Date : 20010216
Dossier : T-2712-95
Citation neutre : 2001 CFPI 90
AFFAIRE INTÉRESSANT une demande en application de l'article 77 de la Loi sur les langues officielles, L.R.C. (1985), ch. 31 (4e suppl.)
ET une décision du Commissaire aux langues officielles
en date du 24 octobre 1995, portant sur une plainte déposée en vertu de l'article 91 de la Loi sur les langues officielles
ENTRE :
DON B. ROGERS
demandeur
et
SA MAJESTÉLA REINE DU CHEF DU CANADA
(représentée par le ministère de la Défense nationale)
défenderesse
MOTIFS DE L'ORDONNANCE
LE JUGE NADON
[1] La présente demande est déposée en vertu de l'article 77[1] de la Loi sur les langues officielles, L.R.C. (1985), ch. 31 (4e suppl.) (la Loi), suite à une décision du Bureau du Commissaire aux langues officielles du 24 octobre 1995 portant sur une plainte déposée par le demandeur en application de l'article 91 de la Loi[2].
[2] Le demandeur, qui comparaît en son propre nom, demande les réparations suivantes :
a) une ordonnance annulant le profil linguistique défini par le ministère de la Défense nationale (MDN) pour le poste d'agent d'administration du Cours technique d'État-major de la Force terrestre, savoir « bilingue CCC » ;
b) une ordonnance fixant le profil linguistique du poste à « bilingue CCB » ;
c) une ordonnance écartant la dotation « impérative » prévue par le MDN pour le poste bilingue;
d) une ordonnance prévoyant une dotation « non impérative » pour le poste bilingue;
e) des dommages-intérêts, ou une compensation financière, pour la somme de 220 000 $, ou toute autre somme moins élevée que la Cour estime convenable et juste; et
f) les dépens, y compris les débours.
Le contexte
[3] En juin 1994, on a informé le demandeur que son poste au Collège militaire royal (CMR) de Kingston serait aboli et qu'il deviendrait excédentaire. En cherchant à trouver d'autres postes disponibles, le demandeur s'est intéressé au poste d'agent d'administration (le poste) du Cours technique d'État-major de la Force terrestre (CTÉMFT) au CMR. Ce poste de niveau AS-02 était désigné bilingue CCC[3] à nomination impérative[4]. Comme le profil linguistique du demandeur n'atteignait que le niveau EBB (qui a été majoré par la suite à ECB), il ne pouvait être nommé dans ce poste.
[4] Le 24 mars 1995, le demandeur a déposé une plainte en application de l'article 91 de la Loi auprès du Bureau du Commissaire aux langues officielles (BCLO). Il contestait le profil linguistique CCC, ainsi que la dotation impérative du poste. Le 24 octobre 1995, le BCLO a conclu que les critères linguistiques du poste étaient justifiés.
Le rapport du Bureau du Commissaire aux langues officielles
[5] Le rapport final du BCLO au sujet de la plainte du demandeur se trouve dans une lettre datée du 24 octobre 1995, signée par M. David B. Snook, chef de groupe, Direction générale des enquêtes, BCLO. Après avoir rappelé les exigences du niveau C, M. Snook déclare ceci :
À notre avis, la description des tâches du poste d'agent d'administration au « Land Forces Technical Staff Course » implique que le titulaire puisse être en mesure de rencontrer ces habiletés.
Par exemple, l'agent d'administration doit assurer la liaison avec des agences et institutions internes et externes tant francophones qu'anglophones; communiquer par écrit et de vive voix avec les visiteurs et les conférenciers-invités; procéder à des vérifications au sujet de plaintes déposées par le personnel et les étudiants; et, superviser le matériel de cours en français et en anglais pour les étudiants. Autant de responsabilités qui requièrent, selon nous, une connaissance des deux langues officielles au niveau C pour les trois habilités.
De plus, devenant l'unique collège militaire au pays, il est important pour le CMR de Kingston de se doter d'une bonne capacité bilingue à tous les niveaux.
[6] Quant à la dotation impérative[5], M. Snook déclare ceci :
Les deux premiers critères ne s'appliquent pas au cas présent puisqu'il s'agit d'un poste devant être doté sur une base permanente à compter de la fin du mois d'août 1995 et parce qu'il n'implique pas l'utilisation d'un vocabulaire technique ou spécialisé.
Par contre, lors de notre enquête, les gestionnaires ont insisté sur le fait qu'il s'agit d'un poste indispensable pour offrir des services dans les deux langues officielles à partir du mois de septembre 1995 à l'arrivée des cadets, professeurs et membres du personnel francophones venant du CMR de Saint-Jean, et à cause de son impact opérationnel en vertu des responsabilités de communication dans les deux langues officielles qui incombent au titulaire. Étant donné qu'il s'agit d'un point de contact avec le public, les cadets et les employés du CMR, et que le titulaire doit assurer la liaison avec des agences et institutions internes et externes tant francophones qu'anglophones et communiquer par écrit et de vive voix avec les visiteurs et les conférenciers-invités, la décision de doter ce poste de façon impérative était justifiée.
En conséquence, le BCLO a conclu que les critères linguistiques du poste étaient justifiés et il a procédé à la fermeture du dossier.
Le point de vue du demandeur
[7] Le Mémoire des faits et du droit du demandeur est un document de 50 pages à simple interligne, qui contient 182 paragraphes. À l'appui de ses arguments, le demandeur a déposé six affidavits (il en a souscrit cinq des six), ainsi que la transcription des contre-interrogatoires des témoins du défendeur sur leurs affidavits. Je vais maintenant résumer brièvement le point de vue du demandeur.
[8] Le point de vue du demandeur est que les exigences linguistiques, bilingue CCC à dotation impérative, ne s'imposent pas objectivement pour l'exercice des fonctions en cause. La première question que le demandeur soulève porte sur l'enquête et le rapport du BCLO. Selon le demandeur, l'enquêteur du BCLO qui a fait l'enquête lui a téléphoné le 26 juin 1995 pour l'informer qu'il avait conclu que le MDN aurait dû désigner le poste CCC non impératif. Toutefois, le rapport final du BCLO a conclu au bien-fondé de la désignation CCC impérative. Le demandeur s'attaque au fait que l'enquêteur aurait été [traduction] « contredit par ses supérieurs » , ainsi que le fait que le rapport final n'a pas été signé par l'enquêteur qui avait procédé aux entrevues sur place, mais par un gestionnaire du BCLO qui n'était pas impliqué directement dans l'enquête sur place.
[9] De plus, le demandeur soutient que le rapport final du BCLO est fondé sur des erreurs de fait et que, par conséquent, il est très peu crédible. Le demandeur présente deux exemples d'erreurs de fait, soutenant qu'elles démontrent que la conclusion du BCLO a été indûment influencée par les erreurs de fait commises par les gestionnaires du BCLO. Le demandeur croit que le rapport du BCLO est déficient sur le plan des faits. Il soutient que le rapport final du BCLO est si évidemment superficiel et si sérieusement vicié qu'on ne doit lui accorder que peu de poids.
[10] La deuxième question soulevée par le demandeur porte sur les exigences d'interaction orale du poste. Pour l'essentiel, le demandeur fait un examen de la Fiche d'analyse du poste (FAP)[6] du poste, et il analyse chaque section de la FAP pour déterminer si l'on y mentionne les deux langues officielles. Il soutient que le fait qu'on ne parle pas des deux langues officielles dans la partie I, le résumé (qui fait un résumé des responsabilités attachées au poste) est significatif. Quant à la partie II, qui porte sur les fonctions, il examine chacun des sept chefs, ainsi que chacune des fonctions que l'on trouve sous ces chefs, et conclut qu'il n'y a que deux de ces fonctions, sur un total de 41, qui exigent les deux langues officielles. Par conséquent, le demandeur soutient que le pourcentage du temps de travail dans ce poste qui exige les deux langues officielles est minime (4,3 p. 100, selon son calcul).
[11] À la partie III, le détail des facteurs, on ne trouve aucune mention de l'exigence portant sur les deux langues officielles, à comparer à d'autres postes au CTÉMFT. À la page 744 de son dossier, le demandeur présente un tableau comparatif des exigences linguistiques de quatre postes civils au CTÉMFT, tableau qui démontre selon lui que comparé à d'autres postes il n'y a qu'une très petite nécessité des deux langues officielles dans le poste qu'il visait. Quant à la composante d'interaction orale des fonctions du poste, le demandeur soutient que peu des 41 fonctions décrites dans la FAP supposent une interaction orale. Il soutient que sur les 4,3 p. 100 du temps de travail dans le poste qui suffisent pour accomplir les deux fonctions où la FAP précise qu'on doit utiliser les deux langues officielles, la composante orale ne prend que la moitié du temps, pour une fraction insignifiante des responsabilités du poste.
[12] La troisième question soulevée par le demandeur porte sur le mode de dotation du poste. Le demandeur soutient que le gestionnaire qui a pris la décision de doter le poste sur une base impérative a changé à tort le mode de dotation de non impératif à impératif le 17 juin 1994. Le demandeur soutient aussi qu'en prenant sa décision au sujet du mode de dotation, le gestionnaire s'est appuyé sur un document périmé de 1981 (la Politique sur la dotation des postes bilingues du Conseil du Trésor / Commission de la fonction publique, CT/CFP 1981-29), plutôt que sur la politique plus récente qui date de juin 1993 (Manuel du Conseil du Trésor, chapitre 4-2 : « Dotation des postes bilingues » ), qui est fort différent. Selon le demandeur, les deux documents sont fondamentalement différents lorsqu'il s'agit de traiter du recours à la dotation non impérative, une des options que la gestion peut utiliser. Alors que le document de 1981 n'en parle presque pas, le document de 1993 traite beaucoup plus longuement de l'utilisation de la dotation non impérative. Le demandeur soutient que le fait que son gestionnaire, le lieutenant-colonel Green, ne s'est pas appuyé sur la politique à jour constitue une omission sérieuse qui fait qu'il a pris sa décision sans avoir toute l'information disponible, et donc sans que l'on retrouve le critère objectif prévu à l'article 91 de la Loi.
[13] Le demandeur examine aussi les quatre critères pour la dotation impérative qui sont mentionnés dans le rapport final du BCLO. Au sujet du troisième critère, le demandeur soutient que s'agissant d'un poste où la description des tâches indique que seulement 4,3 p. 100 du temps sera dévoué à des tâches exigeant les deux langues officielles, on ne peut parler d'un poste bilingue indispensable. De plus, le demandeur soutient que ce poste n'est pas le seul point de contact ou un point de contact important pour servir le public ou les employés dans les deux langues officielles. Le fait d'être un point de contact ne suffit pas à justifier la dotation impérative d'un poste bilingue; le poste doit être le seul point de contact, ou un point de contact important. Quant au quatrième critère, le demandeur soutient qu'on peut difficilement imaginer qu'un poste qui n'exige les deux langues officielles que 4,3 p. 100 du temps peut influencer, de façon importante et immédiate, les activités de l'organisation.
[14] Le demandeur soutient aussi qu'il était possible d'adopter des arrangements administratifs pour que le CTÉMFT fournisse les services dans les deux langues officielles pendant la période ou l'agent d'administration nommé sur une base non impérative était absent en formation linguistique. Il soutient aussi que le CTÉMFT a très bien fonctionné par le passé alors qu'il n'avait pas d'agent d'administration bilingue, justement en utilisant des arrangements administratifs pour compenser ce fait, et que personne ne s'est plaint de la qualité des services bilingues à cette époque-là. Le demandeur soutient donc que le poste ne répond pas aux critères du Conseil du Trésor pour une dotation impérative et que, même si c'était le cas, le CTÉMFT aurait certainement pu rencontrer ses obligations linguistiques en vertu de la Loi en utilisant des arrangements administratifs pour compenser le fait que l'agent d'administration était absent en formation linguistique.
[15] La quatrième question soulevée par le demandeur porte que des procédures inappropriées, incorrectes et incomplètes ont été utilisées pour déterminer le profil linguistique du poste. Premièrement, il déclare que le CTÉMFT n'a pas, à l'époque pertinente, documenté le fondement des décisions de la gestion quant au profil linguistique du poste. Le demandeur soutient que le Conseil du Trésor exige des gestionnaires qu'ils documentent le fondement de leurs décisions, ce qui n'a pas été fait en l'instance. Par conséquent, le demandeur déclare que la preuve par affidavit présentée par la défenderesse n'est rien d'autre qu'une justification de mémoire et rétroactive au sujet de la décision prise, et qu'une telle preuve ne doit avoir que peu de poids.
[16] Le demandeur soutient aussi que lorsque les gestionnaires ont documenté les exigences linguistiques du poste au moyen de la Formule d'intrant pour les langues officielles (FILO), ils n'ont pas rempli la case 18. Or, cette case doit normalement être remplie si le gestionnaire a décidé que le poste doit être doté de façon impérative. Par conséquent, le demandeur soutient qu'en n'inscrivant rien dans la case 18, la gestion prenait en fait une décision de doter le poste sur une base non impérative. En contre-interrogatoire, les témoins de la défenderesse ont reconnu que c'est de propos délibéré qu'ils n'avaient pas rempli la case 18, ce qui était, selon eux, la pratique habituelle. Le demandeur fait état d'un rapport du BCLO dans un dossier où il a présenté une plainte contre le Service correctionnel du Canada[7]. Dans cette affaire, la case 18 de la FILO était aussi restée vierge et, par conséquent, le BCLO avait conclu que la décision de ne pas remplir la case 18 indiquait clairement que le Service correctionnel du Canada ne s'engageait pas à faire une nomination impérative. Par conséquent, le demandeur soutient qu'au vu de l'absence de documentation de la décision de la gestion à l'époque, le poste doit avoir été désigné non impératif, désignation qui restait en vigueur jusqu'à ce qu'on prépare une nouvelle FILO pour le poste en 1996.
[17] La dernière question soulevée par le demandeur porte sur le manque d'objectivité qui a mené à la modification des exigences linguistiques du poste, d'une dotation non impérative à une dotation impérative. Le demandeur soutient qu'en mars 1994, la gestion a signé la FILO pour le poste, qui portait qu'il était bilingue, de niveau CCC et à dotation non impérative (parce qu'on n'avait pas rempli la case 18). En juin 1994, sans qu'on rédige une nouvelle FAP et qu'on révise la FILO, et sans aucune documentation quant aux motifs, la gestion a préparé un Énoncé de qualités (ÉDQ) pour la dotation du poste au niveau CCC à dotation impérative, contrairement à la FILO signée et approuvée pour le poste. Le demandeur soutient que comme les fonctions du poste n'avaient pas changé, et qu'on n'avait révisé ni la FAP ni la FILO, les exigences linguistiques étaient toujours de niveau CCC à dotation non impérative et donc qu'il aurait dû être éligible pour une nomination prioritaire au poste. Sans qu'on n'ait révisé la FILO et la FAP, l'ÉDQ ne venait pas changer les exigences linguistiques du poste telles qu'elles étaient précisées dans la FILO d'origine, qui était toujours en vigueur.
[18] Finalement, le demandeur soutient que la décision d'abolir le poste qu'il détenait au CMR a été prise 11 jours avant que l'ÉDQ vienne modifier les exigences linguistiques du poste. Il soutient que le CTÉMFT n'a pas tenu compte de sa candidature et a retenu les services d'employés unilingues anglais sur une base temporaire pour s'acquitter des fonctions d'agent d'administration, non pas à cause des exigences linguistiques mais parce qu'il avait reçu des renseignements défavorables à son sujet. Le demandeur soutient que la Loi n'est qu'un paravent qui cache le vrai motif pour ne pas l'avoir nommé au poste, ce qui constitue un usage abusif de la Loi.
Le point de vue de la défenderesse
[19] En général, le point de vue de la défenderesse porte que les fonctions du poste faisaient que l'agent d'administration devait traiter de questions délicates, abstraites ou subtiles, et que ces fonctions imposaient objectivement un niveau C pour l'interaction orale dans les deux langues officielles. De plus, la défenderesse soutient que le poste est indispensable au CTÉMFT et qu'il influence de façon importante les activités. Par conséquent, selon la défenderesse, la dotation impérative s'impose objectivement.
[20] La défenderesse examine d'abord la protection constitutionnelle des droits de la minorité, ainsi que l'objectif de la Loi, avant d'aborder le critère énoncé à l'article 91 de la Loi. La défenderesse soutient que l'objectif de l'article 91 est de s'assurer que les exigences linguistiques ne sont pas posées de manière capricieuse ou arbitraire (Canada (Procureur général) c. Viola, [1991] 1 C.F. 373 (C.A.)). La défenderesse soutient que cet objectif impose un lourd fardeau au demandeur et que le critère auquel il doit satisfaire est plus exigeant que celui utilisé dans le cadre d'une demande de contrôle judiciaire (Institut professionnel de la fonction publique c. Canada, [1993] 2 C.F. 90 (1re Inst.)). Selon la défenderesse, pour que le demandeur ait gain de cause il doit démontrer que la décision de fixer à C le niveau de compétence linguistique pour l'interaction orale, ainsi que la décision de procéder à une dotation impérative, sont si contraires à la logique qu'aucune personne raisonnable se préoccupant de la question à trancher aurait pu y arriver (Council of Civil Service Unions v. Minister for the Civil Service, [1985] 1 A.C. 375 (H.L.); Canada (P.G.) c. Alliance de la fonction publique du Canada, [1993] 1 R.C.S. 941).
[21] La défenderesse soutient que la preuve démontre que les exigences linguistiques du poste s'imposaient objectivement au vu des fonctions de l'agent d'administration. La défenderesse déclare que le demandeur, au lieu de s'arrêter aux petits détails du processus de dotation dans la fonction publique, aurait dû contester le fond de l'affaire, c.-à-d. ce qui était précisé comme tâches dans la description du poste. La défenderesse soutient que les erreurs de procédure que le demandeur reproche au lieutenant-colonel Green ne colorent pas l'essentiel de son témoignage, savoir qu'il a décidé des exigences linguistiques du poste après avoir consulté des spécialistes en dotation et en langues officielles, et qu'il a examiné la possibilité de fournir les services d'une autre façon en l'absence d'un titulaire pleinement bilingue, examen qui a démontré que cette démarche n'était pas suffisante. De plus, la défenderesse soutient que les calculs du demandeur font peu de cas de la nature constitutionnelle du droit du public à obtenir le service dans la langue officielle de son choix. Il n'est pas pertinent de savoir si les services demandés constituent une proportion significative des tâches du fonctionnaire. Aux fins de cet examen, il suffit que les fonctions du poste supposent la prestation de services dans les deux langues officielles.
[22] Quant au fait que la case 18 de la FILO soit restée vierge, la défenderesse soutient qu'il n'est pas pertinent en l'instance et que ce vice de forme n'a aucun impact sur la question de fond. L'ÉDQ utilisé pour doter le poste a clairement précisé qu'il s'agissait d'une dotation bilingue impérative. Les gestionnaires en cause, l'agent du personnel responsable de la dotation et les candidats étaient tous au courant de cette exigence. La défenderesse soutient que cet oubli n'est pas important.
Analyse
[23] La présente demande s'appuie sur l'article 91 de la Loi, qui porte que la prise en compte des exigences relatives aux langues officielles lors d'une dotation en personnel doivent s'imposer objectivement pour l'exercice des fonctions en cause.
[24] Il y a peu de jurisprudence portant sur les demandes fondées sur l'article 91. Par conséquent, notre Cour n'a pas grand-chose pour la guider dans son approche à cette question. Dans Canada (Procureur général) c. Viola, [1991] 1 C.F. 373 (C.A.), à la page 388, la Cour d'appel fait le commentaire suivant au sujet de l'article 91 :
L'article 91, en précisant que les exigences linguistiques doivent s'imposer « objectivement » , confirme expressément ce qui a toujours étésous-entendu, soit que les exigences linguistiques ne peuvent être posées de manière capricieuse ou arbitraire.
[25] Deux ans plus tard, dans Institut professionnel de la fonction publique c. Canada, [1993] 2 C.F. 90, la Section de première instance de notre Cour a élaboré au sujet de la portée d'une demande présentée en vertu de l'article 91. Dans cette affaire, le demandeur recherchait l'annulation d'une décision de la défenderesse de désigner un poste de Revenu Canada comme bilingue à dotation impérative, au motif que les exigences linguistiques ne s'imposaient pas objectivement et qu'elles constituaient donc une infraction à l'article 91 de la Loi. Après avoir passé en revue les principes établis en matière de langues officielles par la Constitution, par la Charte canadienne des droits et libertés, et par la Loi, le juge Joyal fait les commentaires suivants, à la page 106, au sujet du fardeau qui incombe au demandeur en vertu de l'article 91 :
L'argument du requérant repose sur le manque d'objectivité de la désignation de l'intimée. Pour l'établir, le requérant assume un fardeau plutôt lourd. Je ne voudrais pas suggérer qu'il doit prouver le caractère clairement capricieux ou manifestement arbitraire de la désignation; mais, comme l'avocat du commissaire l'a laissé entendre, le requérant doit à tout le moins établir que la preuve n'étayait pas la désignation, ou que cette dernière était manifestement déraisonnable, ou qu'une erreur de droit a été commise. [...]
Après avoir étudié la preuve, je conclus que l'argument de l'intimée satisfait au critère d'objectivité relatif à l'article 91 de la Loi sur les langues officielles. À mon humble avis, ce critère d'objectivité doit être étudié non seulement dans le cadre d'une désignation individuelle requise afin de répondre à une demande de services dans les deux langues, mais également en fonction des obligations « proactives » imposées aux institutions fédérales, qui doivent promouvoir l'emploi d'une langue officielle dans un milieu minoritaire.
[26] Quant à la question de savoir à quel moment la Cour devrait intervenir dans la décision de doter un poste avec des exigences linguistiques données, le juge Joyal conclut, à la page 114, que :
Toutefois, lorsque les faits justifient une dotation particulière, et que cette dernière est conforme aux lois pertinentes et aux règlements plus spécifiques, cette Cour ne peut et ne doit pas intervenir. Le fait qu'un tribunal aurait pu conclure autrement ou aurait préféré une autre solution à la dotation effectuée ne constitue pas, à mon avis, un motif d'intervention judiciaire. Délimiter avec plus de précision les limites de ce pouvoir de contrôle quelque peu étroit ne ferait qu'obscurcir la question ou créer une confusion sémantique.
[27] Je me range sans réserves aux commentaires du juge Joyal. Par conséquent, il semble que pour modifier les exigences linguistiques d'un poste, notre Cour doit conclure que la preuve n'étayait pas la désignation, qu'elle était déraisonnable ou que les exigences linguistiques ont été posées de façon capricieuse ou arbitraire. Si les faits justifient la désignation, la Cour ne doit pas intervenir.
[28] Selon moi, il ressort aussi clairement que notre Cour ne peut se pencher que sur l'aspect objectif des exigences et la façon par laquelle on a décidé de les imposer. Notre Cour ne peut examiner la question de savoir si le demandeur a été traité de façon injuste par son employeur, si ses collègues l'appréciaient ou non, si on lui a refusé le poste pour des motifs autres que les exigences linguistiques, si la qualité de son français est bonne, si son ancien employeur était satisfait de son rendement, non plus que les désignations définies pour d'autres postes, la façon dont les entrevues pour le poste ont été menées, ou toute autre question ou erreur technique ou administrative liée à la dotation du poste. Selon moi, la seule question pertinente en l'instance consiste à savoir si les exigences linguistiques du poste telles que définies s'imposaient objectivement.
[29] En conséquence, une partie très importante de la preuve présentée par le demandeur, dont l'objectif était de faire état de plusieurs des questions que je viens de mentionner, ainsi qu'une partie importante de ses prétentions, ne sont pas selon moi pertinentes à la question que je dois trancher. Si le demandeur considère qu'il a été traité de façon injuste par son employeur ou qu'on lui refuse le poste pour des motifs autres que les exigences linguistiques, il devrait soulever ces questions devant une instance différente. Lorsqu'il s'agit de l'article 91, notre Cour ne peut déterminer que l'objectivité des exigences linguistiques. Par conséquent, je ne traiterai que des exigences linguistiques et ne ferai aucun cas des arguments du demandeur qui portent sur sa situation personnelle.
Le poste en contexte :
[30] Le résumé de la Fiche d'analyse du poste (FAP) décrit les fonctions et les tâches du poste de la façon suivante :
[traduction]
Sous la direction générale du directeur du Cours technique d'État-major de la Force terrestre (CTÉMFT), et en liaison étroite avec le directeur de l'administration et le personnel enseignant du CTÉMFT, fournit les services administratifs généraux, la logistique et les services financiers pour les besoins du cours, fait la coordination générale du calendrier du cours, organise les visites et la participation des conférenciers invités, assure la gestion de la documentation du cours, ainsi que la surveillance du personnel administratif et le fonctionnement quotidien des locaux du cours. Le titulaire de ce poste est responsable pour une grande partie de la correspondance quotidienne du CTÉMFT.
[31] Les fonctions et tâches susmentionnées font l'objet de commentaires dans l'affidavit du colonel R.L. Aitken, daté du 5 septembre 1996. À l'époque pertinente, savoir de juin 1994 à juillet 1996, le colonel Aitken était le directeur du CTÉMFT. Il a quitté ce poste en juillet 1996 pour assumer celui de commandant de la Base des Forces canadiennes (BFC) à Kingston. Selon le colonel Aitken, l'agent d'administration est le point de convergence des services de soutien administratif généraux fournis au personnel et aux étudiants du cours. De plus, l'agent d'administration a la responsabilité d'initier et de coordonner les visites aux organismes externes, de prendre contact avec les conférenciers invités et de les accueillir, qu'ils proviennent du personnel du MDN, des organismes de recherche ou de l'industrie. Ces organismes externes et ces conférenciers utilisent les deux langues officielles. L'agent d'administration est aussi responsable des services administratifs aux étudiants, ainsi que de la fourniture des services financiers aux divers secteurs, en liaison avec la BFC Kingston, de la préparation du budget, et de la liaison avec le personnel enseignant dans le cadre de la production et de la publication de la documentation du cours. Il doit aussi apporter son aide au contrôle du matériel du cours.
[32] Au paragraphe 12 de son affidavit, le colonel Aitken déclare qu'à partir de septembre 1996, un tiers des étudiants du cours étaient francophones (6 sur 18). Le lieutenant-colonel Guy E. Green, gestionnaire de projet au CTÉMFT, qui est responsable de la désignation linguistique, fait la même déclaration dans son affidavit daté du 3 septembre 1996. Selon le colonel Aitken, l'arrivée des étudiants francophones et l'augmentation des exigences de bilinguisme au CMR de Kingston sont dues à la fermeture du Collège militaire royal de Saint-Jean, au Québec.
Profil linguistique : bilingue CCC :
[33] Le profil linguistique du poste a été fixé à bilingue CCC. Le demandeur ne conteste que la composante interaction orale du profil. Selon un document publié par la Commission de la fonction publique du Canada, intitulé « L'établissement du profil linguistique pour les postes bilingues » , voici les caractéristiques du niveau C pour l'interaction orale (page 6 du document) :
Le niveau C est le niveau minimal requis pour l'interaction orale en langue seconde pour les postes où il faut traiter de questions délicates, abstraites ou subtiles, ou encore, aborder des questions qui, tout en étant reliées au travail, ne sont pas familières. Une personne conversant à ce niveau peut appuyer une opinion et discuter de questions hypothétiques et conditionnelles. Toutefois, il ne faut pas s'attendre à ce qu'elle le fasse avec la même aisance et au même rythme qu'un locuteur natif. Il peut y avoir des erreurs et des lacunes sur le plan de la prononciation, de la grammaire et du vocabulaire, mais celles-ci n'entravent pas sérieusement la communication. À ce niveau d'interaction orale, la personne est en mesure d'accomplir des tâches telles que :
- donner et comprendre des explications et des descriptions comportant des éléments compliqués, des questions hypothétiques ou des idées complexes et abstraites;
- donner et comprendre des comptes rendus détaillés d'événements, de mesures prises ou de procédures à respecter;
- expliquer des politiques, procédures, règlements, programmes et services reliés à un domaine de travail et en discuter;
- participer efficacement à des discussions qui comportent un échange rapide d'idées;
- soutenir ses opinions, défendre son point de vue ou justifier les actions entreprises lors de réunions ou de discussions avec des employés, des collègues ou des supérieurs;
- donner des conseils aux employés ou aux clients en ce qui concerne des questions délicates ou complexes;
- faire partie d'un jury de sélection;
- faire des présentations, dispenser des cours de formation ou se défendre en cas d'appel; et
- faire face à des situations où il faut parler de façon rapide et précise dans les deux langues officielles et passer rapidement d'une langue à l'autre comme le fait le préposé à la réception d'un bureau très occupé.
[34] Au paragraphe 33 de son affidavit, le lieutenant-colonel Green déclare qu'il était alors d'avis, et qu'il l'est toujours, que le titulaire du poste devait être capable d'une interaction orale au niveau C dans sa langue seconde, étant donné les services que l'agent d'administration doit fournir au public, aux autres employés et aux étudiants du cours. Au vu des responsabilités de l'agent d'administration et du nombre d'étudiants francophones inscrits au cours, je suis convaincu que le profil au niveau C pour l'interaction orale n'est pas posé de façon capricieuse ou arbitraire. De plus, la partie de la FAP qui porte sur les fonctions fait état de la liaison requise avec les organismes internes et externes dans les deux langues officielles, ainsi que de la surveillance de la préparation et du maintien des documents électroniques originaux pour les cours dans les deux langues officielles. Selon moi, il n'est pas déraisonnable qu'on exige un profil de niveau C pour l'interaction orale afin de réaliser ces tâches; c'est même éminemment raisonnable.
[35] Dans son mémoire, le demandeur calcule que les tâches nécessitant les deux langues officielles ne constituent que 4,3 p. 100 des tâches du poste, du fait que l'utilisation des deux langues officielles n'est mentionnée qu'à propos des deux tâches dont nous avons fait état au paragraphe précédent. Selon moi, on ne peut évaluer ou calculer ainsi la nécessité des deux langues officielles. Étant donné les contacts avec les étudiants et les agences externes, il se peut que l'utilisation du français ne se limite pas à ces deux seules tâches. De plus, même si les deux langues n'étaient nécessaires que pour accomplir ces deux seules tâches, la qualité de la langue requise doit être appropriée aux besoins.
La dotation impérative :
[36] Le poste que le demandeur voulait obtenir a été désigné comme un poste à dotation bilingue impérative. Par conséquent, le titulaire doit répondre aux exigences linguistiques du poste avant d'assumer ses fonctions.
[37] Selon les lignes directrices établies en 1993 par le Conseil du Trésor dans son Manuel (Module langues officielles), au chapitre 4-2 : « Dotation des postes bilingues » , quatre critères régissent le recours à la dotation impérative. Les deux premiers critères, qui ne s'appliquent pas en l'instance, portent sur les cas où il FAUT recourir à la dotation impérative (nominations ou mutations pour une période déterminée à un poste bilingue et nominations ou mutations à un poste bilingue exigeant une compétence linguistique technique ou spécialisée). Les autres critères portent sur les cas où il FAUT NORMALEMENT recourir à la dotation impérative (page 3 du document) :
2.3 Il faut normalement recourir à la dotation impérative dans le cas d'une nomination ou d'une mutation à un poste bilingue indispensable pour assurer le service au public ou aux employés dans les deux langues officielles. À titre d'exemple, mentionnons un poste bilingue qui constitue le seul point de contact ou un point de contact important pour servir le public ou les employés dans les deux langues officielles, conformément aux dispositions des parties IV et V de la Loi sur les langues officielles et du règlement afférent.
2.4 Il faut normalement recourir à la dotation impérative dans le cas d'une nomination ou d'une mutation à un poste bilingue ayant une portée opérationnelle importante. Un tel poste bilingue doit influencer, de façon importante et immédiate, les activités ou les projets de l'organisation. La nomination ou la mutation d'un candidat qui satisfait aux exigences linguistiques de ce poste permettra d'exercer efficacement des fonctions et de remplir les obligations d'ordre linguistique.
[38] La question en l'instance consiste à savoir si le poste est couvert par ces deux derniers critères, ce qui imposerait la dotation impérative. Dans son affidavit, le colonel Aitken déclare que le poste doit être doté par un candidat qui répond aux exigences linguistiques; se fondant sur son expérience, il déclare qu'il n'est pas acceptable que ce soit les autres membres du soutien administratif qui se déchargent des tâches assignées à l'agent d'administration. Selon le colonel Aitken, la capacité du Ministère d'offrir ses services en français dépend directement de la présence physique au bureau d'un AS-02 bilingue. Quant au lieutenant-colonel Green, il déclare dans son affidavit qu'il a envisagé d'autres façons de fournir les services dans les deux langues officielles, mais qu'il n'en a pas trouvé qui permettraient au Ministère de se décharger de ses obligations linguistiques. Selon le lieutenant-colonel Green, la dotation impérative était nécessaire puisque le Ministère avait un besoin immédiat de bilinguisme.
[39] Selon moi, la décision du lieutenant-colonel Green s'appuie sur les faits. Elle ne me semble ni capricieuse ni arbitraire. Il n'est pas déraisonnable de définir le poste comme un point de contact important pour servir le public (les organismes externes et les conférenciers) ou les employés, ainsi que les étudiants en l'instance, y compris les étudiants francophones.
[40] Dans ses prétentions, le demandeur a insisté sur le fait que le premier enquêteur, M. Gaétan Sansfaçon, était d'avis que la désignation impérative n'était pas justifiée. Il semble que l'enquêteur serait arrivé à la conclusion que la dotation impérative ne s'imposait pas du fait que le poste était occupé dans le passé par un employé unilingue anglophone. Toutefois, j'ai déjà indiqué que le point de vue de l'enquêteur avait été contredit pas ses supérieurs. Quant à savoir pourquoi les supérieurs de l'enquêteur ont adopté un avis contraire, il ne s'agit pas selon moi d'une question pertinente pour trancher l'instance actuelle. Le fait demeure que le BCLO a conclu que les exigences linguistiques du poste étaient justifiées. Selon moi, cette conclusion était correcte. Bien sûr, je ne suis pas lié par la conclusion du BCLO[8], mais je me range à cette conclusion au vu de la preuve qui m'est présentée. Quant à la conclusion de l'enquêteur portant que le poste avait été comblé de façon provisoire par un employé unilingue, j'ai pris connaissance de la preuve présentée par le colonel Aitken aux paragraphes 26, 27 et 28 de son affidavit, où il répond aux prétentions du demandeur à ce sujet, et je l'accepte. En bref, la preuve du colonel Aitken porte que le poste n'a pas été comblé de façon provisoire par un employé unilingue, mais bien qu'on a engagé un certain nombre de personnes pour de courtes périodes afin d'accomplir diverses tâches. Selon moi, le fait d'avoir engagé ces personnes ne peut justifier la proposition que la désignation CCC impérative ne s'imposait pas objectivement.
[41] Le demandeur a aussi insisté sur le fait qu'on n'avait pas documenté comme il se doit les motifs justifiant la dotation impérative. Un document du Conseil du Trésor du Canada, intitulé « L'article 91 de la Loi sur les langues officielles et les pratiques d'embauche : s'assurer de répondre à l'exigence d'objectivité » , porte que le fondement des décisions d'imposer une dotation impérative devrait être bien documenté à toutes les étapes du processus (page 6 du document). De plus, l'Ordonnance administrative du personnel civil (OAPC) 4.23 du MDN, intitulée « Exigences linguistiques des postes civils » , porte que (à la page 6 du document) :
15. Les gestionnaires doivent être prêts à appuyer leur objectivité par des documents lorsqu'ils établissent les exigences et les profils linguistiques des postes.
[42] Lors des contre-interrogatoires sur leurs affidavits, le colonel Aitken et le lieutenant-colonel Green ont admis que le fondement de la désignation bilingue impérative n'avait pas été documenté[9]. Il eut été préférable qu'on établisse l'objectivité de la décision, surtout étant donné le fait que la case 18 de la FILO du poste n'indiquait pas que le poste devait être doté de façon impérative. Selon moi, dans les circonstances de la présente affaire, le fait que la case 18 soit restée vierge n'est qu'une omission administrative. En conséquence, je ne suis pas disposé à conclure que cette omission recouvre un motif ultérieur, c.-à-d. qu'il s'agirait d'un moyen d'empêcher le demandeur de se présenter pour le poste, ou même de l'obtenir. Au vu de la preuve, il est clair que même si le demandeur avait rencontré les exigences linguistiques on ne l'aurait pas considéré pour le poste. Selon le colonel Aitken, le demandeur n'était pas un candidat valable pour le poste. Par conséquent, je ne peux arriver à croire que le colonel Aitken et le lieutenant-colonel Green auraient arbitrairement rehaussé les exigences linguistiques dans le seul but d'exclure le demandeur.
Dispositif
[43] Par conséquent, je suis d'avis que les exigences relatives aux langues officielles en cause ici s'imposaient objectivement pour l'exercice des fonctions du poste à doter et respectent donc l'article 91 de la Loi. On ne m'a pas convaincu que les exigences linguistiques étaient capricieuses ou arbitraires, ou qu'elles n'étaient pas fondées sur les faits. En conséquence, je ne vois pas en vertu de quoi la Cour pourrait intervenir en l'instance. La demande est donc rejetée, avec dépens en faveur de la défenderesse.
Marc Nadon
Juge
OTTAWA (Ontario)
Le 16 février 2001
Traduction certifiée conforme
Suzanne M. Gauthier, LL.L., Trad. a.
COUR FÉDÉRALE DU CANADA
SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
No DU GREFFE : T-2712-95
INTITULÉDE LA CAUSE : Don B. Rogers c. Sa Majesté la Reine du chef du Canada
LIEU DE L'AUDIENCE : Toronto (Ontario)
DATE DE L'AUDIENCE : le 24 octobre 2000
MOTIFS DE L'ORDONNANCE DE M. LE JUGE NADON
EN DATE DU : 16 février 2001
ONT COMPARU
M. Don B. Rogers POUR LE DEMANDEUR
M. Alain Préfontaine POUR LA DÉFENDERESSE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
M. Don B. Rogers POUR LE DEMANDEUR
Kingston (Ontario)
M. Morris Rosenberg POUR LA DÉFENDERESSE
Sous-procureur général du Canada
Ottawa (Ontario)
[1] Les paragraphes 77(1) et (4) de la Loi sont rédigés comme suit :
77. (1) Quiconque a saisi le commissaire d'une plainte visant une obligation ou un droit prévus aux articles 4 à 7 et 10 à 13 ou aux parties IV ou V, ou fondée sur l'article 91 peut former un recours devant le tribunal sous le régime de la présente partie.
(4) Le tribunal peut, s'il estime qu'une institution fédérale ne s'est pas conformée à la présente loi, accorder la réparation qu'il estime convenable et juste eu égard aux circonstances.
[2] L'article 91 de la Loi est rédigé comme suit :
91.Les parties IV et V n'ont pour effet d'autoriser la prise en compte des exigences relatives aux langues officielles, lors d'une dotation en personnel, que si elle s'impose objectivement pour l'exercice des fonctions en cause.
[3] Le profil linguistique comporte trois catégories : la compréhension de l'écrit, l'expression écrite et l'interaction orale. Pour chacune des catégories, une lettre (A, B, C ou E) est attribuée pour indiquer le niveau de compétence d'une personne donnée. Le niveau A est le plus bas alors que le niveau C est le plus élevé. Le niveau E (exemption) est attribué aux personnes de niveau C qui ont démontré une compétence supérieure faisant qu'il n'est plus nécessaire d'évaluer leur niveau de compétence dans une catégorie donnée.
[4] La dotation bilingue impérative exige que le candidat soit en mesure de répondre aux exigences linguistiques du poste immédiatement, c'est-à-dire dès sa nomination. La dotation bilingue non impérative autorise la nomination d'un candidat qui suivra ensuite une formation linguistique lui permettant de répondre aux exigences linguistiques du poste.
[5] Selon le chapitre 4-2 du Manuel du Conseil du Trésor, Module - Langues officielles, il faut recourir à la dotation impérative dans les cas suivants :
1) pour une nomination ou une mutation pour une période déterminée à un poste bilingue;
2) pour un poste bilingue exigeant une compétence linguistique technique ou spécialisée;
3) pour un poste bilingue indispensable pour assurer le service au public ou aux employés dans les deux langues officielles;
4) pour un poste ayant une portée opérationnelle importante.
[6] La FAP est le document qui contient la description officielle des responsabilités et des tâches d'un poste civil au MDN.
[7] Dans le dossier T-195-97, le demandeur a présenté une demande semblable à celle dont je traite ici, contestant la désignation linguistique d'un poste du Service correctionnel du Canada. Le 26 janvier 2001, Mme le juge Heneghan a délivré son ordonnance et ses motifs d'ordonnance, dans lesquels elle donne raison au demandeur.
[8] Dans le dossier T-195-97, le juge Heneghan a donné raison au demandeur, comme je l'ai déjà indiqué (voir note de bas de page 7). À la page 23 de ses motifs, paragraphe 60, elle déclare ceci :
[60] À mon avis, la nature quasi constitutionnelle de la Loi signifie que le rapport du Commissaire, après l'enquête, peut être accepté en tant que preuve d'un manquement à la Loi. La défenderesse n'a pas sérieusement contesté les conclusions du Commissariat. En conséquence, je confirme les conclusions du Commissariat selon lesquelles le poste en question aurait dû avoir un mode de dotation « bilingue à nomination non impérative » et un profil linguistique CBC. En outre, j'estime que la désignation erronée du poste a contrevenu aux droits linguistiques du demandeur.
Je veux tout simplement dire que je ne peux partager l'avis du juge Heneghan que le rapport du BCLO « peut être accepté en tant que preuve d'un manquement à la Loi » . Selon moi, c'est à la Cour de décider au vu de la preuve s'il y a eu un manquement à la Loi. La réponse à cette question ne peut se fonder sur le rapport et les conclusions du BCLO. La conclusion qu'il y a eu un manquement à la Loi dans un cas donné doit être établie par le juge, après qu'il a entendu et soupesé la preuve présentée par les deux parties.
[9] Les questions et réponses à ce sujet se trouvent au dossier du demandeur, onglet 8, p. 289, Q. 106, et onglet 9, p. 331, Q. 116 à 121; p. 355, Q. 217 et p. 393, Q. 372.