Date : 20001016
Dossier : IMM-2575-99
ENTRE :
ZULFIKAR MOHAMED
demandeur
- et -
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION
défendeur
[1] Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire de la décision du 13 avril 1999 dans laquelle un agent des visas du Haut-commissariat du Canada à Nairobi, Kenya, a rejeté la demande de résidence permanente de Zulfikar Mohamed.
[2] Le demandeur a demandé à être évalué dans la profession envisagée de spécialiste des ventes techniques, vente en gros, prévue à la catégorie 6221.0 de la Classification nationale des professions (la CNP).
[3] Les conditions d'accès à cette profession prévues dans la CNP incluent :
Un diplôme d'études universitaires ou collégiales dans un domaine relié au produit ou service est habituellement exigé.
[4] Comme le demandeur n'avait pas un diplôme d'études universitaires ou collégiales, l'agent des visas a conclu qu'il ne remplissait pas les conditions d'accès à la profession qu'il envisageait d'exercer et n'a pas poursuivi l'évaluation. Ayant tiré cette conclusion, l'agent des visas n'a accordé aucun point d'appréciation pour le facteur de l'expérience, ce qui a entraîné le rejet de la demande conformément au paragraphe 11(1) du Règlement sur l'immigration de 1978.
[5] Il ressort des motifs qu'a exposés l'agent des visas pour rejeter la demande qu'il a interprété l'expression « habituellement exigé » comme signifiant « est exigé » . Cette interprétation de l'agent des visas s'appuie sur une affirmation contenue dans le Guide de la CNP sous la rubrique « Indicateurs d'études et de formation » qui prévoit :
Remarque - OCTROI DU PLUS BAS NIVEAU D'ACCÈS À UNE PROFESSION : Si la description de la CNP indique que les études ou la formation sont « habituellement » exigées, alors ces facteurs ont été considérés comme étant exigés[1].
[6] Le demandeur soutient que l'agent des visas a commis une erreur en interprétant l'exigence en matière d'éducation comme étant obligatoire.
[7] Dans la décision Karathanos c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) [2] où un agent des visas a interprété de la même façon l'expression « habituellement exigé » contenue dans les conditions d'accès à une profession comme signifiant « toujours exig[é] » , le juge Sharlow (alors juge à la Section de première instance) a expliqué comme suit l'emploi de l'expression « habituellement exigé » aux fins des indicateurs d'études et de formation contenus dans le Guide de la CNP et du facteur professionnel prévu à l'annexe I du Règlement sur l'immigration de 1978 :
...
10. Il n'est pas contesté que, pour les fins de la catégorie « Études et formation » de l'Annexe I du Règlement sur l'immigration, l'expression « habituellement exigée » dans la description des exigences relatives aux études pour une profession est interprétée comme signifiant « toujours exigée » . C'est à cause de la nature automatique du nombre de points qui est attribué dans la catégorie « Études et formation » .
11. La Classification nationale des professions est publiée par le ministre du Développement des ressources humaines principalement à l'intention des conseillers
professionnels et d'autres personnes qui ont besoin d'avoir des connaissances détaillées sur le marché du travail canadien. Pour les fins de l'immigration, la Classification nationale des professions, de même que le Guide sur les carrières et d'autres publications accessoires, modifiées de temps à autre, sont incorporés par renvoi à l'Annexe I du Règlement sur l'immigration.
12. Pour les fins de la Classification nationale des professions, les exigences relatives aux études pour toutes les professions sont évaluées d'après une échelle portant le nom d' « Indicateur des études et de la formation » ou IEF. Dans l'évaluation de l'IEF, une profession qui « exige habituellement » un niveau particulier de scolarité est traitée comme exigeant toujours ce niveau de scolarité. Ainsi, l'IEF est de « 8 » pour toute profession qui exige toujours une maîtrise ou qui exige habituellement une maîtrise.
13. Comme il a été indiqué ci-dessus, la Classification nationale des professions indique que, pour la profession d'archiviste, « une maîtrise en archivistique, en bibliothéconomie ou en histoire est habituellement exigée » . Donc, l'IEF pour un archiviste est déterminé comme si une maîtrise était toujours exigée. À partir de ce fondement, l'IEF pour un archiviste est de 8.
14. Bien que la Classification nationale des professions n'ait pas été rédigée à l'intention des agents des visas qui évaluent les demandes de résidence permanente, elle a été adaptée à cette fin. L'une de ces adaptations est d'établir l'équivalence entre
les points accordés selon l'IEF de la Classification nationale des professions et le système d'attribution des points dans la catégorie « Études et formation » de l'Annexe I. Par cette conversion, l'IEF de 8 points en vertu de la Classification nationale des professions devient automatiquement 18 points dans la catégorie « Études et formation » .
15. Ainsi, on peut dire qu'en accordant des points d'appréciation dans la catégorie « Études et formation » de l'Annexe I, une catégorie professionnelle qui exige habituellement une maîtrise est traitée comme si elle exigeait toujours une maîtrise.
16. Toutefois, il ne s'ensuit pas que les termes « exige habituellement » doivent être lus de la même façon dans l'évaluation du nombre de points à attribuer dans la catégorie « Facteur professionnel » . En évaluant le demandeur sous cette catégorie, les mots « exige habituellement » signifient simplement ce qu'ils disent. [...]
[8] Elle a noté par la suite :
17. ... L'agent des visas a eu tort d'appuyer sa conclusion sur les parties du Guide sur les carrières qui ont trait à la détermination des points IEF et, par implication, les points pour la catégorie « Études et formation » . Ces données ne portent pas sur le sens des mots utilisés dans la catégorie « Facteur professionnel » de l'Annexe I.
[9] Le juge Sharlow a également souscrit aux commentaires suivants du juge Reed dans la décision Hara c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) [3]:
... il est peut-être erroné de dire que l'expression « est habituellement exigé » signifie que l'exigence en matière d'éducation doit être remplie, sauf lorsque des facteurs importants convainquent l'agent des visas que les exigences professionnelles peuvent
être surmontées. Il se peut qu'une telle interprétation soit trop stricte. Néanmoins, il doit y avoir une quelconque raison convaincante qui permette de penser que le demandeur sera capable de se trouver un emploi dans le domaine qu'il entend intégrer, malgré le fait qu'il ne possède pas les compétences « habituelles » en matière d'éducation.
[10] Dans la décision Karathanos, précitée, la Cour a conclu que lorsque le demandeur n'a pas le niveau de scolarité qui est « habituellement exigé » pour une profession envisagée donnée, l'agent des visas devrait tenir compte de l'ensemble de l'éducation, de la formation et de l'expérience du demandeur pour déterminer si le fait que les exigences en matière d'éducation ne sont pas remplies peut être surmonté.
[11] En l'espèce, l'agent des visas a commis une erreur en interprétant l'expression « habituellement exigé » comme signifiant une exigence obligatoire et en omettant de déterminer si l'éducation, la formation et l'expérience du demandeur contrebalanceraient le fait qu'il n'avait pas le niveau de scolarité « habituellement exigé » , prévu dans les conditions d'accès à la profession envisagée.
[12] Pour ces motifs, la demande de contrôle judiciaire est accueillie. La décision que l'agent des visas a rendue en date du 13 avril 1999 est annulée et l'affaire est renvoyée afin qu'un autre agent des visas procède à un nouvel examen. L'avocat du demandeur a indiqué que son client vit maintenant aux États-Unis et demande en conséquence que ce soit un agent des visas à Buffalo, New York, qui procède au réexamen. La Cour en ordonne ainsi.
[13] Les parties n'ont soumis aucune question à certifier.
« Dolores M. Hansen »
_____________________________
Juge
OTTAWA
Traduction certifiée conforme
Julie Boulanger, LL.M.
COUR FÉDÉRALE DU CANADA
SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
NO DU GREFFE : IMM-2575-99
INTITULÉ DE LA CAUSE : ZULFIKAR MOHAMED c. MCI
LIEU DE L'AUDIENCE : TORONTO
DATE DE L'AUDIENCE : LE 28 JUIN 2000
MOTIFS DE L'ORDONNANCE DE MADAME LE JUGE HANSEN
DATE DES MOTIFS : LE 16 OCTOBRE 2000
ONT COMPARU :
M. Moiz M. Karimjee POUR LE DEMANDEUR
Mme Susan Nucci POUR LE DÉFENDEUR
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Moiz M. Karimjee POUR LE DEMANDEUR
Weston (Ontario)
M. Morris Rosenberg POUR LE DÉFENDEUR
Sous-procureur général du Canada
[1] Pièce « A » à l'appui de l'affidavit de Christopher Alan Hazel.
[2] [1999] A.C.F. no 1528 (C.F. 1re inst.).
[3] [1999] A.C.F. no 1395, au paragraphe 6.