Date : 20010511
Dossier : T-1482-91
Référence neutre : 2001 CFPI 470
ENTRE :
MINNIE NORMA MACNEIL et
ROBERT GARRY MILLER en qualité de
représentant des héritiers de feue
Minnie Norma MacNeil
demandeurs
- et -
SA MAJESTÉ DU CHEF DU CANADA,
représentée par le MINISTÈRE DES AFFAIRES INDIENNES
ET DU NORD CANADIEN, CHARLOTTE MILDRED MARTIN,
RANDOLF LAWRENCE MARTIN et JOYCE PATRICIA MARTIN
défendeurs
(prononcée à l'audience à Toronto, le jeudi
10 mai 2001)
[1] Il s'agit d'une requête présentée par les demandeurs en vu d'obtenir l'autorisation de modifier leur demande, premièrement, en y ajoutant certains défendeurs et, deuxièmement, en y ajoutant une nouvelle demande fondée sur un manquement à une obligation fiduciaire.
[2] La première modification n'est pas contestée et une ordonnance accordant la réparation demandée sera prononcée.
[3] La deuxième modification soulève une question plus sérieuse, soit celle d'un prétendu préjudice causé à la Couronne défenderesse, qui ne pourrait être compensé par l'adjudication de dépens. Il s'agit bien sûr du critère principal à appliquer pour trancher toute requête en modification contestée.
[4] L'action a été introduite en 1991 par feue Minnie Norma MacNeil. Elle alléguait essentiellement dans l'action que la Couronne avait considéré à tort que le testament de son grand-père, M. David General, transférait un droit de propriété sur certaines terres de réserve une certaine Mme Martin, alors qu'en vérité, selon ses allégations, le testament ne lui transférait en réalité rien de plus qu'un droit viager. La Couronne avait délivré un certificat de possession à Mme Martin à la fin des années 1960 et l'action visait à faire annuler ce certificat et à faire reconnaître Mme MacNeil comme la véritable propriétaire des terres en cause.
[5] Ni Mme MacNeil ni Mme Martin n'ont été interrogées, notamment au préalable, dans le cadre de l'action, et elles sont toutes deux décédées il y a environ deux ans.
[6] Les modifications proposées, dans la mesure où elles sont pertinentes en l'espèce, sont énoncées à l'alinéa 8aa) que voici :
[Traduction] Les demandeurs affirment en outre que les actes et omissions de Sa Majesté la Reine du chef du Canada, représentée par le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien (Sa Majesté défenderesse), constituent un manquement à une obligation fiduciaire envers la demanderesse Minnie Norma MacNeil, à l'égard duquel voici des précisions :
i) Sa Majesté défenderesse a attribué au testament de David General une interprétation qui déshérite certains bénéficiaires, dont la demanderesse Minnie Norma MacNeil;
ii) Sa Majesté défenderesse n'a pas avisé la demanderesse Minnie Norma MacNeil que cette interprétation aurait une incidence sur ses intérêts;
iii) En s'appuyant sur cette interprétation, Sa Majesté défenderesse a délivré un certificat de possession relativement aux lots 18-13-1, 18-13-2 et 18-13-3 à la défenderesse Charlotte Mildred Martin sans en aviser ni en informer autrement la demanderesse Minnie Norma MacNeil;
iv) Sa Majesté défenderesse n'a pas veillé à ce que l'exécutrice de la succession de David General, la défenderesse Charlotte Mildred Martin, informe la demanderesse Minnie Norma MacNeil du fait qu'un certificat de possession avait été délivré à la défenderesse Charlotte Mildred Martin relativement aux lots 18-13-1, 18-13-2 et 18-13-3, le tout ayant une incidence importante sur l'intérêt résiduel de la demanderesse Minnie Norma MacNeil;
v) Sa Majesté défenderesse n'a pas révisé et corrigé son interprétation et sa décision de délivrer un certificat de possession relativement aux lots 18-13-1, 18-13-2 et 18-13-3 à la défenderesse Charlotte Mildred Martin, alors qu'elle savait que sa décision était incorrecte.
[7] Les sous-alinéas i) et v) reprennent essentiellement les allégations initiales de la déclaration, mais les placent dans le contexte d'une demande fondée sur un manquement à une obligation fiduciaire. Les sous-alinéas ii), iii) et iv) comportent de nouvelles allégations de fait qui portent directement sur l'état d'esprit de Mme MacNeil ou de Mme Martin à différentes époques censément pertinentes.
[8] Comme je l'ai indiqué au départ, la question en litige consiste à déterminer si ces nouvelles allégations sont de nature à causer à la Couronne un préjudice qui ne saurait être compensé par l'adjudication de dépens.
[9] En ce qui concerne les sous-alinéas ii), iii) et iv), j'ai la certitude que les décès de Mme MacNeil et de Mme Martin, survenus entre temps, créent une situation qui entraîne un désavantage net pour la Couronne par rapport à la situation dans laquelle elle se serait trouvée si ces allégations avaient été incluses dans la déclaration initiale. Je ne peux affirmer avec certitude que la Couronne aurait exercé son droit de procéder à un interrogatoire préalable, mais il est clair qu'elle possédait ce droit et qu'elle ne peut désormais plus l'exercer.
[10] Le fait que la demanderesse puisse aussi être désavantagée au procès par l'absence de ces témoins déterminants ne change rien. Le critère applicable à une modification consiste à se demander si celle-ci causera un préjudice à la partie opposée et il est assez clair, selon moi, que cette modification causera un préjudice à la Couronne du seul fait qu'elle ne peut maintenant exercer le droit, quel qu'il soit, qu'elle avait de procéder à l'interrogatoire préalable de Mme MacNeil et de Mme Martin.
[11] Toutefois, en ce qui concerne les sous-alinéas i) et v), il est possible de prétendre que la situation est différente. Les allégations de fait sont, je le répète, essentiellement identiques à celles énoncées dans la déclaration initiale. La seule différence tient au fait qu'elles sont maintenant invoquées à l'appui d'un argument ou d'une demande concernant un manquement à une obligation fiduciaire. Cet élément change-t-il quelque chose à la situation? Après mûre réflexion, j'arrive à la conclusion qu'il ne change rien, que la nouvelle demande découlant des faits causera de toute façon un préjudice à la Couronne simplement parce qu'elle sera privée de la possibilité qu'elle aurait eu de plein droit de procéder à un interrogatoire préalable et de mettre à l'épreuve la demanderesse initiale et, peut-être, Mme Martin sur la question de leur éventuel acquiescement à la situation créée par les actes censément irréguliers de la Couronne. En d'autres termes, elle ne peut les interroger à l'appui du moyen de l'acquiescement ou de l'inertie. La Couronne aurait pu invoquer ce moyen et elle aurait certainement pu obtenir le témoignage de Mme MacNeil si la demande avait été formulée dans la déclaration initiale. Elle ne l'a pas été. La Couronne ne peut maintenant plus utiliser pour sa défense les aveux qu'elle aurait pu obtenir en interrogeant Mme MacNeil au préalable.
[12] Par conséquent, je conclus que cette partie de la modification cause aussi un préjudice à la Couronne. Ainsi, la requête sera accueillie uniquement quant à ses
dispositions non contestées, que j'ai déjà mentionnées, et sera rejetée quant à ses autres dispositions. J'estime que la Couronne a droit à ses dépens relativement à la requête, dont le montant sera établi par voie de taxation.
Juge
Ottawa (Ontario)
le 11 mai 2001
Traduction certifiée conforme
Suzanne M. Gauthier, LL.L., Trad. a.
COUR FÉDÉRALE DU CANADA
SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : T-1482-91
INTITULÉ DE LA CAUSE : MINNIE NORMA MACNEIL ET AUTRES ET SA MAJESTÉ LA REINE DU CHEF DU CANADA ET AUTRES
LIEU DE L'AUDIENCE : TORONTO (ONTARIO)
DATE DE L'AUDIENCE : LE 10 MAI 2001
MOTIFS DE L'ORDONNANCE PAR : MONSIEUR LE JUGE HUGESSEN
DATE DES MOTIFS : LE 11 MAI 2001
ONT COMPARU
Me NORMAN FEAVER POUR LES DEMANDEURS
Me SEAN GAUDET POUR LA DÉFENDERESSE (Sa Majesté)
Me REBECCA COYNE
Me LONNY BOMBERRY POUR LES AUTRES DÉFENDEURS
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
HARRISON PENSA POUR LES DEMANDEURS
LONDON (ONTARIO)
MORRIS ROSENBERG POUR LA DÉFENDERESSE (Sa Majesté)
SOUS-PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA
OTTAWA (ONTARIO)
LONNY C. BOMBERRY POUR LES AUTRES DÉFENDEURS
AVOCATS
OSHWEKEN (ONTARIO)