Date : 19981027
Dossier : IMM-140-98
ENTRE
THILAGAVATHY JAYABALASINGHAM,
demanderesse,
et
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION, défendeur.
MOTIFS DE L'ORDONNANCE
LE JUGE EN CHEF ADJOINT RICHARD
[1]Le tribunal n'a pas mis en doute la crédibilité de la demanderesse et a présumé, aux fins de sa décision, que cette dernière craignait avec raison d'être persécutée dans le nord du Sri Lanka. Par conséquent, il se devait d'établir si elle avait une PRI à Colombo.
[2] Le tribunal a conclu que, compte tenu de l'âge de la demanderesse, de la façon dont la police l'a traitée après son arrivée à Colombo et de la preuve documentaire, il n'existe pas plus qu'une simple possibilité qu'elle soit persécutée si elle est tenue de retourner à Colombo. Cette conclusion n'est pas déraisonnable.
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[3] Le tribunal a alors poursuivi en évaluant la situation
de la revendicatrice. Il s'est demandé s'il serait trop
sévère ou s'il serait déraisonnable, compte tenu de toutes
les circonstances, d'exiger que la revendicatrice déménage à
Colombo. Toutefois, le tribunal a poursuivi en décrivant le
critère de la façon suivante
[TRADUCTION] Bien que le critère permettant de déterminer le « préjudice indu » et le caractère « déraisonnable, compte tenu de toutes les circonstances, » ne soit pas défini, il faut l'évaluer en tenant compte à la fois de la situation prévalant dans le lieu de la PRI et de l'ensemble de la Loi sur l'immigration. La mention du terme « indu » dans la jurisprudence semble exiger la présence de préjudices supplémentaires ou extraordinaires par rapport à la situation du revendicateur et par rapport au lieu de la PRI. Cette exigence semblerait constituer une condition préalable située au-delà des considérations et des procédures d'ordre humanitaire prévues par la Loi sur l'immigration pour les personnes qui ne sont pas des réfugiés au sens de la Convention.
[4] Le tribunal a alors conclu que, même s'il reconnaissait que la situation de la revendicatrice à Colombo serait difficile, il ne serait ni trop sévère ni déraisonnable, compte tenu de toutes les circonstances, d'exiger qu'elle y cherche refuge.
[5] Dans l'arrêt Thirunavukkarasu c. Canada, [1994] 1 C.F. 597 (C.A.), le juge Linden a déclaré que le demandeur était tenu de chercher une PRI pour autant que ce ne soit pas déraisonnable de le faire compte tenu des circonstances dans
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lesquelles il se trouve. Il s'agit d'un critère objectif. Par conséquent, s'il existe un refuge sûr pour les revendicateurs dans leur propre pays, où ils ne seraient pas persécutés, on s'attend à ce qu'ils s'en prévalent, à moins qu'ils ne démontrent que ce serait objectivement déraisonnable pour eux de le faire. Il a conclu à la page 599 : « Ainsi, la norme objective que j'ai proposée pour déterminer le caractère raisonnable de la possibilité de refuge dans une autre partie du même pays est celle qui se conforme le mieux à la définition de réfugié au sens de la Convention. »
[6] Il a également formulé la question de manière à ce qu'il puisse être déterminé s'il-est trop sévère de s'attendre à ce que le revendicateur de statut, qui est persécuté dans une partie de son pays, déménage dans une autre partie moins hostile du pays avant de revendiquer le statut de réfugié à l'étranger et il a donné des exemples.
[7] Il s'agit d'un critère objectif et le fardeau de la preuve repose sur le revendicateur. Ce critère est souple. Par conséquent, le tribunal doit être convaincu que les circonstances dans leur ensemble, y compris celles applicables à la situation de la demanderesse à Colombo, pendant toute la période en cause, étaient telles qu'il serait objectivement raisonnable que la demanderesse cherche refuge à cet endroit.
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[8] Ce tribunal a rendu ce critère encore plus sévère en exigeant « de[s] préjudices supplémentaires ou extraordinaires » relativement à la situation de la revendicatrice et au lieu de la PRI. Selon ce tribunal
« Cette exigence semblerait constituer une condition préalable située au-delà des considérations et des procédures d'ordre humanitaire prévues par la Loi sur l'immigration pour les personnes qui ne sont pas des réfugiés au sens de la Convention » .
[9] J'estime que le tribunal s'est mal dirigé en formulant un critère différent du critère objectif du caractère raisonnable.
[10] Il a été établi en preuve que la demanderesse était dans une situation particulière quand elle a quitté Colombo et cherché refuge au Canada. Elle était veuve, dans la soixantaine, sans parents ni amis ni relations à Colombo. Elle n'avait jamais travaillé à l'extérieur de la maison et ne parlait ni anglais ni cinghalais, mais seulement tamoul. Il existait également des éléments de preuve documentaire contradictoires sur la disponibilité des services sociaux et médicaux pour les Tamouls âgés.
[11] Le tribunal aurait dû examiner ces circonstances en tenant compte du critère objectif du caractère raisonnable.
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[12] Dans les circonstances, je conclus que le tribunal a commis une erreur de droit en statuant sur la disponibilité d'une PRI. Par conséquent, la décision du tribunal est annulée et la tenue d'une nouvelle audience devant un tribunal différemment constitué est ordonnée.
John D. Richard
Juge en chef adjoint
Toronto (Ontario) Le 27 octobre 1998.
Traduction certifiée conforme
Martine Brunet, LL.B.
COUR FÉDÉRALE DU CANADA
Date : 19981027
Dossier : IMM-140-98
Entre
THILAGAVATHY JAYABALASINGHAM, demanderesse,
et
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,
défendeur.
MOTIFS DE L'ORDONNANCE
COUR FÉDÉRALE DU CANADA
Avocats inscrits au dossier
No DU GREFFE : IMM-140-98
INTITULÉ DE LA CAUSE : THILAGAVATHY JAYABALASINGHAM
et
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION
DATE DE L'AUDIENCE : LE MARDI 13 OCTOBRE 1998
LIEU DE L'AUDIENCE : TORONTO (ONTARIO)
MOTIFS DE L'ORDONNANCE PAR : LE JUGE RICHARD
EN DATE DU : MARDI 27 OCTOBRE 1998
ONT COMPARU
Mme Helen P. Luzius
pour la demanderesse
M. Marcel Larouche
pour le défendeur
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
Helen P. Luzius 372, rue Bay Bureau 1610 Toronto (Ontario) M5H 2W9
pour la demanderesse
Morris Rosenberg Sous-procureur général du Canada
pour le défendeur