Date : 20001030
Dossier : IMM-5975-99
ENTRE :
GYOZO STUMF, HAJNALKA ILLYES
et HAJNALKA VIVIEN STUMF
demandeurs
- et -
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ
ET DE L'IMMIGRATION
défendeur
MOTIFS DE L'ORDONNANCE
LE JUGE SIMPSON
[1] Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire, fondée sur l'art.82.1 de la Loi sur l'immigration, L.R.C. (1985), ch. I-2 (la Loi), d'une décision datée du 19 novembre 1999 dans laquelle la Section du statut de réfugiéde la Commission de l'immigration et du statut de réfugié(la Commission) a refuséla demande que les demandeurs avaient présentée en vue d'obtenir la réouverture de leurs revendications du statut de réfugié. La Commission avait auparavant conclu que les demandeurs s'étaient désistés de leurs revendications vu qu'ils avaient omis de produire des formulaires de renseignements personnels (FRP) et de comparaître à une audition en examen de leur désistement.
Les faits
[2] Les demandeurs, qui sont des époux, et leur jeune enfant, sont des citoyens de la Hongrie (les demandeurs). Arrivés au Canada en provenance de Hongrie le 12 mars 1999, ils ont peu après revendiquéle statut de réfugiés au motif qu'ils étaient persécutés en Hongrie vu leur origine tzigane. Les demandeurs ont déposéleurs revendications à Etobicoke (Ontario), avec l'aide de Judy Simms, qui agissait pour leur compte en tant que consultante en immigration. Comme ils vivaient dans une résidence temporaire et n'avaient pas d'adresse postale permanente au Canada, ils ont fourni aux fonctionnaires de l'Immigration l'adresse du bureau de Mme Simms à titre d'adresse postale pour des fins d'immigration.
[3] Voici comment l'affaire s'est déroulée, selon les dossiers de la Commission :
4 juin 1999 Une trousse préparée par la Commission et qui contenait les FRP des demandeurs a été envoyée par la poste à Mme Simms. Les demandeurs devaient remplir et produire leurs FRP au plus tard le 15 juillet 1999.
22 juin 1999 Madame Simms a fait parvenir une télécopie à la Commission dans laquelle elle mentionnait qu'elle avait reçu les FRP. Elle a demandé à quelle date les FRP devaient être produits; on lui a répondu le 15 juillet.
9 juillet 1999 Madame Simms a fait parvenir une autre télécopie à la Commission dans laquelle elle demandait une prorogation du délai vu qu'elle n'avait pas eu de nouvelles des demandeurs et que ses efforts en vue de communiquer avec eux par l'entremise de leurs amis avaient été vains.
12 juillet 1999 Un commissaire agissant seul a rejeté la demande de Mme Simms en prorogation du délai applicable au dépôt des FRP des demandeurs.
14 juillet 1999 La Commission a envoyé à Mme Simms par courrier ordinaire affranchi un avis de convocation à une audience concernant le désistement d'une revendication du statut de réfugié au sens de la Convention (l'avis d'audience). L'avis d'audience a également été envoyé à l'adresse temporaire des demandeurs. Cet avis a été retourné par le bureau de poste vu qu'il ne pouvait être livré. Cependant, la Commission n'a rien reçu du bureau de poste indiquant que Mme Simms n'avait pas reçu l'avis d'audience.
4 août 1999 Ni les demandeurs, ni Mme Simms n'ont comparu à l'audience pour expliquer pourquoi la Commission ne devait pas conclure que les demandeurs s'étaient désistés de leurs revendications du statut de réfugié (l'audience sur le désistement).
27 août 1999 Deux commissaires ont rendu une décision portant que les demandeurs s'étaient désistés de leurs revendications.
25 et 26 octobre Monsieur Stumf s'est rendu au bureau de la Commission pour savoir où
1999 en était sa revendication du statut de réfugié et il a appris qu'on avait conclu qu'il s'en était désisté. Il a déposé un avis de changement d'adresse de même qu'une demande de réouverture des revendications du statut de réfugié (la demande de réouverture), qui a pris la forme d'une lettre de M. Sarkozi, qui était le nouveau consultant des demandeurs en matière d'immigration. Les documents produits comprenaient également un affidavit vicié vu qu'il avait été entièrement écrit comme si M. Sarkozi devait le signer, mais qu'il avait, en fait, été signé par M. Stumf (le premier affidavit).
18 novembre 1999 La demande de réouverture a été examinée et rejetée par un commissaire agissant seul. Il s'agit de la décision en cause dans la présente demande de contrôle judiciaire (la décision).
19 novembre 1999 La Commission a téléphoné à M. Sarkozi et laissé un message dans sa boîte vocale l'informant que la demande de réouverture avait été rejetée et exposant les motifs de la décision. Le message invitait M. Sarkozi à communiquer avec la Commission, ce qu'il n'a pas fait.
19 novembre 1999 L'avis de la décision de la Commission a été envoyé aux demandeurs par la poste. Il mentionnait simplement que la demande de réouverture avait été rejetée et ne fournissait pas les motifs de la décision.
La décision
[4] Pour le dossier, le commissaire a exposépar écrit ses motifs de décision, que voici (les motifs) :
[TRADUCTION] Les revendicateurs étaient représentés par une conseillère qui a demandéune prorogation du délai applicable au dépôt des FRP. Le dossier ne contient pas d'information étayant le fait que les revendicateurs et leur conseillère n'avait pas reçu les avis PABA*. Les revendicateurs et leur conseillère n'ont pas comparu à l'audience sur le désistement (désistement vu l'absence de FRP). Les revendicateurs et leur conseillère n'ont pas avisé la CISR du changement d'adresse de ces derniers. Contrairement à la déclaration de M. Sochozy (sic), c'est la conseillère des revendicateurs qui a mentionné à la Commission qu'elle avait du mal à communiquer avec ceux-ci. La décision portant que les revendicateurs se sont désistés de leurs revendications ne constituait pas une violation de la justice naturelle.
La preuve
[5] Lorsqu'il a pris sa décision, le commissaire disposait du dossier de la Commission, dont le premier affidavit, qui était vicié. Voici ce qu'il ressortait de ces documents :
1. Que Mme Simms avait préparé les formulaires de réfugiés de l'intérieur des demandeurs;
2. Que les demandeurs avaient communiqué avec Mme Simms « plusieurs fois » et qu'elle leur avait dit d'attendre que les trousses comprenant les FRP arrivent (aucun détail n'a été fourni au sujet des dates auxquelles ils ont communiqué avec Mme Simms, mais il est ressorti de la preuve que tous les contacts avaient eu lieu avant que Mme Simms ne reçoive les FRP);
3. Que Mme Simms a reçu les trousses comprenant les FRP et demandé une prorogation du délai applicable à leur dépôt au motif qu'elle ne pouvait joindre les demandeurs;
4. Que la journée même où se tenait l'audience sur le désistement, soit le 4 août 1999, les demandeurs ont communiqué leur nouvelle adresse à Mme Simms;
5. Que, sur la base des renseignements et impressions soit de M. Sarkozi ou de M. Stumf, ni les demandeurs, ni Mme Simms n'ont reçu l'avis d'audience. À cet égard, le paragraphe 5 du premier affidavit mentionnait :
[TRADUCTION] Les revendicateurs et Judy Simps (sic) déclarent, et j'ai tous les motifs de croire, qu'ils n'ont pas reçu l'avis de convocation à une audience sur le désistement des revendications de M. Stumf et des autres membres de sa famille;
6. Que les demandeurs n'ont jamais eu l'intention de se désister de leurs revendications du statut de réfugié; et
7. Que l'adresse de Mme Simms constituait l'adresse des demandeurs pour des fins d'immigration jusqu'au 4 août 1999.
[6] Outre le fait que le premier affidavit n'était pas valide, les documents dont disposait la Commission ne contenaient pas de renseignements au sujet de deux questions importantes. Il est extrêmement révélateur qu'ils ne contenaient pas d'affidavit de Mme Simms confirmant qu'elle n'avait pas reçu l'avis d'audience et, deuxièmement, qu'ils ne contenaient aucune preuve des demandeurs ou de Mme Simms établissant clairement que ces derniers avaient communiqué avec elle au cours de la période de six semaines qui s'était écoulée entre le 22 juin (date à laquelle elle disposait des FRP, selon le dossier) et la date de la tenue de l'audience sur le désistement, soit le 4 août 1999. En effet, comme il a déjà été mentionné, il ressortait du premier affidavit que tous les contacts avaient eu lieu avant que les FRP ne parviennent au bureau de Mme Simms.
[7] Pour étayer la présente demande de contrôle judiciaire, M. Stumf a signé un affidavit daté du 29 janvier 2000 (le deuxième affidavit). Cependant, cet affidavit ne fournissait pas de renseignements supplémentaires sur les questions importantes que j'ai déjà mentionnées. Pour ce qui est de la question de savoir si Mme Simms a reçu l'avis d'audience, le deuxième affidavit de M. Stumf répétait essentiellement l'information que contenait le premier affidavit :
[TRADUCTION] 6. Notre demande avisait en outre le Tribunal qu'à l'instar de la consultante, Judy Simps (sic), nous n'avons pas reçu d'avis de convocation à l'audience sur le désistement...
[8] En ce qui concerne la question de savoir si les demandeurs ont maintenu un contact avec Mme Simms de la fin du mois de juin à la fin de juillet 1999, la preuve que contient le deuxième affidavit diffère de celle du premier affidavit. Bien que le deuxième affidavit ait répété l'information selon laquelle les demandeurs ont communiqué « plusieurs fois » avec Mme Simms et été avisés d'attendre qu'elle reçoive les trousses comprenant les FRP, il ne reprenait pas la preuve du premier affidavit au sujet de la date de déménagement des demandeurs (le 1er août) et du fait qu'ils ont informé Mme Simms de leur nouvelle adresse trois jours plus tard (le 4 août). Le deuxième affidavit contenait seulement l'information suivante :
[TRADUCTION] 5. Lorsque nous avons obtenu une adresse permanente, en août 1999, la consultante nous a assurés qu'elle avait communiquéla nouvelle adresse à la Commission de l'immigration et du statut de réfugié.
[9] En conséquence, aucune preuve ne m'a été soumise établissant que les demandeurs avaient communiqué avec Mme Simms entre le 22 juin et la date de l'audience sur le désistement, soit le 4 août 1999, et je n'ai été saisie d'aucune preuve de Mme Simms qu'elle n'avait pas reçu l'avis d'audience.
Les questions litigieuses
[10] Les demandeurs soutiennent que :
1. La décision est abusive vu que le premier affidavit mentionne au paragraphe 5 que ni Mme Simms ni les demandeurs n'ont reçu l'avis d'audience.
2. La Commission était tenue de demander d'autres ou de meilleurs éléments de preuve, et son omission à cet égard constituait une violation de la justice naturelle.
3. La décision n'était pas exécutoire vu qu'elle a été prise par un commissaire agissant seul alors qu'il aurait fallu que deux commissaires la prennent.
4. Des motifs écrits devaient être fournis mais ne l'ont pas été.
5. La norme de contrôle qu'il convient d'appliquer à la décision est celle de la « décision correcte » .
Première question litigieuse
[11] Il est clair selon moi que la Commission n'a pas accepté la déclaration du premier affidavit que ni Mme Simms, ni les demandeurs n'ont reçu l'avis d'audience. Compte tenu du fait que le premier affidavit était invalide et confus, je suis d'avis que la Commission pouvait douter du bien-fondé de celui-ci et chercher à obtenir des éléments de preuve corroborant l'omission des demandeurs de recevoir l'avis d'audience. Or, son dossier ne contenait pas une telle preuve. La conclusion de la Commission selon laquelle [TRADUCTION] « [l]e dossier ne contient pas d'information étayant le fait que les revendicateurs et leur conseillère n'avaient pas reçu les avis PABA » était fondée sur la base que la réception de l'avis d'audience par Mme Simms équivalait à sa réception par les demandeurs, et le dossier de la Commission ne contenait pas de preuve établissant que Mme Simms n'avait pas reçu l'avis d'audience. Une preuve établissait que les demandeurs n'avaient pas reçu l'avis d'audience à leur adresse temporaire, mais comme il est clair qu'ils utilisaient l'adresse du bureau de Mme Simms en tant qu'adresse officielle pour des fins d'immigration jusqu'à une certaine date au mois d'août, il n'était pas nécessaire que la Commission se préoccupe du fait que l'avis d'audience envoyé à leur adresse temporaire lui avait été retourné. En conséquence, la décision de la Commission à cet égard n'était pas abusive.
Deuxième question litigieuse
[12] À mon avis, la Commission avait le pouvoir discrétionnaire, mais non l'obligation, de demander d'autres éléments de preuve, tel un affidavit de Mme Simms. Pour cette raison, son omission à cet égard ne constituait pas une violation de la justice naturelle. Je fais remarquer que l'avocat des demandeurs qui a comparu devant moi a inclus dans son recueil de jurisprudence à l'appui la décision que Madame le juge McGillis a rendue dans l'affaire Ning Ou c. Le ministre de la Citoyennetéet de l'Immigration (1999), 48 Imm. L.R. (2d) 131 (C.F. 1re inst.), dans laquelle elle a conclu que de nouveaux éléments de preuve pouvaient être produits dans le cadre d'une demande de contrôle judiciaire lorsque la question litigieuse en cause portait sur le désistement d'une revendication du statut de réfugié et non sur le bien-fondé d'une telle revendication. Cependant, lorsque j'ai demandé à l'avocat pourquoi un affidavit de Mme Simms déclarant qu'elle n'avait pas reçu l'avis d'audience n'a pas été produit dans le cadre de la présente audition, aucune réponse ne m'a été fournie et aucun affidavit supplémentaire n'a été produit. L'omission inexpliquée de produire un affidavit de Mme Simms ou encore un affidavit plus précis de M. Stumf décrivant les dates de ses communications avec Mme Simms m'amène à conclure, comme la Commission l'a clairement fait, que Mme Simms a bel et bien reçu l'avis d'audience et que les demandeurs n'ont pas communiqué avec elle entre le 22 juin et la date de la tenue de l'audience sur le désistement, soit le 4 août 1999.
[13] Je fais remarquer que dans une telle situation, où les demandeurs cherchent à obtenir une réparation discrétionnaire, il incombe à ces derniers de produire des éléments de preuve claire et convaincante établissant qu'ils n'ont pas reçu l'avis d'audience et n'ont pas commis de faute empêchant qu'ils reçoivent cet avis. Or, ils n'ont pas rempli cette obligation.
Troisième question litigieuse
[14] Les demandeurs ont dit qu'en raison des paragraphes 69.1(7) et (8) de la Loi, leur demande de réouverture de leurs revendications du statut de réfugié aurait dû être entendue par deux commissaires. Cet argument a été soulevé pour la première fois par l'avocat des demandeurs à l'audition. J'ai donc demandé aux deux parties de me fournir des observations écrites, ce qu'ils ont fait. J'ai tenu compte de ces observations en préparant les présents motifs.
[15] L'article 69.1 de la Loi, intitulé « Audience des revendications du statut de réfugié » , porte sur la façon de trancher les revendications du statut de réfugié, soit par la tenue d'auditions sur le bien-fondé des revendications, soit par suite du désistement de telles revendications, et il est clair, conformément au par. 69.1(7), qu'en l'absence de consentement, deux commissaires doivent entendre l'audience sur le désistement d'une revendication du statut de réfugié. Cependant, il a été satisfait à cette exigence en l'espèce. La décision de la Commission sur le désistement a été prise par deux commissaires.
[16] À mon avis, la demande de réouverture n'était pas visée par l'article 69.1 de la Loi vu que l'exigence de deux commissaires que prévoit cet article ne s'applique qu'aux auditions portant sur le bien-fondé des revendications du statut de réfugié ou à celles en matière de désistement. Les observations des demandeurs sur cette question paraissent identiques à celles qui avaient été faites devant notre Cour dans l'affaire Faghihi c. M.C.I., [2000] 1 C.F. 249 (1re inst.). Je souscris au raisonnement du juge Evans (maintenant juge de la Cour d'appel) sur cette question (au paragraphe 10) :
Le paragraphe 69.1(7) ne s'applique qu'à « une audience tenue dans le cadre du présent article » . Il n'y a que deux sortes d'audiences qui sont tenues conformément à l'article 69.1. Le paragraphe 69.1(1) prévoit une audience relative à une revendication de statut de réfugié, et le paragraphe 69.1(6) prévoit une audience en cas de désistement d'une revendication. Le paragraphe 69.1(7) ne comprend donc pas une requête pour faire rouvrir une décision de rejet d'une revendication.
[17] La Loi ne contient aucune disposition concernant les demandes présentées à la Commission. Cependant, le paragraphe 65(1) de la Loi prévoit que des règles peuvent être établies en vue de régir les activités, la procédure et la pratique, entre autres de la Commission. Les règles pertinentes sont les Règles de la section du statut de réfugié (les Règles), et la Règle 28 traite des requêtes. Cependant, elle ne prévoit pas le nombre de commissaires qui doivent trancher les requêtes.
[18] L'avocat des demandeurs a soutenu que la Règle 29 prévoit que les requêtes doivent être entendues par deux commissaires. La Règle 29, qui paraît sous la rubrique intitulée « Décisions » , prévoit :
En cas de décision partagée en matière interlocutoire, le président de l'audience a voix prépondérante.
[19] J'ai également examiné la Règle 39. Elle paraît sous la rubrique « Dispositions générales » et prévoit :
Les présentes règles ne sont pas exhaustives; en l'absence de dispositions sur des questions qui surviennent dans le cadre d'une procédure, la section du statut peut prendre les mesures voulues pour assurer une instruction approfondie de l'affaire et le règlement des questions de façon expéditive.
[20] Après avoir examiné les règles 29 et 39 ensemble, j'ai conclu que comme ni la Loi ni les Règles ne prévoyaient de quorum pour ce qui est du nombre de commissaires qui devaient entendre la requête, la Commission avait le pouvoir discrétionnaire, en vertu de la Règle 39, de désigner un commissaire qui entendrait la requête. Cependant, si la Commission avait choisi de désigner deux commissaires, et si ceux-ci n'étaient pas parvenus à s'entendre quant à l'issue de la requête, il aurait fallu appliquer la Règle 29. En l'espèce, comme un seul commissaire a été désigné, je suis d'avis que la Règle 29 ne s'appliquait pas (voir également Faghihi, précitée, au paragraphe 30).
[21] Les demandeurs ont dit que la détermination qu'avait faite M. le juge Evans dans l'affaire Faghihi était erronée et ils ont laisséentendre que ce dernier n'avait peut-être pas pris connaissance de l'arrêt Weerasinge c. Canada, [1994] 1 C.F. 330, de la Cour d'appel. Dans l'arrêt Weerasinge, la disposition en cause était le par. 63(2) de la Loi, qui permet à un commissaire agissant seul de rendre une décision sur le bien-fondé d'une revendication du statut de réfugié au sens de la Convention lorsqu'un des commissaires qui a entendu la revendication devient incapable de prendre part à la décision. La Cour d'appel a conclu que le fait d'invoquer le par. 63(2) était une affaire grave, et elle a dit que lorsque cette disposition s'applique, il convient de verser au dossier de la Commission une déclaration complète des circonstances importantes. La Cour a souligné qu'en vertu du paragraphe 69.1(7) de la Loi, les revendicateurs du statut de réfugié ont habituellement droit à ce que leur revendication soit tranchée (par une décision sur le bien-fondé ou le désistement de la revendication) dans le cadre d'une audition tenue devant une formation de deux commissaires. En outre, à moins que le revendicateur y ait consenti, ou à moins que le paragraphe 63(2) s'applique, un commissaire agissant seul n'a pas compétence pour trancher une revendication du statut de réfugié. Les demandeurs soutiennent que cette conclusion devrait vouloir dire qu'un membre de la Commission agissant seul n'a pas non plus compétence pour entendre une requête en réouverture d'une revendication du statut de réfugié.
[22] Je suis d'avis que l'arrêt Weerasinge ne s'applique pas en l'espèce. En effet, les revendications du statut de réfugié des demandeurs ont déjà été tranchées conformément à la Loi. En conséquence, comme j'ai déjà conclu, et comme le juge Evans a conclu dans l'affaire Faghihi, la Loi ne contient pas de disposition applicable à une demande de réouverture d'une décision selon laquelle l'intéressé s'est désisté de sa revendication.
[23] À ce stade-ci, il importe d'examiner la demande de réouverture des revendications du statut de réfugiés des demandeurs dans son véritable contexte procédural. À mon avis, ces revendications ont été tranchées par une formation de deux commissaires en vertu du paragraphe 69.1(7) de la Loi lorsque la décision selon laquelle les demandeurs s'étaient désistés de leurs revendications a été prise. Par la suite, les demandeurs ont pu présenter une demande d'autorisation en vue de pouvoir déposer une demande de contrôle judiciaire contre la décision, et, lorsque le délai applicable à cette demande a expiré, les revendications du statut de réfugiés des demandeurs a également expiré.
[24] Comme je l'ai déjà souligné, la Loi ne mentionne pas les demandes de réouverture des revendications du statut de réfugié dont les intéressés se sont désistés. De telles demandes sont présentées en vertu de la Règle 28 de la Commission, qui prévoit la procédure à suivre. Cependant, ni la Loi, ni les Règles ne fournissent un cadre d'examen d'une telle demande. Il n'existe aucune directive au sujet des facteurs à considérer ou du critère à appliquer.
[25] Il semble probable que la plupart des demandes de réouverture seront présentées dans des situations où les revendicateurs du statut de réfugié n'ont pas reçu d'avis concernant l'audience sur le désistement, ignoraient la décision de la Commission, et, partant, n'ont pas cherché à obtenir le contrôle judiciaire de cette dernière.
[26] Dans de telles situations, la question à trancher dans le cadre d'une demande de réouverture est de savoir si le demandeur a reçu l'avis de l'audience sur le désistement de sa revendication du statut de réfugié. Si le défendeur ne parvient pas à établir qu'un avis en bonne et due forme a été remis au demandeur, la demande sera accueillie sur la base que celui-ci n'a pas eu l'occasion de se faire entendre.
[27] Il s'agit de savoir s'il existe un quelconque principe de justice naturelle qui exige que deux commissaires doivent déterminer si un avis en bonne et due forme a été remis. À mon avis, il convient de répondre à cette question par la négative. Je ne vois aucune raison pour laquelle un commissaire agissant seul ne peut tenir une instruction approfondie au sujet d'une demande de réouverture d'une revendication du statut de réfugié par suite d'une décision portant que l'intéressé s'en est désisté..
[28] Pour résumer, j'ai conclu que les demandeurs en l'espèce n'avaient aucun droit prévu par la loi d'obtenir que leur demande soit examinée par deux commissaires, et qu'aucun principe de justice naturelle n'exigeait que la demande soit entendue par une formation de deux commissaires.
Quatrième question litigieuse
[29] À mon avis, le paragraphe 69.1(11) de la Loi n'exigeait pas que des motifs écrits en bonne et due forme soit fournis aux demandeurs, étant donné que la Commission n'examinait pas le bien-fondé des revendications du statut de réfugiés de ces derniers. J'ai donc conclu que les motifs manuscrits du commissaire remplissaient les normes énoncées dans l'arrêt Baker c. Canada (Ministre de la Citoyennetéet de l'Immigration), [1999] 2 R.C.S. 817 (Baker). Les motifs expliquaient les conclusions de la Commission et ils ont été promptement communiqués par téléphone à M. Sarkozi, qui représentait les demandeurs à l'époque.
Cinquième question litigieuse
[30] D'une part, les demandeurs ont dit qu'il ne convenait pas de faire preuve d'une grande retenue et que la norme de contrôle qu'il convenait d'appliquer en l'espèce était celle de la « décision correcte » . D'autre part, le ministère public m'a invitée à conclure qu'il convenait de faire preuve de la plus grande retenue à l'égard de la Commission et que c'était plutôt la norme correspondante de la « décision manifestement déraisonnable » qu'il convenait d'appliquer. Le ministère public a soutenu que la décision de ne pas rouvrir les revendications du statut de réfugiés des demandeurs était de nature procédurale, et que la décision de rouvrir ou non une revendication était fondée sur les faits de l'affaire en cause. J'accepte que la Commission a l'expertise voulue pour traiter de ses propres règles et des questions relatives aux avis, et qu'il convient de faire preuve d'une retenue considérable à son égard.
[31] Cependant, deux facteurs m'ont amenée à rejeter les observations de l'une et l'autre partie et à conclure qu'il convient d'appliquer la norme de la « décision raisonnable » en l'espèce. Premièrement, la décision a pour effet d'empêcher le rétablissement des revendications du statut de réfugiés des demandeurs. Compte tenu de la gravité de l'incidence de la décision et de l'absence d'une clause privative, il ne convient pas de faire preuve de la plus grande retenue à l'égard de la Commission. Cependant, pour les motifs que j'ai déjà exposés, la norme de la « décision correcte » que les demandeurs ont proposée n'est pas non plus convenable.
La conclusion
[32] Pour ces motifs, la demande est rejetée.
Les questions certifiées
[33] L'avocat des demandeurs a proposé que les questions suivantes soient certifiées. Je les ai légèrement modifiées :
1. Une décision, fondée sur la Règle 28 des Règles, refusant la demande de réouverture d'une revendication à l'égard de laquelle il a été conclu que l'intéressé s'était désisté doit-elle être examinée par la Cour fédérale au regard de la norme de la « décision correcte » suivant l'arrêt Pushpanathan c. Canada (Ministre de la Citoyennetéet de l'Immigration), [1998] 1 R.C.S. 982, ou de la norme de la « décision raisonnable » suivant l'arrêt Baker?
2. Une telle décision doit-elle être prise par deux commissaires entendant la demande en vertu des par. 69.1(7) et (8) de la Loi?
3. La décision de la Commission à l'égard de la demande doit-elle être étayée par des motifs écrits en vertu du par. 69.1(11) de la Loi et/ou de l'arrêt Baker?
[34] La Cour ne certifie pas la première question, car je suis d'avis que peu importe la norme de contrôle qu'il convient d'appliquer, la Commission pouvait prendre cette décision en exerçant son pouvoir discrétionnaire à l'égard de la demande de réouverture. En conséquence, toute réponse apportée à cette question en appel ne modifierait pas l'issue de la présente demande de contrôle judiciaire.
[35] La Cour certifie la question suivante afin de traiter de la deuxième question susmentionnée :
La demande de réouverture des revendications du statut de réfugiédes demandeurs par suite de la décision de la Commission selon laquelle les demandeurs se sont désistés de leurs revendications aurait-elle dûêtre entendue par deux commissaires conformément au par. 69.1(7) de la Loi sur l'immigration, L.R.C. (1985), ch. I-2, ou conformément aux règles de la justice naturelle?
[36] La Cour ne certifie pas la troisième question vu que la Cour suprême du Canada y a répondu dans l'arrêt Baker, dans lequel elle a jugé que des notes manuscrites constituaient des motifs suffisants pour étayer une décision qui, à l'instar de la décision en l'espèce, revêtait une importance considérable pour la demanderesse.
« Sandra J. Simpson »
juge
Vancouver (C.-B.)
Le 30 octobre 2000
Traduction certifiée conforme
Bernard Olivier, B.A., LL.B.
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
INTITULÉDE LA CAUSE : GYOZO STUMF, HAJNALKA ILLYES
et HAJNALKA VIVIEN STUMF
- c. -
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ
ET DE L'IMMIGRATION
NO DU GREFFE : IMM-5975-99
LIEU DE L'AUDIENCE : Toronto (Ontario)
DATE DE L'AUDIENCE : Le 8 août 2000
MOTIFS DE L'ORDONNANCE EXPOSÉS PAR MADAME LE JUGE SIMPSON
EN DATE DU : 30 octobre 2000
ONT COMPARU :
M. Rocco Galati pour les demandeurs
Mme Marissa Beata Bielski pour le défendeur
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Galati, Rodrigues & Associates pour les demandeurs
Toronto (Ontario)
Morris Rosenberg pour le défendeur
Sous-procureur général du Canada
Ottawa (Ontario)
Date : 20001030
Dossier : IMM-5975-99
Vancouver (Colombie-Britannique), le lundi 30 octobre 2000
EN PRÉSENCE DE MADAME LE JUGE S. SIMPSON
ENTRE :
GYOZO STUMF, HAJNALKA ILLYES
et HAJNALKA VIVIEN STUMF
demandeurs
- et -
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ
ET DE L'IMMIGRATION
défendeur
ORDONNANCE
VU la demande de contrôle judiciaire que les demandeurs ont présentée contre une décision, datée du 19 novembre 1999, de la Section du statut de réfugié de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (la Commission);
ET ayant entendu les avocats des deux parties à Toronto le 8 août 2000;
ET ayant mis la décision en délibéré afin d'examiner les observations orales des avocats et leurs observations écrites ultérieures;
ET ayant été avisé par les demandeurs qu'ils avaient trois questions à faire certifier;
LA COUR ORDONNE que, pour les motifs exposés aujourd'hui :
1. La demande de contrôle judiciaire soit rejetée.
2. La question suivante soit certifiée afin de faire l'objet d'un appel :
La demande de réouverture des revendications du statut de réfugiédes demandeurs par suite de la décision de la Commission selon laquelle les demandeurs se sont désistés de leurs revendications aurait-elle dûêtre entendue par deux commissaires conformément au par. 69.1(7) de la Loi sur l'immigration, L.R.C. (1985), ch. I-2, ou conformément aux règles de la justice naturelle?
« Sandra J. Simpson »
juge
Traduction certifiée conforme
Bernard Olivier, B.A., LL.B.