17 mars 2000
Traduction certifiée conforme
_________________________
Richard Jacques, LL. L.
Date : 20000317
Dossier : T-231-99
OTTAWA (ONTARIO), LE VENDREDI 17 MARS 2000
EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE TEITELBAUM
ENTRE :
PANTAINER LTD. ET PANALPINA INC.,
demanderesses,
-et-
996660 ONTARIO LTD. exerçant son activité sous le nom de
MOLISANA IMPORTS,
défenderesse.
ORDONNANCE
Pour les raisons exposées dans les motifs de l"ordonnance, sur la requête en jugement sommaire présentée par les demanderesses, la Cour accorde le jugement sommaire et ordonne à la défenderesse de payer aux demanderesses la somme de 144 037,98 $ avec intérêt sur cette somme au taux commercial de la Banque du Canada à compter du 1er février 1999 jusqu"à la date du paiement, avec les intérêts avant le jugement et après le jugement conformément aux dispositions de la Loi sur la Cour fédérale avec dépens. |
En ce qui concerne la requête incidente de la défenderesse, elle est rejetée au motif que la demande reconventionnelle de la défenderesse ne peut être décidée sans une instruction complète devant la Cour.
La requête de la défenderesse visant à obtenir un sursis d"exécution de ma décision sur la requête en jugement sommaire des demanderesses est rejetée.
Max M. Teitelbaum
J.C.F.C. |
Traduction certifiée conforme
_________________________
Richard Jacques, LL. L.
COUR FÉDÉRALE DU CANADA
SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE
AVOCATS ET AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
N DU DOSSIER : T-231-99 |
INTITULÉ DE LA CAUSE : PANTAINER LTD. ET PANALPINA INC. c. 996660 ONTARIO LTD. EXERÇANT SON ACTIVITÉ SOUS LE NOM DE MOLISANA IMPORTS |
LIEU DE L"AUDIENCE : TORONTO (ONTARIO) |
DATE DE L"AUDIENCE : LE 10 SEPTEMBRE 1999 |
MOTIFS DE L"ORDONNANCE DE M. LE JUGE TEITELBAUM EN DATE DU 17 MARS 1999
ONT COMPARU :
PETER F.M. JONES ET ALEXANDRA POUR LES DEMANDERESSES |
D.R. KINDBOM
RICHARD E. ANKA, c.r. POUR LA DÉFENDERESSE |
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
PATERSON, MacDOUGALL POUR LES DEMANDERESSES |
TORONTO (ONTARIO)
BRANS, LEHUN, BALDWIN POUR LA DÉFENDERESSE |
TORONTO (ONTARIO)