IMM-1980-96
Entre :
MOHAMMAD RAFIQUE CHANNA,
requérant,
- et -
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ
ET DE L'IMMIGRATION,
intimé.
MOTIFS DE L'ORDONNANCE
LE JUGE SIMPSON
Je requiers que la transcription ci-annexée des motifs révisés de l'ordonnance que j'ai prononcés à l'audience à Toronto (Ontario), le 19 décembre 1996, soit déposée pour satisfaire aux exigences de l'article 51 de la Loi sur la Cour fédérale.
(signature) «Sandra J. Simpson»
Juge
Vancouver (C.-B.)
le 12 février 1997
Traduction certifiée conforme
François Blais, LL.L.
COUR FÉDÉRALE DU CANADA
(SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE)
IMM-1980-96
E n t r e :
MOHAMMAD RAFIQUE CHANNA,
requérant,
- et -
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ
ET DE L'IMMIGRATION,
intimé.
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Devant Madame le juge Simpson
Cour fédérale du Canada, salle d'audience n° 7
330, avenue University, Toronto (Ontario)
le jeudi 19 décembre 1996
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MOTIFS DU JUGEMENT PRONONCÉS À L'AUDIENCE
ONT COMPARU :
Joseph Farkas pour le requérant
James Brender pour l'intimé
Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire présentée par Mohammad Rafique Channa (le «requérant») concernant une décision prise par une agente des visas (l'«agente») au Consulat général du Canada à Buffalo (New York). Dans sa décision, l'agente a refusé la demande de résidence permanente présentée par le requérant.
LES FAITS
Le requérant, citoyen pakistanais, est né le 9 août 1960, et il est marié et a trois enfants à charge. Il est titulaire d'un baccalauréat en commerce délivré par une université du Pakistan. De 1984 à mai 1991, il a travaillé chez Dai Ichi Motors, un concessionnaire automobile à Karachi, comme vendeur et ensuite comme directeur des ventes. De juin 1991 à décembre 1993, le requérant a occupé le poste de directeur général d'une entreprise d'import/export à Karachi. En 1994, il s'est installé au Texas et depuis mars 1994 il a travaillé comme vendeur et comme directeur des ventes à la société Califf Warehouse Inc.
Le requérant a présenté une demande de résidence permanente au Canada le ou vers le 22 avril 1996, dans la catégorie professionnelle de «vendeur-véhicules automobiles» de la CCDP. Au cours de la sélection administrative préalable à l'entrevue, l'agente lui a attribué 59 points d'appréciation. Elle lui a accordé six points pour l'expérience de travail, ce qui est le maximum prévu pour cette catégorie professionnelle.
La demande du requérant s'accompagnait d'une lettre en date du 31 janvier 1996 de la société Downtown Fine Cars Inc. de Toronto. Le requérant indique que cette lettre est une offre d'emploi (l'«offre»). L'agente a examiné l'offre, mais elle n'a accordé aucun point au requérant au titre de l'emploi réservé au motif que, comme l'a admis l'avocat du requérant, cette offre n'a pas été validée par un Centre d'Emploi Canada, comme elle devait l'être.
L'agente a décidé de ne pas tenir d'entrevue parce que le requérant n'avait obtenu que 59 points au stade préalable. Même si l'agente avait convoqué le requérant en entrevue et lui avait accordé le maximum de 10 points au titre de la personnalité, qui est le facteur 9 énuméré à l'annexe 1 du Règlement sur l'immigration de 1978, DORS/78-172 (le «Règlement»), le requérant n'aurait pas réuni les 70 points requis pour obtenir le statut de résident permanent. Le requérant a été informé du rejet de sa demande dans une lettre en date du 22 mai 1996.
Le mémoire du requérant n'a pas été préparé par l'avocat qui a comparu devant la Cour. Les services de ce nouvel avocat n'ont été retenus qu'il y a environ quatre semaines. Le mémoire indique qu'un nombre insuffisant de points a été attribué au titre de l'expérience de travail du requérant. Toutefois, l'avocat de ce dernier a reconnu devant moi que le calcul effectué par l'agente était exact.
De même, le mémoire laisse entendre que, si une entrevue lui avait été accordée, le requérant aurait été en mesure d'obtenir la résidence permanente. Toutefois, n'ayant récolté que 59 points au stade préalable à l'entrevue, même une note parfaite au titre de la personnalité ne lui aurait pas permis de réunir le nombre de points requis. L'avocat a admis qu'au mieux le requérant aurait pu bénéficier de l'exercice du pouvoir discrétionnaire prévu à l'alinéa 11(3)a) du Règlement, s'il avait obtenu de bons points au titre de la personnalité et/ou si ses auto-évaluations, comme ses connaissances linguistiques, avaient été améliorées par suite de l'entrevue.
Pour ces raisons, l'avocat du requérant n'a pas repris les arguments énoncés dans le mémoire.
LES QUESTIONS EN LITIGE
L'avocat du requérant a produit de nouveaux arguments qui ne se trouvaient pas dans le mémoire. Il a indiqué que l'agente avait commis une erreur de droit en ne motivant pas son refus d'accorder au requérant une entrevue dans un cas que l'avocat qualifie de «limite». Il a ainsi qualifié cette affaire parce que la sélection préalable à l'entrevue a permis au requérant de recueillir 59 points et que, aux termes de l'alinéa 11.1a)(i) du Règlement, 60 points sont nécessaires pour qu'une entrevue soit convoquée. L'avocat du requérant fait valoir que même si le paragraphe 11(3) du Règlement ne s'applique qu'aux cas où on envisage la possibilité de délivrer un visa d'immigrant, et même si une décision motivée n'est exigée que lorsque le pouvoir discrétionnaire prévu au paragraphe 11(3) est véritablement exercé, je devrais conclure par analogie avec le paragraphe 11(3) que la décision de ne pas accorder une entrevue au requérant aurait également exigé des motifs écrits.
Comme deuxième argument, l'avocat du requérant me demande de conclure que la décision d'un agent de ne pas exercer positivement son pouvoir discrétionnaire prévu à l'alinéa 11(3)a) doit être motivée.
Je traiterai à tour de rôle de chacune de ces questions.
1.Faut-il motiver une décision de refuser une entrevue?
Si une entrevue n'est pas accordée en vertu de l'article 11.1 du Règlement, c'est parce qu'elle n'est pas «obligatoire». Il n'est pas nécessaire de tenir une entrevue si un requérant n'obtient pas un nombre précis de points d'appréciation (le «minimum»). Toutefois, le mot «obligatoire» n'exclut pas la possibilité qu'un requérant qui n'obtient pas le minimum puisse être convoqué à une entrevue même si celle‑ci n'est pas obligatoire.
L'article 11.1 ne contient aucune disposition concernant la rédaction de motifs permettant d'expliquer pourquoi un agent ne convoque pas en entrevue un candidat qui n'a pas obtenu le minimum requis. Malgré l'absence d'une telle exigence de motiver une décision à l'article 11.1, on me demande de conclure qu'une telle exigence est «implicite» en établissant une analogie avec le paragraphe 11(3). Je ne suis pas disposée à agir de la sorte, parce que j'ai conclu que ces articles ne sont pas analogues.
À mon avis, l'article 11.1 n'est qu'une des nombreuses dispositions du Règlement qui fournissent aux agents des visas des lignes directrices administratives et procédurales pour l'évaluation des demandes de visa d'immigrant. À l'opposé, le paragraphe 11(3) du Règlement confère un pouvoir discrétionnaire important et significatif à un agent des visas, lui permettant de tenir compte de facteurs et de questions pertinents à une demande de visa qui ne répond pas aux conditions strictes du régime d'appréciation par points prévu dans la Loi et le Règlement. L'agent doit motiver sa décision en vertu du paragraphe 11(3) parce qu'un agent d'immigration principal doit la revoir et approuver l'exercice du pouvoir discrétionnaire par l'agent des visas.
Non seulement l'article 11.1 et le paragraphe 11(3) du Règlement ne sont pas analogues, mais conclure que l'argument du requérant est exact imposerait un fardeau inutile et indûment lourd aux agents des visas, en les obligeant - pour chaque demande qui ne réunit pas le minimum requis - à expliquer pourquoi des circonstances spéciales n'ont pas justifié la tenue d'une entrevue. Par conséquent, en l'absence d'une disposition législative précise, je ne suis pas disposée à conclure qu'il est obligatoire de motiver la décision de refuser la tenue d'une entrevue.
2.Faut-il motiver la décision prise quand le pouvoir discrétionnaire prévu à l'alinéa 11(3)a) du Règlement sur l'immigration n'est pas exercé positivement?
Le paragraphe 13 de l'affidavit de l'agente dans la présente demande de contrôle judiciaire indique qu'elle a envisagé la possibilité d'exercer positivement le pouvoir discrétionnaire qui lui est conféré à l'alinéa 11(3)a). Son affidavit indique simplement que cela n'était pas justifié. Elle n'a à aucun moment motivé cette décision.
L'avocat du requérant déclare que, compte tenu de la longue expérience de travail du requérant et de l'offre, l'agente aurait dû exercer positivement son pouvoir discrétionnaire visé à l'alinéa 11(3)a) ou du moins motiver son refus de le faire. Le paragraphe 11(3) du Règlement exige que des motifs écrits soient fournis et approuvés par un agent d'immigration principal lorsque le pouvoir discrétionnaire prévu à cet article est invoqué, mais l'article n'oblige pas l'agent à fournir des motifs quand il n'exerce pas son pouvoir discrétionnaire.
Dans les circonstances où la loi n'exige de motifs que lorsque le pouvoir discrétionnaire est exercé, je ne suis pas disposée à conclure qu'il faut aussi fournir des motifs lorsque le pouvoir discrétionnaire n'est pas exercé. Si le législateur avait eu l'intention d'obtenir ce résultat, il l'aurait mentionné expressément dans la loi.
Pour tous ces motifs, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.
LES DÉPENS
L'avocat du requérant reconnaît qu'avant l'audience il a reçu plus d'un coup de téléphone de l'avocat de l'intimé pour lui signaler que les arguments dans le mémoire du requérant n'étaient pas fondés et lui demander quels arguments il avait l'intention de débattre. L'avocat du requérant reconnaît également qu'il n'a pas répondu aux appels et n'a jamais informé l'avocat de l'intimé de son intention de soulever les deux nouveaux arguments dont il est question ci-dessus. L'avocat de l'intimé et la Cour ont été totalement pris par surprise à l'audience aujourd'hui par la présentation de ces nouveaux arguments.
J'ai expliqué à l'avocat du requérant que, devant la présente Cour, il n'est pas autorisé à procéder sans avis et qu'il aurait dû, qu'on lui en ait ou non fait la demande, informer l'avocat de l'intimé qu'il renonçait à défendre le mémoire du requérant au profit de nouveaux arguments, ce qu'il n'a pas fait.
L'avocat de l'intimé a demandé que les dépens sur la base des frais entre parties lui soient adjugés à l'encontre du requérant. Il n'y a pas à mon avis de raisons spéciales aux termes de la règle 1618 pour justifier une adjudication des dépens à l'encontre du requérant. C'est à cause de la conduite du procureur que cette cause a été entendue sans que soient donnés les avis exigés. Par conséquent, j'ordonne que l'avocat du requérant paie personnellement à l'intimé, dans un délai de 90 jours, la somme de 100 $ au titre des dépens.
Traduction certifiée conforme
François Blais, LL.L.
AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER
INTITULÉ DE LA CAUSE :MOHAMMAD RAFIQUE CHANNA
- et -
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION
N° DU GREFFE :IMM-1980-96
LIEU DE L'AUDIENCE :Toronto (Ontario)
DATE DE L'AUDIENCE :le 19 décembre 1996
MOTIFS DE L'ORDONNANCE :LE JUGE SIMPSON
Prononcés à l'audience :le 19 décembre 1996
DATE :le 12 février 1997
ONT COMPARU :
M. Joseph S. Farkaspour le requérant
M. James Brender pour l'intimé
PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :
Joseph S. Farkas pour le requérant
Avocat et procureur
North York (Ontario)
George Thomson pour l'intimé
Sous-procureur général
du Canada