Date : 20020913
Dossier : IMM-48-02
Ottawa (Ontario), le 13 septembre 2002
EN PRÉSENCE DE MADAME LE JUGE LAYDEN-STEVENSON
ENTRE :
ZOLTAN RICHARD
demandeur
et
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION
défendeur
ORDONNANCE
La demande de contrôle judiciaire est accueillie. La décision de la SSR datée du 7 décembre 2001 est annulée et la question est renvoyée à une formation différente pour nouvelle décision.
« Carolyn A. Layden-Stevenson »
Juge
Traduction certifiée conforme
Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL.L.
Date : 20020913
Dossier : IMM-48-02
Référence neutre : 2002 CFPI 967
ENTRE :
ZOLTAN RICHARD
demandeur
et
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION
défendeur
MOTIFS DE L'ORDONNANCE
LE JUGE LAYDEN-STEVENSON
[1] Le demandeur Zoltan Richard est citoyen de la Roumanie. Il prétend avoir une crainte fondée de persécution à cause de son origine ethnique de Rom hongrois. Son audition a eu lieu devant la Section du statut de réfugié de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (SSR) le 27 novembre 2001. Dans sa décision datée du 7 décembre 2001, la SSR a conclu que M. Richard n'était pas un réfugié au sens de la Convention. Il demande le contrôle judiciaire de cette décision.
[2] Il n'existe pas de transcription de l'audience du demandeur devant la SSR. Une lettre de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié, datée du 7 juin 2002, indique que cette lacune est attribuable à des difficultés techniques. Les avocats ont convenu que la « question de la transcription » devait être traitée par voie de requête préliminaire au début de l'audience de contrôle judiciaire.
[3] J'ai entendu les arguments portant sur la requête préliminaire et remis ma décision à plus tard. J'ai aussi entendu les allégations relatives à la demande de contrôle judiciaire, au cas où je déciderais en dernière analyse que la question pouvait être tranchée en l'absence d'une transcription.
[4] En l'absence d'un droit à un enregistrement expressément reconnu par la loi (ce qui est la situation ici), la Cour doit déterminer si le dossier dont elle dispose lui permet de statuer convenablement sur la demande d'appel ou de révision. Si c'est le cas, l'absence d'une transcription ne violera pas les règles de justice naturelle. Le critère consiste à savoir si le demandeur se verrait privé d'un motif de contrôle par suite de l'absence d'une transcription. La norme est donc celle de la possibilité sérieuse :Syndicat de la fonction publique, section locale 301 c. Montréal (Ville), [1997] 1 R.C.S. 793.
[5] Le demandeur insiste sur le fait que le seuil est celui de la possibilité sérieuse et non de la probabilité. Il déclare qu'en l'instance, il n'existe aucun autre moyen d'établir ce qui s'est produit à l'audience. Il ne s'agit pas ici seulement d'une lacune, puisque rien d'autre n'est disponible à part la décision soumise au contrôle. Le demandeur conteste l'énoncé des faits et il soutient que la SSR a mal compris et interprété son témoignage lorsque le membre de la formation l'a comparé au contenu de son formulaire de renseignements personnels (FRP) ainsi que des notes au point d'entrée (PDE). Le demandeur indique plusieurs motifs sur lesquels il s'appuie qui exigent, selon lui, un accès à la transcription. Je ne vais pas traiter de chacun des motifs soulevés. Selon moi, il suffit aux fins de cette requête que je puisse déterminer qu'un seul de ces motifs ne peut être traité correctement et qu'il aurait eu un impact sur le résultat. Le demandeur soutient aussi que la SSR n'a pas tenu compte de la présomption de crédibilité, comme l'exige l'arrêt Maldonado c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1980] 2 C.F. 302 (C.A.). Au contraire, la SSR a abordé le demandeur avec cynisme et elle lui a imposé le fardeau de démontrer qu'il était crédible. Le membre de la formation a incité le demandeur à spéculer au sujet de certaines questions dont il ne savait rien, pour ensuite rejeter ses spéculations comme non crédibles. Selon le demandeur, ceci mène à une crainte raisonnable de partialité.
[6] Le défendeur ne convient pas que les motifs invoqués nécessitent qu'on dispose de la transcription. La Cour dispose du dossier du tribunal, du FRP et des notes du PDE, ainsi que d'une décision complète et détaillée. Le défendeur soutient que le membre de la formation n'a pas abordé le demandeur avec scepticisme. En fait, la SSR a conclu que son témoignage était un tissu d'incohérences et de contradictions. Le défendeur soutient qu'à une exception près, le demandeur a mal interprété les conclusions de la SSR. De plus, le membre de la formation a donné des motifs détaillés, clairs et convaincants pour étayer ses conclusions quant à la crédibilité. Toutefois, à supposer que la conclusion au sujet de l'origine ethnique soit erronée, le défendeur soutient subsidiairement que le demandeur ne possédait pas une crainte fondée de persécution au sens objectif. Par conséquent, même si la Cour était d'avis qu'il y a lieu de renvoyer l'affaire pour nouvelle audience au sujet de l'origine ethnique, le défendeur soutient que la décision doit néanmoins être confirmée sur cette base objective, qui suffit de toute façon à trancher l'affaire.
[7] J'ai examiné avec soin la documentation au dossier du tribunal, ainsi que les arguments des avocats, et j'y ai bien réfléchi. Le demandeur conteste presque toutes les conclusions de la SSR. Bien que plusieurs des motifs évoqués peuvent être examinés en l'absence d'une transcription, il y a toutefois certains motifs relatifs aux incohérences et aux contradictions, notamment au sujet de l'origine ethnique, que je ne me sens pas capable d'examiner en l'absence d'une transcription. Quant à l'argument subsidiaire du défendeur qui veut que la conclusion de la SSR au sujet du fondement objectif de la crainte de persécution n'exige pas un examen de la transcription, le demandeur soutient que cette erreur ne peut être distinguée des conclusions générales et globales au sujet de la crédibilité. Un des motifs d'examen porte que la SSR n'a pas tenu compte de la nature répétée des incidents. Étant donné que les incohérences, contradictions et réponses évasives semblent avoir été des facteurs majeurs dans le traitement que le membre de la formation a réservé aux divers incidents, et comme il peut y avoir eu des erreurs dans ces conclusions, je ne peux déclarer de façon raisonnablement certaine que les prétendues erreurs n'auraient pas eu d'impact sur la conclusion au sujet de la persécution qu'aurait subie le demandeur. C'est cette conclusion qui est en dernière analyse évaluée dans le contexte de la preuve documentaire. Comme je l'ai déjà dit, le seuil est celui de la possibilité sérieuse et le demandeur l'a atteint.
[8] La demande de contrôle judiciaire est accueillie. La décision de la SSR datée du 7 décembre 2001 est annulée et la question est renvoyée à une formation différente pour nouvelle décision.
[9] Il n'y a pas de question certifiée.
« Carolyn A. Layden-Stevenson »
Juge
Ottawa (Ontario)
Le 13 septembre 2002
Traduction certifiée conforme
Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL.L.
COUR FÉDÉRALE DU CANADA
SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
No DU GREFFE : IMM-48-02
INTITULÉ : ZOLTAN RICHARD
c.
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ
ET DE L'IMMIGRATION
LIEU DE L'AUDIENCE : WINNIPEG (MANITOBA)
DATE DE L'AUDIENCE : LE 29 AOÛT 2002
MOTIFS DE L'ORDONNANCE DE MADAME LE JUGE LAYDEN-STEVENSON
DATE DES MOTIFS : LE 13 SEPTEMBRE 2002
ONT COMPARU :
M. DAVID MATASPOUR LE DEMANDEUR
Mme NALINI REDDYPOUR LE DÉFENDEUR
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
M. DAVID MATASPOUR LE DEMANDEUR
WINNIPEG (MANITOBA)
M. MORRIS ROSENBERGPOUR LE DÉFENDEUR
SOUS-PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA