Date : 20000120
T-2685-95
E n t r e :
COCA-COLA LTD. et COCA-COLA BOTTLING LTD.
demanderesses
- et -
MUSADIQ PARDHAN, faisant affaire sous la raison sociale de
UNIVERSAL EXPORTERS,
1106972 ONTARIO LIMITED,faisant affaire sous la raison sociale de UNIVERSAL EXPORTERS et M. UNTEL et Mme UNETELLE et D"AUTRES
PERSONNES DONT LES DEMANDERESSES IGNORENT L"IDENTITÉ
QUI OFFRENT EN VENTE, VENDENT, EXPORTENT
OU TRANSBORDENT DES PRODUITS COCA-COLA
défendeurs
MOTIFS DE L"ORDONNANCE
(Les paragraphes 1 à 19 des présents motifs d"ordonnance
ont été prononcés oralement à Toronto le 19 janvier 2000)
LE JUGE EN CHEF ADJOINT LUTFY
INTRODUCTION
[1] Dans les motifs d"ordonnance que j"ai prononcés le 16 novembre 1999, j"ai conclu que le défendeur Musadiq Pardhan s"était rendu coupable d"outrage au tribunal pour avoir violé l"injonction interlocutoire en date du 8 janvier 1996 par laquelle le juge MacKay avait interdit à M. Pardhan et à d"autres personnes d"exporter des produits Coca-Cola du Canada.
[2] En particulier, j"ai déclaré le défendeur Musadiq Pardhan coupable d"outrage au tribunal conformément aux accusations contenues au paragraphe 2 de l"ordonnance de justification en date du 29 juillet 1997 dans laquelle le juge en chef adjoint Jerome déclarait :
[TRADUCTION] |
2. ET LA COUR ENJOINT aux défendeurs MUSADIQ PARDHAN et MUSTAFA PARDHAN de comparaître devant la Cour [...] pour expliquer les raisons pour lesquelles ils ne devraient pas être jugés coupables d"outrage au tribunal pour avoir : |
a) violé l"injonction interlocutoire prononcée le 8 janvier 1996 par le juge MacKay au motif qu"ils ont directement ou indirectement, par l"intermédiaire de 1184268 Ontario Limited et en violation flagrante des modalités explicites de l"injonction en question : |
i. ordonné et effectué des exportations et transbordements non autorisés de produits canadiens de marque COCA-COLA ou ont participé à de telles activités ; |
ii. distribué, exporté, vendu ou offert en vente des produits de marque COCA-COLA des demanderesses à des tiers se trouvant à l"extérieur du Canada, en les exportant du Canada, ou à des tiers se trouvant au Canada en vue de leur exportation à des tiers se trouvant à l"extérieur du Canada ; |
iii. transporté, expédié, distribué, commercialisé, promu ou vendu des produits de marque COCA-COLA des demanderesses sur un territoire où les défendeurs ne sont pas autorisés à distribuer, commercialiser, promouvoir ou vendre ces produits ; |
iv. aidé et encouragé d"autres personnes à se livrer à des activités de transbordement qui contreviennent aux modalités de l"injonction. |
[3] J"ai également conclu que le défendeur Mustafa Pardhan n"était coupable d"aucun des faits qu"on lui reprochait dans l"ordonnance de justification.
[4] Les présents motifs portent sur la question de la pénalité et des dépens.
PÉNALITÉ
[5] Les actes de désobéissance dont Musadiq Pardhan a été reconnu coupable ont été commis avant l"entrée en vigueur des Règles de la Cour fédérale (1998), DORS/98-106. En conséquence, les deux parties reconnaissent que la peine applicable est celle qui est prévue à l"article 355 des anciennes Règles de la Cour fédérale , C.R.C. 1978, ch. 663. Le paragraphe 355(2) disposait :
355.(2) Except where otherwise provided, anyone who is guilty of contempt of court is liable to a fine, which in the case of an individual shall not exceed $5,000, or to imprisonment for a period not exceeding one year. Imprisonment, and in the case of a corporation, a fine, for refusal to obey any process or order may be repeatedly inflicted until the person condemned obeys. |
355.(2) Sauf disposition contraire, quiconque est coupable d"outrage au tribunal est passible d"une amende qui, dans le cas d"un particulier ne doit pas dépasser 5 000 $ ou d"un emprisonnement d"un an au plus. L"emprisonnement et, dans le cas d"une corporation, une amende, pour refus d"obéissance à un bref ou une ordonnance, peuvent être renouvelés jusqu"à ce que la personne condamnée obéisse. |
Ainsi, dans le cas qui nous occupe, M. Pardhan est passible d"une amende maximale de 5 000 $ ou d"un emprisonnement maximal d"un an. L"article 472 des Règles de la Cour fédérale (1998) ne prévoit aucune limite précise à l"amende qui peut être infligée et la personne reconnue coupable d"outrage au tribunal peut être incarcérée pour une période de moins de cinq (5) ans.
[6] En l"espèce, les défendeurs ont obtenu le rejet de l"action et la dissolution de l"injonction avant la tenue de l"audience relative à l"ordonnance de justification. Aucune des parties n"a prétendu que ces mesures constituaient un moyen de défense aux accusations d"outrage au tribunal. Cependant, dans l"arrêt Canada (Commission des droits de la personne) c. Canadian Liberty Net, [1996] 1 C.F. 787 (C.A.), à la page 801, conf. à [1998] 1 R.C.S. 626, le juge Linden a fait remarquer, au nom de la majorité :
La circonstance atténuante la plus importante à prendre en considération est que l'ordonnance violée a été jugée non valide par notre Cour. Une telle ordonnance n'est certainement pas du genre de celles dont la violation devrait entraîner des suites désastreuses. |
Compte tenu de cet énoncé, auquel je souscris, et d"autres principes d"atténuation en matière de détermination de la peine, que j"applique, je suis d"accord avec les parties pour dire que M. Pardhan ne devrait pas être condamné à une peine d"emprisonnement pour une conduite qui aurait été légale si elle n"avait pas constitué un manquement à l"injonction de la Cour.
[7] Les demanderesses réclament toutefois une amende de 2 700 $ pour chacune des trente-neuf cargaisons de produits Coca-Cola qui ont été exportées du Canada en violation des modalités de l"injonction par 1184268 Ontario Limited, faisant affaire sous la raison sociale de Sid Enterprise. La somme de 2 700 $ correspond à l"estimation que les demanderesses font des profits moyens réalisés à l"égard de chacune des cargaisons. Si elle était acceptée, cette prétention se traduirait par une amende totale de 105 300 $.
[8] Pour évaluer les observations formulées par les demanderesses au sujet de l"amende qu"il convient d"infliger, il est utile d"examiner les principales conclusions de fait qui ont été tirées au sujet de M. Musadiq Pardhan sur le fondement des éléments de preuve présentés au cours de l"audience relative à l"outrage au tribunal :
[TRADUCTION] |
73. [...] Je conclus, hors de tout doute raisonnable, que trente-neuf cargaisons comprenant des produits Coca-Cola ont été exportés du Canada en violation des modalités de l"injonction par 1184268 Ontario Limited, faisant affaire sous la raison sociale de Sid Enterprise. |
[...]
109. [...] M. Chen, qui agissait pour le compte de Bay Harbour Trading, a acheté au moins six cargaisons de cannettes de boisson à Sid Enterprise en avril et en mai 1997, dont chacune contenait des produits Coca-Cola. Il est peu plausible que, lorsqu"il a écrit cette lettre à son père, Musadiq ne savait pas que M. Chen, en compagnie de qui il était photographié, recevait des produits Coca-Cola dans les contenants mentionnés dans cette lettre et dans la lettre du 12 mai 1997 de " Sid ". [Renvoi omis.] |
[...]
132. En conséquence, je conclus hors de tout doute raisonnable que la lettre du 12 mai 1997 de " Sid " a été écrite par Musadiq Pardhan et qu"il a participé à la vente de produits Coca-Cola à Bay Harbour Trading Corporation en avril et en mai 1997 pour le compte de 1184268 Ontario Limited, faisant affaire sous la raison sociale de Sid Enterprise. |
133. [...] Lorsque je les rapproche d"autres éléments de preuve, ces faits importants m"amènent à conclure hors de tout doute raisonnable que Musadiq Pardhan a directement participé à l"exportation de produits Coca-Cola en violation de l"injonction du 8 janvier 1996. |
[9] À mon avis, l"argument des demanderesses suivant lequel l"amende totale correspond à un multiple du nombre de cargaisons de produits Coca-Cola qui ont été exportés du Canada doit être rejeté pour quatre motifs principaux.
[10] En premier lieu, l"ordonnance de justification était libellée en des termes généraux. Ni les dates ni la quantité de produits exportés n"étaient précisées. Au cours de l"exposé introductif qu"il a présenté lors de l"audience sur l"outrage au tribunal, l"avocat des demanderesses a affirmé que des précisions avaient été communiquées aux défendeurs dès l"introduction de la présente instance au sujet des 136 cargaisons de produits Coca-Cola exportés. J"estime toutefois que cette communication de renseignements plus précis par les demanderesses n"a modifié en rien le libellé de l"ordonnance de justification.
[11] Les conclusions de fait de la Cour sont inspirées des conditions générales de l"ordonnance de justification. Sid Enterprise a exporté trente-neuf cargaisons qui comprenaient des produits Coca-Cola. Les lettres écrites par Musadiq Pardhan au sujet de six cargaisons expédiées à Bay Harbour Trading en avril et en mai 1997 font partie des éléments de preuve relatifs à sa participation directe à l"exportation de produits Coca-Cola par Sid Enterprise. Il n"existe pas d"autre conclusion de fait plus précise au sujet de la participation directe de Musadiq Pardhan à l"expédition du nombre total de cargaisons effectuée par Sid Enterprise que celles qui sont alléguées dans l"ordonnance de justification.
[12] Qui plus est, faute de plus amples précisions dans l"ordonnance de justification, la Cour n"est pas plus justifiée d"utiliser le nombre de cargaisons expédiées comme facteur de multiplication pour calculer l"amende à infliger que d"employer le nombre de palettes à patins ou de caisses de produits Coca-Cola.
[13] Deuxièmement, l"imposition d"une peine aussi sévère que celle que proposent les demanderesses va à l"encontre du sens non ambigu du paragraphe 355(2) des Règles, qui dispose que " quiconque est coupable d"outrage au tribunal est passible d"une amende qui, dans le cas d"un particulier, ne doit pas dépasser 5 000 $ ". Ce paragraphe ne contient aucune disposition qui permette d"infliger une amende de plus de 5 000 $ à une personne lors d"une condamnation d"outrage au tribunal.
[14] Troisièmement, j"estime que l"avocat n"a cité aucune jurisprudence qui appuie la thèse des demanderesses suivant laquelle des amendes multiples peuvent être infligées lorsque, comme c"est le cas en l"espèce, la seule ordonnance de justification qui se rapporte directement à l"unique injonction prononcée est libellée en des termes généraux.
[15] Dans l"affaire Louis Vuitton S.A. c. Tokyo-Do Enterprises Inc., (1990), 37 C.P.R. (3d) 8 (C.F. 1re inst.), la défenderesse avait été condamnée à une amende de 2 500 $ pour chacune des deux condamnations pour outrage au tribunal dont elle avait fait l"objet aux termes de deux ordonnances de justification distinctes se rapportant à la même injonction. Les deux ordonnances de justification, qui avaient été rendues à sept mois d"intervalle, précisaient le détail des opérations au sujet desquelles la défenderesse était accusée d"avoir violé les modalités de l"injonction. Les modalités générales de l"ordonnance de justification rendue dans cette affaire diffèrent sensiblement du libellé très précis des ordonnances correspondantes qui ont été prononcées dans l"affaire Louis Vuitton . Qui plus est, la peine totale infligée dans le jugement Louis Vuitton ne dépassait pas 5 000 $.
[16] Dans le jugement Polo Ralph Lauren Corp. c. Cato, [1990] 3 C.F. 541 (1re inst.), la première défenderesse avait été condamnée à une amende de 1 500 $ pour chacune de quatre violations distinctes d"ordonnances judiciaires. La seconde défenderesse avait été condamnée à une amende de 3 000 $ pour chacune de deux violations distinctes d"ordonnances judiciaires. Les amendes se rapportaient à l"existence de quatre injonctions distinctes qui étaient expressément mentionnées dans deux ordonnances de justification distinctes. Là encore, il ne s"agit pas d"un précédent que les demanderesses peuvent légitimement invoquer pour justifier les amendes multiples qu"elles réclament en l"espèce.
[17] Quatrièmement, dans leurs observations écrites, les demanderesses affirment ce qui suit :
[TRADUCTION] |
Sur le plan des principes, il est illogique de considérer une série d"incidents distincts de violation d"une injonction comme un seul outrage. Une seule et même ordonnance peut être violée à de nombreuses reprises et justifier chaque fois l"infliction de la peine appropriée. Si la violation répétée d"une ordonnance judiciaire ne peut donner lieu qu"à une seule conclusion d"outrage au tribunal et à une seule pénalité, les personnes responsables d"outrages au tribunal seraient alors encouragées à faire fi à plusieurs reprises de la procédure de la Cour. |
Cet argument de principe, qui n"est pas dénué de fondement, peut trouver une réponse à l"alinéa 472c ) des nouvelles Règles de la Cour fédérale (1998), qui ne fixe aucune limite au montant de l"amende qui peut être imposée. La force de cet argument de principe ne peut être utilisée au détriment des défendeurs, compte tenu du fait que les anciennes Règles prévoyaient expressément une amende maximale de 5 000 $ et que l"ordonnance de justification est libellée en des termes aussi généraux.
[18] En résumé, je conclus que l"amende maximale à laquelle le défendeur Musadiq Pardhan peut être condamné en l"espèce est de 5 000 $.
[19] Dans le cas qui nous occupe, la principale circonstance atténuante est le rejet de l"action des demanderesses et la dissolution de l"injonction. Ce facteur, ajouté à l"objet du litige, commande de limiter la peine à une amende. Nous ne sommes cependant pas en présence d"un ou deux actes isolés en l"espèce. Les activités de Sid Enterprise se sont échelonnées sur une quinzaine de mois. La conduite de Musadiq Pardhan, lors de la perpétration des actes interdits par l"injonction, était délibérée et était dissimulée sous forme de subterfuge et elle constituait un mépris flagrant de l"ordonnance de la Cour. Les faits de la présente espèce sont sensiblement différents de ceux de l"affaire Asian Video Movies Wholesaler Inc. c. 1126392 Ontario Inc. (faisant affaire sous la raison sociale de Asian Food and Video) (1996), 68 C.P.R. (3d) 262 (C.F. 1re inst.). À la toute fin de l"audience sur la pénalité et les dépens, lorsqu"on lui a demandé s"il souhaitait dire quelque chose, le défendeur Musadiq Pardhan a offert une sorte d"excuse au tribunal. Compte tenu de l"ensemble de ces circonstances, j"en suis arrivé à la conclusion que la pénalité qu"il convient d"imposer en l"espèce est une amende de 4 000 $.
LES DÉPENS
[20] Dans le jugement Dimatt Investments Inc. c. Presidio Clothing Inc. (1993), 48 C.P.R. (3d) 46 (C.F. 1re inst.), une autre instance concernant un outrage au tribunal commis dans le cadre d"un procès portant sur une marque de commerce, le juge MacKay a conclu ce qui suit au sujet des dépens :
[TRADUCTION] |
En plus d"imposer des amendes, j"ai condamné la défenderesse aux dépens extrajudiciaires raisonnables. Cette mesure s"accorde avec la pratique usuelle suivie par la Cour lorsqu"elle accueille une demande d"ordonnance reconnaissant une personne coupable d"outrage au tribunal pour s"assurer que les démarches entreprises par la partie qui cherche à faire respecter l"ordonnance de la Cour n"entraînent pas des frais déraisonnables pour le requérant. |
Voir également les jugements Innovation and Development Partners/IDP Inc. c. Canada (1993), 64 F.T.R. 177 (1re inst.) et Tele-Direct (Publications) Inc. c. Canadian Business OnLine Inc. (1998), 85 C.P.R. (3d) 332 (C.F. 1re inst.).
[21] Dans le jugement Pfizer Canada Inc. c. Apotex Inc. (1998), 86 C.P.R. (3d) 33 (C.F. 1re inst.), le juge Hugessen a fait remarquer que le principe sous-jacent à la coutume consistant à adjuger les dépens au tarif des dépens extrajudiciaires dans les cas d"outrage au tribunal est clair : " [...] Une partie qui aide la Cour à appliquer les ordonnances qu'elle rend et à en assurer le respect ne devrait pas être tenue de payer de sa poche les frais qu'elle engage à cette fin. " Dans cette affaire, les dépens adjugés représentaient moins de dix pour cent du montant total des frais extrajudiciaires. Pour en arriver à cette décision, la Cour a tenu compte des circonstances particulières de cette affaire et s"est assurée que la condamnation aux dépens ne constituait pas une peine indue.
[22] En l"espèce, les parties ont invité la Cour à fixer un montant forfaitaire en ce qui concerne les dépens pour l"audience de neuf jours qui s"est déroulée au sujet des dépens et des injonctions interlocutoires du 29 juillet 1997, du 18 novembre 1997, du 1er mai 1998 et du 12 janvier 1999. Les demanderesses ont suggéré que leurs dépens extrajudiciaires s"éleveraient à environ 125 000 $, sans compter les frais d"environ 100 000 $ qu"ils ont payés à leurs enquêteurs et les honoraires de 33 000 $ qu"ils ont versés à un avocat pour le temps qu"il a consacré pour préparer le procès et pour y assister afin de témoigner au sujet de certaines questions de fait.
[23] Outre l"instance introduite devant notre Cour, les parties sont en procès devant d"autres tribunaux au sujet des activités des défendeurs en ce qui concerne le transbordement de produits Coca-Cola. On a soumis très peu de renseignements à la Cour au sujet de ces autres procès. Je suis toutefois conscient du fait que, dans l"exercice de mon pouvoir discrétionnaire en matière de liquidation des dépens, je dois m"en tenir aux éléments énumérés à l"article 400 des Règles.
[24] Dès le premier jour de l"audience sur l"outrage au tribunal, les deux parties étaient conscientes du fait que la partie qui succomberait s"exposait à des dépens considérables. En particulier, l"avocat des défendeurs a tenu des propos non équivoques à ce sujet. En outre, encore une fois dès l"ouverture de l"audience sur l"outrage au tribunal, les demanderesses ont compris que c"étaient les anciennes Règles de la Cour fédérale qui s"appliqueraient. En conséquence, les parties ont compris que, dans le cadre de la présente instance, l"amende maximale qui pouvait être imposée était de 5 000 $. Les demanderesses ont toutefois bien précisé qu"elles réclameraient plusieurs amendes en fonction du nombre de cargaisons expédiées en violation de l"injonction.
[25] On m"a informé, après que j"eus condamné le défendeur Musadiq Pardhan à une amende, que des offres de règlement avaient été faites au cours de l"audience sur l"outrage au tribunal, sous réserve de l"approbation de la Cour.
[26] L"avocat des défendeurs a déclaré verbalement qu"après deux ou trois jours d"audience, ses clients étaient disposés à acquitter une partie des dépens des demanderesses, sans aveu de culpabilité en ce qui concerne les accusations d"outrage au tribunal. Cette offre n"était valable que pour une courte période de temps.
[27] Le 11 juin 1998, après que tous les témoins eurent été entendus, exception faite des témoignages recueillis le 24 août 1998 dans le cadre de la commission rogatoire, les demanderesses ont soumis l"offre de règlement suivante :
[TRADUCTION] |
1. Le défendeur Musadiq Pardhan admettra avoir directement et indirectement violé les modalités de l"injonction interlocutoire prononcée le 8 janvier 1996 par le juge MacKay et admettra sa responsabilité pour violation de cette injonction ; |
2. Le défendeur Musadiq Pardhan paiera à la Cour fédérale du Canada une amende de 4 000 $ CAN (quatre mille dollars canadiens) ; |
3. Le défendeur Musadiq Pardhan acquittera sans délai les dépens des demanderesses au tarif des dépens entre parties relativement à l"audience de justification qui s"est déroulée devant le juge Lutfy et à toutes les questions et requêtes s"y rapportant, y compris les requêtes afférentes à l"ordonnance de justification et l"ordonnance Anton Piller (toutes deux datées du 29 juillet 1997), d"autres requêtes s"y rapportant et l"exécution de celles-ci, ainsi que tous les débours raisonnables (y compris les frais d"enquête) se rapportant à toutes les questions susmentionnées. |
L"avocat a en outre précisé au moment de l"offre que les demanderesses ne chercheraient plus à obtenir un aveu de responsabilité pour outrage au tribunal ou le paiement de dépens de la part du défendeur Mustafa Pardhan. Cette offre pouvait être acceptée jusqu"au 10 juillet 1998.
[28] Je constate également qu"il était loisible aux demanderesses de s"adresser à la Cour au sujet du désistement de l"instance en outrage au tribunal introduite contre Mustafa Pardhan au cours de laquelle la Cour aurait pu, dans l"exercice de son pouvoir discrétionnaire, limiter la question des dépens.
[29] En ce qui concerne les débours réclamés par les demanderesses, j"ai tenu compte de l"importance relative du travail des enquêteurs et des affidavits qui ont donné lieu à la seconde ordonnance Anton Piller qui a été prononcée le 29 juillet 1997. Si j"ai bien compris, des renseignements qui ont été recueillis auprès d"un tiers en mars 1997 ont incité les demanderesses à faire intervenir les enquêteurs à ce moment-là. Les enquêteurs ont identifié la participation des défendeurs Musadiq Pardhan et Mustafa Pardhan à Sid Enterprise dans ses locaux de l"avenue Steeles. Leur surveillance leur a également permis de préciser le rôle joué par Oscar Cheddi. C"est toutefois davantage grâce aux documents de Cheddi et à leur capacité d"établir une corrélation entre ces documents et les renseignements tirés des registres du Club Price qui ont été recueillis en vertu du subpoena que les demanderesses ont réussi à établir la culpabilité du défendeur Musadiq Pardhan. Les documents de Cheddi ont été obtenus dans le cadre de l"exécution de la seconde ordonnance Anton Piller. Cette même ordonnance a également permis aux demanderesses d"obtenir des documents utiles à la résidence de Pardhan et aux locaux de l"avenue Steeles de Sid Enterprise. Les documents obtenus grâce à la seconde ordonnance Anton Piller ont davantage contribué au succès des demanderesses, sur le plan de la preuve, que les longues heures consacrées par les enquêteurs à faire de la surveillance. Finalement, j"en suis arrivé à la conclusion qu"il ne convient pas d"adjuger des débours ou des honoraires en ce qui concerne le témoignage de l"avocat.
[30] Bien que le rôle joué par les demanderesses dans la poursuite de la présente instance pour outrage au tribunal sert à protéger l"intégrité de l"ordonnance rendue par la Cour, il faut trouver le juste milieu, lorsqu"il s"agit d"adjuger les dépens, entre cet intérêt public et l"intérêt privé des demanderesses à l"égard du procès. Dans la présente action, les demanderesses cherchent à protéger la réputation de leurs marques de commerce. À mon avis, il faut tenir compte de ces intérêts opposés pour apprécier " l"intérêt public dans la résolution judiciaire de l"instance " au sens de l"alinéa 400(3)h ) des Règles et pour fixer des dépens raisonnables.
[31] En résumé, je me suis guidé sur deux principes pour condamner le défendeur Musadiq Pardhan aux dépens. Premièrement, en matière d"outrage au tribunal, il est possible d"adjuger au demandeur des dépens raisonnables au tarif des dépens extrajudiciaires. En second lieu, la condamnation aux dépens ne doit pas donner lieu à l"imposition d"une peine indue particulièrement, selon moi, lorsque l"ordonnance qui a été violée a été jugée invalide. On ne m"a soumis aucun élément de preuve au sujet de la situation financière actuelle de Musadiq Pardhan pour mieux comprendre ce qui peut constituer une peine indue en l"espèce. J"ai également tenu compte de l"offre de règlement des demanderesses, conformément à l"alinéa 400(3)e ) des Règles, en tenant compte du fait qu"elle n"a pas été acceptée au cours de la courte période où elle pouvait l"être.
[32] J"estime que les dépens entre parties représenteraient environ le tiers des dépens extrajudiciaires réclamés par les demanderesses, à l"exclusion des débours. Même en tenant compte de la dissolution de l"injonction, il n"y a aucune raison à mon avis de n"accorder aux demanderesses que les dépens entre parties. En juin et juillet 1998, le défendeur Musadiq Pardhan a, alors qu"il était au courant de la presque totalité des éléments de preuve présentés par les demanderesses au tribunal, refusé l"offre l"invitant à se reconnaître coupable d"outrage au tribunal et de payer une amende de 4 000 $ et les dépens au tarif des dépens entre parties. Aucune des raisons avancées par son avocat pour justifier la non-acceptation de l"offre de règlement des demanderesses n"est valable sur le plan juridique. Le refus de l"offre des demanderesses a indûment prolongé le procès, un facteur dont j"ai tenu compte pour calculer les dépens raisonnables à payer.
[33] En ce qui concerne le défendeur Musadiq Pardhan, je fixe les dépens à la somme de 80 000 $, ce qui inclut tous les débours, sauf pour une somme supplémentaire de 15 000 $ en ce qui concerne les enquêteurs.
[34] Le même avocat a agi pour les deux défendeurs Musadiq Pardhan et Mustafa Pardhan. Il y a lieu de tenir compte de ce facteur pour évaluer les dépens entre partie adjugés à Mustafa Pardhan que je fixe à la somme de 15 000 $, laquelle comprend les débours.
J.C.A.
Ottawa (Ontario)
Le 20 janvier 2000.
Traduction certifiée conforme
Martine Guay, LL. L.
COUR FÉDÉRALE DU CANADA
Avocats et procureurs inscrits au dossier
No DU GREFFE : T-2685-95 |
INTITULÉ DE LA CAUSE : COCA-COLA LTD. et COCA-COLA BOTTLING LTD. |
- et - |
MUSADIQ PARDHAN faisant affaire sous la raison sociale de UNIVERSAL EXPORTERS, 1106972 ONTARIO LIMITED faisant affaire sous la raison sociale de UNIVERSAL EXPORTERS, et M. UNTEL et Mme UNETELLE et D"AUTRES PERSONNES DONT LES DEMANDERESSES IGNORENT L"IDENTITÉ QUI OFFRENT EN VENTE, VENDENT, EXPORTENT OU TRANSBORDENT DES PRODUITS COCA-COLA |
DATES D"AUDIENCE : LE MERCREDI 15 DÉCEMBRE 1999 |
LE MERCREDI 19 JANVIER 2000
LIEU DE L"AUDIENCE : TORONTO (ONTARIO) |
MOTIFS DE L"ORDONNANCE DU JUGE EN CHEF ADJOINT LUTFY EN DATE DU JEUDI 20 JANVIER 2000
ONT COMPARU : MesChristopher J. Pibus et |
James H. Buchan
pour les demanderesses |
M e David A. Seed |
pour les défendeurs |
PROCUREURS INSCRITS
AU DOSSIER : Gowling, Strathy & Henderson |
Avocats et procureurs
4900 Commerce Court West
C.P. Box 438
Toronto (Ontario)
M5L 1J3
pour les demanderesses |
Muir & Seed
Avocats et procureurs
468, rue Elizabeth |
Burlington (Ontario)
L7R 2M2
pour les défendeurs |
COUR FÉDÉRALE DU CANADA
Date : 20000119
T-2685-95
E n t r e :
COCA-COLA LTD. et COCA-COLA |
BOTTLING LTD.
demanderesses
- et -
MUSADIQ PARDHAN, faisant affaire sous la raison sociale de UNIVERSAL EXPORTERS, 1106972 ONTARIO LIMITED faisant affaire sous la raison sociale de UNIVERSAL EXPORTERS et M. UNTEL et Mme UNETELLE et D"AUTRES PERSONNES DONT LES DEMANDERESSES IGNORENT L"IDENTITÉ QUI OFFRENT EN VENTE, VENDENT, EXPORTENT OU TRANSBORDENT DES PRODUITS COCA-COLA |
défendeurs
MOTIFS DE L"ORDONNANCE
Date : 20000120
T-2685-95
OTTAWA (ONTARIO), LE 20 JANVIER 2000
EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE EN CHEF ADJOINT
E n t r e :
COCA-COLA LTD. et COCA-COLA BOTTLING LTD.
demanderesses
- et -
MUSADIQ PARDHAN, faisant affaire sous la raison sociale
de UNIVERSAL EXPORTERS,
1106972 ONTARIO LIMITED faisant affaire sous la raison sociale de UNIVERSAL
EXPORTERS et M. UNTEL et Mme UNETELLE et D"AUTRES
PERSONNES DONT LES DEMANDERESSES IGNORENT L"IDENTITÉ
QUI OFFRENT EN VENTE, VENDENT, EXPORTENT
OU TRANSBORDENT DES PRODUITS COCA-COLA
défendeurs
ORDONNANCE
LA COUR, VU l"ordonnance de justification prononcée le 29 juillet 1997 par le juge en chef adjoint Jerome ;
VU l"audience sur l"outrage au tribunal et les observations écrites des parties ;
VU les motifs de l"ordonnance de la Cour en date du 16 novembre 1999 ;
VU l"audience du 15 décembre 1999 relative aux questions de la pénalité et des dépens et l"audience du 19 janvier 2000 au cours de laquelle les offres de règlement des parties ont été divulguées après que la Cour eut prononcé la peine ;
VU la demande des parties visant à obtenir que la Cour fixe les dépens sous forme de somme forfaitaire en ce qui concerne l"ordonnance d"outrage au tribunal et les ordonnances connexes des 29 juillet 1997, 18 novembre 1997, 1er mai 1998 et 12 janvier 1999 :
1. DÉCLARE le défendeur Musadiq Pardhan coupable d"outrage au tribunal pour avoir violé l"injonction interlocutoire prononcée le 8 janvier 1996 par le juge MacKay conformément aux accusations formulées au paragraphe 2 de l"ordonnance de justification en date du 29 juillet 1997 ;
2. DÉCLARE que le défendeur Mustafa Pardhan n"est pas coupable d"outrage au tribunal pour les actes dont il est accusé aux paragraphes 2 et 4 de l"ordonnance de justification en date du 29 juillet 1997 ;
3. CONDAMNE le défendeur Musadiq Pardhan à une amende de 4 000 $ qui devra être payée à l"ordre du Receveur général du Canada et être déposée au greffe de Toronto de la Cour dans les trente (30) jours du prononcé de la présente ordonnance, à défaut de quoi le défendeur Musadiq Pardhan devra être incarcéré pour une période de quinze (15) jours ;
4. CONDAMNE le défendeur Musadiq Pardhan à verser aux demanderesses la somme de 95 000 $ à titre de dépens, laquelle somme comprend tous les débours ;
5. CONDAMNE les demanderesses à verser au défendeur Mustafa Pardhan la somme de 15 000 $ à titre de dépens, laquelle somme comprend tous les débours.
" Allan Lutfy "
J.C.A.
Ottawa (Ontario)
Le 20 janvier 2000
Traduction certifiée conforme
Martine Guay, LL.L.