Ziyadah c. Canada ( Minister of Citizenship and Immigration ) [1999] 4 C.F. 152
Date : 19990608
Dossier : IMM-2755-99
OTTAWA (ONTARIO), LE 8 JUIN 1999
EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE PELLETIER
Entre
ALI MOHAMED ZIYADAH,
demandeur,
- et -
LA MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,
défenderesse
ORDONNANCE (MOTIFS ET DISPOSITIF)
[1] Ali Mohamed Ziyadah est un citoyen de la Libye, arrivé au Canada en janvier 1997 avec un visa temporaire pour études. À l'expiration de ce visa en septembre 1997, il a revendiqué le statut de réfugié. Le 2 octobre 1997, une ordonnance de renvoi conditionnel a été prise à son égard en attendant l'issue de cette revendication. La section du statut de réfugié (la section du statut) a entendu sa demande le 28 septembre 1998 et rendu sa décision le 29 mars 1999. Entre-temps, M. Ziyadah avait déménagé deux ou trois fois, sans donner son adresse à la section du statut. Il n'a été informé du rejet de sa revendication que le 18 mai 1999, lorsque Immigration Canada lui intima l'ordre de se présenter pour être expulsé en Libye le 8 juin 1999. Il a immédiatement consulté un avocat et introduit un recours en contrôle judiciaire, avec demande de prorogation du délai de recours puisqu'il avait dépassé de loin le délai de quinzaine prévu au paragraphe 82.1(3) de la Loi sur l'immigration, L.R.C. (1985), ch. I-2, modifiée (la Loi). Il a ensuite demandé, par voie d'avis de requête, qu'il soit sursis à l'ordonnance de renvoi en attendant l'issue de sa demande d'autorisation d'agir en contrôle judiciaire, de son recours en contrôle judiciaire contre la décision du statut et de sa requête en prorogation du délai de recours.
[2] Il se pose donc en l'espèce la question de l'applicabilité du sursis prévu par la Loi en son sous-alinéa 49(1)c)(i) aux faits de la cause :
49.(1) Subject to subsection (1.1), the execution of a removal order against a person is stayed
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49.(1) Sauf dans les cas mentionnés au paragraphe (1.1), il est sursis à l'exécution d'une mesure de renvoi :
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[3] Cette question se pose par suite de la décision rendue par le juge Mackay dans Sholev c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1994] A.C.F. no 707, D.R.S. 94-11185, dont les faits s'apparentent à ceux de l'affaire en instance. Sholev agissait en contrôle judiciaire contre la décision de la section du statut portant rejet de sa revendication du statut de réfugié, mais après l'expiration du délai de demande d'autorisation. L'acte introductif d'instance était accompagné d'une demande de prorogation du délai de demande d'autorisation et de contrôle judiciaire. Le juge MacKay était appelé à juger si le sursis prévu au sous-alinéa 49(1)c)(i) pouvait être invoqué dans le cas où la demande d'autorisation était faite après l'expiration des délais et où l'ordonnance de renvoi avait été prise. Il a conclu que ce sursis prévu par la loi s'appliquait effectivement dans ces circonstances.
[4] Il a fondé sa conclusion sur le pouvoir discrétionnaire prévu au paragraphe 82.1(5) de la Loi, aux termes duquel tout juge peut, pour des raisons spéciales, proroger le délai de demande d'autorisation d'agir en contrôle judiciaire. Le bénéfice de cette disposition serait dénié aux personnes visées par une ordonnance de renvoi si le sous-alinéa 49(1)c)(i) devait s'interpréter de façon à exclure le sursis pour la simple raison qu'elles n'ont pas fait la demande dans les délais. En d'autres termes, le pouvoir de prorogation serait vide de sens s'il ne pouvait s'exercer à l'égard de la personne qui n'est pas en mesure d'agir dans les délais, c'est-à-dire dans le seul cas où ce pouvoir a sa raison d'être.
[5] La ministre défenderesse soutient que Sholev est mal jugé, que la conclusion qui y a été tirée signifie qu'une personne frappée d'une mesure d'expulsion par suite de la décision d'un tribunal administratif fédéral pourrait entrer dans la clandestinité jusqu'à ce qu'elle soit appréhendée, après quoi elle pourrait faire tardivement une demande d'autorisation et de contrôle judiciaire (avec demande de prorogation du délai), laquelle demande aurait pour effet d'empêcher son renvoi immédiat hors du Canada. Pareil résultat récompenserait la non-observation des obligations légales et ne saurait être voulu par le législateur.
[6] L'argument de la ministre n'est pas sans fondement. On peut trouver ce fondement dans les termes du sous-alinéa 49(1)c((i), où il est question du " délai normal " de demande d'autorisation, lequel délai normal est de 15 jours. La prorogation de délai prévue au paragraphe 82.1(5) s'applique aux circonstances extraordinaires, et elle est différente du délai normal. Eussé-je jugé moi-même cette affaire en première instance, je ne serais peut-être pas parvenu à la même conclusion que mon distingué collègue.
[7] Il est évident que je ne juge pas cette question en première instance. Le raisonnement du juge Mackay a été adopté par le juge Richard dans Ragunathan c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1995] A.C.F. no 1616, D.R.C. 96-02422, et par le juge Lutfy dans Gyles c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1998] A.C.F. no 1596, D.R.S. 99-04352.
[8] M. Hardstaff a informé la Cour que le juge Mackay avait certifié une question aux fins d'appel en application de l'article 83 de la Loi et de la règle 18(1) des Règles de la Cour fédérale en matière d'immigration, mais que l'affaire n'avait pas été portée en appel parce que les conseillers de la ministre pensaient qu'un appel serait irrecevable par application de l'article 82.2 de la Loi :
82.2 No appeal lies to the Federal Court of Appeal from a judgment of the Federal Court " Trial Division on an application under section 82.1 for leave to commence an application for judicial review under the Federal Court Act. |
82.2 Le jugement d'un juge de la Section de première instance de la Cour d'appel sur une demande d'autorisation relative à la présentation d'une demande de contrôle judiciaire aux termes de la Loi sur la Cour fédérale est sans appel. |
[9] J'aurais pensé que l'article 82.2 exclut l'appel portant sur le fond de la demande d'autorisation mais n'interdit pas nécessairement l'appel sur une question de droit d'application générale, qui se fait jour lors d'une procédure en injonction interlocutoire. Quoi qu'il en soit, la possibilité que les décisions en la matière ne soient pas susceptibles d'appel doit engager le juge à réfléchir longuement avant d'introduire un élément de conflit dans la jurisprudence, dans les cas où il n'y a aucune possibilité de résoudre pareil conflit par voie d'appel. Ce qui s'est passé dans notre Cour au sujet des conditions de résidence prévues pour l'acquisition de la citoyenneté est l'illustration des problèmes auxquels pareille situation pourrait donner lieu.
[10] Dans les cas comme celui qui nous intéresse en l'espèce, les deux impératifs contradictoires sont l'obligation pour le juge de dire le droit tel qu'il l'entend et, d'autre part, l'impératif de certitude et de prévisibilité dans les règles de droit. L'impératif de certitude dans les règles de droit peut être réconcilié avec l'indépendance du juge par l'application réfléchie de la doctrine stare decisis. On peut trouver un excellent exposé de cette doctrine dans les motifs prononcés par le juge Granger dans R. v. Koziolek, [1999] O.J. 657. La longueur du passage cité ci-dessous se justifie par le fait qu'il porte sur une question dont la résolution est d'importance fondamentale dans les cas comme l'affaire en instance :
[TRADUCTION]
14a M. Thomas, qui représente l'appelant, soutient que je ne suis pas lié par la décision du juge McIsaac et que, par conséquent, il m'est loisible d'ignorer la conclusion tirée dans R. v. McCue, op. cit., et de suivre les décisions portant que dans le cas où le véhicule n'est pas en état de marche, l'élément matériel de l'infraction ne peut être prouvé. Bien que je ne sois pas lié par la décision du juge McIsaac, la question n'est pas aussi simple que le dit M. Thomas. Dans Holmes v. Jarrett, [1993] O.J. No. 679 (Ont. Gen. Div.), j'ai eu l'occasion de faire le point sur la doctrine stare decisis et les décisions antérieures de cette Cour, en ces termes : |
En 1990, la législature de l'Ontario a créé la Cour de l'Ontario (Division générale) qui est la cour supérieure la plus importante au Canada avec quelque 250 juges exerçant leurs fonctions dans les 50 centres judiciaires répartis entre les huit régions judiciaires de la province. À mon avis, il est souhaitable d'instaurer la certitude dans l'application des règles de droit dans tout le ressort. Je me propose de passer en revue les moyens qui permettent aux juges d'exercer leurs fonctions conformément aux principes d'indépendance de la magistrature tout en évitant les élaborations individuelles ou régionales du droit. Une méthode consiste dans le recours à la règle ou doctrine stare decisis. Ces deux mots sont l'abréviation de la locution latine stare decisis et non quieta movere, qui signifie : " s'en tenir à ce qui a été décidé et ne pas bouleverser ce qui est établi ". Cette " règle ", telle qu'on l'appelle d'habitude, s'interprète communément de nos jours comme signifiant que tout tribunal est tenu de se conformer à la décision d'une instance supérieure. Cependant, comme l'indique la locution dans son ensemble, elle prescrit aussi que les diverses causes aboutissent à la même décision si les faits sont les mêmes; v. Glanville Williams, Learning the Law (9e éd.), 1973. |
L'observation de la règle stare decisis a été nécessaire pour garantir l'uniformité dans l'élaboration du droit, et partant, pour encourager en dernière analyse la prévisibilité des décisions dans une compréhension logique du droit. Par suite, il a été dit que la doctrine a principalement pour but : |
1. D'assurer la certitude et la prévisibilité dans les règles de droit; |
2. D'assurer la continuité et la stabilité dans les règles de droit; |
3. D'assurer l'uniformité dans les règles de droit. |
(V. Gall G., The Canadian Legal System, Carswell : Toronto, 1977) |
Plusieurs décisions judiciaires ont présenté des conclusions quelque peu contradictoires sur la question de savoir si les juges sont tout naturellement tenus ou requis de se conformer aux décisions antérieures d'un juge de la même juridiction. |
La conception de la valeur jurisprudentielle |
Certains juges ont adopté ce qu'on peut appeler une conception très stricte et traditionnelle de la doctrine prescrivant que les juges de la même juridiction sont tenus d'appliquer le droit tel qu'il a été antérieurement défini au sein de cette juridiction. À leurs yeux, les décisions antérieures font jurisprudence. Dans Sedziak v. Polish Workers Association [1937] 4 D.L.R. 672, [1937] 3 W.W.R. 527 (Man. Q.B.), il a été jugé qu'une décision d'un juge de la Cour du Banc du Roi faisait jurisprudence au sein de cette juridiction sauf réformation par la Cour d'appel. Dans R. v. Kartna (1979), 2 M.V.R. 259 (Ont. H.C.), l'accusé soutenait que la dénonciation dont il faisait l'objet était irrecevable, citant à cet effet une décision d'une cour de district qui était tout à fait le contraire de la conclusion d'une autre cour de district dans le même ressort. Ces deux décisions n'étaient séparées que de quelques semaines. Bien qu'elle ne fût pas nécessaire pour trancher l'appel, le juge Hughes a fait cette observation en page 267 : |
Sauf le respect que je lui dois, je dois souligner qu'à mon avis, il est regrettable que dans la cause Vaughan, le juge Forget de la Cour de district ait contredit un juge de même rang et dans le même ressort. J'ajouterai que la voie à suivre par un juge dans son cas, sous peine de déconsidérer et de compromettre l'administration de la justice, est de se considérer comme lié par une décision antérieure de sa propre juridiction. Telle est la règle stare decisis. Il peut certainement exprimer son désaccord avec tout le mordant qu'il veut, mais il devrait laisser la question qui le contrarie à la décision de la Cour d'appel. Faute par lui d'observer ce principe de longue date et faute d'appel (et c'est le cas en l'espèce d'après le procureur de la Couronne), un accusé est déclaré coupable et un autre se trouvant exactement dans le même cas est acquitté du même chef d'accusation, ce qui est source d'incertitude et de scandale possible. |
La conception de la valeur de persuasion |
La prescription que les juges de la même juridiction se conforment aux décisions antérieures de leurs collègues a été indirectement critiquée comme étant inutilement restrictive dans l'observation suivante du lord juge en chef Goddard dans Police Authority for Huddersfield v. Watson, [1947] 1 K.B. 842, en page 848 : |
" Je pense que selon la pratique contemporaine, et la conception contemporaine de la question, c'est par déférence confraternelle qu'un juge de première instance se conforme toujours à la décision d'un autre juge de première instance, à moins qu'il ne soit convaincu que cette décision est erronée. Il n'est certainement pas tenu de se conformer à la décision d'un juge de même rang. Il n'est tenu de suivre que les décisions qui ont force jurisprudentielle à son égard, c'est-à-dire, s'il est juge de première instance, celles qui émanent de la Cour d'appel, de la Chambre des lords ou de la Cour divisionnaire. |
Cette conclusion du lord juge en chef Goddard a été citée avec approbation dans R. v. Groves (1997), 17 O.R. (2d) 78. Selon les tenants de cette conception de la valeur de persuasion, le modèle jurisprudentiel est fondé sur le postulat que la règle stare decisis oblige le juge à suivre une certaine voie. À leur avis, pareille obligation n'existe que si elle est imposée par une autre source que la personne ou l'entité qui est censée l'observer. Une telle règle n'existe pas, et la locution stare decisis n'est qu'un moyen commode d'exprimer la tradition qui s'est instaurée dans notre système judiciaire et selon laquelle certaines juridictions suivront les décisions d'autres juridictions. |
Selon cette école de pensée, l'observation de cette coutume tient davantage de la déférence confraternelle que de l'application obligatoire. Le juge se conforme aux décisions des instances supérieures pour éviter l'embarras de voir sa décision infirmée en appel. Cette conception contemporaine laisse la place à d'autres conclusions si le jugement est erroné, car rien n'oblige les autres juges à s'y conformer. |
La conception de la valeur de conformité |
Selon cette école de pensée, les juges doivent suivre les décisions antérieures de leurs collègues, sauf dans certains cas spécifiques. Dans Re Hansard Spruce Mills Ltd., [1954] 4 D.L.R. 590, 13 W.W.R. (N.S.) 285, le juge Wilson s'est prononcé en ces termes, page 286 : |
Mais, ainsi que je l'ai fait remarquer dans l'affaire Cairney, je pense que le pouvoir, ou plutôt l'obligation, discrétionnaire du juge de première instance est plus limité. La Cour d'appel, en revenant sur sa propre jurisprudence dans Bell v. Klein, a tranché le point de droit. Mais je n'ai nullement le pouvoir d'infirmer le jugement d'un collègue, je ne peux que tirer des conclusions différentes, ce qui aurait pour effet non pas d'assurer la certitude, mais de créer l'incertitude dans les règles de droit, parce que, à la suite d'une telle divergence d'opinions, le malheureux justiciable se trouve aux prises avec des conclusions contradictoires émanant de la même juridiction et ayant donc la même force. Cet état de choses ne peut exister en Cour d'appel. |
Pour récapituler donc l'observation que j'ai déjà faite dans Cairney, je ne tirerai une conclusion qui contredise le jugement d'un autre juge du siège que dans les suivants : |
a) Des décisions subséquentes ont remis en question la validité du jugement en question; |
b) Il y a la preuve que la force obligatoire de la jurisprudence ou de la loi applicable n'a pas été prise en considération; |
c) Le jugement était rendu sans délibéré, c'est-à-dire qu'il s'agit d'un jugement nisi prius rendu dans les circonstances bien connues de tous les juges de première instance, là où les exigences du procès sont telles que le juge doit rendre immédiatement sa décision sans avoir le temps de consulter la jurisprudence. |
Sauf les cas ci-dessus, je pense que le juge de première instance doit se conformer aux décisions antérieures de ses collègues. |
Dans R. v. Northern Electric Co. Ltd. et al., [1953] 3 D.L.R. 449 (Ont. H.C.), le juge en chef McRuer de la Haute Cour a fait observer en page 466 : |
Étant donné tous les droits d'appel qui existent maintenant en Ontario, je pense que le juge Hogg a exprimé le principe de common law à appliquer par cette observation dans R. ex. rel. McWilliams v. Morris, [1942] O.W.N. 447 : " la doctrine stare decisis est reconnue de longue date comme un principe de notre droit ". Sir Frederick Pollock écrit de son côté dans son First Book of Jurisprudence, 6e éd., page 321 : " Les décisions d'une cour supérieure ordinaire font jurisprudence pour toutes les juridictions inférieures du ressort et, bien qu'elles n'aient pas force jurisprudentielle à l'égard des autres cours de même rang ou en son propre sein, elles seront suivies à moins qu'il y ait de fortes raisons qui s'y opposent ". |
Je pense que les " fortes raisons qui s'y opposent " ne signifient pas une argumentation que le juge concerné trouve convaincante, mais quelque chose qui indique que la décision en question a été rendue au mépris d'une loi ou d'un précédent qui aurait dû être respecté. Je ne pense pas que le concept de " fortes raisons qui s'y opposent " doive s'interpréter en fonction de la souplesse d'esprit du juge concerné. |
Selon le juge en chef McRuer et le juge Wilson, les décisions des juridictions de même rang sont persuasives et doivent être respectées à moins qu'il n'y ait des raisons impérieuses de ne pas le faire. |
Le modèle jurisprudentiel oblige les juges à suivre toutes les décisions antérieures de leurs collègues et à laisser à la Cour d'appel le soin de redresser toute erreur le cas échéant. Bien que cette méthode assure la certitude dans les règles de droit, elle peut être inutilement restrictive, en particulier si les décisions antérieures ont été rendues au mépris d'une loi ou de la jurisprudence. |
À l'autre extrémité du spectre, la conception la moins restrictive, adoptée par lord Goddard, veut que les juges suivent les décisions de leurs collègues par déférence confraternelle et ne les écartent que si elles sont erronées. Bien que par sa souplesse cette conception soit préférable à la conception restrictive, elle ne définit aucun critère qui permette de juger quand une décision antérieure est erronée. Si elle ne requiert qu'une différence d'opinion sur la règle applicable pour permettre au juge de s'écarter des décisions antérieures, alors la crainte exprimée par le juge Hughes dans Kartna est justifiée. |
Entre ces deux extrêmes, il y a l'opinion exprimée par le juge Wilson et le juge en chef McRuer que les juges devraient se sentir liés par les décisions antérieures de leurs collègues, à moins qu'il y ait des facteurs qui les engagent à tirer une conclusion différente. |
15 À mon avis, il est impératif, au sein d'une grande juridiction de première instance comme la Cour de l'Ontario, que la plus grande certitude possible règne jusqu'à ce que le point de droit soit tranché par la Cour d'appel. On peut y arriver par le modèle défini par le juge en chef McRuer. En conséquence, bien que la solution avancée par M. Thomas me paraisse bien logique, j'estime que je dois suivre le jugement du juge McIsaac, à moins qu'il ne soit démontré qu'il l'a rendu au mépris de la jurisprudence. Je suis convaincu qu'il a pris en compte la jurisprudence applicable en la matière. Les conditions qui justifient de ne pas suivre son jugement ne sont pas présentes en l'espèce; en conséquence, l'appel est rejeté. |
[11] La solution définie par le juge Wilson et le juge en chef de l'Ontario McRuer (et adoptée par le juge Granger) est bien judicieuse. Elle assure l'uniformité sans pour autant entraver les juges dans leur raisonnement. Elle pose les repères qui permettent de voir dans quels cas il faut tirer une conclusion différente de la décision antérieure d'un collègue. J'y vois une application rationnelle de la doctrine stare decisis.
[12] Je pense que la solution adoptée par le juge Granger est d'autant plus logique dans les cas où il n'y a aucune possibilité de porter l'affaire en appel pour résoudre l'incertitude créée par des jugements contradictoires sur un point donné. Je tiens à faire remarquer à ce propos que le problème n'est pas créé par les juges qui sont tenus de dire le droit de leur mieux, mais par un système qui tolère que des divergences d'opinions ne soient pas résolues.
[13] Par ces motifs, j'adopte en l'espèce le raisonnement tenu par le juge Mackay dans Sholev parce que je ne suis pas convaincu qu'il ait rendu jugement au mépris de la jurisprudence ou de la loi applicable. Je dois donc adopter sa conclusion au nom de la rationalité et de l'uniformité dans l'interprétation et l'application des règles de droit.
[14] Au cas où les représentants de la ministre souhaiteraient revoir leur position au sujet d'une possibilité d'appel dans ce contexte, j'ai offert de certifier une question à titre de question grave de portée générale. Bien que le paragraphe 83(1) mentionne une question grave, je ne me crois pas limité à une seule question, à la lumière de la jurisprudence Williams c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1997] 1 C.F. 457 (C.A.F.). Dans cette dernière cause, la Cour d'appel fédérale s'est prononcée sur plusieurs questions en matière d'immigration. Je certifie en conséquence les questions graves de portée générale qui suivent :
1- L'article 82.2 de la Loi sur l'immigration, L.R.C. (1985), ch. I-2, exclut-il l'appel sur une question grave de portée générale qui se dégage d'une procédure interlocutoire dans le contexte d'une demande d'autorisation et de contrôle judiciaire? |
2- Au cas où la demande d'autorisation et de contrôle judiciaire fondée sur l'article 82.1 de la Loi sur l'immigration, avec demande de prorogation du délai de dépôt, est déposée après l'expiration du délai prévu au paragraphe 82.1(3) de la même loi mais n'a pas été jugée par la Cour, le sous-alinéa 49(1)c)(i) s'applique-t-il pour empêcher l'exécution de l'ordonnance de renvoi en attendant que la Cour se prononce sur cette demande? |
ORDONNANCE
Après examen attentif de l'affaire, j'ordonne ce qui suit :
La requête en sursis à l'ordonnance de renvoi exécutable le 8 juin 1999 est rejetée par ce motif que la même ordonnance est suspendue par application de la loi, plus spécifiquement par application du sous-alinéa 49(1)c)(i) de la Loi sur l'immigration, et que, par conséquent, une ordonnance de la Cour n'est pas nécessaire en la matière.
Signé : J.D. Denis Pelletier
___________________________________
Juge
Traduction certifiée conforme,
Laurier Parenteau, LL.L.
COUR FÉDÉRALE DU CANADA
SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE
AVOCATS ET AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER No : IMM-2755-99 |
INTITULÉ DE LA CAUSE : Ali Mohamed Ziyadah
c.
Le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration
LIEU DE L'AUDIENCE : Ottawa (Ontario)
DATE DE L'AUDIENCE : 7 juin 1999
MOTIFS DE L'ORDONNANCE PRONONCÉS PAR LE JUGE PELLETIER
LE : 8 juin 1999
ONT COMPARU :
M. Michael Roberts pour le demandeur
M. Brad Hardstaff pour le défendeur
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Snyder & Company pour le demandeur
Edmonton (Alberta)
M. Morris Rosenberg pour le défendeur
Sous-procureur général du Canada