Date : 19981218
Dossier : T-2389-94
ENTRE :
PFIZER CANADA INC. et
PFIZER CORPORATION,
requérantes,
et
APOTEX INC. et
LE MINISTRE DE LA SANTÉ NATIONALE ET DU BIEN-ÊTRE SOCIAL,
intimés.
MOTIFS DE L'ORDONNANCE
LE JUGE HUGESSEN
1 Il s'agit d'une affaire extrêmement difficile et troublante. M. Ivor Hughes, avocat respecté qui oeuvre depuis longtemps dans le domaine de la propriété intellectuelle, a été reconnu coupable d'outrage au tribunal pour avoir divulgué des renseignements confidentiels contrairement aux conditions d'une ordonnance préventive.
2 Je reconnais volontiers que l'outrage au tribunal en l'espèce ne découle pas d'un mépris délibéré à l'égard de l'ordonnance de la Cour. À mon avis, il résulte plutôt d'une erreur de droit que Me Hugues a commise en ce qui a trait à l'interprétation de l'ordonnance. De plus, et je le souligne parce que cet élément m'apparaît très pertinent aux fins de la présente ordonnance, l'erreur reprochée à Me Hughes était précisément la même erreur de droit que le juge de première instance très expérimenté a commise lorsqu'il a entendu à l'origine la demande d'outrage au tribunal et acquitté Me Hughes.
3 Je reconnais également sans hésitation que Me Hughes est sincèrement désolé de ce qui s'est produit et qu'il s'est excusé auprès de la Cour tant à l'audience précédente qu'aujourd'hui. J'accepte ses excuses.
4 Lorsqu'il a acquitté Me Hughes, le juge de première instance s'est exprimé comme suit :
[TRADUCTION] De plus, je ne suis pas convaincu que les documents que Me Hughes a produits au soutien de la demande de brevet peuvent être décrits à bon droit comme des documents confidentiels.
5 Commentant cet extrait des motifs du jugement de première instance, le juge Pratte, qui s'exprimait au nom de la Cour d'appel, a formulé les remarques suivantes après avoir conclu que le juge de première instance avait commis l'erreur de droit à laquelle je viens de faire allusion :
Si, comme le conclut le juge de première instance, les renseignements communiqués par M. Hughes étaient confidentiels au bénéfice de sa cliente, plutôt que de la partie appelante, ce fait tendrait à montrer que M. Hughes a agi de bonne foi et que le non-respect de l'injonction est simplement d'ordre technique; cela devrait donc être pris en considération pour la fixation de la pénalité qu'il convient d'infliger à M. Hughes.
6 J'ai moi-même pris connaissance de la preuve qui a été présentée devant le juge de première instance et je suis convaincu que les renseignements que Me Hughes a communiqués n'étaient confidentiels que pour sa propre cliente. Par conséquent, compte tenu des commentaires de la Cour d'appel, je suis d'avis que le manquement était effectivement purement technique et que l'erreur a été commise de bonne foi.
7 Cependant, il n'en demeure pas moins que Me Hughes était et est encore un fonctionnaire de la Cour et que, à ce titre, il doit veiller davantage à respecter les ordonnances de celle-ci; c'est là un autre fait dont je dois tenir compte.
8 Avant d'en arriver à la pénalité à imposer, il m'apparaît important d'ajouter un mot sur la question des frais, parce que les frais pouvant être imposés à Me Hughes font partie de la pénalité qu'il devra payer. Bien entendu, dans des cas semblables, il arrive fréquemment que la personne reconnue coupable d'outrage au tribunal soit condamnée à payer les frais procureur-client à la partie qui a signalé le cas à l'attention de la Cour. La politique sous-jacente à cette tendance jurisprudentielle est claire : une partie qui aide la Cour à appliquer les ordonnances qu'elle rend et à en assurer le respect ne devrait pas être tenue de payer de sa poche les frais qu'elle engage à cette fin.
9 Cependant, dans la présente affaire, les avocats m'informent que les frais procureur-client que les requérantes ont engagés dans la présente demande tant en première instance que devant la Cour d'appel et à l'audience tenue aujourd'hui s'élèvent à environ 160 000 $. Il semble également que ce montant ne comprend pas une autre somme d'environ 20 000 $ qui a été engagée dans le cadre d'une démarche non fructueuse en vue d'interjeter appel de l'ordonnance de la Cour d'appel devant la Cour suprême du Canada.
10 Une ordonnance condamnant Me Hughes à payer des frais de 160 000 $ serait effectivement une punition très sévère et je n'ai pas l'intention d'en arriver là.
11 Compte tenu des facteurs susmentionnés, j'ai décidé qu'il convient de libérer Me Hughes d'un fardeau aussi lourd et de le condamner plutôt à payer aux requérantes des frais de 15 000 $.
James K. Hugessen
Juge
Traduction certifiée conforme
Martine Guay, LL.L.
COUR FÉDÉRALE DU CANADA
SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE
AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER
No DU GREFFE : T-2389-94
INTITULÉ DE LA CAUSE : Pfizer Canada Inc. et al c. Apotex Inc. et al
LIEU DE L'AUDIENCE : Ottawa (Ontario)
DATE DE L'AUDIENCE : 18 décembre 1998
MOTIFS DE L'ORDONNANCE DU JUGE HUGESSEN
EN DATE DU : 18 décembre 1998
ONT COMPARU :
Me Charles E. Beall POUR LES REQUÉRANTES
Ottawa (Ontario)
Me Claude Thomson POUR Me IVOR HUGHES
Toronto (Ontario)
Me Alfred Schorr POUR Me IVOR HUGHES
Toronto (Ontario)
PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :
Gowling, Strathy & Henderson POUR LES REQUÉRANTES
Ottawa (Ontario)
Fasken, Campbell, Godfrey POUR Me IVOR HUGHES
Toronto (Ontario)
Me Alfred Schorr POUR Me IVOR HUGHES
Avocat
Toronto (Ontario)