Date : 20020913
Dossier : IMM-3464-02
Référence neutre : 2002 CFPI 971
Ottawa (Ontario), le 13 septembre 2002
EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE BLANCHARD
ENTRE :
BERNARD ANTHONY BRISSETT
demandeur
- et -
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION
défendeur
MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE
[1] Il s'agit d'une requête présentée pour le compte du demandeur en vue d'obtenir une ordonnance de la nature d'un mandamus enjoignant à la Section d'appel de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (la Section d'appel) de fournir des motifs écrits à l'appui de sa décision de rejeter la requête dans laquelle le demandeur a sollicité le rétablissement de l'appel qu'il a interjeté à l'égard d'une mesure d'expulsion.
[2] Le 22 juillet 2002, le demandeur a déposé une demande de contrôle judiciaire à l'égard de la décision de la Section d'appel de rejeter sa requête en réouverture d'appel.
[3] Le 12 juillet 2002, le demandeur a demandé à la Section d'appel qu'elle fournisse des motifs écrits à l'appui de sa décision de rejeter sa requête en rétablissement.
[4] Le 6 août 2002, la Section d'appel a informé toutes les parties qu'elle ne donnerait pas de motifs écrits parce la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés ne l'exige pas.
[5] Selon le demandeur, l'alinéa 169b) de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001 ch. 27, exige que la Section d'appel fournisse des motifs écrits lorsqu'une partie intéressée lui en fait la demande et que la décision en cause n'est pas interlocutoire.
[6] Le 21 août 2002, le demandeur a déposé la présente requête.
[7] À titre préliminaire, il convient de noter que le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration est la seule partie défenderesse dans la demande de contrôle judiciaire. Toutefois, le recours exercé par le demandeur a une incidence directe sur un tiers à l'instance. À mon avis, le demandeur aurait donc dû dans un premier temps demander à la Cour l'autorisation d'ajouter la Section d'appel en tant que partie défenderesse avant d'exercer le recours extraordinaire que constitue la demande de bref de mandamus. Bien que les parties n'aient pas soulevé la question, je conclus que la Cour ne devrait pas se prononcer sur un tel recours extraordinaire contre un tiers à l'instance.
[8] Malgré cette conclusion, je traiterai des questions soulevées par les parties dans le cadre de la présente requête.
[9] Le demandeur, après que la présente requête eut été entendue, a présenté des observations additionnelles selon lesquelles la Cour avait compétence pour rendre une ordonnance de la nature d'un mandamus dans le cadre d'une requête interlocutoire. À l'appui de sa position, le demandeur invoque l'arrêt de la Cour suprême du Canada dans Canada (Commission des droits de la personne) c. Canadian Liberty Net, [1998] 1 R.C.S. 626 ( « Canadian Liberty Net » ). J'ai examiné les observations des deux parties sur l'arrêt Canadian Liberty Net, précité, et je suis d'accord pour l'essentiel avec les observations qu'a présentées le défendeur en réponse, en particulier avec les paragraphes 4 à 10 de celles-ci. À mon avis, l'arrêt Canadian Liberty Net, précité, qu'invoque le demandeur n'appuie aucunement ce que sollicite le demandeur, soit l'octroi provisoire d'un mandamus.
[10] La demande de bref de mandamus est un recours extraordinaire sur lequel la Section de première instance de la Cour fédérale a compétence exclusive conformément au paragraphe 18(1) de la Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. (1985), ch. F-7, (la Loi). Le paragraphe 18(3) de la Loi prévoit que ce recours, entre autres, « [est] exerc[é] par présentation d'une demande de contrôle judiciaire » .
[11] J'estime qu'un mandamus, par définition, ne peut être qualifié de mesure interlocutoire. [Voir Procureur général du Canada et solliciteur général du Canada c. Robert Gould [1984] 1 C.F. 1133 (C.A.F.)]. Une ordonnance de mandamus trancherait de façon définitive la question de savoir si l'article 169 de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés oblige la Section d'appel en l'espèce à fournir des motifs écrits à l'appui de sa décision de rejeter la requête en réouverture de l'appel. Une injonction interlocutoire vise à préserver ou à rétablir le statu quo, et non pas à accorder au demandeur sa réparation.
[12] Je ne suis pas saisi d'une demande de contrôle judiciaire dans laquelle on sollicite une ordonnance enjoignant à la Section d'appel de fournir des motifs écrits à l'appui de sa décision. À mon avis, une telle demande est requise en vertu du paragraphe 18(3) de la Loi pour permettre à la Cour de déterminer s'il y a lieu d'accorder la réparation extraordinaire demandée.
[13] Pour les motifs exposés ci-dessus, la présente requête sera rejetée en ce qu'elle vise l'obtention d'une ordonnance de la nature du mandamus, sans préjudice au droit du demandeur d'introduire, comme le prévoit le paragraphe 18(1) de la Loi, une demande de contrôle judiciaire contre la bonne partie défenderesse.
[14] Le demandeur sollicite également une prorogation du délai fixé afin de pouvoir déposer le dossier à l'appui de sa demande principale au plus tard 30 jours après qu'il aura reçu les motifs écrits de la décision de la Section d'appel.
[15] Je ferai droit à la requête en prorogation de délai du demandeur et j'ordonnerai le dépôt du dossier de demande au plus tard 30 jours après qu'une décision définitive aura été rendue sur une demande de contrôle judiciaire visant l'obtention d'une ordonnance enjoignant à la Section d'appel de fournir des motifs écrits. Si aucune demande de contrôle judiciaire n'est introduite dans les 20 jours suivant la date de la présente ordonnance, le dossier de demande sera déposé dans les 20 jours suivant la date de la présente ordonnance.
ORDONNANCE
LA COUR ORDONNE :
1. La requête en vue d'obtenir une ordonnance de la nature d'un mandamus enjoignant à la Section d'appel de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (la Section d'appel) de fournir des motifs écrits à l'appui de sa décision de rejeter la requête qu'a présentée le demandeur pour obtenir le rétablissement de l'appel qu'il a interjeté à l'égard d'une mesure d'expulsion est rejetée sans préjudice au droit du demandeur d'introduire une demande de contrôle judiciaire en vue d'obtenir une ordonnance enjoignant à la Section d'appel de fournir des motifs écrits à l'appui de sa décision.
2. La requête en prorogation de délai est accueillie et le demandeur devra déposer le dossier à l'appui de sa demande principale au plus tard 30 jours après qu'une décision définitive aura été rendue sur une demande de contrôle judiciaire visant l'obtention d'une ordonnance enjoignant à la Section d'appel de fournir des motifs écrits.
3. Si cette demande de contrôle judiciaire n'est pas introduite, le dossier de demande devra être déposé dans les 30 jours suivant la date de la présente ordonnance.
4. Il n'y aura aucun frais relativement à la présente requête.
« Edmond P. Blanchard »
Juge
Traduction certifiée conforme
Julie Boulanger, LL.M.
SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : IMM-3464-02
INTITULÉ : Bernard Anthony Brissett c. MCI
LIEU DE L'AUDIENCE : Toronto (Ontario)
DATE DE L'AUDIENCE : Le 27 août 2002
MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE : LE JUGE BLANCHARD
DATE DES MOTIFS : Le 13 septembre 2002
COMPARUTIONS :
M. Michael Korman POUR LE DEMANDEUR
M. Robert Bafaro POUR LE DÉFENDEUR
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
OTIS & KORMAN POUR LE DEMANDEUR
290, rue Gerrard Est
Toronto (Ontario) M5A 2G4
Morris Rosenberg POUR LE DÉFENDEUR
Sous-procureur général du Canada
Ministère de la Justice
2 First Canadian Place
Bureau 2400, C.P. 36
Tour Exchange
Toronto (Ontario) M5X 1K6