Date : 19990105
IMM-1776-98
Ottawa (Ontario), le 5 janvier 1999
En présence de Monsieur le juge Pinard
E n t r e :
YIU FAI KONG,
demandeur,
- et -
MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ
ET DE L'IMMIGRATION,
défendeur.
ORDONNANCE
La demande de contrôle judiciaire est accueillie. La décision en date du 24 février 1998 par laquelle N. Israeli, agente des visas à l'ambassade du Canada à Manille, aux Philippines, a refusé la demande présentée par le demandeur en vue d'obtenir la résidence permanente à titre d'" entrepreneur " est annulée et l'affaire est renvoyée à un autre agent des
visas à l'ambassade du Canada à Manille, aux Philippines, pour qu'il rende une nouvelle décision.
JUGE
Traduction certifiée conforme
Laurier Parenteau, LL. L.
Date : 19990105
IMM-1776-98
E n t r e :
YIU FAI KONG,
demandeur,
- et -
MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ
ET DE L'IMMIGRATION,
défendeur.
MOTIFS DE L'ORDONNANCE
LE JUGE PINARD
[1] La Cour est saisie d'une demande présentée en vertu de l'article 18.1 de la Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. (1985), ch. F-7, en vue d'obtenir le contrôle judiciaire de la décision en date du 24 février 1998 par laquelle N. Israeli, agente des visas à l'ambassade du Canada à Manille, aux Philippines, a refusé la demande présentée par le demandeur en vue d'obtenir la résidence permanente à titre d'" entrepreneur ".
[2] Voici le texte de la décision par laquelle la demande de résidence permanente du demandeur a été refusée :
[TRADUCTION] |
J'en suis arrivé à la conclusion que vous ne répondez pas à la définition d'entrepreneur pour les raisons suivantes : |
1) Je ne suis pas convaincu que vous avez acquis les connaissances et la capacité nécessaires pour établir une entreprise au Canada et pour participer activement et régulièrement à la gestion de cette entreprise. Bien que vous ayez accumulé une expérience considérable dans la rénovation domiciliaire à Hong Kong, ce facteur ne me convainc pas, à lui seul, que vous êtes en mesure de lancer votre propre entreprise au Canada; |
2) Votre manque de préparation, notamment vos efforts et vos progrès insuffisants en vue d'apprendre au moins une des deux langues officielles du Canada et votre connaissance insuffisante du monde des affaires canadien font ressortir les chances peu élevées que vous avez de lancer avec succès une entreprise au Canada. |
[3] Le paragraphe 2(1) du Règlement sur l'immigration de 1978 (le Règlement) définit l'entrepreneur comme suit :
"entrepreneur" means an immigrant
|
" entrepreneur " désigne un immigrant
|
[4] L'article 23.1 du Règlement prévoit en outre ce qui suit :
23.1 (1) Entrepreneurs and their dependants are prescribed as a class of immigrants in respect of which landing shall be granted subject to the condition that, within a period of not more than two years after the date of the entrepreneur's landing, the entrepreneur
|
23.1 (1) Les entrepreneurs et les personnes à leur charge constituent une catégorie réglementaire d'immigrants à l'égard desquels il est obligatoire d'imposer les conditions suivantes au droit d'établissement :
|
[5] Selon Waldman1, le demandeur qui veut faire partie de la catégorie des entrepreneurs doit satisfaire aux exigences suivantes2 :
[TRADUCTION[ |
"13.374 À l'entrevue, le demandeur est évalué selon une version modifiée du système des points d'appréciation. Pour convaincre l'agent des visas, deux concepts entrent en ligne de compte : la capacité et l'intention. Bien que la définition ne mentionne pas des antécédents ou une expérience pertinents, la façon la plus courante de démontrer sa capacité est de faire la preuve de ses succès en affaires. Le manque d'expérience ne constitue pas en soi un motif de refus. L'intention est habituellement établie en présentant des éléments de preuve au sujet des démarches entreprises par le demandeur pour établir une entreprise au Canada [...] Il n'est plus nécessaire de soumettre des projets d'entreprise, mais le demandeur doit être en mesure de démontrer qu'il a dûment tenu compte des questions de débouchés, de financement, d'aide gouvernementale et d'autres aspects liés au lancement ou à l'acquisition d'une entreprise prospère ou à un investissement fructueux dans une entreprise. [...] |
(viii) Projet d'entreprise |
"13.390 L'entrepreneur n'est pas tenu de soumettre un projet d'entreprise à l'agent des visas. Il doit toutefois convaincre l'agent des visas qu'il a un plan d'action concret et qu'il comprend bien la situation du marché et la conjoncture économique canadienne [...] |
[6] Waldman souligne également que, pour décider si le demandeur est ou non un " entrepreneur ", l'agent des visas est tenu d'agir avec équité et d'accorder au demandeur la possibilité de répondre à toute question soulevée3.
[7] L'agente des visas devait donc décider si le demandeur avait l'intention et était en mesure d'établir ou d'acheter au Canada une entreprise ou un commerce ou d'y investir une somme importante, ainsi qu'il est précisé dans le Règlement.
[8] En l'espèce, il est évident que l'agente des visas a estimé que le demandeur n'avait pas l'intention ou la capacité d'établir une entreprise. Elle n'a toutefois pas vérifié si le demandeur avait l'intention ou la capacité d'acheter une entreprise ou d'y investir une somme importante, alors que cette dernière option était nettement indiquée dans les termes suivants de la demande4 :
[TRADUCTION] |
J'ai l'intention d'investir entre 100 000 $ et 150 000 $ dans l'une ou l'autre des entreprises susmentionnées. J'ai l'intention d'engager deux personnes, la première pour s'occuper des ventes, la seconde, pour exécuter le travail lui-même. J'envisage également la possibilité de m'associer avec un commerçant de l'endroit si je peux trouver la personne qui convient ou d'acheter une entreprise déjà existante dont les activités s'apparenteraient à celles que j'ai déjà exposées. |
[9] Dans le jugement Ali Bakhshaee c. M.C.I. (8 juillet 1998), IMM-367-98, le juge Décary a déclaré ce qui suit au sujet de l'argument que l'obligation d'agir avec équité oblige l'agent des visas, une fois qu'il a conclu que le demandeur n'est pas en mesure d'établir une entreprise au Canada au sens de la définition de l'" entrepreneur ", à poursuivre son examen en évaluant la capacité du demandeur d'acheter une entreprise ou d'y investir une somme importante :
[4] Cet argument repose sur une mauvaise prémisse. C'est, non pas l'équité, mais le Règlement qui impose à l'agent des visas l'obligation de déterminer si les conditions de la définition sont remplies. En vertu de la partie a) de la définition, un demandeur a l'option de demander l'admission en tant qu'" entrepreneur " sur la base de son intention et de sa capacité " d'établir ou d'acheter au Canada une entreprise ou un commerce, ou d'y investir une somme importante ". Le demandeur peut très bien décider de fonder sa demande sur une seule des trois options et de soumettre des éléments de preuve à cet égard, auquel cas un agent n'a pas besoin, bien entendu, d'examiner les autres options. En l'espèce, le demandeur s'est limité à des allégations et à des éléments de preuve relatifs à l'établissement d'une entreprise. On ne saurait reprocher à l'agent des visas de n'avoir pas examiné les autres options à l'égard desquelles il n'existait simplement pas d'éléments de preuve. |
[10] Les implications de cette décision sont évidentes : lorsqu'un demandeur indique nettement dans sa demande, comme c'est le cas en l'espèce, sa volonté d'acheter une entreprise existante, l'agent des visas est tenu d'évaluer la capacité et l'intention du demandeur d'acheter une telle entreprise, car l'intention et la capacité d'acheter une entreprise au Canada constituent des éléments essentiels de la définition de l'" entrepreneur " contenue dans le Règlement.
[11] En conséquence, la demande de contrôle judiciaire est accueillie, la décision en date du 24 février 1998 par laquelle N. Israeli, agente des visas à l'ambassade du Canada à Manille, aux Philippines, a refusé la demande présentée par le demandeur en vue d'obtenir la résidence permanente au Canada à titre d'" entrepreneur " est annulée et l'affaire est renvoyée à un autre agent des visas de l'ambassade du Canada à Manille, aux Philippines, pour qu'il rende une nouvelle décision.
[12] Je suis d'accord avec les avocats des parties pour dire que la présente affaire ne soulève pas de question de portée générale qui justifierait une certification.
JUGE
Traduction certifiée conforme
Laurier Parenteau, LL. L.
COUR FÉDÉRALE DU CANADA
SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE
AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER
No DU GREFFE : IMM-1776-98 |
INTITULÉ DE LA CAUSE : YIU FAI KONG c. MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION |
LIEU DE L'AUDIENCE : Vancouver (Colombie-Britannique) |
DATE DE L'AUDIENCE : 9 décembre 1998 |
MOTIFS DE L'ORDONNANCE prononcés par le juge Pinard le 5 janvier 1999
ONT COMPARU :
Me Lawrence Wong pour le demandeur |
Me Brenda Carbonell pour le défendeur |
PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :
Lawrence, Wong & Associates pour le demandeur |
Vancouver (Colombie-Britannique)
Me Morris Rosenberg pour le défendeur |
Sous-procureur général
du Canada
__________________1 L. Waldman, Immigration Law & Practice (Toronto, Butterworths, 1998) au "13.374.