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Date : 20040325

Dossier : IMM-1145-03

Référence : 2004 CF 446

Ottawa (Ontario), le 25 mars 2004

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE JAMES RUSSELL

ENTRE :

                                                  MOHAMMAD ZAHIR ZAHERI

                                                                                                                                          demandeur

                                                                             et

                     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                           défendeur

                                MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1]                Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire qui vise une décision datée du 22 novembre 2002 (la décision) rendue par un fonctionnaire de l'immigration (l'agent) du bureau des visas du Haut-commissariat du Canada à Islamabad. Par cette décision, la demande de résidence permanente (parrainée par l'épouse) présentée par Mohammad Zahir Zaheri (le demandeur) a été refusée parce qu'il était une personne visée à l'alinéa 35(1)b) de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés (la LIPR).


LES FAITS

[2]                De 1975 à 1992, le demandeur a été membre du Parti démocratique du peuple afghan. De 1987 à 1989, il a été un dirigeant de la ville de Kaboul. Il a en outre servi dans les forces progouvernementales après qu'elles l'eurent libéré de sa détention par les moudjahidines. Le gouvernement marxiste d'Afghanistan, pour lequel le demandeur a servi dans l'armée et a agi à titre de dirigeant de Kaboul, est un régime qui est désigné par le ministre comme un régime ayant participé au terrorisme, à des violations graves ou répétées des droits de la personne, à un génocide ou à des crimes de guerre ou des crimes contre l'humanité au sens des paragraphes 6(3) à (5) de la Loi sur les crimes contre l'humanité et les crimes de guerre. Par conséquent, le demandeur était interdit de territoire suivant l'alinéa 35(1)b) de la LIPR.

[3]                Le 21 octobre 1994, l'ancien régime marxiste d'Afghanistan entre 1978 et 1992 a été désigné par le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration (le ministre) comme un gouvernement qui, selon le ministre, « s'était livré à des violations graves ou répétées des droits de la personne » .

LA DÉCISION FAISANT L'OBJET DU CONTRÔLE

[4]                Le demandeur a présenté une demande de résidence permanente en tant que parent au Haut-commissariat du Canada à Islamabad en novembre 2000.

[5]                Le demandeur a été reçu en entrevue en mars 2001 et sa demande a été refusée parce que l'agent n'était pas convaincu qu'il existait des motifs raisonnables de croire que sa répondante pourrait subvenir aux besoins du demandeur sans avoir recours à l'aide sociale étant donné qu'elle avait reçu des prestations d'aide sociale au cours des trois années antérieures. La répondante du demandeur a par la suite interjeté un appel auprès de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (Section d'appel) à l'égard du rejet de la demande. L'appel a été accueilli sur le fondement de considérations d'ordre humanitaire en février 2002.

[6]                La demande de résidence permanente a fait l'objet d'une réouverture et, en octobre 2002, le dossier du demandeur a été examiné à nouveau afin que soient évalués les aspects du traitement de la demande touchant la criminalité et la sécurité.

[7]                Le formulaire de demande mentionnait que le demandeur avait été membre du Parti démocratique du peuple afghan (PDPA) de 1974 à 1992 et qu'il avait été un dirigeant de la ville de Kaboul de 1977 à 1988. Le demandeur a été reçu en entrevue afin de discuter des préoccupations que soulevaient ces faits.

[8]                Au cours de l'entrevue du 7 novembre 2002, le demandeur a déclaré qu'il avait joint le PDPA parce qu'il avait confiance dans son programme. Il a déclaré que, en tant que membre du parti, il distribuait des dépliants et organisait des rencontres. Il a déclaré qu'il n'occupait pas un poste rémunéré au sein du PDPA.


[9]                Le demandeur a en outre déclaré qu'il avait été un dirigeant de la ville de Kaboul. Il a occupé ce poste de 1977 à 1989. Le demandeur a déclaré qu'en tant que dirigeant il relevait d'un directeur général, Haji Azizullah, qui lui relevait d'un président, Abdul Rahim Aziz.

[10]            Le demandeur a déclaré qu'il a été fait prisonnier en 1989 par des membres de l'Hezbe Islami. Il a affirmé qu'il a été détenu pendant deux ans parce qu'il appuyait le gouvernement Najibullah. Il a été relâché après la libération de la région par les forces gouvernementales.

[11]            Après qu'il eut été libéré, il a servi dans l'armée de 1991 à 1992. Il a en outre prétendu qu'il avait été affecté à la direction administrative du ministère de la Défense et qu'il avait occupé un poste administratif dans l'unité politique. Il relevait de Sardar Mohammad. Le commandant de l'unité était le général Bashir Hamid. L'agent a questionné le demandeur à l'égard de ses fonctions précises et il a remarqué que les réponses du demandeur étaient vagues.

[12]            Compte tenu des renseignements fournis par le demandeur à l'égard de sa participation à un régime désigné, l'agent l'a informé à la fin de l'entrevue qu'il devait examiner plus à fond la demande avant de rendre une décision quant à son admissibilité au Canada.


[13]            Après avoir examiné la demande présentée par le demandeur et en se fondant sur la durée de ses liens avec le PDPA, sur sa carrière comme fonctionnaire dans le régime marxiste du gouvernement Najibullah, sur le fait qu'il était si publiquement identifié au régime marxiste qu'il avait été emprisonné par les opposants au régime et sur le fait qu'il avait servi dans l'armée du régime, l'agent a conclu que l'alinéa 35(1)b) de la LIPR s'appliquait au demandeur. Une lettre de refus a été envoyée au demandeur et à sa répondante le 22 novembre 2002.

LA LÉGISLATION PERTINENTE

[14]            L'alinéa 35(1)b) et le paragraphe 35(2) de la LIPR sont rédigés comme suit :


35. (1) Emportent interdiction de territoire pour atteinte aux droits humains ou internationaux les faits suivants :

[...]

35. (1) A permanent resident or a foreign national is inadmissible on grounds of violating human or international rights for

...

b) occuper un poste de rang supérieur - au sens du règlement - au sein d'un gouvernement qui, de l'avis du ministre, se livre ou s'est livré au terrorisme, à des violations graves ou répétées des droits de la personne ou commet ou a commis un génocide, un crime contre l'humanité ou un crime de guerre au sens des paragraphes 6(3) à (5) de la Loi sur les crimes contre l'humanité et les crimes de guerre;

(b) being a prescribed senior official in the service of a government that, in the opinion of the Minister, engages or has engaged in terrorism, systematic or gross human rights violations, or genocide, a war crime or a crime against humanity within the meaning of subsections 6(3) to (5) of the Crimes Against Humanity and War Crimes Act;

(2) Les faits visés aux alinéas (1)b) et c) n'emportent pas interdiction de territoire pour le résident permanent ou l'étranger qui convainc le ministre que sa présence au Canada ne serait nullement préjudiciable à l'intérêt national.

(2) Paragraphs (1)(b) and (c) do not apply in the case of a permanent resident or a foreign national who satisfies the Minister that their presence in Canada would not be detrimental to the national interest.


[15]            L'article 16 du Règlement sur l'immigration et la protection des réfugiés (le Règlement) définit l'expression « poste de rang supérieur au sein d'une administration » pour l'application de l'alinéa 35(1)b) de la LIPR et énonce ce qui suit :



16. Pour l'application de l'alinéa 35(1)b) de la Loi, occupent un poste de rang supérieur au sein d'une administration les personnes qui, du fait de leurs actuelles ou anciennes fonctions, sont ou étaient en mesure d'influencer sensiblement l'exercice du pouvoir par leur gouvernement ou en tirent ou auraient pu en tirer certains avantages, notamment :

16. For the purposes of paragraph 35(1)(b) of the Act, a prescribed senior official in the service of a government is a person who, by virtue of the position they hold or held, is or was able to exert significant influence on the exercise of government power or is or was able to benefit from their position, and includes

a) le chef d'État ou le chef du gouvernement;

(a) heads of state or government;

b) les membres du cabinet ou du conseil exécutif;

(b) members of the cabinet or governing council;

c) les principaux conseillers des personnes visées aux alinéas a) et b);

(c) senior advisors to persons described in paragraph (a) or (b);

d) les hauts fonctionnaires;

(d) senior members of the public service;

e) les responsables des forces armées et des services de renseignement ou de sécurité intérieure;

(e) senior members of the military and of the intelligence and internal security services;

f) les ambassadeurs et les membres du service diplomatique de haut rang;

(f) ambassadors and senior diplomatic officials; and

g) les juges.

(g) members of the judiciary.


[16]            L'alinéa 35(1)b) s'applique lorsque le gouvernement en cause a été désigné par le ministre comme un régime qui s'est livré au terrorisme, à des violations graves ou répétées des droits de la personne ou a commis un génocide, un crime contre l'humanité ou un crime de guerre au sens des paragraphes 6(3) à (5) de la Loi sur les crimes contre l'humanité et les crimes de guerre.

[17]            Le 21 octobre 1994, l'ancien régime marxiste d'Afghanistan au pouvoir entre 1978 et 1992 a été désigné comme un régime qui, selon le ministre, s'était livré à des violations graves des droits de la personne et à d'autres crimes similaires. La liste des régimes qui ont été ainsi désignés se trouve à l'annexe E du Guide de l'immigration, chapitre ENF 18.

[18]            Depuis que le pouvoir de désigner de tels régimes a été inclus dans la Loi sur l'immigration en 1993, neuf régimes ont fait l'objet d'une désignation.

[19]            La politique du gouvernement canadien vise à ce que le Canada ne devienne pas un refuge pour les individus qui ont commis des crimes de guerre, des crimes contre l'humanité ou tout autre acte répréhensible en période de conflits. La désignation de tels régimes est faite après consultation avec le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international. Les facteurs ci-après mentionnés font partie des facteurs que le ministre prend en compte lorsqu'il décide si un régime devrait être désigné suivant la LIPR :           

la condamnation par d'autres pays et organisations;

la position générale du gouvernement du Canada quant au fait qu'une demande du statut de réfugié présentée par un haut dirigeant de ce gouvernement minerait la position ferme du Canada au sujet des droits de la personne;

la nature des violations des droits de la personne;

les préoccupations liées à l'immigration, comme le nombre de personnes provenant d'un pays en particulier et la possibilité de danger pour la société canadienne.

Guide de l'immigration, ENF 2, OP 18

[20]            Les descriptions suivantes s'appliquent aux expressions « crimes contre l'humanité » , « génocide » , « crimes de guerre » et « actes terroristes » :

Crimes contre l'humanité

Meurtre, extermination, esclavage, emprisonnement, torture, violence sexuelle, toute autre action ou persécution inhumaine commise à l'endroit d'une population civile ou d'un groupe identifiable, qu'il y ait ou non état de guerre, et sans égard à ce que l'action ou l'omission soit une violation de la loi territoriale en vigueur à ce moment. Les faits, actes ou omissions, peuvent avoir été commis par des représentants de l'État ou des particuliers et contre leurs propres ressortissants ou des ressortissants d'autres États.   


Génocide

Action ou omission commise avec une intention de détruire, en tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux, qu'elle soit commise en temps de guerre ou de paix, par des représentants de l'État ou des particuliers.

Crimes de guerre

Actions ou omissions commises au cours d'un conflit armé (guerre entre États et guerre civile) qui violent les règles de droit définies par le droit international. Ces actions ou omissions incluent les mauvais traitements aux civils en territoire occupé, la violation et l'exploitation des personnes et des propriétés privées et la torture et l'exécution des prisonniers.

Actes terroristes

Les actes terroristes ont une application plus large que celle des crimes de guerre ou des crimes contre l'humanité, car :

o               ils peuvent viser des personnes comme des biens;

o               ils peuvent constituer des incidents isolés; leur perpétration n'a pas à être systématique ou généralisée;

o               ils peuvent être commis en temps de guerre ou en temps de paix.

Guide de l'immigration, ENF 2, OP 18

LES QUESTIONS EN LITIGE

[21]            Le demandeur soulève les questions suivantes :

L'agent a-t-il outrepassé sa compétence, commis une erreur quant aux faits, manqué à l'obligation d'agir avec équité, rejeté la doctrine des attentes légitimes ou commis une erreur de droit à l'égard de l'application et de l'interprétation des paragraphes 35(1) et (2) de la LIPR et de l'article 16 du Règlement?


L'agent a-t-il outrepassé sa compétence lorsqu'il a appliqué une désignation qui a été faite suivant la Loi sur l'immigration et qui, par conséquent, ne continue pas d'avoir effet suivant la LIPR?

LES PRÉTENTIONS                        

Le demandeur

La norme de contrôle

[22]            Le demandeur fait valoir que la norme de contrôle applicable à ces questions est celle de la décision correcte ou de la décision raisonnable simpliciter.

Un raisonnement inadéquat

[23]            L'agent énumère comme suit les conclusions qu'il a tirées à la suite de son entrevue avec le demandeur :

[TRADUCTION]

Le demandeur était membre du Parti démocratique du peuple afghan.

Le demandeur était un dirigeant de la ville de Kaboul

Le demandeur a servi dans les forces progouvernementales après qu'elles l'eurent libéré de sa détention par les moudjahidines.


L'agent estimait qu'il n'était pas vraisemblable que le demandeur n'ait pas participé au conflit et qu'il n'ait pas occupé un poste influent dans l'ancien gouvernement marxiste en Afghanistan.

[24]            Le demandeur prétend que les conclusions précédemment mentionnées ne permettent pas de conclure qu'il est interdit de territoire suivant l'alinéa 35(1)b).

[25]            L'article 16 du Règlement énonce qui sont les personnes qui sont en mesure d'influencer sensiblement l'exercice du pouvoir ou qui pourraient en tirer certains avantages et il fournit une liste de personnes qui occupent un poste de rang supérieur.

Les gouvernements désignés

[26]            Le régime suivant a été désigné par le ministre :

désigné le 21 octobre 1994 : les anciens régimes marxistes d'Afghanistan entre 1978 et 1992

[27]            À l'égard de ces régimes désignés à l'annexe E du Guide de l'immigration, le demandeur souligne que la période pertinente pour établir s'il était interdit de territoire est la période de 1978 à 1992, qui exclut tout son service dans l'armée après 1992.


Des extraits à l'égard de l'interprétation du Guide de l'immigration

[28]            Les sections suivantes extraites du guide des politiques pertinent traitent de l'interprétation de l'article 16 du Règlement :

ENF 18 Crimes de guerre et crimes contre l'humanité - 14-11-2002

Catégorie - Preuve requise - Remarques

1. Personnes visées au R16a), b), f-ambassadeurs seulement), et g) - Une personne de ce groupe est présumée être capable ou avoir été capable d'exercer une influence importante sur l'exercice du pouvoir par ce gouvernement. C'est une présomption irréfutable maintenue par la Cour d'appel fédérale. En d'autres termes, le fait que la personne occupe ou occupait un poste supérieur de cette catégorie détermine la présomption. En plus de la désignation et de la preuve que la personne occupe ou occupait ce poste, aucune autre preuve n'est requise pour établir l'interdiction de territoire.

2. Personnes visées au R16c),d), e), et f-diplomates de haut rang) - En plus de ce qui précède, on doit établir que le poste est de rang supérieur. À cette fin, on doit situer le poste dans la hiérarchie où le fonctionnaire travaille. On peut trouver des exemplaires d'organigrammes dans des ouvrages comme Europa World Year Book, Encyclopedia of the Third World, Country Reports on Human Rights Practices (du département d'État des É.-U) et les bases de données du Système des crimes de guerre contemporains (SCGC). Si l'on peut prouver que le poste est dans la moitié supérieure de l'organisation, on peut considérer qu'il est un poste de rang supérieur. Un autre moyen de l'établir est celui des preuves de responsabilités liées au poste et du type de travail effectué ou des types de décisions prises (à défaut d'êtres prises par le demandeur, par les titulaires de postes analogues).

Note : Il n'y a pas de définition de « supérieur » dans la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés et aucune jurisprudence de la Cour fédérale. Toutefois, en étudiant le problème relativement à un poste militaire, un tribunal de la Section d'appel de l'immigration concluait :

Note : « Une personne de rang supérieur de l'armée serait une personne occupant un poste élevé dans les forces armées et une personne de rang plus avancé et souvent, avec des états de service comparativement longs.

Une situation élevée se traduirait par les responsabilités données à cette personne et les postes occupés par les supérieurs immédiats de celle-ci. »

3. Personnes non décrites au R16 - En plus de la désignation du régime, on doit établir que la personne, même si elle n'occupait pas un poste officiel, est ou était en mesure d'influer sensiblement sur les actions et politiques du régime ou a pu en tirer certains avantages.


La personne qui favorise ou qui soutient un gouvernement désigné par le ministre peut être considérée comme influant sensiblement les actes ou les politiques de ce gouvernement.

La notion d'influence sensible ne se limite pas aux personnes prenant les décisions finales au nom du régime, mais s'applique aussi à celles qui ont participé à la formulation de ces politiques, par exemple par des conseils, ainsi qu'aux personnes chargées de les mettre en application. Si une personne exerce des activités qui permettent directement ou indirectement au régime de mettre en oeuvre ses politiques, la preuve d'une influence sensible est établie. Le terme « exercice du pouvoir par leur gouvernement » au R16 ne se limite pas aux pouvoirs exercés par les organismes centraux ou les ministères, mais peut également s'entendre des entités qui exercent le pouvoir à l'échelon local.

Lorsqu'on a établi que la personne exerçait une influence sensible ou tirait certains avantages, l'ampleur ou la mesure de cette influence ou de ses avantages n'est pas pertinente pour l'établissement de l'interdiction de territoire; toutefois, certains facteurs doivent être pris en compte par le ministre pour décider si l'admission de cette personne serait préjudiciable à l'intérêt national.

L'erreur de droit

[29]            Le demandeur prétend que le raisonnement exprimé dans la décision n'est pas adéquat parce que l'agent ne mentionne pas le type de fonctionnaire suivant lequel le demandeur pourrait être décrit et ne mentionne pas non plus si le demandeur était une personne qui pouvait influencer sensiblement l'exercice du pouvoir.

[30]            Le demandeur prétend de plus qu'il n'est pas suffisant pour l'agent de tirer une conclusion défavorable selon laquelle ses dénégations sont refusées et que, par conséquent, il est une personne qui peut influencer sensiblement l'exercice du pouvoir.

[31]            Le demandeur prétend en outre que c'est une erreur de droit de conclure qu'étant donné que sa dénégation est fausse le contraire est par conséquent établi. Tout ce que cela signifie c'est que la dénégation n'a pas été acceptée. La déclaration suivante faite par la English Court of Appeal a été citée et adoptée par la Cour d'appel de l'Ontario dans l'arrêt R. v. Swick (1997), 35 O.R. (3d) 472 (C.A. Ontario), à la page 477 :

[TRADUCTION]

Mais une dénégation, faite à la barre des témoins, qui n'est pas digne de foi ou qui est d'une autre manière invraisemblable n'est pas une preuve affirmative de quoi que ce soit. Elle ne fait qu'amener au rejet de la preuve présentée qui alors doit être traitée comme si elle n'avait pas été présentée. Le simple rejet de la preuve n'est pas en soi un entérinement ou une confirmation de la véracité d'une autre preuve à l'effet contraire.

R. v. Chapman, [1973] 2 All E.R. 624 (C.A.).

[32]            Le demandeur prétend que l'agent semble avoir conclu que le fait qu'il ait été un dirigeant de la ville de Kaboul signifiait qu'il était membre du régime désigné. Mais le gouvernement désigné était les « anciens régimes marxistes » . Sans aucun autre élément de preuve, on ne peut pas dire que la ville de Kaboul est l'ancien régime marxiste qui dirigeait le pays en entier.

[33]            Le demandeur affirme que le fait qu'il ait été membre du PDPA en Afghanistan ne signifie pas qu'il occupait un poste de rang supérieur ou qu'il était en mesure d'influencer sensiblement l'ancien régime marxiste. L'agent a commis une erreur de droit à cet égard.

[34]            Le demandeur prétend en outre que l'agent a commis une erreur parce que le fait qu'il ait simplement servi dans l'armée n'est pas suffisant pour faire de lui une personne qui est en mesure d'influencer sensiblement l'exercice du pouvoir. L'article 16 du Règlement mentionne ce qui suit :

[...] les personnes qui, du fait de leurs actuelles ou anciennes fonctions, sont ou étaient en mesure d'influencer sensiblement l'exercice du pouvoir par leur gouvernement ou en tirent ou auraient pu en tirer certains avantages

[35]            Le demandeur affirme que, sans autre élément de preuve à l'égard de son poste dans l'armée, il n'est pas légalement possible de conclure qu'il a occupé un poste dans lequel il était en mesure d'influencer sensiblement le gouvernement.

[36]            En outre, le demandeur mentionne qu'il a servi dans l'armée de 1990 à 1999. La désignation par le ministre couvre les régimes marxistes jusqu'à 1992. L'agent semble avoir pris en compte la preuve présentée par le demandeur à l'égard de tout son service dans l'armée et avoir rejeté sa crédibilité en se fondant sur le récit du demandeur quant à ses fonctions en tant que membre de l'armée de 1990 à 1999. L'agent a commis une erreur, par conséquent, parce que ce que le demandeur faisait après 1992 n'était pas pertinent pour l'application de l'alinéa 35(1)b). L'agent aurait dû mettre l'accent sur la question de savoir si les éléments de preuve présentés par le demandeur à l'égard de ce qu'il avait fait entre 1990 et 1992, et non entre 1990 et 1999, étaient dignes de foi. À tout le moins, le raisonnement de l'agent est inadéquat à cet égard.


Les erreurs quant aux faits

[37]            La preuve démontre que, lors de l'entrevue, le demandeur n'a pas dit qu'il avait été un dirigeant. Il a déclaré qu'il avait d'abord été un commis puis qu'il était devenu le chef du service qui s'occupait des plaintes des clients.

L'omission d'avoir pris en compte ou d'avoir offert la dispense d'application

[38]            Les alinéas 35(1)b) et c) ne s'appliquent pas à un résident permanent ou à l'étranger qui convainc le ministre que sa présence au Canada ne serait nullement préjudiciable à l'intérêt national.

[39]            Le paragraphe 35(2) prévoit une dispense d'application de l'alinéa 35(1)b). L'agent n'a jamais offert au demandeur la possibilité d'invoquer ce paragraphe. Le demandeur affirme que cela constitue une erreur susceptible de contrôle, notamment parce que lui et sa répondante ne peuvent interjeter appel auprès de la SAI. L'omission d'avoir informé le demandeur de l'existence de cette dispense d'application constitue un manquement à l'obligation d'agir avec équité.


[40]            Le demandeur demande à la Cour de constater que, suivant la Loi sur l'immigration, la Cour a statué que le ministre est personnellement tenu de trancher la question de la dispense d'application et qu'un demandeur doit présenter une demande au ministre avant qu'une décision soit rendue par un agent des visas. Cependant, la Cour n'a pas traité de la situation où un demandeur ne sait pas que le ministre prend en compte le paragraphe 35(1) et ne peut ainsi pas présenter une demande de dispense d'application. Étant donné que le demandeur ne pouvait pas interjeter appel auprès de la SAI, et que les membres de sa famille vivent au Canada en tant que réfugiés au sens de la Convention, il n'est pas logique d'exiger du demandeur qu'il présente une demande de dispense d'application avant que l'agent ait rendu une décision selon laquelle il est interdit de territoire (voir la décision Mahzooz c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2002 CFPI 926 (1re inst.))

L'agent a-t-il outrepassé sa compétence lorsqu'il a appliqué une désignation qui a été faite suivant la Loi sur l'immigration et qui, par conséquent, ne continue pas d'avoir effet suivant la LIPR? Le ministre est-il tenu de faire une nouvelle désignation suivant la LIPR?

[41]            Le demandeur prétend qu'il s'agit d'une erreur technique. C'est également une question de portée générale parce qu'elle traite de toutes les désignations de régimes faites suivant la Loi sur l'immigration et de l'applicabilité de l'alinéa 19(1)l) à la LIPR.


[42]            Le demandeur prétend que le ministre est tenu de désigner le régime pour lequel il a soi-disant travaillé. La désignation dans la présente affaire a été faite avant l'entrée en vigueur de la LIPR. Elle a été faite suivant l'ancienne Loi sur l'immigration. On peut soutenir que les anciennes désignations faites suivant la Loi sur l'immigration ne continuent pas d'avoir effet. Les dispositions réglementaires transitoires semblent être muettes sur la question de savoir si le ministre est tenu de procéder à de nouvelles désignations suivant la LIPR.

[43]            L'alinéa 19(1)l) de l'ancienne Loi sur l'immigration est rédigé comme suit :


[...]

l) celles qui, à un rang élevé, font ou ont fait partie ou sont ou ont été au service d'un gouvernement qui, de l'avis du ministre, se livre ou s'est livré au terrorisme, à des violations graves ou répétées des droits de la personne ou à un fait -- acte ou omission -- qui aurait constitué une infraction au sens des articles 4 à 7 de la Loi sur les crimes contre l'humanité et les crimes de guerre, sauf si elles convainquent le ministre que leur admission ne serait nullement préjudiciable à l'intérêt national.

...

(l) persons who are or were senior members of or senior officials in the service of a government that is or was, in the opinion of the Minister, engaged in terrorism, systematic or gross human rights violations, or any act or omission that would be an offence under any of sections 4 to 7 of the Crimes Against Humanity and War Crimes Act, except persons who have satisfied the Minister that their admission would not be detrimental to the national interest.


[44]            La description antérieure ne mentionne pas le « génocide » même si c'est un crime suivant le paragraphe 6(3) de la Loi sur les crimes contre l'humanité et les crimes de guerre. L'avis antérieur du ministre (suivant l'alinéa 19(1)l) de la Loi sur l'immigration) visait des infractions à caractère plus international suivant la Loi sur les crimes contre l'humanité et les crimes de guerre qu'un avis actuel le ferait. Un point plus important en l'espèce est le fait que l'article 7 a été abrogé et que les articles 4 et 5 visaient les infractions commises au Canada. L'article 7 s'applique à des crimes commis par un chef militaire et un supérieur.


Le manquement à l'obligation d'agir avec équité

[45]            Le demandeur affirme qu'il n'a pas été informé que les motifs invoqués contre lui à l'égard de l'interdiction de territoire étaient qu'il occupait un poste de rang supérieur ou qu'il était en mesure d'influencer sensiblement le régime marxiste. On ne l'a pas non plus informé des raisons pour lesquelles cela était important. Les omissions à cet égard constituent un manquement à la procédure prescrite qui est énoncée à la section 8.3 du chapitre ENF 18.

[46]            Le demandeur prétend que, étant donné qu'une politique à l'égard de la procédure se trouvait dans le Guide de l'immigration, il s'attendait légitimement à ce que la procédure soit suivie. La politique pertinente est datée de novembre 2002, du même mois au cours duquel l'entrevue du demandeur avec l'agent a eu lieu (7 novembre 2002) et la décision a été rendue (22 novembre 2002). Il est inconcevable que le ministre ait publié le chapitre en novembre 2002 sans avoir donné une formation à cet égard aux agents. Un manquement aux attentes légitimes exige qu'il soit statué à nouveau sur l'affaire (arrêt Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1999] 2 R.C.S. 817).

[47]            Le Guide de l'immigration prévoit ce qui suit à l'égard de la procédure à suivre :

8.3 Occasion pour une personne d'être entendue


Si l'agent envisage de refuser une demande en vertu de L35(1)b), le demandeur doit avoir la possibilité de prouver qu'il n'occupe ou n'occupait pas des fonctions de rang élevé visées à l'article R16 (catégorie 2) et qu'il n'a pas ou ne pouvait pas influencer sensiblement les actions, décisions ou politiques de son gouvernement (catégorie 3). On peut le faire par la poste ou par interview personnelle. Dans l'un ou l'autre cas, l'agent doit fournir au demandeur des exemplaires des documents non protégés dont il sera tenu compte dans l'établissement de l'admissibilité.

8.4 Consultation de BCW

Les agents doivent être conscients de la nature délicate de ce qui touche L35(1)b) et de la nécessité d'une évaluation soignée et approfondie de tous les renseignements pertinents. L'intention n'est pas que les agents emploient des critères si généraux que tous les employés de régimes désignés soient considérés comme interdits de territoire. Avant d'envisager le refus d'un demandeur dont le poste n'est pas visé au R16, on demande aux agents de consulter BCW.

[...]

9.1 Établissement du profil général

Lors de l'examen d'une demande d'entrée au Canada, les demandeurs venant de pays où il y a ou y avait troubles internes, génocide, guerre ou violation des droits humains généralisés et qui répondent à l'une des descriptions suivantes justifient une enquête plus approfondie :

-                hauts fonctionnaires, diplomates ou fonctionnaires;

-                militaires, paramilitaires, membres des services de sécurité, de renseignement ou de police actuels ou anciens ou personnes employées dans des contextes techniques ou scientifiques touchant des armes chimiques ou biologiques;

-                famille proche des chefs de gouvernement/d'État;

-                personnes soupçonnées d'être membres d'une organisation mêlée à des actes de terrorisme ou à des crimes contre l'humanité; ou

-                membres de groupes de guérilla.

Des erreurs quant aux faits et des conclusions hypothétiques

[48]            Le demandeur prétend que la conclusion de l'agent n'est pas appuyée par la preuve et que la décision est fondée sur des hypothèses, sur des inférences manifestement déraisonnables et sur des erreurs quant aux faits et des erreurs de droit.

[49]            Le fait que le demandeur ait été membre du PDPA en Afghanistan ne signifie pas qu'il était membre du régime marxiste désigné. Il n'y avait pas d'éléments de preuve à cet égard.

[50]            Il n'y avait pas d'éléments de preuve démontrant ce que signifiait être un dirigeant de la ville de Kaboul par rapport au régime marxiste.

[51]            Le fait pour une personne de simplement servir dans l'armée n'est pas suffisant pour qu'elle soit en mesure d'influencer sensiblement le régime.

[52]            Aucun des points précédemment mentionnés n'a été communiqué au demandeur. Si des éléments de preuve existaient à cet égard, ils devaient être communiqués au demandeur.

L'absence d'affidavit du demandeur

[53]            La preuve dont la Cour dispose n'inclut pas un affidavit du demandeur.

[54]            Le demandeur a été incapable de prendre des dispositions pour faire traduire et assermenter un affidavit. Par conséquent, c'est un affidavit de sa fille qui a été déposé. Elle a entendu le demandeur fournir des renseignements à son avocat et elle a confirmé de façon générale le contenu du projet d'affidavit préparé pour le demandeur.


Le défendeur

[55]            Dans le récent arrêt Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration c. Adam, [2001] 2 C.F. 337 (voir également la décision Esse c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1998] A.C.F. no 46 (1re inst.)), la Cour d'appel fédérale a examiné l'application de l'alinéa presque identique qui existait avant l'alinéa 35(1)b) de la LIPR, soit l'alinéa 19(1)l) de la Loi sur l'immigration. Dans cet arrêt, la Cour d'appel a statué que lorsqu'a été rendue une décision selon laquelle une personne a occupé un poste énuméré à l'article 16 du Règlement, il s'ensuit que cette personne est présumée avoir occupé un poste dans lequel elle était en mesure d'influencer sensiblement l'exercice du pouvoir par son gouvernement.

[56]            Dans la présente affaire, l'agent a pris en compte la durée de l'appartenance du demandeur au PDPA, sa carrière de bureaucrate de rang élevé pendant plus de dix ans en tant que dirigeant de Kaboul sous le régime marxiste de Najibullah, le fait qu'il était si publiquement identifié au régime marxiste qu'il a été emprisonné par les opposants au régime et le fait qu'il a servi dans l'armée sous le régime militaire. En se fondant sur les renseignements dont il disposait, l'agent a conclu que l'alinéa 35(1)b) de la LIPR s'appliquait au demandeur. Le demandeur n'a pas réussi à démontrer que la Cour devrait intervenir quant à l'appréciation faite par l'agent à cet égard.


La norme de contrôle

[57]            Le défendeur affirme que lors de l'appréciation de questions de droit, la norme de contrôle applicable à la décision d'un agent des visas est celle de la décision correcte. Lorsqu'il s'agit d'une question de fait ou d'une question mixte de fait et de droit qui touche l'expertise de l'agent, la décision doit faire l'objet de retenue et la norme de la décision manifestement déraisonnable s'applique (voir la décision Au c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2001] A.C.F. no 435 (1re inst.), et l'arrêt To c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), (1996) A.C.F. no 696 (C.A.)).

L'absence d'un affidavit du demandeur et l'omission d'avoir confirmé les faits allégués malgré qu'il ait eu le temps pour le faire

[58]            Le défendeur prétend que l'incapacité du demandeur de démontrer qu'il y a eu une erreur dépend du fait, et est renforcée par ce fait, que le demandeur n'a pas déposé un affidavit personnel pour confirmer les renseignements sur lesquels il prétend s'appuyer. Clairement, la Cour devrait tirer une inférence défavorable de cette absence marquée d'un affidavit du demandeur.


[59]            Le défendeur prétend que cela est particulièrement vrai puisque les documents de demande d'autorisation du demandeur mentionnaient que c'est parce qu'il n'avait pas eu assez de temps qu'il n'avait pas fait assermenter un affidavit. Cependant, le demandeur a choisi de ne pas faire assermenter un affidavit même après que l'autorisation a été accordée. Le défendeur prétend que ce choix indique de façon convaincante que la Cour ne devrait pas se fonder sur la version des événements faite par le demandeur.

[60]            Le défendeur prétend que la preuve fournie par l'agent devrait être préférée à la version présentée par le demandeur parce que : 1) l'agent a consigné les renseignements fournis lors de l'entrevue au moment de l'entrevue et il atteste la véracité et l'exactitude des notes; 2) des éléments de preuve comme la demande d'établissement présentée par le demandeur corroborent le récit de l'agent à l'égard des faits; et 3) il n'existe aucun témoignage sous serment rendu par le demandeur contredisant celui de l'agent.

[61]            Le demandeur a signé sa demande de résidence permanente et la demande mentionne clairement à la partie B, dans la case 3 des antécédents d'emploi, que le demandeur s'identifiait en tant que [TRADUCTION] « dirigeant » dans la ville de Kaboul.


[62]            Le « projet non assermenté » d'affidavit du demandeur énonce ce qui suit : [TRADUCTION] « Je n'étais pas membre du gouvernement national ou du    " régime marxiste " qui était au pouvoir en Afghanistan » . Cependant, la demande d'établissement signée par le demandeur énonce clairement à la partie C, case 1, qu'il s'identifiait comme membre du PDPA à Kaboul de 1974 à 1992. Le « projet non assermenté » du document du demandeur déposé au soutien de la demande d'autorisation est contredit par les renseignements qu'il a fournis dans sa demande de résidence permanente et qu'il a ensuite répétés à l'agent lors de l'entrevue.

L'équité en matière de procédure

[63]            Quant aux prétentions du demandeur à l'égard de l'équité en matière de procédure, le défendeur prétend que le demandeur n'a pas démontré l'existence d'une erreur susceptible de contrôle. La décision de l'agent était fondée sur les renseignements que le demandeur avait fournis. Le demandeur a subi une entrevue en raison des préoccupations qui avaient été soulevées par les renseignements qu'il avait fournis. Lors de l'entrevue, le demandeur a eu une possibilité entière de traiter de la question de ses liens avec l'ancien régime marxiste en Afghanistan et de démontrer que son poste n'était pas un poste de rang supérieur au sens de la description de l'article 16 du Règlement. À la fin de l'entrevue, l'agent a dit au demandeur qu'il devait examiner plus à fond sa demande afin de déterminer s'il était admissible. Après avoir examiné plus à fond les renseignements, l'agent a conclu que le demandeur était une personne décrite à l'alinéa 35(1)b). Compte tenu de la preuve, on ne peut pas dire que cette conclusion est déraisonnable (voir la décision Au, précitée).

L'application de l'article 35 et de l'article 16 du Règlement - Poste de rang supérieur


[64]            En réponse aux observations du demandeur qui visent à faire une distinction entre son emploi en tant que dirigeant dans la ville de Kaboul et le régime marxiste national, le défendeur mentionne qu'une personne qui exerce des activités qui permettent indirectement à un gouvernement ou à un régime désigné d'appliquer ses politiques peut également être considérée comme une personne décrite à l'alinéa 35(1)b) et à l'article 16 du Règlement. Les mots « pouvoir par leur gouvernement » à l'article 16 du Règlement ne se limitent pas aux pouvoirs exercés par les agences ou les ministères du gouvernement central, mais peuvent aussi renvoyer à des entités qui exercent le pouvoir dans le gouvernement local.

La dispense d'application


[65]            En réponse aux prétentions du demandeur à l'égard de la dispense d'application, le défendeur mentionne que cette question a été traitée récemment dans la décision Mahzooz c. Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration, [2002] A.C.F. no 1203 (1re inst.), de même que par la Cour d'appel fédérale dans l'arrêt Adam précédemment mentionné. Le demandeur dans l'affaire Mahzooz prétendait que l'agente des visas aurait dû exercer son pouvoir discrétionnaire et demander s'il pouvait obtenir une exception ministérielle à l'égard de la non-admissibilité suivant l'alinéa 19(1)l). Cependant, comme la Cour l'a mentionné dans la décision Mahzooz, précitée, seul le ministre, suivant alors le paragraphe 121(1.1) de la Loi sur l'immigration pouvait accorder une dispense d'application de l'alinéa 19(1)l). L'agente des visas n'avait aucun pouvoir discrétionnaire pour accorder au demandeur une dispense d'application de l'alinéa 19(1)l). La Cour a en outre mentionné qu'il n'y avait pas de preuve au dossier démontrant que le demandeur avait demandé au ministre de lui accorder une exception ministérielle « alors qu'il lui appartenait de le faire s'il voulait être dispensé du motif de non-admissibilité » . La Cour d'appel fédérale dans l'arrêt Adam, précité, a en outre statué qu'il appartient au demandeur de demander une exception ministérielle en temps opportun s'il souhaite être dispensé de l'application (voir la décision Mahzooz, précitée, aux paragraphes 31 à 36, et l'arrêt Adam. précité, au paragraphe 7).

[66]            Comme le prévoyait le paragraphe 121(1.1) de la Loi sur l'immigration, le paragraphe 6(3) de la LIPR empêche la délégation de décisions à l'égard de la dispense prévue au paragraphe 35(2). Seul le ministre peut rendre des décisions à cet égard.

[67]            Le demandeur en l'espèce n'a présenté aucune demande d'exception ministérielle et par conséquent il n'était pas requis que cette dispense d'application soit prise en compte. Il n'appartenait pas non plus à l'agent d'informer le demandeur de la possibilité de présenter une demande de dispense d'application.

La désignation de régimes


[68]            Relativement à la prétention du demandeur à l'égard du report des régimes désignés de l'ancienne Loi sur l'immigration à la LIPR, le défendeur dirige l'attention de la Cour sur les dispositions transitoires prévues dans le Règlement. Sous le titre « Dispositions générales » , le paragraphe 317(2) énonce que tout document qui est en cours de validité suivant la Loi sur l'immigration continue d'avoir effet. Une désignation ministérielle est un document délivré suivant la Loi sur l'immigration et, à cet égard, elle continue d'avoir effet suivant la LIPR.

[69]            De plus, le paragraphe 320(2) et l'alinéa 321(2)b) appuient davantage le principe selon lequel les désignations ministérielles de régimes demeurent en vigueur. Ces dispositions du Règlement prévoient que l'inadmissibilité pour motif d'appartenance à une catégorie décrite suivant l'ancienne Loi sur l'immigration est également un motif d'interdiction de territoire pour des raisons de sécurité suivant la LIPR.

[70]            En outre, par l'application des règles générales d'interprétation législative, lorsqu'une loi est réédictée et lorsqu'il n'y a pas eu de changements importants à l'ancienne règle qui est réédictée dans une nouvelle règle, les règles juridiques de fond exprimées dans les deux textes gardent leur validité et continuent à s'appliquer sans interruption. Cette caractéristique de réédiction se nomme l'application ininterrompue des règles. Elle est codifiée dans la Loi d'interprétation, chapitre I-21, à l'article 44, de la façon suivante :


44. En cas d'abrogation et de remplacement, les règles suivantes s'appliquent :

[...]

44. Where an enactment, in this section called the "former enactment", is repealed and another enactment, in this section called the "new enactment", is substituted therefore,

...

f) sauf dans la mesure où les deux textes diffèrent au fond, le nouveau texte n'est pas réputé de droit nouveau, sa teneur étant censée constituer une refonte et une clarification des règles de droit du texte antérieur;

(f) except to the extent that the provisions of the new enactment are not in substance the same as those of the former enactment, the new enactment shall not be held to operate as new law, but shall be construed and have effect as a consolidation and as declaratory of the law as contained in the former enactment;


[71]            Par conséquent, la Loi d'interprétation prévoit l'application ininterrompue des pouvoirs abrogés de même que des règles abrogées. L'alinéa 44b), par exemple, prévoit « l'application des mesures prises et l'utilisation des livres, imprimés ou autres documents employés conformément à ce texte se poursuivant, sauf incompatibilité avec le nouveau texte, comme avant l'abrogation » . De même, l'alinéa 44g) prévoit que les règlements d'application du texte antérieur demeurent en vigueur et sont réputés pris en application du nouveau texte, dans la mesure de leur compatibilité avec celui-ci. Ce qui est essentiel c'est l'absence de changements importants. Étant donné qu'il n'y a pas de changements importants entre les dispositions pertinentes (alinéa 19(1)l) de la Loi sur l'immigration et article 35 de la LIPR) les désignations de régimes sont reportées à la LIPR.

ANALYSE

L'absence d'affidavit du demandeur

[72]            Le demandeur n'a déposé aucun affidavit au soutien de sa demande. Bien que cette omission ne soit pas déterminante pour la demande, les avocats s'entendaient sur le fait que le demandeur ne peut soulever et alléguer que des erreurs susceptibles de contrôle évidentes au vu du dossier et dans l'affidavit de l'agent. La Cour partage cette opinion à l'égard de cette restriction.

[73]            Le demandeur soulève différents motifs d'erreur susceptible de contrôle. La Cour a examiné tous ces motifs, mais est d'avis que seulement ceux mentionnés ci-après nécessitent un examen sérieux.

Les motifs et éléments de preuve inadéquats dans la décision

[74]            Le demandeur affirme que l'agent ne disposait pas d'éléments de preuve lui permettant de l'identifier en tant que personne occupant un poste de rang supérieur au sein des anciens régimes marxistes désignés en Afghanistan entre 1978 et 1992 et que l'agent n'a pas fourni des motifs adéquats dans sa décision pour justifier la conclusion qu'il a tirée à cet égard.

[75]            Dans son affidavit, l'agent fait les déclarations suivantes à l'égard de cette question :

[TRADUCTION]

7.              En octobre 2002, j'ai examiné le dossier de M. Zaheri afin d'évaluer les aspects liés à la criminalité et à la sécurité.

8.              Selon les renseignements déjà contenus au dossier, j'ai remarqué que M. Zaheri avait été membre du Parti démocratique du peuple afghan (PDPA) de 1974 à 1992 et qu'il avait travaillé pour la ville de Kaboul de 1977 à 1988. Par conséquent, j'ai convoqué M. Zaheri à une entrevue afin que les préoccupations que ces faits soulevaient puissent être traitées.

9.              J'ai reçu M. Zaheri en entrevue le 7 novembre 2002. Au cours de son entrevue, M. Zaheri a déclaré qu'il avait joint le PDPA parce qu'il avait confiance dans son programme. Il a déclaré qu'en tant que membre du parti il distribuait des dépliants et organisait des rencontres. Il a déclaré qu'il n'occupait aucun poste rémunéré au sein du parti.


10.            M. Zaheri a en outre déclaré que le poste le plus important qu'il avait occupé au sein de la ville de Kaboul avait été celui de dirigeant. Il a occupé ce poste de 1987 à 1989. M. Zaheri a déclaré qu'en tant que dirigeant, il relevait d'un directeur général, Haji Azizullah, qui relevait d'un président, Abdul Rahim Aziz. Ces déclarations sont déterminantes étant donné qu'elles démontrent que M. Zaheri occupait un poste de rang supérieur au sein du gouvernement.

11.            M. Zaheri a déclaré qu'il avait été fait prisonnier en 1989 par des membres de l'Hezbe-Islami. M. Zaheri a déclaré qu'il a été enlevé et détenu pendant deux ans parce qu'il appuyait le gouvernement Najibullah. M. Zaheri a déclaré qu'il avait été détenu dans les plaines de Shomali et qu'il avait été libéré après que les forces gouvernementales eurent libéré la région.

12.            M. Zaheri a déclaré qu'après sa libération, il a servi dans l'armée de 1991 à 1992. M. Zaheri a déclaré qu'il a été affecté à la direction administrative du ministère de la Défense. M. Zaheri travaillait dans l'unité politique et il a déclaré qu'il occupait un poste administratif. Il relevait de Sardar Mohammad. M. Zaheri ne pouvait pas se rappeler si Sardar Mohammad avait le rang de capitaine ou de capitaine supérieur. Le commandant de l'unité était le général Bashir Hamid. J'ai questionné M. Zaheri à l'égard de ses fonctions précises et j'ai remarqué que ses réponses étaient vagues.

13.            Étant donné les renseignements fournis par le demandeur à l'égard de sa participation à un régime désigné, j'ai informé M. Zaheri à la fin de l'entrevue que compte tenu de mes préoccupations à l'égard de sa demande je devais y réfléchir plus à fond avant de décider s'il était admissible au Canada.

[76]            Dans la décision, l'agent fournit les motifs suivants :

[TRADUCTION]

De 1975 à 1992, vous étiez membre du Parti démocratique du peuple afghan. De 1987 à 1989, vous étiez un dirigeant de la ville de Kaboul. Vous avez en outre servi dans les forces progouvernementales après qu'elles vous eurent libéré de la détention des moudjahidines. Compte tenu de la participation que vous avez eue dans le passé au sein du gouvernement, j'estime que vos déclarations selon lesquelles vous n'avez participé à aucun conflit ou selon lesquelles vous n'avez occupé aucun poste permettant d'exercer une influence dans l'ancien gouvernement marxiste en Afghanistan ne sont pas dignes de foi.


[77]            Le point que fait valoir le demandeur est que même si on tient pour acquis qu'il pouvait être décrit comme une personne qui occupait un poste de rang supérieur dans la ville de Kaboul, rien ne donne à penser que ce poste faisait de lui une personne qui occupait dans le régime marxiste désigné un poste de rang supérieur qui lui donnait la possibilité d'influencer sensiblement l'exercice du pouvoir par son gouvernement ou de tirer certains avantages de ce poste. L'agent ne mentionne aucunement de quelle désignation de l'article 16 le demandeur fait partie et il n'existe même pas d'éléments de preuve que le PDPA, auquel le demandeur appartenait, est l'ancien régime marxiste désigné.

[78]            La réponse du défendeur à cet égard, essentiellement, est qu'une personne qui occupe un poste de rang supérieur dans l'administration de la ville de Kaboul doit, dans un régime marxiste centralisé, également être une personne qui occupe un poste de rang supérieur dans ce régime marxiste. En outre, l'agent, en tirant sa conclusion selon laquelle le demandeur occupait un poste permettant d'exercer une influence dans l'ancien gouvernement marxiste, a pris en compte les autres facteurs énumérés dans la décision et dans son affidavit, à savoir : l'appartenance au PDPA, le fait que le demandeur ait été enlevé et détenu par l'Hezbe-Islams jusqu'à ce que les forces gouvernementales le libèrent et le fait qu'il ait travaillé dans l'armée et au sein de la direction administrative du ministère de la Défense.


[79]            En l'absence d'un affidavit du demandeur énonçant ce qui s'est produit lors de l'entrevue avec l'agent et établissant que compte tenu de la structure du régime marxiste désigné les hypothèses et les conclusions de l'agent sont inexactes, la Cour n'est pas en mesure de juger si les conclusions et l'hypothèse de l'agent à cet égard sont abusives ou déraisonnables. L'agent peut s'appuyer sur ses connaissances personnelles. Il ressort clairement de sa décision et de son affidavit que, en se fondant sur l'entrevue, l'agent a conclu que le demandeur n'était pas admissible en raison de l'alinéa 35(1)b). L'agent a fourni des motifs et la Cour ne dispose d'aucun élément donnant à penser que l'agent, selon ce qu'il avait appris du demandeur et selon ses connaissances personnelles à l'égard de la structure politique en Afghanistan à l'époque pertinente, a tiré des conclusions susceptibles de contrôle. Il appartient au demandeur de démontrer qu'il y a eu une erreur susceptible de contrôle. Le demandeur a choisi de ne pas fournir à la Cour d'éléments de preuve à l'égard de ce qui s'était produit lors de l'entrevue ou quant à la question de savoir si les hypothèses de l'agent étaient incorrectes et n'étaient pas appuyées par la preuve. Il ne peut pas maintenant se plaindre à l'égard de ces questions. La Cour ne peut pas faire d'hypothèses au vu du dossier ou de l'affidavit de l'agent.

[80]            Le demandeur renvoie la Cour à diverses dispositions des directives du chapitre ENF 18 pour alléguer ce qu'il aurait été approprié que l'agent fasse selon les circonstances de la présente affaire. Mais, une fois de plus, en outre du fait que ce ne sont que des directives, je ne dispose d'aucun élément de preuve démontrant que l'agent n'a pas suivi les directives auxquelles le demandeur renvoie. Nous savons effectivement, par exemple, au vu du dossier et de l'affidavit de l'agent, qu'il s'est conformé à la disposition 8.3 du chapitre ENF 18 parce que l'agent a convoqué le demandeur à une entrevue et lui a donné la possibilité de démontrer que son poste n'était pas de rang supérieur et qu'il n'influençait pas sensiblement ou ne pouvait pas influencer sensiblement les actions, décisions ou politiques des régimes.

[81]            Je ne pense pas qu'il y ait eu un manquement à l'obligation d'agir avec équité dans la situation révélée par le dossier. L'agent n'était pas tenu d'informer à l'avance le demandeur de ses préoccupations. Il a suivi les directives du chapitre ENF 18 et il a invité le demandeur à se présenter à une entrevue et lui a mentionné ses préoccupations. Le demandeur a eu la possibilité entière de répondre aux préoccupations.

La dispense d'application prévue par le paragraphe 35(2) n'a pas été prise en compte ou offerte au demandeur

[82]            Comme point préliminaire, en l'absence d'un affidavit du demandeur, la Cour n'est pas en mesure de savoir s'il a été question du paragraphe 35(2) lors de l'entrevue.

[83]            Mais même s'il n'en a pas été question, la jurisprudence de la Cour établit clairement que si le demandeur voulait que la dispense d'application soit prise en compte, il devait le demander en temps opportun. Voir la décision Mahzooz, précitée, et l'arrêt Adam, précité. Il n'appartenait pas non plus à l'agent d'informer le demandeur de l'existence de la dispense d'application. Voir la décision Mahzooz, précitée, au paragraphe 36.

La prétention à l'égard de l'erreur technique


[84]            Le demandeur affirme que l'agent a outrepassé sa compétence parce qu'il a appliqué l'alinéa 35(1)b) de la LIPR à une désignation faite sous l'ancienne Loi sur l'immigration. Le demandeur affirme que depuis l'entrée en vigueur de la LIPR l'ancienne désignation faite suivant la Loi sur l'immigration n'a plus d'effet et que les dispositions réglementaires transitoires ne traitent pas de la question.

[85]            Le défendeur dirige l'attention de la Cour vers diverses règles transitoires qui pourraient s'appliquer à la situation et vers l'article 44 de la Loi d'interprétation.

[86]            Il n'existe pas de dispositions précises qui renvoient directement à une désignation ministérielle suivant la Loi sur l'immigration et cette question ne semble pas avoir été traitée par la Cour. Mon examen du paragraphe 317(2) (qui mentionne que les « documents » continuent d'avoir effet) et de l'article 44 de la Loi d'interprétation donne à penser qu'une désignation ministérielle de la sorte de celle en litige dans la présente affaire est reportée et continue d'avoir effet suivant la LIPR.

[87]            Cependant, en l'absence d'une décision qui fait jurisprudence à cet égard, il m'apparaît que cette question soulève une question de portée générale qui serait déterminante dans la présente affaire. Par conséquent, je partage l'opinion du demandeur selon laquelle une question à cet égard devrait faire l'objet d'une certification.


[88]            Le demandeur propose en outre qu'il y ait une certification à l'égard de la question de savoir si, relativement à une allégation suivant l'alinéa 35(1)b) de la LIPR, un avis écrit devrait être fourni à une personne qui demande un visa dans le contexte d'un parrainage familial. À mon avis, le droit sur cette question est déjà suffisamment clair.

ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE :

1.          La demande est rejetée.

2.          La question suivante est certifiée :

Une désignation ministérielle faite suivant l'alinéa 19(1)l) de l'ancienne Loi sur l'immigration continue-t-elle d'avoir effet pour l'application de l'alinéa 35(1)b) de la LIPR ou le ministre est-il tenu de faire une nouvelle désignation suivant la LIPR?

                                                                                 _ James Russell _              

                                                                                                     Juge                        

Traduction certifiée conforme

Danièle Laberge, LL.L.


                                     COUR FÉDÉRALE

                      AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                   IMM-1145-03

INTITULÉ :                                  MOHAMMAD ZAHIR ZAHERI

c.

MCI

LIEU DE L'AUDIENCE :                  TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :                LE 11 MARS 2004

MOTIFS DE L'ORDONNANCE : LE JUGE RUSSELL

DATE DES MOTIFS :                       LE 25 MARS 2004

COMPARUTIONS :

Michael Crane                                 POUR LE DEMANDEUR

Sally Thomas                                   POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Michael Crane                                 POUR LE DEMANDEUR

Avocat

Toronto (Ontario)

Ministère de la Justice                      POUR LE DÉFENDEUR

Toronto (Ontario)


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