Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 20020308

Dossier : DES-8-01

Référence neutre : 2002 CFPI 263

ENTRE :

                                                    DANS L'AFFAIRE CONCERNANT

                                     une attestation en vertu de l'article 40.1 de la

                                 Loi sur l'immigration, L.R.C. 1985, ch. I-2, ( la "Loi");

                                                    DANS L'AFFAIRE CONCERNANT

                              le renvoi de cette attestation devant la Cour fédérale

                                  du Canada en vertu de l'alinéa 40.1(3) de la Loi;

                                                  ET DANS L'AFFAIRE CONCERNANT

                                                                     Mourad IKHLEF

                                     MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

LE JUGE BLAIS

LES FAITS

[1]                 Les 6 et 7 décembre 2001, le Solliciteur général du Canada (le "Solliciteur général") et le Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration (le "Ministre") ont signé respectivement une attestation dans laquelle ils allèguent qu'ils sont d'avis que Mourad Ikhlef est une personne appartenant à l'une des catégories visées au sous-alinéa 19(1)e)(iii), aux dispositions 19(1)e)(iv)(B) et 19(1)e)(iv)(C), au sous-alinéa 19(1)f)(ii) et à la disposition 19(1)f)(iii)(B), de la Loi sur l'immigration.


[2]                 Les deux ministres ont établi leur opinion sur un Rapport de renseignements en matière de sécurité.

[3]                 Le 12 décembre 2001, en vertu de l'alinéa 40.1(2)b) de la Loi sur l'immigration, l'agent principal d'immigration fit retenir M. Ikhlef.

[4]                 Le 12 décembre 2001, l'agent d'immigration signifia à M. Ikhlef, conformément à l'alinéa 40.1(3)b), un avis relatif à la remise d'une attestation de son renvoi à la Cour fédérale.

[5]                 Le 13 décembre 2001, conformément aux dispositions de l'alinéa 40.1(3)a) de la Loi sur l'immigration, le Ministre a transmis une copie de l'attestation à la Cour fédérale, afin qu'il soit décidé si l'attestation doit être annulée.

[6]                    Le 18 décembre 2001, j'ai examiné le Rapport de renseignements en matière de sécurité lors d'une audience tenue à huis clos et j'ai également recueilli les autres éléments de preuve et d'information qui m'ont été présentés par les requérants en l'absence de M. Mourad Ikhlef ou de son procureur.

[7]                 À la fin de l'audition, conformément aux dispositions des paragraphes 40.1(4)b) et c) de la Loi sur l'immigration, j'ai ordonné qu'un sommaire des informations disponibles soit remis à M. Ikhlef afin que ce dernier puisse être raisonnablement informé des circonstances qui ont amené les ministres à émettre l'attestation, en plus de permettre à M. Ikhlef qu'il puisse avoir l'occasion d'être entendu devant la Cour fédérale à ce sujet.

[8]                 Suite à une conférence téléphonique avec les procureurs impliqués, de part et d'autre, l'audition d'abord prévue pour le 9 janvier 2002 a été reportée au 30 janvier 2002 pour une durée de trois jours. L'audition s'est ensuite continuée les 19 et 20 février 2002 pour compléter les témoignages, suite à l'autorisation que deux nouveaux témoins, employés du Service canadien de renseignement et de sécurité, puissent être entendus.

[9]                 L'audition a finalement été ajournée au 26 février 2002, à Ottawa, afin de compléter la plaidoirie des procureurs des requérants quant à la preuve déposée à huis clos et gardée confidentielle. La cause a ensuite été prise en délibéré.


[10]            Bien que le procureur de M. Mourad Ikhlef se soit opposé à ce qu'une partie de la preuve ne soit pas divulguée à son client, M. Mourad Ikhlef, et bien que j'ai déjà mentionné que la possibilité de tenir des audiences à huis clos et ex parte doive demeurer l'exception devant les tribunaux canadiens, je suis d'avis que les éléments de preuve recueillis et soumis à la Cour en l'absence de l'intéressé et de son conseiller, ne peuvent leur être communiqués puisque cela porterait atteinte à la sécurité nationale et à celle de personnes, le tout conformément aux dispositions du sous-alinéa 40.1(4)a) de la Loi sur l'immigration.

[11]            Il apparaît utile de rappeler qu'en vertu des dispositions de l'article 40.1(4)d) de la Loi sur l'immigration, la Cour doit décider, après avoir donné à l'intéressé la possibilité d'être entendu, si l'attestation émise par les deux ministres est raisonnable, compte tenu des éléments de preuve et d'information à sa disposition. Si j'arrive à la conclusion que l'attestation n'est pas raisonnable, je peux annuler l'attestation émise par les deux ministres.

LÉGISLATION PERTINENTE

[12]            L'article 19(1) de la Loi sur l'immigration précise:



19. (1) Les personnes suivantes appartiennent à une catégorie non admissible_:

a) celles qui souffrent d'une maladie ou d'une invalidité dont la nature, la gravité ou la durée probable sont telles qu'un médecin agréé, dont l'avis est confirmé par au moins un autre médecin agréé, conclut_:

(i) soit que ces personnes constituent ou constitueraient vraisemblablement un danger pour la santé ou la sécurité publiques,(ii) soit que leur admission entraînerait ou risquerait d'entraîner un fardeau excessif pour les services sociaux ou de santé;

b) celles dont il y a des motifs raisonnables de croire qu'elles n'ont pas la capacité ou la volonté présente ou future de subvenir tant à leurs besoins qu'à ceux des personnes à leur charge et qui ne peuvent convaincre l'agent d'immigration que les dispositions nécessaires -- n'impliquant pas l'aide sociale -- ont été prises en vue d'assurer leur soutien;

c) celles qui ont été déclarées coupables, au Canada, d'une infraction qui peut être punissable, aux termes d'une loi fédérale, d'un emprisonnement maximal égal ou supérieur à dix ans;

c.1) celles dont il y a des motifs raisonnables de croire qu'elles ont, à l'étranger_:

(i) soit été déclarées coupables d'une infraction qui, si elle était commise au Canada, constituerait une infraction qui pourrait être punissable, aux termes d'une loi fédérale, d'un emprisonnement maximal égal ou supérieur à dix ans, sauf si elles peuvent justifier auprès du ministre de leur réadaptation et du fait qu'au moins cinq ans se sont écoulés depuis l'expiration de toute peine leur ayant été infligée pour l'infraction,

(ii) soit commis un fait -- acte ou omission -- qui constitue une infraction dans le pays où il a été commis et qui, s'il était commis au Canada, constituerait une infraction qui pourrait être punissable, aux termes d'une loi fédérale, d'un emprisonnement maximal égal ou supérieur à dix ans, sauf si elles peuvent justifier auprès du ministre de leur réadaptation et du fait qu'au moins cinq ans se sont écoulés depuis la commission du fait;

c.2) celles dont il y a des motifs raisonnables de croire qu'elles sont ou ont été membres d'une organisation dont il y a des motifs raisonnables de croire qu'elle se livre ou s'est livrée à des activités faisant partie d'un plan d'activités criminelles organisées par plusieurs personnes agissant de concert en vue de la perpétration d'une infraction au Code criminel ou à la Loi réglementant certaines drogues et autres substances qui peut être punissable par mise en accusation ou a commis à l'étranger un fait -- acte ou omission -- qui, s'il avait été commis au Canada, constituerait une telle infraction, sauf si elles convainquent le ministre que leur admission ne serait nullement préjudiciable à l'intérêt national;

d) celles dont on peut penser, pour des motifs raisonnables, qu'elles_:

(i) soit commettront une ou plusieurs infractions qui peuvent être punissables par mise en accusation aux termes d'une loi fédérale, autre qu'une infraction qualifiée de contravention en vertu de la Loi sur les contraventions,

(ii) soit se livreront à des activités faisant partie d'un plan d'activités criminelles organisées par plusieurs personnes agissant de concert en vue de la perpétration d'une infraction qui peut être punissable par mise en accusation aux termes d'une loi fédérale;

e) celles dont il y a des motifs raisonnables de croire qu'elles_:

(i) soit commettront des actes d'espionnage ou de subversion contre des institutions démocratiques, au sens où cette expression s'entend au Canada,

(ii) soit, pendant leur séjour au Canada, travailleront ou inciteront au renversement d'un gouvernement par la force,

(iii) soit commettront des actes de terrorisme,

(iv) soit sont membres d'une organisation dont il y a des motifs raisonnables de croire qu'elle_:

(A) soit commettra des actes d'espionnage ou de subversion contre des institutions démocratiques, au sens où cette expression s'entend au Canada,

(B) soit travaillera ou incitera au renversement d'un gouvernement par la force,

(C) soit commettra des actes de terrorisme;

f) celles dont il y a des motifs raisonnables de croire qu'elles_:

(i) soit se sont livrées à des actes d'espionnage ou de subversion contre des institutions démocratiques, au sens où cette expression s'entend au Canada,

(ii) soit se sont livrées à des actes de terrorisme,

(iii) soit sont ou ont été membres d'une organisation dont il y a des motifs raisonnables de croire qu'elle se livre ou s'est livrée_:

(A) soit à des actes d'espionnage ou de subversion contre des institutions démocratiques, au sens où cette expression s'entend au Canada,

(B) soit à des actes de terrorisme,

le présent alinéa ne visant toutefois pas les personnes qui convainquent le ministre que leur admission ne serait nullement préjudiciable à l'intérêt national;

g) celles dont on peut penser, pour des motifs raisonnables, qu'elles commettront des actes de violence de nature à porter atteinte à la vie ou à la sécurité humaines au Canada, ou qu'elles appartiennent à une organisation susceptible de commettre de tels actes ou qu'elles sont susceptibles de prendre part aux activités illégales d'une telle organisation;

h) celles qui, de l'avis d'un arbitre, ne sont pas de véritables immigrants ou visiteurs;

i) celles qui cherchent à entrer au Canada sans avoir obtenu l'autorisation ministérielle requise par l'article 55;

j) celles dont on peut penser, pour des motifs raisonnables, qu'elles ont commis une infraction visée à l'un des articles 4 à 7 de la Loi sur les crimes contre l'humanité et les crimes de guerre;

k) celles qui constituent un danger envers la sécurité du Canada, sans toutefois appartenir à l'une des catégories visées aux alinéas e), f) ou g);

l) celles qui, à un rang élevé, font ou ont fait partie ou sont ou ont été au service d'un gouvernement qui, de l'avis du ministre, se livre ou s'est livré au terrorisme, à des violations graves ou répétées des droits de la personne ou à un fait -- acte ou omission -- qui aurait constitué une infraction au sens des articles 4 à 7 de la Loi sur les crimes contre l'humanité et les crimes de guerre, sauf si elles convainquent le ministre que leur admission ne serait nullement préjudiciable à l'intérêt national.

19. (1) No person shall be granted admission who is a member of any of the following classes:

(a) persons, who are suffering from any disease, disorder, disability or other health impairment as a result of the nature, severity or probable duration of which, in the opinion of a medical officer concurred in by at least one other medical officer,

(i) they are or are likely to be a danger to public health or to public safety, or

(ii) their admission would cause or might reasonably be expected to cause excessive demands on health or social services;

(b) persons who there are reasonable grounds to believe are or will be unable or unwilling to support themselves and those persons who are dependent on them for care and support, except persons who have satisfied an immigration officer that adequate arrangements, other than those that involve social assistance, have been made for their care and support;

(c) persons who have been convicted in Canada of an offence that may be punishable under any Act of Parliament by a maximum term of imprisonment of ten years or more;

(c.1) persons who there are reasonable grounds to believe

(i) have been convicted outside Canada of an offence that, if committed in Canada, would constitute an offence that may be punishable under any Act of Parliament by a maximum term of imprisonment of ten years or more, or

(ii) have committed outside Canada an act or omission that constitutes an offence under the laws of the place where the act or omission occurred and that, if committed in Canada, would constitute an offence that may be punishable under any Act of Parliament by a maximum term of imprisonment of ten years or more,

except persons who have satisfied the Minister that they have rehabilitated themselves and that at least five years have elapsed since the expiration of any sentence imposed for the offence or since the commission of the act or omission, as the case may be;

(c.2) persons who there are reasonable grounds to believe are or were members of an organization that there are reasonable grounds to believe is or was engaged in activity that is part of a pattern of criminal activity planned and organized by a number of persons acting in concert in furtherance of the commission of any offence under the Criminal Code or Controlled Drugs and Substances Act that may be punishable by way of indictment or in the commission outside Canada of an act or omission that, if committed in Canada, would constitute such an offence, except persons who have satisfied the Minister that their admission would not be detrimental to the national interest;

(d) persons who there are reasonable grounds to believe will

(i) commit one or more offences that may be punishable under any Act of Parliament by way of indictment, other than offences designated as contraventions under the Contraventions Act, or

(ii) engage in activity that is part of a pattern of criminal activity planned and organized by a number of persons acting in concert in furtherance of the commission of any offence that may be punishable under any Act of Parliament by way of indictment;

(e) persons who there are reasonable grounds to believe

(i) will engage in acts of espionage or subversion against democratic government, institutions or processes, as they are understood in Canada,

(ii) will, while in Canada, engage in or instigate the subversion by force of any government,

(iii) will engage in terrorism, or

(iv) are members of an organization that there are reasonable grounds to believe will

(A) engage in acts of espionage or subversion against democratic government, institutions or processes, as they are understood in Canada,

(B) engage in or instigate the subversion by force of any government, or

(C) engage in terrorism;

(f) persons who there are reasonable grounds to believe

(i) have engaged in acts of espionage or subversion against democratic government, institutions or processes, as they are understood in Canada,

(ii) have engaged in terrorism, or

(iii) are or were members of an organization that there are reasonable grounds to believe is or was engaged in

(A) acts of espionage or subversion against democratic government, institutions or processes, as they are understood in Canada, or

(B) terrorism,

except persons who have satisfied the Minister that their admission would not be detrimental to the national interest;

(g) persons who there are reasonable grounds to believe will engage in acts of violence that would or might endanger the lives or safety of persons in Canada or are members of or are likely to participate in the unlawful activities of an organization that is likely to engage in such acts of violence;

(h) persons who are not, in the opinion of an adjudicator, genuine immigrants or visitors;

(i) persons who, pursuant to section 55, are required to obtain the consent of the Minister to come into Canada but are seeking to come into Canada without having obtained such consent;

(j) persons who there are reasonable grounds to believe have committed an offence referred to in any of sections 4 to 7 of the Crimes Against Humanity and War Crimes Act;

(k) persons who constitute a danger to the security of Canada and are not members of a class described in paragraph (e), (f) or (g); or

(l) persons who are or were senior members of or senior officials in the service of a government that is or was, in the opinion of the Minister, engaged in terrorism, systematic or gross human rights violations, or any act or omission that would be an offence under any of sections 4 to 7 of the Crimes Against Humanity and War Crimes Act, except persons who have satisfied the Minister that their admission would not be detrimental to the national interest.


[13]            D'autre part, les alinéas 40.1(4)(5)(5.1) et (6) de la Loi sur l'immigration précisent:



40.1(4) Examen judiciaire

(4) Lorsque la Cour fédérale est saisie de l'attestation, le juge en chef de celle-ci ou le juge de celle-ci qu'il délègue pour l'application du présent article_:

a) examine dans les sept jours, à huis clos, les renseignements secrets en matière de sécurité ou de criminalité dont le ministre et le solliciteur général ont eu connaissance et recueille les autres éléments de preuve ou d'information présentés par ces derniers ou en leur nom; il peut en outre, à la demande du ministre ou du solliciteur général, recueillir tout ou partie de ces éléments en l'absence de l'intéressé et du conseiller le représentant, lorsque, à son avis, leur communication porterait atteinte à la sécurité nationale ou à celle de personnes;

b) fournit à l'intéressé un résumé des informations dont il dispose, à l'exception de celles dont la communication pourrait, à son avis, porter atteinte à la sécurité nationale ou à celle de personnes, afin de permettre à celui-ci d'être suffisamment informé des circonstances ayant donné lieu à l'attestation;

c) donne à l'intéressé la possibilité d'être entendu;

d) décide si l'attestation est raisonnable, compte tenu des éléments de preuve et d'information à sa disposition, et, dans le cas contraire, annule l'attestation;

e) avise le ministre, le solliciteur général et l'intéressé de la décision rendue aux termes de l'alinéa d).

40.1(5) Preuve

(5) Pour l'application du paragraphe (4), le juge en chef ou son délégué peut, sous réserve du paragraphe (5.1), recevoir et admettre les éléments de preuve ou d'information qu'il juge utiles, indépendamment de leur recevabilité devant les tribunaux, et peut se fonder sur ceux-ci pour se déterminer.

40.1(5.1) Renseignements secrets obtenus de gouvernements étrangers

(5.1) Pour l'application du paragraphe (4)_:

a) le ministre ou le solliciteur général du Canada peuvent présenter au juge en chef ou à son délégué, à huis clos et en l'absence de l'intéressé et du conseiller le représentant, une demande en vue de faire admettre en preuve des renseignements obtenus sous le sceau du secret auprès du gouvernement d'un État étranger, d'une organisation internationale mise sur pied par des États étrangers ou de l'un de leurs organismes;

b) le juge en chef ou son délégué, à huis clos et en l'absence de l'intéressé et du conseiller le représentant_:

(i) étudie les renseignements,

(ii) accorde au représentant du ministre ou du solliciteur général la possibilité de lui présenter ses arguments sur la pertinence des renseignements et le fait qu'ils ne devraient pas être communiqués à l'intéressé parce que cette communication porterait atteinte à la sécurité nationale ou à celle de personnes;

c) ces renseignements doivent être remis au représentant du ministre ou du solliciteur général et ne peuvent servir de fondement à la décision visée à l'alinéa (4)d), si_:

(i) soit le juge en chef ou son délégué détermine que les renseignements ne sont pas pertinents ou, s'ils le sont, devraient faire partie du résumé mentionné à l'alinéa (4)b),

(ii) soit le ministre ou le solliciteur général retire sa demande;

d) si le juge en chef ou son délégué décide qu'ils sont pertinents mais que cette communication porterait atteinte à la sécurité nationale ou à celle de personnes, les renseignements ne font pas partie du résumé mais peuvent servir de fondement à la décision visée à l'alinéa (4)d).

40.1(6) Aucun appel

(6) La décision visée à l'alinéa (4)d) ne peut être portée en appel ni être revue par aucun tribunal.

40.1(4) Judicial consideration of certificate

(4) Where a certificate is referred to the Federal Court pursuant to subsection (3), the Chief Justice of that Court or a judge of that Court designated by the Chief Justice for the purposes of this section shall

(a) examine within seven days, in camera, the security or criminal intelligence reports considered by the Minister and the Solicitor General and hear any other evidence or information that may be presented by or on behalf of those Ministers and may, on the request of the Minister or the Solicitor General, hear all or part of such evidence or information in the absence of the person named in the certificate and any counsel representing the person where, in the opinion of the Chief Justice or the designated judge, as the case may be, the evidence or information should not be disclosed on the grounds that the disclosure would be injurious to national security or to the safety of persons;

(b) provide the person named in the certificate with a statement summarizing such information available to the Chief Justice or the designated judge, as the case may be, as will enable the person to be reasonably informed of the circumstances giving rise to the issue of the certificate, having regard to whether, in the opinion of the Chief Justice or the designated judge, as the case may be, the information should not be disclosed on the grounds that the disclosure would be injurious to national security or to the safety of persons;

(c) provide the person named in the certificate with a reasonable opportunity to be heard;

(d) determine whether the certificate filed by the Minister and the Solicitor General is reasonable on the basis of the evidence and information available to the Chief Justice or the designated judge, as the case may be, and, if found not to be reasonable, quash the certificate; and

(e) notify the Minister, the Solicitor General and the person named in the certificate of the determination made pursuant to paragraph (d).

40.1(5) Evidence

(5) For the purposes of subsection (4), the Chief Justice or the designated judge may, subject to subsection (5.1), receive, accept and base the determination referred to in paragraph (4)(d) on such evidence or information as the Chief Justice or the designated judge sees fit, whether or not the evidence or information is or would be admissible in a court of law.

40.1(5.1) Information obtained in confidence from foreign governments

(5.1) For the purposes of subsection (4),

(a) the Minister or the Solicitor General of Canada may make an application, in camera and in the absence of the person named in the certificate and any counsel representing the person, to the Chief Justice or the designated judge for the admission of information obtained in confidence from the government or an institution of a foreign state or from an international organization of states or an institution thereof;

(b) the Chief Justice or the designated judge shall, in camera and in the absence of the person named in the certificate and any counsel representing the person,

(i) examine that information, and

(ii) provide counsel representing the Minister or the Solicitor General of Canada with a reasonable opportunity to be heard as to whether the information is relevant but should not be disclosed to the person named in the certificate on the grounds that the disclosure would be injurious to national security or to the safety of persons;

(c) that information shall be returned to counsel representing the Minister or the Solicitor General of Canada and shall not be considered by the Chief Justice or the designated judge in making the determination referred to in paragraph (4)(d), if

(i) the Chief Justice or the designated judge determines

(A) that the information is not relevant, or

(B) that the information is relevant and should be summarized in the statement to be provided pursuant to paragraph (4)(b) to the person named in the certificate, or

(ii) the Minister or the Solicitor General of Canada withdraws the application; and

(d) if the Chief Justice or the designated judge determines that the information is relevant but should not be disclosed to the person named in the certificate on the grounds that the disclosure would be injurious to national security or to the safety of persons, the information shall not be summarized in the statement provided pursuant to paragraph (4)(b) to the person named in the certificate but may be considered by the Chief Justice or the designated judge in making the determination referred to in paragraph (4)(d).

40.1(6) No appeal

(6) A determination under paragraph (4)(d) is not subject to appeal or review by any court.


QUESTION EN LITIGE

[14]            Est-ce que l'attestation dans laquelle les deux ministres allèguent qu'ils sont d'avis que Mourad Ikhlef est une personne appartenant à l'une des catégories visées au sous-alinéa 19(1)e)(iii), aux dispositions 19(1)e)(iv)(B) et 19(1)e)(iv)(C), au sous-alinéa 19(1)f)(ii) et à la disposition 19(1)f)(iii)(B), de la Loi sur l'immigration est raisonnable?

ANALYSE

[15]            Les deux décisions suivantes encadrent de façon claire le rôle de la Cour fédérale.

[16]            Le juge Denault dans l'arrêt Re Baroud, (1995) 98 F.T.R. 99 (F.C.T.D.), à la page 104, a déjà précisé:

Therefore, the role of this court is not to substitute its decision for that of the Minister and the Solicitor General nor is it to find that they were correct in their assessment of the evidence presented to them but rather to find whether or not, based on the information and evidence presented to this court, the Ministers' certificate is a reasonable one.


[17]            La Cour d'appel fédérale a déjà tracé les paramètres que le Ministre devait suivre quant à l'expression "avoir des motifs raisonnables de croire". À cet effet, dans l'arrêt Le Procureur général du Canada c. Jolly, [1975] C.F. 216 (C.F.A.), l'honorable juge Thurlow, aux pages 225, 226, précise:

...lorsque la preuve a pour but d'établir s'il y a raisonnablement lieu de croire que le fait existe et non d'établir l'existence du fait lui-même, il me semble qu'exiger la preuve du fait lui-même et en arriver à déterminer s'il a été établi revient à demander la preuve d'un fait différent de celui qu'il faut établir. Il me semble aussi que l'emploi dans la loi de l'expression « il y a raisonnablement lieu de croire » implique que le fait lui-même n'a pas besoin d'être établi et que la preuve qui ne parvient pas à établir le caractère subversif de l'organisation sera suffisante si elle démontre qu'il y a raisonnablement lieu de croire que cette organisation préconise le renversement par la force, etc. Dans une affaire dont la solution est incertaine, l'omission de faire cette distinction et de trancher la question précise dictée par le libellé de la loi peut expliquer la différence dans les résultats d'une enquête ou d'un appel.

[18]            Cette approche décidée par la Cour d'appel réduit sensiblement le fardeau de preuve, compte tenu du libellé particulier et de la loi et de la décision de la Cour d'appel dans Jolly, supra, plus loin, aux pages 228 et 229, le juge Thurlow ajoute:

...Le paragraphe 5l) ne prévoit pas un type de preuve mais un critère à appliquer pour déterminer l'admissibilité d'un étranger au Canada, et la question à trancher consistait à déterminer s'il y avait raisonnablement lieu de croire qu'on préconisait le renversement par la force, etc., et non pas si on le préconisait effectivement, etc. Indubitablement, apporter la preuve de l'inexistence d'un fait constitue une façon de démontrer qu'il n'y a pas raisonnablement lieu de croire en l'existence de ce fait. Mais, même lorsque l'intimé avait fourni un commencement de preuve déniant l'existence du fait lui-même, il n'en résultait pas qu'il incombait au Ministre de démontrer autre chose que l'existence de motifs raisonnables de croire à l'existence du fait. En résumé, à la lumière de cette affaire, il me semble que, même après le commencement de preuve déniant le fait lui-même, le Ministre était simplement tenu d'apporter des preuves démontrant l'existence de motifs raisonnables de croire le fait et il ne lui était pas nécessaire d'aller plus avant et d'établir l'existence réelle du caractère subversif de l'organisation. Selon moi, dans les circonstances de l'affaire, cela rend invalide la décision de la Commission.

[19]            L'honorable juge Rothstein, alors qu'il était à la Division de première instance, dans l'arrêt Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration et al.) c. Singh Iqbal, (1998) 151 F.T.R. 101 (C.F. 1ère inst.), à la page 103, reprend les commentaires déjà émis par la Cour d'appel dans l'arrêt sus-mentionné:

[para 2]      Dans les procédures fondées sur l'article 40.1, les décisions se rapportant aux alinéas 19(1)e) et f) exigent la preuve de l'existence de "motifs raisonnables de croire" certains faits par opposition à l'existence des faits eux-mêmes. Lorsqu'il existe des motifs raisonnables de croire qu'une personne est membre d'une organisation, il doit également exister des motifs raisonnables de croire que l'organisation commet des actes de subversion ou de terrorisme. Voir Farah-Mahdavieh (1993), 63 F.T.R. 120, aux paragraphes 11 et 12. Pour que l'existence de pareils motifs soit établie, les motifs doivent avoir un fondement objectif. Voir R. c. Zeolkowski, [1989] 1 R.C.S. 1378, à la page 1385.

[para 3]      La norme de preuve est celle de la prépondérance des probabilités. Voir Farah-Mahdavieh, supra, et Al Yamani v. Canada (1995), 103 F.T.R. 105, aux paragraphes 64 et 65.

[20]            Ces considérations ont également été reprises dans la décision de l'honorable juge Nadon dans Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) c. Mahjoub, [2001] A.C.F. 1483 (C.F. 1ère inst.) et dans l'arrêt Manickavasagam Suresh c. Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration, jugement rendu par la Cour suprême, le 11 janvier 2002, la Cour précise au paragraphe 108:

Le pouvoir discrétionnaire de la ministre d'expulser une personne en vertu de l'art. 53 de la Loi sur l'immigration se limite, peu importe l'interprétation donnée à cette disposition, aux personnes qui ont commis des actes de terrorisme ou sont membres d'organisations terroristes et qui menacent la sécurité du Canada. Les personnes associées au terrorisme ou aux organisations terroristes - l'aspect central du début - sont, selon la conception du terrorisme proposée plus tôt, des personnes qui sont ou ont été associées à des éléments dirigés vers la violence, voire associées à la violence même. Par conséquent, si la ministre exerce son pouvoir discrétionnaire en conformité avec la Loi, il n'y aura pas manquement à l'al. 2b) ou d).


[21]            Aux paragraphes 85-88, la Cour suprême précise par ailleurs:

...nous convenons que, dans le contexte des dispositions régissant l'expulsion, il faut interpréter l'expression « danger pour la sécurité du Canada » d'une manière large et équitable, et en conformité avec les normes internationales. Nous reconnaissons que l'expression « danger pour la sécurité du Canada » est difficile à définir. Nous convenons aussi que la conclusion qu'il existe ou non un « danger pour la sécurité du Canada » repose en grande partie sur les faits et ressortit à la politique, au sens large. Tous ces éléments militent en faveur de l'application d'une approche large et souple en matière de sécurité nationale et, comme nous l'avons déjà expliqué, d'une norme de contrôle judiciaire caractérisée par la retenue. Si la ministre peut produire une preuve étayant raisonnablement la conclusion que l'intéressé constitue un danger pour la sécurité du Canada, les tribunaux ne doivent pas intervenir et modifier sa décision.

La question se pose de savoir si la ministre est tenue de produire une preuve directe d'un danger précis pour la sécurité du Canada. On a plaidé que le droit international oblige l'État à prouver l'existence d'un lien entre les activités terroristes et la sécurité du pays qui procède à l'expulsion : Hathaway et Harvey, « Framing Refugee Protection in the New World Disorder » , op. cit., p. 200-290. On a aussi affirmé qu'il ressort des Travaux préparatoires de la Convention relative au statut des réfugiés que les menaces pour la sécurité d'un autre État ne sont pas censées constituer un danger suffisant pour permettre le refoulement impliquant un risque de torture. Il est possible de soutenir que l'on n'entendait pas que les menaces pour la sécurité d'un autre État soient visées par l'expression en cause ni que des inquiétudes générales en matière de terrorisme soient considérées suffisantes : voir la Convention relative au statut des réfugiés, travaux préparatoires, A/CONF2/SR. 16, à la p. 8 : [TRADUCTION] « Il est inévitable que, parmi tous les réfugiés, certains soient tentés de se livrer à des activités pour le compte d'une puissance étrangère contre le pays qui leur accorde l'asile, et il serait déraisonnable de s'attendre à ce que le pays d'accueil ne prenne pas de mesures pour se prémunir contre une telle éventualité » ; voir A. Grahl-Madsen, Commentary on the Refugee Convention 1951 (1997), à la p. 236 : [TRADUCTION] « [O]n invoque ‘la sécurité du pays' à l'égard d'actes assez graves qui menacent directement ou indirectement la constitution (le gouvernement), l'intégrité du territoire, l'indépendance ou la paix avec les autres pays » .


Peu importe que ce soit à bon droit qu'on ait insisté, historiquement, sur la preuve directe d'un danger précis pour le pays procédant à l'expulsion, les choses ont changé et nous croyons que les tribunaux peuvent maintenant conclure que l'appui au terrorisme à l'étranger crée la possibilité de répercussions préjudiciables à la sécurité du Canada : voir Rehman, précité, lord Slynn of Hadley, aux par. 16 et 17. Il faut interpréter les conventions internationales en tenant compte de la situation actuelle. On a peut-être déjà pu avancer, logiquement, que les actes de terrorisme dans un pays ne touchaient pas nécessairement les autres pays, mais pareille affirmation n'est plus possible depuis 2001.

Premièrement, les réseaux mondiaux de transport et de financement qui soutiennent le terrorisme à l'étranger peuvent atteindre tous les pays, y compris le Canada, et les impliquer ainsi dans les activités terroristes. Deuxièmement, le terrorisme lui-même est un phénomène qui ne connaît pas de frontières. La cause terroriste peut viser un lieu éloigné, mais les actes de violence qui l'appuient peuvent se produire tout près. Troisièmement, les mesures de prudence ou de prévention prises par l'État peuvent être justifiées; il faut tenir compte non seulement des menaces immédiates, mais aussi des risques éventuels. Quatrièmement, la coopération réciproque entre le Canada et d'autres pays dans la lutte au terrorisme international peut renforcer la sécurité nationale du Canada. Ces considérations nous amènent à conclure que serait trop exigeant un critère requérant la preuve directe d'un risque précis pour le Canada afin de décider si une personne constitue un « danger pour la sécurité du Canada » . Il doit exister une possibilité réelle et sérieuse d'un effet préjudiciable au Canada. Néanmoins, il n'est pas nécessaire que la menace soit directe; au contraire, elle peut découler d'événements qui surviennent à l'étranger, mais qui, indirectement, peuvent réellement avoir un effet préjudiciable à la sécurité du Canada.

[22]            Plus loin, dans sa décision, la Cour suprême passe en revue les auteurs qui ont écrit sur la définition du terme "terrorisme" à l'échelle du globe. La Cour suprême a finalement conclu au paragraphe 98:

À notre avis, on peut conclure sans risque d'erreur, suivant la Convention internationale pour la répression du financement du terrorisme, que le terme « terrorisme » employé à l'art. 19 de la Loi inclut tout « acte destiné à tuer ou blesser grièvement un civil, ou toute autre personne qui ne participe pas directement aux hostilités dans une situation de conflit armé, lorsque, par sa nature ou son contexte, cet acte vise à intimider une population ou à contraindre un gouvernement ou une organisation internationale à accomplir ou à s'abstenir d'accomplir un acte quelconque » . Cette définition traduit bien ce que l'on entend essentiellement par « terrorisme » à l'échelle internationale. Des situations particulières, à la limite de l'activité terroriste, susciteront inévitablement des désaccords. Le législateur peut toujours adopter une définition différente ou plus détaillée du terrorisme. La question à trancher en l'espèce consiste à déterminer si le terme utilisé dans la Loi sur l'immigration a un sens suffisamment certain pour être pratique, raisonnable et constitutionnel. Nous estimons que c'est le cas.


[23]            Également, concernant la notion de "terrorisme", le juge Rothstein dans l'arrêt Singh, supra, précisait à la page 111:

[para 52]      Les dispositions en cause traitent de la subversion et du terrorisme. Le contexte, en ce qui concerne la législation en matière d'immigration, est la sécurité publique et la sécurité nationale, soit les principales préoccupations du gouvernement. Il va sans dire que les organisations terroristes ne donnent pas de cartes de membres. Il n'existe aucun critère formel pour avoir qualité de membre et les membres ne sont donc pas facilement identifiables. Le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration peut, si cela n'est pas préjudiciable à l'intérêt national, exclure un individu de l'application de la division 19(1)f)(iii)(B). Je crois qu'il est évident que le législateur voulait que le mot "membre" soit interprété d'une façon libérale, sans restriction aucune. Je ne souscris pas à l'avis selon lequel une personne n'est pas un membre au sens de la disposition si elle a adhéré à l'organisation une fois que cette dernière a mis fin à ses activités terroristes. Si le fait qu'une personne est membre a peu d'importance, le ministre a le pouvoir discrétionnaire de l'exclure de l'application de la disposition.


[24]            Il m'apparaît important également de rappeler que quelques jours avant la décision rendue par la Cour suprême dans Suresh mentionnée au paragraphe précédent, soit le 18 décembre 2001, le Parlement sanctionnait la loi connue sous l'appellation "Loi anti-terroriste", soit le chapitre 41 des Lois du Canada (2001) où le Code criminel est modifié et particulièrement l'article 83.01 où le législateur a maintenant prévu différentes définitions s'appliquant à la notion "d'activités terroristes". Dans la première partie de l'article 83.01, le législateur introduit dans la législation canadienne des infractions prévues à différentes conventions internationales, ce qui permettra au Canada d'avoir une approche face aux activités terroristes dont les définitions apparaissent déjà dans plusieurs conventions internationales mises en place depuis plus d'une trentaine d'années ainsi que d'un encadrement de ce qu'est une activité terroriste au sens du Code criminel au Canada. À cet effet, je ne citerai que le sous-alinéa 83.01(1)b) de la Loi:



"activité terroriste"

b) soit un acte - action ou omission, commise au Canada ou à l'étranger:

(i) d'une part, commis à la fois:

(A) au nom - exclusivement ou non - d'un but, d'un objectif ou d'une cause de nature politique, religieuse ou idéologique,

(B) en vue - exclusivement ou non - d'intimider tout ou partie de la population quant à sa sécurité, entre autres sur le plan économique, ou de contraindre une personne, un gouvernement ou une organisation nationale ou internationale à accomplir un acte ou à s'en abstenir, que la personne, la population, le gouvernement ou l'organisation soit ou non au Canada,

(ii) d'autre part, qui intentionnellement, selon le cas:

(A) cause des blessures graves à une personne ou la mort de celle-ci, par l'usage de la violence,

(B) met en danger la vie d'une personne,

(C) compromet gravement la santé ou la sécurité de tout ou partie de la population,

(D) cause des dommages matériels considérables, que les biens visés soient publics ou privés, dans des circonstances telles qu'il est probable que l'une des situations mentionnées aux divisions (A) à (C) en résultera.

(E) perturbe gravement ou paralyse des services, installations ou systèmes essentiels, publics ou privés, sauf dans le cadre de revendications, e protestations ou de manifestations d'un désaccord ou d'un arrêt de travail qui n'ont pas pour but de provoquer l'une des situations mentionnées aux divisions (A) à (C).

Sont visés par la présente définition, relativement à un tel acte, le complot, la tentative, la menace, la complicité après le fait et l'encouragement à la perpétrations; [...]

"terrorism activity" means

(b) an act or omission, in or outside Canada,

(i) that is committed

(A) in whole or in part for a political, religious or ideological purpose, objective of cause, and

(B) in whole or in part with the intention of intimidating the public, or a segment of the public, with regard to its security, including its economic security, or compelling a person, a government or a domestic or an international organization to do or to refrain from doing any act, whether the public or the person, government or organization is inside or outside Canada, and

(ii) that intentionally

(A) causes death or serious bodily harm to a person by th use of violence,

(B) endangers a person's life;

(C) causes a serious risk to the health or safety of the public or any segment of the public,

(D) causes substantial property damage, whether to public or private property, if causing such damage is likely to result in the conduct or harm referred to in any of clauses (A) to (C), OR

(E) causes serious interference with or serious disruption of an essential service, facility or system, whether public or private, other than as a result of advocacy, protest, dissent or stoppage or work that is not intended to result in the conduct or harm referred to in any of clauses (A) to (C),

and includes a conspiracy, attempt or threat to commit any such act or omission, or being an accessory after the fact or counselling in relation to any such act or omission, [...]


TÉMOIGNAGES ENTENDUS LORS DE L'AUDIENCE

[25]            M. Mourad Ikhlef a fait entendre plusieurs témoins lors des audiences tenues les 30, 31 janvier, 1er, 19 et 20 février 2002. Les ministres n'ont fait entendre aucun témoin.

[26]            M. Ikhlef a fait entendre son frère Nabil Ikhlef. Ce dernier témoigne qu'il est arrivé au Canada après son frère Mourad, en 1994, qu'il s'est fait refuser sa demande de statut de réfugié, mais qu'il a cependant obtenu son statut de résident permanent au Canada. Ce témoignage n'apporte rien de nouveau au témoignage de M. Ikhlef lui-même si ce n'est qu'il semble vouloir prétendre que même s'il y avait eu beaucoup de rencontres entre lui-même, son frère, Ressam, Mustapha, Adel Boumezbeur, et d'autres individus d'origine algérienne, il n'y voit rien de particulier puisqu'il ne faisait que se réunir, prendre du café et discuter et qu'il n'a jamais été question d'actes de terrorisme au cours de ces discussions.

[27]            Il a admis avoir été un bout de temps à Naples en Italie, mais il nie cependant avoir rencontré d'autres personnes impliquées dans des supposés réseaux terroristes et affirme qu'il n'a pas rencontré son frère à Naples et qu'il a quitté l'Italie en 1994. Il rejette également les informations qui ont paru dans un article du journal Il Matino, à Naples, faisant état de sa présence avec son frère à Naples, et le fait qu'ils auraient fait partie tous deux du réseau international Al Qaïda, sous la gouverne et l'inspiration d'Oussama ben Laden.

[28]            Il mentionne également avoir connu Fatah Kamel qui est actuellement détenu par la police en France; il l'a connu à Montréal et l'a rencontré souvent et ajoute qu'ils venaient du même quartier en Algérie.

[29]            La deuxième personne à témoigner est M. Ikhlef lui-même qui raconte un peu sa vie avant son immigration au Canada. Il mentionne avoir été condamné à mort en Algérie pour des activités liées au terrorisme et ajoute l'avoir appris par des articles de journaux; évidemment, il nie les faits ayant entraîné sa condamnation. Il nie être allé en Afghanistan ou en Bosnie, il ne connaît rien du réseau Al Qaïda, ne connaît rien aux armes ni aux explosifs. Il ajoute que les opérations du GIA en Algérie ont commencé plusieurs mois après son arrivée au Canada, affirmant du coup qu'il n'avait jamais été mêlé à quelqu'intervention terroriste du GIA que ce soit.


[30]            Il admet avoir rencontré, à de nombreuses reprises, les individus Boumezbeur, Ressam, Kamel, Atmani et tous les autres individus d'origine algérienne qui étaient à Montréal, à ce moment là. Il mentionne que les gens se rencontraient pour discuter, regardaient la télévision et qu'il n'était pas question de politique en particulier, et encore moins de terrorisme, et s'il avait été question le moindrement de complot visant des actes de terrorisme, il ne serait jamais resté là, il serait parti tout simplement. Il commente longuement les événements qui ont amené son départ de l'Algérie et son arrivée au Canada. Il mentionne avoir fait des démarches à l'ambassade d'Algérie pour voir s'il pouvait bénéficier de la Loi de concorde civile qui permettait aux citoyens algériens de pouvoir recevoir une amnistie du gouvernement en place, s'ils revenaient en Algérie, mais il a finalement décidé que les garanties n'étaient pas suffisantes et qu'il ne voulait pas y aller. Confronté aux parties de témoignages d'Amhed Ressam à New York, il prétend qu'il ne peut, en aucun cas, être la personne que Ressam identifie comme l'ayant aidé à préparer son attentat terroriste au moment de son entrée aux États-Unis.


[31]            D'après lui, Ressam était simplement un petit voleur, mais il n'a jamais soupçonné, ni de près ni de loin, qu'il puisse être membre d'un réseau terroriste. Il confirme s'être rendu souvent aux différents appartements où ont habité successivement Adel Boumezbeur, Amhed Ressam et où plusieurs membres de la communauté algérienne se rendaient souvent pour discuter et que même si plusieurs de ces personnes ont été soit arrêtées ou soit condamnées dans différents pays, notamment la France, l'Algérie, les États Unis et l'Angleterre et que d'autres soient l'objet de demandes d'extradition, il continue d'affirmer qu'il n'a jamais lui-même, ni de près ni de loin, été mêlé à quelque complot que ce soit, visant à commettre des actes de terrorisme. Il mentionne que lorsqu'il a accompagné Ressam à Vancouver, il voulait surtout aller à la pêche, voir les environs de Vancouver, la nature, et que Ressam a fait ses vols de son côté, alors que lui visitait les environs.


[32]            Lorsque contre-interrogé, M. Ikhlef réaffirme qu'il n'a jamais eu connaissance que Ressam ou l'un ou l'autre des individus d'origine algérienne qu'il côtoyait dans les différents appartements où ils ont habité à Montréal, pouvait être impliqué dans des actes de terrorisme ou de falsification de documents. Il admet s'être rendu à Vancouver, mais que lui y était allé pour trouver du travail et il se doutait bien que Ressam, étant un voleur, allait commettre différents larcins sur place. Il n'est pas très clair sur sa relation personnelle avec Ressam. Il mentionne que c'était une bonne connaissance, mais pas vraiment un ami, puisque Ressam était davantage reclus. Assez curieusement, même s'il a passé plus de dix heures dans l'avion avec Ressam, à l'aller et au retour vers Vancouver, ils n'ont jamais parlé de ce qu'ils avaient l'intention de faire ou ce qu'ils avaient effectivement fait lors de leur présence à Vancouver.

[33]            Le témoin est confronté à son formulaire d'information personnelle, déposé au moment de sa demande de statut de réfugié, laquelle a été déposée et signée le 1er novembre 1993; il n'y a aucune mention de sa propre condamnation à mort, laquelle aurait été ordonnée vers la mi-septembre 1993, soit deux mois auparavant. Il mentionne qu'il est recherché et que son ami a été condamné, mais il ne parle pas de sa propre condamnation. La raison invoquée est quelque peu farfelue, puisqu'il prétend ne pas avoir à le mentionner, puisque c'était la base de sa demande de statut de réfugié. Cette explication pour le moins tortueuse ne peut que nous laisser perplexe...

[34]            Il affirme néanmoins qu'un avocat l'a aidé à préparer son formulaire d'information personnelle, à l'automne, avant de le déposer au mois de novembre 1993 et que les deux articles mentionnant qu'il avait été l'objet d'une condamnation à mort en Algérie, n'ont été déposés devant la Commission du statut de réfugié qu'au mois de février 1994.


[35]            Le troisième témoin est M. Abdel Boumezbeur, chauffeur de taxi à Montréal. Il est citoyen canadien, c'est le frère de Adel Boumezbeur qui lui, est un ami d'enfance de Mourad et actuellement détenu en Algérie. Lui également fréquentait sur la rue Malicorne, à Montréal, les différents individus déjà mentionnés d'origine algérienne. Il a rencontré Kamel et Ressam, il prétend que c'est lui qui a donné le surnom de Mourad GIA à M. Ikhlef et que ce surnom s'est répandu. Il le regrette et il l'a appelé comme ça, simplement parce qu'il avait vu dans un journal que Mourad avait été condamné en Algérie comme étant un membre du GIA et qu'il lui avait donné ce nom là en badinant, mais que maintenant il le regrettait sincèrement en voyant les conséquences que cela avait entraîné pour Mourad.

[36]            Il prétend que Mourad était comme son petit frère et que lui-même se rendait très souvent sur la rue Malicorne pour discuter avec les autres membres de la communauté. Il est bien au fait que Ressam a été reconnu coupable aux État Unis, que Kamel a été reconnu coupable en France, que son frère a été condamné en France et est présentement détenu en Algérie et un mandat international a été émis contre lui. Il sait également que Mustapha qui demeurait également sur la rue Malicorne, est actuellement en prison en Angleterre, mais d'après lui, il n'a jamais eu connaissance de quoi que soit qui puisse relier ces gens là à des actes terroristes.

[37]            Il n'a jamais eu connaissance non plus que l'appartement qu'il fréquentait toutes les semaines, à de nombreuses reprises, pouvait être utilisé comme un endroit qualifié de plaque tournante de falsification de passeport.

[38]            Un autre témoin que nous identifierons comme étant le témoin "X" est un stagiaire en droit depuis deux ans dans un bureau qui s'occupe entre autres choses des droits de l'homme en Algérie. Il y aurait deux avocats dans ce bureau. Fait étonnant, il mentionne avoir reçu un mandat par le père de M. Ikhlef et qu'il a pu voir une copie du jugement écrit, condamnant Mourad Ikhlef à la peine de mort, mais que malheureusement, l'autre partie qui était également condamnée par le même jugement, M. Chétouane, lequel avait remis au père de Mourad une copie du jugement, lui avait interdit d'en envoyer ou d'en apporter une copie à l'extérieur d'Algérie; en conséquence, seuls les deux articles de journaux sont la preuve qu'il a été condamné à mort en Algérie, mais la preuve véritable, soit le jugement le condamnant, n'est pas disponible, bien que le témoin "X", stagiaire dans un bureau d'avocats là-bas, mentionne l'avoir vu dans les mains de son père en Algérie. Assez curieusement, ce jugement, rendu il y a de cela de nombreuses années, n'a jamais été lu au téléphone par son père, à M. Ikhlef, lequel ne semble pas trouver ce document important.


[39]            Le témoin donne des explications quant à la "Cour d'exception" qui s'occupe d'entendre les causes touchant des activités terroristes en Algérie, mentionnant que les juges et les jurés témoignent avec le visage caché afin d'éviter des représailles des groupes armés. Il prétend que toutes les personnes, sans exception, qui passent devant cette Cour ont été, au préalable, torturées et ont été en détention préventive et que très peu de gens peuvent être acquittés. Le témoin raconte ensuite qu'il a connu personnellement un dossier, soit celui de M. Chalabi, qui aurait été extradé de France vers l'Algérie, c'est le seul cas d'ailleurs qu'il semble connaître personnellement et que ce sont les services secrets français qui ont remis l'individu aux services secrets algériens. Il aurait été détenu pendant une vingtaine de jours sans qu'il puisse communiquer avec qui que ce soit. Il mentionne que lorsqu'il l'a rencontré, il y avait des indices au visage qui montraient qu'il avait été tabassé, mais non pas torturé. Le témoin, en l'espace de cinq minutes, s'est donc contredit devant moi et il souhaite vouloir se réchapper en mentionnant que lorsqu'il y avait de la pression internationale venant d'organismes non gouvernementaux (ONG), il arrivait que des gens ne soient pas torturés pour ne pas déplaire à la communauté internationale. Le témoin explique un peu le fonctionnement de la Cour d'exception, des délais qui sont souvent indéterminés. Il parle ensuite du GIA et du Front islamiste du salut (FIS). Il prétend que les bruits qui courent en Algérie sont à l'effet que le GIA est infiltré par des groupes de sécurité du gouvernement et que les autorités sont impliquées dans les attentats qui sont attribués au GIA. Il ne dépose cependant pas de preuve, si ce n'est un article relatif à un ex-officier de l'armée qui aurait écrit un livre sur les exactions de l'armée en Algérie.


[40]            En contre-interrogatoire, le témoin rappelle de mémoire ce qui apparaissait sur le jugement condamnant M. Ikhlef. Il parle de falsification d'une pièce d'identité, apologie, soutien technique, il répond qu'il n'était pas question de sabotage et confronté avec les articles de journaux déposés par M. Ikhlef lui-même au soutien de sa demande de réfugié, il apparaît clair que les inculpations mentionnées dans les articles de journaux, ne correspondent pas aux inculpations mentionnées au cours du témoignage du témoin. Je demeure très circonspect suite au témoignage de ce témoin, puisqu'il s'agit d'un stagiaire dans un bureau d'avocats, qu'il n'est pas un expert et qu'il témoigne davantage de ce qu'il a entendu dire plutôt que de ce dont il a eu connaissance lui-même. Il était très imprécis. Il mentionne avoir été dans l'impossibilité d'apporter une copie du jugement condamnant M. Ikhlef. Il mentionne être allé deux fois devant le tribunal spécial et par la suite, il confirme que la "Cour d'exception" a été abolie en 1996 et a été remplacée par un tribunal criminel. Il était allé devant la "Cour d'exception" supposément avec une carte autorisée par l'avocat en chef de son bureau. Il n'a cependant pas représenté lui-même qui que ce soit devant ce tribunal. De plus, étant stagiaire dans un bureau d'avocats depuis deux ans, soit depuis l'an 2000, comment peut-il témoigner être allé devant la "Cour d'exception" qui a été abolie quatre ans précédemment, soit en 1996? J'en conclus que ce témoignage, très peu précis, n'a que peu de poids, à mes yeux, sur la situation particulière de M. Ikhlef.

[41]            La Cour a ensuite entendu le témoin "B" qui est un employé des Services canadiens de renseignement et de sécurité (SCRS). Ce témoignage n'apporte aucun éclairage nouveau sur la preuve qui était déjà entendue si ce n'est que les Services canadiens de renseignement et de sécurité ont préparé un rapport de renseignements en matière de sécurité qui était basé à la fois sur la preuve dont le résumé et les annexes ont été remis à M. Mourad Ikhlef et dont une partie de la preuve a été gardée confidentielle puisque leur communication porterait atteinte à la sécurité nationale ou à celles de personnes.

"MOTIFS RAISONNABLES DE CROIRE"


[42]            Il est bien évident que l'on doit garder à l'esprit que les normes habituelles applicables en matière de droit criminel ne s'appliquent pas aux affaires d'immigration en général ou encore aux procédures prévues en vertu de l'article 40.1 de la Loi sur l'immigration. La notion qu'il faille des "motifs raisonnables de croire" que la personne est ou a été membre d'une organisation dont il y a des "motifs raisonnables de croire" qu'elle commettra des actes de terrorisme ou qu'elle s'est livrée à des actes de terrorisme, est une notion qui peut apparaître bien frustrante pour la personne visée. Cependant, il faut également se rappeler que le législateur a prévu que la sécurité nationale ou la sécurité de personnes impliquées puisse justifier qu'une partie de la preuve recueillie ne soit pas communiquée à la partie intéressée.

[43]            Deux décisions récentes de la Cour d'appel fédérale nous éclairent encore davantage sur la norme à adopter quand la Cour a à déterminer s'il existe des "motifs raisonnables de croire". D'abord, l'arrêt Sing Chi Stephen Chiau c. Le ministre de la Citoyenneté et de l'immigration, [2001] 2 C.F. 297 (C.F.A.), paragraphe 60, précise:

Quant à savoir s'il existait des "motifs raisonnables" étayant la croyance de l'agent, je souscris à la définition que le juge de première instance donne à l'expression "motifs raisonnables" (affaire précitée, paragraphe 27, page 658). Il s'agit d'une norme de preuve qui, sans être une prépondérance des probabilités, suggère néanmoins "la croyance légitime à une possibilité sérieuse en raison de preuves dignes de foi". Voir Le procureur général du Canada c. Jolly, [1975] C.F. 216 (C.A.).

[44]            Le procureur de M. Mourad Ikhlef suggère qu'au paragraphe 61, la Cour atténue la portée quant à l'appréciation de la preuve et que la norme de preuve devrait être davantage exigeante lorsque le pouvoir exercé entraîne des conséquences graves pour un droit individuel important.

[45]            Avec tout le respect, je ne crois pas que cette nuance qui apparaît au jugement puisse justifier de déroger à la norme déjà déterminée pour l'interprétation de l'article 19 de la Loi sur l'immigration. Plus récemment encore, dans Qu v. Canada (Minister of Citizenship and Immigration), [2001] F.C.J. No. 1945 (F.C.A.), paragraphe 28, le Juge en chef Richard, parlant au nom de la Cour d'appel fédérale, maintient la position déjà adoptée dans la décision précédente:

The standard of proof required in subparagraph 19(1)(f)(i) is one of "reasonable grounds" In Chiau v. Canada, [2001] 2 F.C. 297 (C.A.), this Court stated, at page 320, that "reasonable grounds" is a standard of proof that, while falling short of a balance of probabilities, nonetheless connotes a bona fide belief in a serious possibility based on credible evidence.

CONCLUSION


[46]            Said Atmani, Fatah Kamel, Adel Boumezbeur et Ahmed Ressam sont tous des gens qui faisaient partie du même groupe d'amis qui se rencontraient assez souvent dans différents appartements à Montréal. M. Mourad Ikhlef ainsi que son frère et M. Abdel Boumezbeur, lesquels ont tous trois témoigné lors de l'audience, faisaient également partie du groupe. Il est intéressant de remarquer que ces quatre individus, mentionnés au début du paragraphe, ont été reconnus coupables par un tribunal français, entr'autre de participation à une association de malfaiteurs en vue de la préparation d'un acte de terrorisme. La participation à titre de membre présumé d'une cellule du Groupe islamiste armé (GIA) à Montréal, ne doit pas être prise à la légère.

[47]            Me référant à la preuve documentaire soumise dans le dossier et qui fait également partie du résumé des informations qui a été remis à M. Ikhlef, il appert que le GIA est un groupe extrémiste algérien dont l'un des objectifs consiste à renverser le gouvernement laïc de l'Algérie et à le remplacer par un état islamique. Cette campagne de violence a été amorcée en 1992, après l'annulation de la victoire du Front islamique du salut (FIS). Le GIA a travaillé main dans la main avec le mouvement islamique issu d'Afghanistan et les actes de terroristes, tous plus cruels les uns que les autres, se sont multipliés tout au long des années 1990 jusqu'à maintenant. Ayant combattu avec les moudjahiddins en Afghanistan, le GIA s'est rapidement associé au terrorisme international dont Oussama ben Laden s'est fait le promoteur sous la protection du gouvernement taliban en Afghanistan.

[48]            Le Conseil de sécurité des Nations Unies a même condamné, avec force, cette situation:


"Condamnant avec force le fait que les terroristes continuent d'être accueillis et entraînés, et que actes de terrorisme sont préparés dans les zones tenues par la faction afghane dénommée taliban, qui se désigne également elle-même sous le nom d'Émirat islamique d'Afghanistan Émirat (ci-après dénommée "les talibans"), et "réaffirmant" sa conviction que la répression du terrorisme international est essentiel pour le maintien de la paix et de la sécurité internationale" "...déplorant que les talibans continuent de donner refuge à Usama bin Laden, et de lui permettre, ainsi qu'à ses associés, de diriger un réseau de camp d'entraînement de terrorisme à partir du territoire tenu par eux et de se servir de l'Afghanistan comme base pour mener des opérations terroristes internationales."

Référence: Adopté par le Conseil de sécurité 4251ème séance, le 19 décembre 2000.

[49]            Également en conformité avec la résolution adoptée par le Conseil de sécurité, ce même Conseil de sécurité des Nations Unies publiait une liste des organismes, groupes et personnes qui sont associés, de près ou de loin, à ben Laden et le GIA y est mentionné de façon non-équivoque. Il apparaît maintenant clair, ce qui a été confirmé par des personnes y ayant participé dont Amed Ressam, que les membres du GIA ont reçu un entraînement et des fonds d'Oussama ben Laden en Afghanistan.

[50]            Il est maintenant connu qu'Oussama ben Laden a commencé ses opérations de recrutement et d'entraînement alors qu'il était au Soudan et que ses "premiers stagiaires" étaient des algériens du GIA et ce, dès le début de 1994.

[51]            Oussama ben Laden, le réseau Al Qaïda et les autres réseaux de groupes extrémistes sont clairement identifiés dans le résumé des informations remis à M. Ikhlef. Plusieurs attentats terroristes commis par ces groupes sont également mentionnés dans le résumé avec les références correspondantes.

[52]            Que ce soit lors des attentats au Yémen contre un navire américain, ou encore les attentats meurtriers contre les ambassades américaines au Kénya et en Tanzanie, ces réseaux terroristes sont toujours les principaux suspects.

[53]            L'attentat meurtrier commis récemment en utilisant des avions de transport civils pour aller percuter les deux tours du World Trade Center au centre-ville de New-York et l'édifice du Pentagone dénote une approche cruelle et sans scrupule visant à tuer des civils innocents, de toutes origines, levant ainsi le voile sur un aspect de la cruauté et du fanatisme des membres de ces réseaux terroristes qui seuls peuvent permettre à des humains de s'attaquer ainsi à des civils innocents. Encore là, ben Laden, Al Qaïda et ses réseaux terroristes reliés sont les principaux suspects.


[54]            Le résumé des informations remis à M. Ikhlef est éloquent dans sa description du réseau de ben Laden et de ses méthodes opérationnelles. Les tactiques utilisées par les membres sont démontrées et particulièrement la façon dont des individus tel Amhed Ressam, utilisent les autres membres du réseau qui sont souvent appelés "agents dormants" pour les aider à mettre en place la logistique nécessaire pour arriver à commettre leurs crimes. Que ce soit la fabrication de faux documents, l'obtention de passeports contrefaits, le vol et la mise au point d'équipements électroniques sophistiqués, la collecte de fonds visant à permettre l'exécution des opérations terroristes et l'aide de toute sorte apportée dans les mois voire les années précédant les attentats eux-mêmes.

[55]            Le résumé des informations fait également état des activités du groupe islamique armé (GIA) algérien et des actes terroristes perpétrés depuis 1994 jusqu'à aujourd'hui.

[56]            À en croire M. Ikhlef, il y aurait erreur sur la personne; comme s'il s'était trouvé toujours à la mauvaise place, au mauvais moment. Comme si également c'était pure coïncidence que la plupart de ses amis qu'il côtoyait quotidiennement au cours des années 1990, à Montréal, et à Vancouver, sont maintenant derrière les barreaux où l'objet de condamnations diverses en France, en Angleterre, en Algérie et aux États Unis.

[57]            Si la maxime "Dis-moi qui tu fréquentes je te dirai qui tu es" n'a pas d'application légale et encore moins force de loi, cela aura du moins permis aux autorités canadiennes de scruter avec plus d'attention les agissements de M. Ikhlef au cours des dernières années pour en arriver aux conclusions que l'on sait.


[58]            Les explications ténébreuses de M. Ikhlef quant à l'origine de son surnom "Mourad GIA" nous laisse aussi pensif, de même que la supposée erreur de son ami qui regrette maintenant infiniment d'avoir affublé son copain d'un pareil surnom. Il est pour le moins curieux que M. Ikhlef semble rejeter du revers de la main le fait qu'un tribunal français ait condamné son ami d'enfance Boumezbeur par contumace à cinq ans d'incarcération pour participation à une association de malfaiteurs en vue de la préparation d'un acte de terrorisme et complicité de faux et d'usage de faux, et que ce même Boumezbeur a été identifié comme étant membre de la cellule de Amhed Ressam, lié au réseau de ben Laden. Dans son témoignage, M. Ikhlef admet avoir passé beaucoup de temps avec ledit Boumezbeur, mais assez curieusement, il continue d'affirmer qu'il n'a jamais été question entre eux, ni de la préparation ni de la préméditation des actes de terrorisme dont il a été question dans les accusations qui ont été suivies par des condamnations.

[59]            Les procureurs du Solliciteur général et du Ministre ont déposé une abondante preuve documentaire dont une partie est demeurée confidentielle pour des motifs de sécurité nationale et de protection de personnes. J'ai examiné la preuve recueillie et je n'ai pas de doute que les relations qu'il entretenait avec les personnes mentionnées précédemment, tant à Montréal qu'à Vancouver, ainsi que ses relations à l'étranger étaient d'un ordre différent de ce que M. Ikhlef a bien voulu nous représenter lors de l'audience.

[60]            Il n'y a pas erreur sur la personne, il existe bel et bien des motifs raisonnables de croire que M. Ikhlef a été et est toujours membre d'une organisation dont il y a des motifs raisonnables de croire qu'elle commettra des actes de terrorisme appartenant ainsi à une des catégories visées au sous-alinéa 19(1)e)(iv)(C) de la Loi sur l'immigration. M. Ikhlef est également une personne dont on peut penser, pour des motifs raisonnables, qu'elle commettra des actes de terrorisme, appartenant ainsi à la catégorie visée au sous-alinéa 19(1)e)(iii). D'autre part, M. Mourad Ikhlef est une personne dont il y a des motifs raisonnables de croire qu'elle s'est livrée à des actes de terrorisme appartenant à la catégorie visée au sous-alinéa 19(1)f)(ii) et que M. Mourad Ikhlef a été et est toujours membre d'une organisation dont il y a des motifs raisonnables de croire qu'elle se livre et s'est livrée à des actes de terrorisme appartenant ainsi à la catégorie visée au sous-alinéa 19(1)f)(iii)(B).

[61]            Les ministres n'ont pas soumis de preuve suffisante quant au sous-alinéa 19(1)(iv)(B), et ce motif doit donc être écarté.

[62]            J'ai l'intime conviction que M. Mourad Ikhlef n'a pas dit la vérité lors de son témoignage et que la preuve qu'il a présentée quant à ses agissements depuis son entrée au Canada ne révèle que très peu de ce qu'il a vraiment fait depuis qu'il est au Canada et particulièrement des motifs profonds qui l'ont incité à agir.


[63]            L'information que j'ai eu l'occasion de considérer à huis clos et que je ne suis pas en mesure de dévoiler, supporte sans équivoque l'opinion qu'il existe des motifs raisonnables de croire que M. Mourad Ikhlef était et est toujours un membre d'un groupe terroriste dont les ramifications s'étendent aux autres organismes terroristes déjà mentionnés et notamment ceux qui sont associés à Oussama ben Laden. Les contradictions flagrantes qu'il m'a été donné d'examiner et particulièrement, sa relation équivoque avec Amhed Ressam, condamné récemment aux États Unis pour activités terroristes sont troublantes et démontrent sans le moindre doute l'intention délibérée de M. Mourad Ikhlef de tromper la Cour.

[64]            Pour être membre d'une organisation terroriste, comme l'a si bien dit l'honorable juge Rothstein dans l'arrêt Singh, supra, paragraphe 6, il n'est pas nécessaire d'avoir une carte de membre en règle; la communauté d'intérêt, la communauté de pensée, les rencontres fréquentes avec des gens poursuivant les mêmes buts et préparant des actes de terrorisme, sont des éléments suffisamment étayés par la preuve qui démontrent que M. Mourad Ikhlef participait aux activités d'un groupe terroriste.


[65]            À mon avis, sur la base de la preuve et de l'information qui m'ont été soumises, l'attestation déposée par le Ministre et le Solliciteur général est raisonnable. En me référant aux conclusions de la jurisprudence et particulièrement celles du Juge Rothstein dans Singh, supra, chacun des motifs invoqués sous l'article 19(1) doit être interprété de façon disjonctive. Les ministres ont présenté une preuve suffisante quant à quatre des cinq sous-alinéas de l'article 19(1).

                                     O R D O N N A N C E

[66]            En conséquence, pour toutes les raisons mentionnées précédemment, j'en arrive à la conclusion que, basé sur la preuve et les informations disponibles devant moi, l'attestation déposée par le Ministre et le Solliciteur général est raisonnable.

Pierre Blais                                                                                                                             Juge

OTTAWA, ONTARIO

Le 8 mars 2002

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.