Date : 20001213
Dossier : T-1880-00
ENTRE :
CONTOUR OPTIK INC.
demanderesse
- et -
HAKIM OPTICAL LABORATORY LTD.
défenderesse
MOTIFS DE L'ORDONNANCE
LE JUGE LEMIEUX
[1] Contour Optik Inc. (Contour), une société par actions constituée à l'extérieur du Canada, interjette appel de l'ordonnance prononcée le 20 novembre 2000 par le protonotaire adjoint Giles qui a accueilli, sans motifs écrits, la requête présentée par Hakim Optical Laboratory Ltd. (Hakim) en vue d'obtenir un cautionnement supplémentaire, qui passerait de 5 000 $ à 27 000 $, TPS et TVP incluses, pour couvrir les dépens jusqu'à la fin des enquêtes préalables, ainsi qu'un montant de 1 000 $, pour la requête dont il était saisi, au titre des dépens de la défenderesse à l'issue de l'instance dans l'action en contrefaçon de brevet intentée le 12 octobre 2000 concernant les clips solaires magnétiques visés par le brevet canadien no 2 223 295.
[2] Le protonotaire adjoint avait reçu un affidavit de John R. Morrissey, associé principal du cabinet d'avocats représentant Hakim, auquel était joint en annexe un projet de mémoire de frais selon lequel le montant estimatif des dépens relatifs à l'instance jusqu'à la fin des enquêtes préalables qui seraient vraisemblablement taxés si Hakim avait gain de cause à l'issue du procès atteindrait 45 000 $, dont 26 800 $ en débours, le montant total estimatif s'élevant à 50 000 $ une fois la TPS et la TVP incluses.
[3] Contour soutient que le protonotaire adjoint a commis une erreur de fait et de droit en prononçant son ordonnance parce que les dépens sont manifestement excessifs, déraisonnables, conjecturaux et contraires au montant des dépens établis par la jurisprudence de la Cour dans des affaires de contrefaçon de brevet concernant des brevets mécaniques ordinaires.
[4] Contour attire l'attention de la Cour sur le projet de mémoire de frais dans lequel le nombre d'unités inscrit dans la colonne III correspond toujours au maximum d'unités pour chaque article ainsi que sur des éléments qualifiés de conjecturaux, tels que le recours à un avocat junior à l'enquête préalable, les suppositions relatives à des requêtes en vue d'obtenir le respect d'engagements et à des refus de fournir des réponses à l'enquête préalable, alors que ces enquêtes n'ont pas encore eu lieu, et l'interrogatoire de vive voix de l'inventeur en Chine (un article représentant 10 000 $), alors qu'il était probable que l'inventeur viendrait au Canada.
[5] Le problème que soulève l'appel tient au fait que le protonotaire adjoint n'a pas expliqué pourquoi il a réduit le montant demandé par Hakim, même si l'on tient compte qu'il a adopté comme limite la fin des enquêtes préalables, ce pourquoi il semble avoir refusé les frais de 900 $ concernant la conférence préparatoire et les débours de 10 500 $ reliés à un témoin expert et à des frais de déplacement. Un écart de 11 000 $ entre le montant demandé par Hakim et celui accordé par le protonotaire adjoint demeure inexpliqué.
Analyse
[6] L'avocat de Contour m'a prié d'exercer mon pouvoir discrétionnaire de novo en s'appuyant sur l'arrêt Canada c. « Jala Godavari » (Le), 40 C.P.R. (3d) 127 de la Cour d'appel fédérale. Il fait selon moi erreur en s'appuyant sur cette décision.
[7] Dans l'arrêt ultérieur Canada c. Aqua-Gem Investments Ltd., [1993] 2 C.F. 425, de la Cour d'appel, le juge MacGuigan a écrit au nom de la majorité, à la p. 464 :
Il ne faut pas, à mon avis, interpréter l'arrêt Jala Godavari comme signifiant que la décision discrétionnaire du protonotaire ne doit jamais être respectée, mais qu'elle est subordonnée à l'appréciation discrétionnaire d'un juge si la question visée a une influence déterminante sur l'issue de la cause principale. (L'erreur de droit, bien entendu, est toujours un motif d'intervention du juge, et ne prête pas à controverse).
[8] Dans l'affaire Aqua-Gem, précitée, la Cour a adopté, à l'unanimité, le critère suivant formulé par le juge en chef, dissident :
J'estime que ces ordonnances ne doivent être révisées en appel que dans les deux cas suivants:
a) elles sont manifestement erronées, en ce sens que l'exercice du pouvoir discrétionnaire par le protonotaire a été fondé sur un mauvais principe ou sur une fausse appréciation des faits,
b) le protonotaire a mal exercé son pouvoir discrétionnaire sur une question ayant une influence déterminante sur la solution des questions en litige dans la cause.
[9] La question d'un cautionnement pour dépens plus élevé n'a pas d'influence déterminante sur la solution du litige; je dois donc être convaincu que l'ordonnance du protonotaire adjoint était manifestement erronée parce qu'il a fondé l'exercice de son pouvoir discrétionnaire sur une erreur de droit en appliquant un mauvais principe ou sur une fausse appréciation des faits.
[10] Je ne retiens pas l'argument de Contour portant que le protonotaire adjoint a mal apprécié les faits en accordant trop de crédibilité à l'affidavit de Me Morrissey ou à certains articles à caractère conjectural. L'avocat de Hakim souligne à juste titre que les seuls faits dont était saisi le protonotaire adjoint étaient ceux exposés dans l'affidavit de Me Morrissey, qui n'a pas été contre-interrogé. De plus, Contour n'a pas présenté d'élément de preuve pour contester la preuve de Hakim. Contour ne peut corriger cette omission par sa plaidoirie dans le cadre de l'appel, sans affidavit établissant les faits (règle 363), qui n'ont de toute façon pas été soumis au protonotaire adjoint et qui ne pourraient être invoqués qu'avec l'autorisation de la Cour (voir la règle 351).
[11] Je ne vois pas quel principe le protonotaire adjoint aurait appliqué à tort. L'avocat de Contour a fait valoir qu'il avait commis une erreur de principe en approuvant le nombre élevé d'unités proposé par Hakim et a attiré l'attention de la Cour sur sa propre jurisprudence. Cet argument ne me paraît pas convaincant. Premièrement, le protonotaire adjoint a réduit le montant du cautionnement pour dépens réclamé de 11 000 $ et, deuxièmement, les décisions invoquées, rendues principalement avant les modifications apportées aux Règles de la Cour fédérale en 1998, sont d'un secours limité. Par ailleurs, je retiens la distinction faite par l'avocat de Hakim entre les affaires portant sur la contrefaçon d'un brevet et celles portant sur l'invalidation d'un brevet.
[12] Je tire la même conclusion en ce qui concerne l'opposition de Contour aux dépens de 1 000 $ adjugés suivant l'issue de l'instance. La requête présentée au protonotaire adjoint a duré près de deux heures et l'examen du tarif applicable à une requête contestée révèle que les dépens adjugés se situaient dans les limites permises.
[13] L'avocat de Hakim a demandé les dépens sur la base avocat-client relativement à l'appel. Je ne puis affirmer, à partir du dossier dont je dispose, qu'il y a eu conduite répréhensible, scandaleuse ou outrageante de la part de Contour (voir Young c. Young, [1993] 4 R.C.S. 3, à la p. 17).
[14] Hakim demande, à titre subsidiaire, une ordonnance lui adjugeant les dépens de la présente requête sur la base partie-partie payables sans délai en vertu du paragraphe 401(2) des Règles. Pour justifier sa demande, elle fait valoir que la colonne III du Tarif B prévoit jusqu'à 1 500 $ pour les dépens du présent appel, alors que la colonne V prévoit des dépens maximum de 2 500 $ . Hakim s'appuie aussi sur la décision Ferguson v. Arctic Transportation Ltd., 118 F.T.R. 154.
[15] Selon le paragraphe 401(2) des Règles, la Cour ordonne que les dépens afférents à la requête soient payés sans délai lorsqu'elle est convaincue que la requête n'aurait pas dû être présentée ou contestée. Je ne suis pas convaincu que l'appel de Contour était frivole, vexatoire ou abusif. Dans les circonstances, je fixe les dépens payables à Hakim à 1 500 $ sans égard à l'issue de l'instance.
[16] L'appel est donc rejeté.
« François Lemieux »
Juge
Montréal (Québec)
13 décembre 2000
Traduction certifiée conforme
Suzanne M. Gauthier, LL.L., Trad. a.
COUR FÉDÉRALE DU CANADA
SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE
Date : 20001213
Dossier : T-1880-00
ENTRE :
CONTOUR OPTIK INC.
demanderesse
ET
HAKIM OPTICAL LABORATORY LTD.
défenderesse
MOTIFS DE L'ORDONNANCE
COUR FÉDÉRALE DU CANADA
SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE
AVOCATS ET AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : T-1880-00
INTITULÉ DE LA CAUSE :
CONTOUR OPTIK INC.
demanderesse
ET
HAKIM OPTICAL LABORATORY LTD.
défenderesse
LIEU DE L'AUDIENCE : Montréal (Québec)
DATE DE L'AUDIENCE : 11 décembre 2000
MOTIFS DE L'ORDONNANCE PRONONCÉS PAR MONSIEUR LE JUGE LEMIEUX
EN DATE DU : 13 décembre 2000
ONT COMPARU :
Me Daniel A. Artola POUR LA DEMANDERESSE
Me Mark G. Biernacki POUR LA DÉFENDERESSE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
McCarthy Tétrault POUR LA DEMANDERESSE
Montréal (Québec)
Smart & Biggar POUR LA DÉFENDERESSE
Toronto (Ontario)