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     Date : 19980306

     Dossier : IMM-475-97

ENTRE :

     SARMAD ZAHOOR BUTT

     TASKIN SARMAD

     FARZAAM SARMAD ZAHOOR BUTT,

     requérants,

     - et -

     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,

     intimé.

     MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE MacKAY

[1]      À la clôture de l'audience en l'espèce, j'ai fait droit à la demande de contrôle judiciaire des requérants et ordonné que la décision en date du 7 janvier 1997 de la section du statut de réfugié de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié qui est litigieuse en l'espèce soit annulée et que l'affaire soit renvoyée à un tribunal constitué d'autres membres en vue d'un nouvel examen. La décision en question porte que les requérants ne sont pas des réfugiés au sens de la Convention. Au soutien de ma décision, j'ai prononcé de brefs motifs oraux que je réaffirme dans les présents motifs.

[2]      Les avocats des parties ont convenu que la seule question importante que soulève la demande de contrôle judiciaire est celle de savoir si le tribunal a respecté l'équité procédurale au cours du processus qui a mené à la prise de la décision contestée. Cette décision, par laquelle la revendication des requérants a été rejetée, repose sur l'évaluation défavorable de la crédibilité des requérants par le tribunal.

[3]      Au début de l'audience, le président de l'audience a exposé les questions que soulevait la revendication du statut de réfugié des requérants. Au cours de cet exposé, il a fait l'affirmation suivante :

     [traduction] Comme toujours, la crédibilité peut être ou ne pas être un point litigieux; cela dépend des témoignages qui seront faits aujourd'hui.         

[4]      À la fin de l'audience, lorsqu'il est devenu évident que l'audience ne pourrait pas se terminer ce jour-là, le tribunal a invité l'avocate des requérants à présenter des observations écrites, ce qu'elle a accepté de faire. Elle a toutefois demandé au tribunal de lui fournir une liste des points litigieux non réglés au sujet desquels elle était censée faire des commentaires. Dans ses observations finales, l'agent chargé de la revendication avait indiqué que la crédibilité était un point litigieux à certains égards. Avant que le tribunal n'ajourne ses travaux pour la journée, il a eu un entretien officieux avec l'avocate des requérants au sujet des points qui lui paraissaient litigieux.

[5]      Dans un affidavit, l'avocate qui représentait les requérants à ce moment-là déclare que le tribunal, au cours de cet entretien officieux, a mentionné les points au sujet desquels elle devrait faire des observations. Celui-ci n'a rien dit au sujet de la crédibilité à ce moment-là. L'avocate a relaté ce qu'elle avait compris de cet entretien au début des observations écrites qu'elle a faites après l'audience. Voici ce qu'elle a déclaré dans ces observations :

     [traduction] Le tribunal n'a pas indiqué que la crédibilité était un point litigieux à la fin de l'audience lorsque je lui ai demandé, en ma qualité d'avocate, d'énumérer les points litigieux non réglés que soulevait la revendication. Par conséquent, je ne ferai pas d'observations sur ce point. Je tiens à faire remarquer que, d'après la jurisprudence, le tribunal ne peut pas statuer sur la revendication en se fondant sur ce point s'il ne figurait pas dans la liste des points litigieux non réglés.         

[6]      Environ trois mois plus tard, le tribunal a déposé des motifs écrits. Il affirme notamment ce qui suit dans sa décision :

     [traduction] Dans ses observations, l'avocate a prétendu que la crédibilité n'est pas un point litigieux et a donné à entendre que le tribunal lui avait donné pour instruction de ne pas en parler. Le tribunal n'est pas d'accord avec l'avocate, puisque celle-ci a été avisée au début de l'audience que la crédibilité était un point litigieux et que l'agent chargé de la revendication avait indiqué dans ses observations à la fin de l'audience que la crédibilité était litigieuse.         

Le tribunal a ensuite conclu que la preuve produite au nom des requérants n'était pas digne de foi. Pour cette raison, le bien-fondé de leur revendication du statut de réfugié n'avait pas été établi.

[7]      L'avocat de l'intimé soutient que la crédibilité est toujours un point litigieux dans une revendication du statut de réfugié, que le tribunal a indiqué qu'il s'agissait d'un point litigieux au début de l'audience et que le tribunal a nié dans ses motifs avoir dit que la crédibilité n'était pas un point litigieux. L'intimé invoque l'arrêt Paranawithana c. Le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration (IMM-670-96), 21 novembre 1996 (C.F. 1re inst.), dans lequel le juge Heald a conclu que puisque le tribunal avait indiqué au début de l'audience que la crédibilité était un point litigieux, il n'avait pas, en mentionnant par la suite que la principale question en litige était un changement de circonstances dans le pays, supprimé la crédibilité en tant que point litigieux.

[8]      Selon moi, les circonstances de l'espèce sont différentes. Au début de l'audience, le tribunal a mentionné que la crédibilité pouvait être un point litigieux. Par la suite, l'avocate lui a demandé de préciser les points au sujet desquels elle devrait faire des observations écrites. Ces points ont fait l'objet d'une discussion et la crédibilité n'a pas été mentionnée à ce moment-là. Dans les observations écrites qu'elle a présentées, l'avocate a indiqué qu'elle avait cru comprendre que la crédibilité n'était pas un point litigieux. Cette compréhension à la base des observations écrites qui ont été présentées est restée sans réponse jusqu'à ce que le tribunal rende sa décision trois mois plus tard, et la crédibilité est le point sur lequel il a fait reposer sa décision.

[9]      Selon moi, les circonstances de l'espèce sont clairement comparables à celles de l'affaire Velauthar c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (1992), 141 N.R. 239 (C.A.F.). Dans cette affaire, la Cour d'appel a conclu que, puisque le tribunal avait précisé les questions au sujet desquelles des observations devaient être faites et que celles-ci ne comprenaient pas la crédibilité, le tribunal ne pouvait pas faire reposer sa décision sur des conclusions défavorables quant à la crédibilité sans donner au requérant la possibilité de dissiper ses craintes. La procédure, sans cette possibilité, constituait un déni de justice naturelle et la décision a été annulée. Des circonstances similaires ont amené mon collègue le juge Gibson à rendre une décision similaire dans l'affaire Rodriguez c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1995] A.C.F. no 77 (C.F. 1re inst.).

[10]      À mon avis, le défaut du tribunal d'indiquer que la crédibilité était un point litigieux lorsqu'il a, à la demande de l'avocate, énuméré les points au sujet desquels des observations devraient être faites a entraîné un déni de justice naturelle vu la décision du tribunal que la preuve des requérants n'était pas digne de foi. Dans les circonstances, les requérants n'ont pas eu la possibilité de débattre la question fondamentale sur laquelle le tribunal a fait reposer sa décision.

[11]      Pour ces motifs, la Cour a ordonné que la demande de contrôle judiciaire soit accueillie, que la décision du tribunal soit annulée et que l'affaire soit renvoyée à un tribunal constitué d'autres membres en vue d'un nouvel examen.

                                 W. Andrew MacKay

                                     Juge

OTTAWA (ONTARIO)

Le 6 mars 1998

Traduction certifiée conforme

Marie Descombes, LL.L.

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

     AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER

NUMÉRO DU GREFFE :              IMM-475-97

INTITULÉ DE LA CAUSE :          SARMAD ZAHOOR BUTT ET AUTRES c. MCI

LIEU DE L'AUDIENCE :          Toronto (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :          Le 3 mars 1998

MOTIFS DE L'ORDONNANCE PRONONCÉS PAR LE JUGE MacKAY

EN DATE DU 6 MARS 1998

ONT COMPARU :

Mme Helen Kim                          POUR LE REQUÉRANT

M. Brian Frimeth                      POUR L'INTIMÉ

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :

Mme Wendy Lack                          POUR LE REQUÉRANT

Toronto (Ontario)

M. George Thomson                      POUR L'INTIMÉ

Sous-procureur général du Canada

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