Date : 20001128
Dossier : T-2391-88
Entre
LOUISE MARTEL, MARY GROSS, DORA THOMSON,
MONICA GLADEAU, MILDRED BARIL, CORA
ARNOLD, EMILY STOYKA, FLORA ANDERSON,
PATRICIA JONES, HAZEL FREEMAN, JOYCE P.
COOK, SARA SCHUG, ELIZABETH PERROTT, NORA
ORR, MARY MIERAU, MARLENE COURTOREILLE et
JANICE WANDA LIGHTNING
demanderesses
- et -
LE CHEF JIM OMEASOO, LE CONSEIL DE LA BANDE
DE SAMSON et LA BANDE INDIENNE DE SAMSON, et
SA MAJESTÉ LA REINE DU CHEF DU CANADA et
LE MINISTRE DES AFFAIRES INDIENNES
ET DU NORD CANADIEN
défendeurs
MOTIFS DE L'ORDONNANCE
(prononcés à l'audience tenue à Edmonton (Alberta)
le 23 novembre 2000)
LE JUGE HUGESSEN
[1] Il y a en l'espèce requête de la Couronne en radiation des alinéas j), k), l), m), et de la mention des États-Unis d'Amérique à l'alinéa f), de l'avis de mise en cause déposé par la bande. Voici les alinéas en question :
[TRADUCTION]
f) La bande a, depuis des temps immémoriaux, décidé qui en sont les citoyens, et continue à le faire. Elle s'est conduite comme une nation, et a été reconnue telle par les États-Unis d'Amérique, par la Grande-Bretagne et par son Dominion du Canada. C'est un droit inhérent de toute nation de décider qui en sont les citoyens.
j) Dès 1831 à tout le moins, les ancêtres cris de la bande ont été reconnus nation par les États-Unis d'Amérique. À l'invitation du gouvernement des États-Unis, le chef Maskeeptoon, chef des ancêtres cris de la bande, s'est rendu à Washington, D.C., pour des entretiens avec le gouvernement des États-Unis d'Amérique.
k) En 1851, le chef Maskeeptoon, aussi connu sous le nom de « Broken Arm » , a participé à la signature du Traité de Fort Laramie entre le gouvernement des États-Unis d'Amérique et les chefs des nations indiennes résidant et chassant à l'est des montagnes Rocheuses et au sud du fleuve Missouri, savoir les Sioux, les Cheyenne, les Arrapahoe, les Crow, les Assinaboine, les Gros-ventre Mandan et les Arrickara, ainsi que les Blackfoot, les Crow et les Cris. La qualité de citoyen de la nation représentée par le chef Maskeeptoon était définie par la nation ou bande, et non par les États-Unis d'Amérique.
l) En 1855, le chef Maskeeptoon participait à la signature du Traité avec les Blackfoot, entre le gouvernement des États-Unis d'Amérique et les chefs des nations indiennes qui occupaient, pour y chasser, le territoire du bassin supérieur du Missouri et du Yellowstone, savoir la nation de Blackfoot composée des Piegan, des Blood, des Blackfoot et des Gros Ventre, la nation de Flathead composée des Flahead, des Upper Pend D'Oreille et Kootenay, des Nez Percé, des Crow, des Assinboin, des Cris, des Snake, des San Arcs, et des bandes Sioux d'Auncepa-pas. La qualité de citoyen de la nation représentée par le chef Maskeeptoon était définie par la nation ou bande, et non par les États-Unis d'Amérique.
[2] Tels que je les comprends, les alinéas ci-dessus traduisent la prétention de la bande à la souveraineté internationale, au statut de nation ou encore, à la personnalité internationale.
[3] Le critère est bien connu en matière de requêtes en radiation, à savoir qu'il faut qu'il soit clair et évident aux yeux du juge saisi de la requête que la demande ou la partie de la demande qui en fait l'objet, n'a aucune chance de succès si elle passe en jugement.
[4] À mon avis, cette condition n'est pas remplie en l'espèce. S'il est indubitable, comme l'affirme l'avocat représentant la Couronne requérante, qu'aucune juridiction au Canada n'a jamais fait droit à une telle prétention, il se trouve que celle-ci a été reconnue dans d'autres ressorts et tant que la jurisprudence dans notre pays n'aura pas établi qu'elle est irrecevable, je dois permettre qu'elle suive son cours, bien que j'aie de sérieuses réserves quant à son succès. Je le répète, il faut qu'il soit clair et évident, sans l'ombre d'un doute, que la demande n'a aucune chance de succès.
[5] Comme je l'ai dit, il n'est pas clair à mes yeux que le chef de demande en instance est voué à l'échec. L'assertion que la bande s'est vu reconnaître un certain degré de souveraineté par une puissance étrangère, en particulier par les États-Unis d'Amérique, a indubitablement un rapport avec ce chef de demande. En effet, un critère reconnu du statut de sujet de droit international consiste en la question de savoir si la personne qui prétend à ce statut a été reconnue par d'autres membres de la communauté internationale et, d'après ce que je vois des assertions contestées en l'espèce, c'est précisément ce qui est arrivé jadis à la bande.
[6] Il reste un dernier point. Il s'agit en l'espèce de la seconde fin de non-recevoir opposée par la Couronne à cette procédure de mise en cause. Bien qu'à mon avis, elle ne soit pas irrecevable à l'introduire comme elle l'a fait, le fait qu'elle n'a pas fait valoir ce point que, y eût-elle pensé en temps voulu, elle aurait pu avancer au moment où elle introduisit sa première requête en radiation, ce fait, dis-je, en est un que je pourrais parfaitement prendre en considération en exerçant mon pouvoir discrétionnaire pour faire droit ou non à la requête en instance. L'ayant pris en considération, et vu les faits tels que je les ai évoqués, je conclus qu'il faut rejeter la requête de la Couronne avec dépens.
« James K. Hugessen »
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Juge
Ottawa (Ontario),
le 28 novembre 2000
Traduction certifiée conforme,
Suzanne M. Gauthier, LL.L., Trad. a.
COUR FÉDÉRALE DU CANADA
SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE
AVOCATS ET AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER No : T-2391-88
INTITULÉ DE LA CAUSE : Louise Martel et al. c. Le chef Jim Omeasoo et al.
LIEU DE L'AUDIENCE : Edmonton (Alberta)
DATE DE L'AUDIENCE : 23 novembre 2000
MOTIFS DE L'ORDONNANCE PRONONCÉS PAR LE JUGE HUGESSEN
LE : 28 novembre 2000
ONT COMPARU:
Terrance Glancy pour la demanderesse
Priscilla Kennedy pour les défendeurs
Patrick Hogkinson pour la défenderesse (la Reine)
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER:
Royal McCrum Duckett & Glancy pour la demanderesse
Edmonton (Alberta)
Parlee McLaws pour les défendeurs
Edmonton (Alberta
Morris Rosenberg pour la défenderesse (la Reine)
Sous-procureur général du Canada
Edmonton (Alberta)