Date : 20011126
Dossier : IMM-151-01
TORONTO (ONTARIO), LE 26 NOVEMBRE 2001
EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE W. P. McKEOWN
ENTRE :
REBECCA YAA AMANFO
demanderesse
et
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ
ET DE L'IMMIGRATION
défendeur
ORDONNANCE
La demande de contrôle judiciaire est accueillie. La décision que l'agent a prise le 20 décembre 2000 est annulée et l'affaire est renvoyée à un agent différent pour qu'il prenne une nouvelle décision.
« W.P. McKeown »
Juge
Traduction certifiée conforme
Suzanne M. Gauthier, trad.a., LL.L.
Date : 20011126
Dossier : IMM-151-01
Référence neutre : 2001 CFPI 1294
ENTRE :
REBECCA YAA AMANFO
demanderesse
et
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ
ET DE L'IMMIGRATION
défendeur
[1] La demanderesse sollicite le contrôle judiciaire de la décision par laquelle un agent d'immigration a décidé, le 20 décembre 2000, qu'une dispense d'application du paragraphe 9(1) de la Loi sur l'immigration fondée sur des raisons d'ordre humanitaire ne serait pas accordée.
[2] Il s'agit de savoir : 1) si l'agent a manqué à l'obligation d'équité qui lui incombait en omettant de tenir compte des lignes directrices dans son appréciation de la demande fondée sur des raisons d'ordre humanitaire; et 2) si l'agent a commis une erreur en mettant uniquement l'accent sur la question de la non-admissibilité résultant des antécédents criminels dans la décision qu'il a prise au sujet de la demande fondée sur des raisons d'ordre humanitaire.
LES FAITS
[3] Au mois de février 2000, la demanderesse a présenté une demande en vue d'obtenir une dispense fondée sur des raisons d'ordre humanitaire pour le motif qu'elle était parrainée par son conjoint. La demanderesse est arrivée au Canada en 1990; elle s'est mariée en 1992.
[4] En 1992, la demanderesse a été reconnue coupable d'avoir obtenu frauduleusement des prestations d'aide sociale; on lui a ordonné de restituer les sommes versées et de faire du travail communautaire et on l'a condamnée à trois ans de probation. La demanderesse n'a pas eu de problèmes avec les autorités depuis lors. Elle a demandé à être réhabilitée; le traitement de la demande est en cours.
[5] Dans les arguments écrits qu'elle a présentés à l'agent, la demanderesse a fait remarquer ce qui suit :
a) son conjoint s'était vu accorder le droit d'établissement à la suite de la revendication qu'il avait présentée en vue d'obtenir le statut de réfugié; il ne pouvait pas retourner au Ghana de sorte qu'il ne pourrait pas lui rendre visite si elle était expulsée;
b) le mariage est un mariage véritable qui dure depuis huit ans;
c) elle n'a commis aucune infraction depuis la dernière déclaration de culpabilité; elle a observé les conditions de la sentence et elle a demandé à être réhabilitée;
d) le conjoint n'a pas de proches parents au Canada et il serait durement éprouvé si elle était expulsée;
e) la séparation ici en cause serait extrêmement longue étant donné le temps qu'il faut pour traiter les demandes au Ghana et puisque la question de non-admissibilité aurait pour effet de prolonger la procédure de parrainage.
[6] Dans la lettre de refus datée du 20 décembre 2000, l'agent a mentionné les motifs suivants pour justifier le rejet de la demande fondée sur des raisons d'ordre humanitaire :
[TRADUCTION] J'AI EXAMINÉ D'UNE FAÇON MINUTIEUSE ET APPROFONDIE TOUS LES RENSEIGNEMENTS ET ARGUMENTS VERSÉS AU DOSSIER ET JE NE SUIS PAS CONVAINCU QU'IL EXISTE SUFFISAMMENT DE RAISONS D'ORDRE HUMANITAIRE POUR JUSTIFIER UNE DISPENSE DES EXIGENCES LÉGISLATIVES NORMALES. LA DEMANDERESSE N'EST PAS ADMISSIBLE AU CANADA, ET CE, PARCE QU'ELLE A COMMIS LE 26 AOÛT 1992 UNE FRAUDE DE PLUS DE 1 000 $ POUR LAQUELLE ELLE N'A PAS ÉTÉ RÉHABILITÉE; J'AI NOTÉ QUE LA DEMANDERESSE N'AVAIT PAS SIGNALÉ CETTE INFRACTION DANS LE FORMULAIRE IMM5001 - DEMANDE DE RÉSIDENCE PERMANENTE AU CANADA; JE NE DOUTE PAS QUE LA DEMANDERESSE AIT CONTRACTÉ UN MARIAGE VÉRITABLE, MAIS JE NE CROIS PAS QU'IL EXISTE EN L'ESPÈCE SUFFISAMMENT DE RAISONS D'ORDRE HUMANITAIRE POUR L'EMPORTER SUR LA NON-ADMISSIBILITÉ RÉSULTANT DES ANTÉCÉDENTS CRIMINELS DE LA DEMANDERESSE. J'AI TENU COMPTE DE TOUS LES RENSEIGNEMENTS ET JE NE SUIS PAS CONVAINCU QU'IL EXISTE SUFFISAMMENT DE RAISONS D'ORDRE HUMANITAIRE POUR JUSTIFIER UNE DISPENSE DE L'APPLICATION DU PARAGRAPHE 9(1) DE LA LOI.
ANALYSE
[7] La demanderesse soutient que le défendeur a manqué à l'obligation d'équité qui lui incombait en ne suivant pas la procédure prévue dans les lignes directrices. L'arrêt Baker c. Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration, [1999] A.C.S. no 39, confirme cette position. Madame le juge L'Heureux-Dubé dit ce qui suit, au paragraphe 26 :
Quatrièmement, les attentes légitimes de la personne qui conteste la décision peuvent également servir à déterminer quelles procédures l'obligation d'équité exige dans des circonstances données. Notre Cour a dit que, au Canada, l'attente légitime fait partie de la doctrine de l'équité ou de la justice naturelle, et qu'elle ne crée pas de droits matériels: Vieux St-Boniface, précité, à la p. 1204; Renvoi relatif au Régime d'assistance publique du Canada (C.-B.), [1991] 2 R.C.S. 525, à la p. 557. Au Canada, la reconnaissance qu'une attente légitime existe aura une incidence sur la nature de l'obligation d'équité envers les personnes visées par la décision. Si le demandeur s'attend légitimement à ce qu'une certaine procédure soit suivie, l'obligation d'équité exigera cette procédure: Qi c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (1995), 33 Imm. L.R. (2d) 57 (C.F. 1re inst.); Mercier-Néron c. Canada (Ministre de la Santé nationale et du Bien-être social) (1995), 98 F.T.R. 36; Bendahmane c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1989] 3 C.F. 16 (C.A.).
[8] Je dois maintenant examiner les lignes directrices énoncées au chapitre IP-5 du Guide de Citoyenneté et Immigration Canada, intitulé « Demandes d'établissement présentées au Canada pour des considérations humanitaires (CH) » .
[9] La section 7 est ainsi libellée :
PARRAINAGE ET DROIT D'APPEL
Dans le processus CH, il faut tenir correctement compte des parrainages pour s'assurer que les répondants s'acquittent de leurs obligations et ont les mêmes droits, que la demande soit traitée au Canada ou à l'étranger.
En général, une demande CH fondée sur une relation familiale est appuyée par un parrainage soumis par un citoyen canadien ou un résident permanent. [...]
Le parrainage doit être approuvé (ou non) avant d'examiner la demande CH. De cette façon, la présence ou l'absence d'un parrainage et l'importance relative de ce facteur peuvent être pris en considération pour la décision CH.
Le droit d'appel est donné au répondant lorsque la décision CH est favorable, mais que la demande d'établissement est rejetée.
Il n'est pas possible de revenir sur une décision CH sauf en cas de fraude ou de fausse déclaration. C'est pour cela qu'il est important d'examiner la demande de parrainage avant de rendre une décision CH (voir la section 6.8 - Révision d'une décision CH favorable).
[10] Le défendeur a soutenu qu'il n'est pas clair, eu égard aux faits, que la demande ait été fondée sur le parrainage. Toutefois, la demande n'a pas été incluse dans le dossier certifié. La demanderesse a clairement invoqué la question du parrainage dans la réponse qui a été déposée au mois de février de l'année en cours. Par conséquent, si le défendeur ne souscrivait pas aux arguments de la demanderesse, lesquels étaient fondés sur le parrainage, il disposait de plusieurs mois pour produire le formulaire de demande que la demanderesse avait rempli, même si ce formulaire n'avait pas été versé au dossier certifié. En outre, même si le formulaire de parrainage n'avait pas été inclus dans la demande, la section 7.1 exige que la demanderesse ait la possibilité de faire remplir le formulaire de parrainage ou d'expliquer pourquoi il n'y a pas de répondant étant donné qu' « un parrainage approuvé n'est pas obligatoire, mais [qu'il est] un critère important pour démontrer l'appui à une demande CH » .
[11] En l'espèce, l'agent n'a pas pris une décision approuvant le parrainage avant de prendre la décision fondée sur les raisons d'ordre humanitaire. Contrairement à l'arrêt Baker, le conjoint qui parraine la demanderesse est donc privé de son droit d'appel. Cela constitue une erreur susceptible de révision et l'affaire doit être renvoyée pour qu'un agent d'immigration différent réexamine l'affaire conformément aux dispositions de principe énoncées dans le chapitre IP-5 du Guide de l'immigration.
[12] Étant donné la conclusion que j'ai tirée au sujet de la disposition relative au parrainage, il n'est pas nécessaire de déterminer si l'examen des raisons d'ordre humanitaire effectué par l'agent renferme une erreur susceptible de révision. À mon avis, l'agent aurait dû tenir compte du fait que la demanderesse n'avait pas été réhabilitée parce qu'elle ne pouvait demander à être réhabilitée que cinq ans après l'expiration de la peine ayant fait l'objet d'un sursis, étant donné qu'un acte criminel était en cause. En outre, il n'est pas mentionné que la demanderesse a commis d'autres infractions depuis 1992. De plus, la question de l'incapacité du conjoint de rendre visite à la demanderesse au Ghana par suite de son statut de réfugié au Canada n'a pas été examinée. Toutefois, il appartient alors à l'agent de soupeser les facteurs favorables et les facteurs défavorables, dont l'un se rapporte certainement à la non-admissibilité fondée sur les antécédents criminels de la demanderesse. Puis, comme le prévoient les Lignes directrices, après décision favorable fondée sur des raisons d'ordre humanitaire, il faut examiner la demande d'établissement et vérifier si le demandeur est admissible et répond aux autres exigences de la Loi et du Règlement (section 9 des Lignes directrices). En outre, comme il en est fait mention dans la section 9.1 des Lignes directrices, la demande de résidence permanente doit être rejetée lorsqu'un motif de non-admissibilité est connu au moment où une décision favorable fondée sur des raisons d'ordre humanitaire est prise.
[13] La demande de contrôle judiciaire est accueillie. La décision de l'agent en date du 20 décembre 2000 est annulée et l'affaire est renvoyée à un agent différent pour qu'il prenne une nouvelle décision.
« W. P. McKeown »
Juge
TORONTO (ONTARIO),
le 26 novembre 2001.
Traduction certifiée conforme
Suzanne M. Gauthier, trad.a., LL.L.
COUR FÉDÉRALE DU CANADA
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : IMM-151-01
INTITULÉ : REBECCA YAA AMANFO
et
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION
DATE DE L'AUDIENCE : LE JEUDI 8 NOVEMBRE 2001
LIEU DE L'AUDIENCE : TORONTO (ONTARIO)
MOTIFS DE L'ORDONNANCE : MONSIEUR LE JUGE MCKEOWN
DATE DES MOTIFS : LE LUNDI 26 NOVEMBRE 2001
COMPARUTIONS :
M. Lorne Waldman pour la demanderesse
M. Jamie Todd pour le défendeur
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
JACKMAN, WALDMAN ET ASSOCIÉS
Avocats
281, avenue Eglinton est
Toronto (Ontario)
M4P 1L3 pour la demanderesse
M. Morris Rosenberg
Sous-procureur général du Canada pour le défendeur
COUR FÉDÉRALE DU CANADA
Date : 20011126
Dossier : IMM-151-01
Entre :
REBECCA YAA AMANFO
demanderesse
et
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ
ET DE L'IMMIGRATION
défendeur
MOTIFS DE L'ORDONNANCE