Bell Canada c. Canada (Commission des droits de la personne) (1re inst.) [2001] 2 C.F. 392
Date : 20001102
Dossier : T-890-99
Ottawa (Ontario), le 2 novembre 2000
En présence de Madame le juge Tremblay-Lamer
Entre
BELL CANADA
demanderesse
- et -
L'ASSOCIATION CANADIENNE DES EMPLOYÉS DE TÉLÉPHONE,
LE SYNDICAT CANADIEN DES COMMUNICATIONS, DE
L'ÉNERGIE ET DU PAPIER, FEMMES ACTION
et
LA COMMISSION CANADIENNE DES DROITS DE LA PERSONNE
défendeurs
ORDONNANCE
La Cour fait droit au recours en contrôle judiciaire, annule la décision en date du 26 avril 1999 du vice-président du tribunal, interdit toute nouvelle procédure en l'espèce tant qu'il ne sera pas remédié aux vices relevés par les motifs prononcés ce jour, et ordonne que chaque partie assume ses propres frais et dépens.
« Danièle Tremblay-Lamer »
________________________________
Juge
Traduction certifiée conforme
Jacques Deschênes
Date : 20001102
Dossier : T-890-99
Entre
BELL CANADA
demanderesse
- et -
L'ASSOCIATION CANADIENNE DES EMPLOYÉS DE TÉLÉPHONE,
LE SYNDICAT CANADIEN DES COMMUNICATIONS, DE
L'ÉNERGIE ET DU PAPIER, FEMMES ACTION
et
LA COMMISSION CANADIENNE DES DROITS DE LA PERSONNE
défendeurs
MOTIFS DE L'ORDONNANCE
Le juge TREMBLAY-LAMER
[1] Il y a en l'espèce recours en contrôle judiciaire contre la décision provisoire rendue le 26 avril 1999[1] par le Tribunal canadien des droits de la personne (le tribunal) sur la question de son indépendance et de son impartialité institutionnelles, dans le cadre de plaintes portées contre Bell Canada par l'Association canadienne des employés de téléphone (ACET), le Syndicat canadien des communications, de l'énergie et du papier (SCEP) et Femmes Action, sous le régime de la Loi canadienne sur les droits de la personne[2].
OBSERVATIONS LIMINAIRES
[2] Je sais, et le regrette, que la présente décision peut avoir pour effet ultime de retarder considérablement l'instance devant le tribunal, mais estime qu'il n'y a pas lieu pour la Cour de se laisser influencer par ce facteur.
[3] La présente décision ne porte pas sur le droit des employés à la parité salariale. Elle s'attache uniquement à la nécessité d'une structure organique propre à garantir que les audiences devant le tribunal soient conformes aux principes de justice fondamentale en vertu de l'alinéa 2e) de la Déclaration canadienne des droits[3].
LES FAITS
[4] La présente procédure a son origine dans sept plaintes en matière de droits de la personne, déposées pendant la période allant de 1990 à 1994 et reprochant à Bell Canada de pratiquer la discrimination sexuelle dans l'emploi, en payant à ses employées des salaires inférieurs à ce que touchent les employés de sexe masculin qui exercent des fonctions équivalentes, violant ainsi l'article 11 de la Loi.
[5] Par la suite, la Commission canadienne des droits de la personne (la Commission) a entrepris une enquête sur les diverses plaintes et a vainement essayé de les régler par médiation et autres discussions informelles. Elle a rendu public son rapport d'enquête en 1995.
[6] Le 15 mai 1996, elle demande, conformément à l'article 49 de la Loi[4], au président du Comité du tribunal des droits de la personne de constituer un tribunal chargé d'examiner ces plaintes de disparité salariale contre Bell Canada, lesquelles devaient être entendues ensemble en application du paragraphe 40(4) de la Loi[5].
[7] Le 14 juin 1996, Bell Canada introduit un recours en contrôle judiciaire contre cette décision de la Commission de demander au président du Comité du tribunal des droits de la personne de constituer un tribunal chargé d'examiner les plaintes en question[6].
[8] Le 14 août 1996, le président du Comité du tribunal constitue un tribunal composé de trois membres (le tribunal Leighton) chargé d'examiner les plaintes de disparité salariale déposées contre Bell Canada.
[9] Le 6 septembre 1996, Bell Canada introduit un recours en contrôle judiciaire contre cette décision du président du Comité du tribunal des droits de la personne de constituer un tribunal chargé d'examiner les plaintes en question[7].
[10] Le tribunal Leighton commence l'examen de l'affaire en octobre 1996. Bell Canada l'a saisi de diverses requêtes préliminaires pendant la période allant de novembre 1996 à juin 1997.
[11] Bell Canada a introduit des recours en contrôle judiciaire contre les décisions provisoires résultantes, dont celle du 10 avril 1997 par laquelle le tribunal a rejeté une requête en récusation de l'un de ses membres[8], et celle du 4 juin 1997 par laquelle le tribunal a conclu qu'il était « un organisme quasi judiciaire indépendant, capable sur le plan institutionnel de procéder à l'audition d'une affaire d'une manière équitable et conforme aux principes de justice naturelle et de liberté fondamentale » [9].
[12] Le 17 mars 1998, le juge Muldoon fait droit au recours en contrôle judiciaire de Bell Canada en annulant la décision de la Commission de demander au président du Comité du tribunal des droits de la personne de constituer un tribunal chargé d'examiner les plaintes en question[10].
[13] Le 23 mars 1998, Mme le juge McGillis fait droit au recours en contrôle judiciaire de Bell Canada contre la décision du tribunal Leighton relative à son indépendance et à son impartialité institutionnelles[11].
[14] Selon Mme le juge McGillis, le tribunal Leighton laissait à désirer sur le plan de l'indépendance institutionnelle, ce qui donnait lieu à une crainte raisonnable de partialité. Elle a annulé la procédure déjà engagée et interdit toute autre procédure devant ce tribunal, en attendant que la loi soit modifiée de façon à remédier aux vices relevés.
[15] Certaines modifications apportées à la Loi par L.C. 1998, ch. 9, sont entrées en vigueur le 30juin 1998. Trois d'entre elles revêtent une importance particulière pour l'affaire en instance.
[16] Aux termes du nouveau paragraphe 48.2(2), un membre du tribunal, dont le mandat est échu peut, avec l'agrément du président, terminer les affaires dont il est saisi.
[17] Le nouveau paragraphe 48.6(1) prévoit que les membres du tribunal reçoivent la rémunération que fixe le gouverneur en conseil.
[18] Le nouveau paragraphe 27(2) habilite la Commission à émettre, dans une catégorie de cas donnés (et non plus dans un cas donné), des directives auxquelles le tribunal doit se conformer.
[19] Le 17 novembre 1998, la Cour d'appel fédérale fait droit à l'appel formé par les défendeurs ACET et SCEP contre la décision du juge Muldoon portant annulation de la décision de la Commission de demander au président du Comité du tribunal des droits de la personne de constituer un tribunal chargé d'examiner les plaintes en question[12].
[20] La Cour ayant rétabli la décision susmentionnée de la Commission, Bell Canada a demandé l'autorisation de pourvoi en Cour suprême, mais sa demande a été rejetée le 8 juillet 1999[13].
[21] Par suite de la décision de la Cour d'appel fédérale, la Commission et les défendeurs ACET et SCEP ont demandé au tribunal d'inscrire de nouveau au rôle les plaintes de disparité salariale de façon qu'elles puissent être entendues dans les meilleurs délais. Il s'en est suivi un échange de correspondance entre les parties et le tribunal sur la question de savoir si, à la suite des modifications récemment apportées à la Loi, il y avait lieu de constituer un tribunal pour reprendre l'audition des plaintes.
[22] Les parties ont été subséquemment informées par le greffier du tribunal que le vice-président tiendrait le 27 janvier 1999 une audience de planification de la procédure relative aux plaintes de disparité salariale.
[23] Cette audience a finalement eu lieu le 27 janvier et les 11 et 12 mars 1999 pour décider si le tribunal devait siéger de nouveau pour examiner les plaintes déposées par les défendeurs ACET et SCEP contre Bell Canada.
[24] À l'issue de l'audience de planification de la procédure, le vice-président du tribunal a rendu le 26 avril 1999 une décision concluant qu'il n'y avait ni partialité institutionnelle ni défaut d'indépendance institutionnelle tenant à la structure organique du tribunal et qu'il fallait poursuivre l'examen des plaintes[14].
[25] Entre-temps, sur appel formé par la Commission et les défendeurs ACET et SCEP contre la décision de Mme le juge McGillis, la Cour d'appel fédérale a, le 1er juin 1999, prononcé l'ajournement sine die de l'affaire, pour le motif que « l'examen immédiat de l'appel, dans son état actuel, devrait être restreint à un examen de la Loi sous la forme qu'elle avait avant juin 1998, et le résultat de cet examen pourrait fort bien ne pas résoudre le litige, qui est plus large » [15].
LES POINTS LITIGIEUX
1. Le tribunal était-il fondé à décider que l'autorité de la chose jugée s'attache aux arguments proposés par la demanderesse dans Bell Canada c. ACET, lesquels arguments n'ont été ni expressément rejetés ni expressément accueillis par la Cour?
2. Le tribunal était-il fondé à se juger organiquement indépendant et organiquement impartial compte tenu de ce qui suit :
a) la Commission est habilitée à émettre des directives qui lient le tribunal;
b) le président peut prolonger le mandat expiré d'un membre du tribunal jusqu'à la conclusion de l'affaire dont celui-ci a été saisi en cours de mandat;
c) la rémunération des membres du tribunal est fixée par le gouverneur en conseil;
d) le vice-président et les membres du tribunal peuvent être soumis à des mesures disciplinaires et correctives?
ANALYSE
1. La norme de contrôle judiciaire
[26] Le tribunal ne jouit pas de la protection d'une disposition privative. Il est constitué au gré des cas d'espèce et il n'y a aucune garantie institutionnelle que ses membres aient quelque expertise juridique en droits de la personne ou dans un autre domaine, quel qu'il soit. Son expertise consiste à enquêter sur des faits et à rendre des décisions dans le contexte des droits de la personne, elle ne s'étend pas aux questions générales de droit[16]. Toute conclusion de sa part sur son indépendance et son impartialité institutionnelles est une conclusion sur un point de droit et, à ce titre, est soumise à la norme de la décision correcte en cas de contrôle judiciaire.
2. L'autorité de la chose jugée
[27] Je tiens à clarifier en premier lieu cette question qui aura un effet sur les points que la Cour aura à trancher. En résumé, les faits qui s'y rattachent sont les suivants :
[28] Le 10 avril 1997, le tribunal Leighton rejette une requête de la demanderesse en récusation de l'un de ses membres[17], concluant entre autres que le fait que ce membre avait été cité par la Commission comme expert à deux reprises avant sa nomination ne donnait pas lieu à une crainte raisonnable de partialité.
[29] Le 9 mai 1997, la demanderesse saisit la Cour fédérale du Canada d'un recours en contrôle judiciaire contre cette décision[18].
[30] Le 4 juin 1997, le tribunal Leighton rend une décision provisoire relative à diverses questions touchant son indépendance institutionnelle : l'indemnité journalière ou le statut à temps partiel des membres du tribunal; l'attribution des causes aux membres au cas par cas; la nécessité d'arrangements spéciaux entre le tribunal et le Conseil du Trésor pour les audiences qui doivent durer plus de 40 jours; et le pouvoir de la Commission d'émettre des directives qui lient le Tribunal[19].
[31] Par cette décision, le tribunal Leighton conclut qu'il est un organisme quasi judiciaire indépendant, capable sur le plan institutionnel de procéder à l'audition d'une affaire d'une manière équitable et conforme aux principes de justice naturelle et de liberté fondamentale.
[32] Le 10 juin 1997, la demanderesse saisit la Cour fédérale d'un recours en contrôle judiciaire contre cette décision[20].
[33] Le 23 mars 1998, Mme le juge McGillis fait droit au recours tendant à contester l'indépendance du tribunal, mais déboute la demanderesse de son recours tendant à la récusation de l'un des membres du Tribunal[21].
[34] Elle conclut qu'il y avait une crainte raisonnable de partialité tenant aux deux caractéristiques fondamentales : l'inamovibilité et la sécurité financière des membres nommés au tribunal en application de la Loi.
[35] Selon Mme le juge McGillis, l'inamovibilité consentie à un membre du tribunal dont le mandat expirait avant la fin de l'audition d'une affaire était essentiellement précaire parce que la possibilité pour ce membre de continuer à siéger dépendait uniquement et exclusivement de la décision discrétionnaire du ministre de recommander le renouvellement de son mandat. Elle conclut qu'il n'y avait dans la Loi aucune garantie objective que la perspective de renouvellement n'ait rien à voir avec les décisions rendues jusque-là par ce membre.
[36] À son avis, la Loi ne respectait pas au fond l'impératif de sécurité financière puisque la rémunération des membres du tribunal était fixée par la Commission, qui est une partie dans toutes les affaires soumises à celui-ci. Du fait que toute augmentation dans la rémunération fixée par règlement de la Commission serait négociée entre celle-ci et le Comité du tribunal, Mme le juge McGillis conclut que les négociations en la matière créeraient un conflit d'intérêts propre à compromettre la perception d'indépendance.
[37] Tout en jugeant qu'il ne lui était pas nécessaire de se pencher sur la question de l'impartialité institutionnelle, elle fait observer qu'elle avait de sérieuses réserves à ce propos, en particulier au sujet du pouvoir dont le paragraphe 27(2) de la Loi investit la Commission, qui est une partie comparaissant devant le tribunal, d'émettre des directives qui lient le tribunal.
[38] En conclusion, elle a annulé la procédure devant le tribunal et interdit toute autre procédure dans l'instance, tant que les problèmes relevés au sujet de l'inamovibilité et de la sécurité financière ne seraient pas corrigés par des modifications à la Loi.
[39] À la suite de l'entrée en vigueur, le 30 juin 1998, des modifications apportées à la Loi et de la décision de la Cour d'appel fédérale de rétablir la décision de la Commission de demander au président du Comité du tribunal des droits de la personne de constituer un tribunal chargé d'examiner les plaintes de disparité salariale dont s'agit[22], le greffier du tribunal a informé les parties que le vice-président du tribunal tiendrait une audience de planification pour juger s'il y avait lieu de constituer un tribunal chargé d'examiner les plaintes portées par les défendeurs ACET et SCEP contre Bell.
[40] Le 26 avril 1999, le vice-président du tribunal rend une décision concluant que les vices relevés par Mme le juge McGillis ont été rectifiés par modification de la Loi[23], donc qu'il n'y avait aucun problème de partialité institutionnelle ou de défaut d'indépendance institutionnelle tenant à la structure organique du tribunal, et qu'il fallait procéder à l'examen de ces plaintes.
[41] En ce qui concerne l'inamovibilité, il fait observer que le pouvoir du président de prolonger le mandat expiré d'un membre du tribunal pour que celui-ci puisse continuer à siéger dans une affaire dont il a été saisi en cours de mandat, ne donne pas lieu à une crainte raisonnable de partialité puisque ce pouvoir du président n'est ni absolu ni illimité.
[42] Il a rejeté l'argument proposé par Bell Canada que les mesures disciplinaires et correctives prévues à l'égard des membres du tribunal lors de la récente modification de la Loi donnent lieu à une crainte raisonnable de partialité, car, selon lui, ces membres ne peuvent être révoqués que pour des motifs légitimes et après enquête judiciaire en règle.
[43] En ce qui concerne la rémunération des membres du tribunal, il fait observer qu'à la suite des modifications susmentionnées, la Loi prévoit maintenant que cette rémunération est fixée par le gouverneur en conseil, ce qui a vidé la question.
[44] Le vice-président note que les directives émises par la Commission sont des textes de législation déléguée et que, à ce titre, elles ont force obligatoire et doivent être interprétées et appliquées par le tribunal au même titre que tout autre texte de loi. Il fait remarquer qu'il y a un intervalle suffisant entre l'adoption d'une directive donnée par la Commission et son application pour qu'il n'y ait pas crainte raisonnable de partialité.
[45] Le vice-président du tribunal a rejeté les autres arguments proposés par la demanderesse au sujet de l'indépendance du tribunal pour le motif que les mêmes arguments avaient été soumis au tribunal Leighton et à Mme le juge McGillis.
[46] Devant la présente Cour, la demanderesse soutient que soit Mme le juge McGillis a fait droit à ces autres arguments soit qu'elle ne s'est pas prononcée là-dessus (à l'exception de l'argument que le personnel du tribunal fait aussi partie du personnel de la Commission) et que, de ce fait, il ne faut pas considérer comme chose jugée les points sur lesquels elle ne s'est pas prononcée.
[47] La Commission soutient que Mme le juge McGillis ayant implicitement rejeté les arguments proposés par Bell qu'elle n'a pas jugés elle-même déterminants, il y a autorité de la chose jugée sur ces points. Il en est de même des arguments que Bell Canada n'a pas proposés et qu'elle aurait dû proposer.
[48] Les défendeurs ACET et SCEP sont du même avis. Ils soutiennent aussi qu'une fois que les réserves exprimées par Mme le juge McGillis quant à l'inamovibilité et à la sécurité financière ont été dissipées par la modification de la Loi, le tribunal satisfaisait à l'impératif d'indépendance institutionnelle et la procédure pouvait reprendre. Selon leur avocat, Mme le juge McGillis a implicitement rejeté les autre arguments proposés par Bell Canada au sujet de l'indépendance et de l'impartialité institutionnelles du tribunal.
[49] Selon Sopinka, Lederman et Bryant, les deux principes suivants régissent la doctrine de l'autorité de la chose jugée :
[TRADUCTION]
L'autorité de la chose jugée recouvre deux principes. Le premier pose que toute action ou question litigieuse qui a été jugée et a fait l'objet d'une décision ne peut être jugée de nouveau dans un procès subséquent entre les mêmes parties ou leurs ayants droit. Ce principe vise à prévenir la contradiction de ce qui a été décidé lors d'un litige précédent, en interdisant de revenir sur des points qui ont été déjà effectivement jugés.
Le second principe fait obligation au demandeur qui fait valoir un droit en justice de conclure à toute mesure de réparation possible en la matière, et vise à prévenir toute seconde tentative de demander l'intervention de la justice dans la même cause. On parle alors de « fusion » parce que la cause d'action du demandeur « fusionne » avec le jugement. Celui-ci est effectivement un jugement déclaratoire portant sur tous les droits de toutes les parties en ce qui concerne les points litigieux. Par suite, cette règle s'applique également au défendeur qui doit opposer tous ses moyens de défense à l'action du demandeur; celui qui ne le fait ne sera pas recevable à les faire valoir par la suite. Le principe vise à prévenir la fragmentation des litiges, en interdisant de faire valoir en justice des points qui n'ont pas été soulevés lors du litige précédent, mais qui en faisaient vraiment partie[24].
[50] En ce qui concerne l'indépendance institutionnelle du tribunal, il n'est plus nécessaire de s'adresser au ministre pour prolonger le mandat d'un membre qui prend fin en cours d'audience; aux termes du nouveau paragraphe 48.2(2) de la Loi, le membre dont le mandat est échu peut, avec l'agrément du président, terminer les affaires dont il est saisi.
[51] En ce qui concerne la rémunération des membres du tribunal, le nouveau paragraphe 48.6(1) de la Loi prévoit maintenant qu'elle est fixée par le gouverneur en conseil, et non pas par la Commission comme par le passé.
[52] Par la force des choses, Mme le juge McGillis n'a pas analysé ces modifications, qui sont entrées en vigueur après sa décision. Les points litigieux sont maintenant différents et rien n'interdit à la demanderesse de proposer des arguments sur ces points.
[53] En ce qui concerne les autres arguments proposés par la demanderesse au sujet de l'indépendance et de l'impartialité institutionnelles du tribunal, l'ordonnance de Mme le juge McGillis signifiait clairement qu'une fois rectifiés les problèmes relevés, le tribunal satisferait à l'impératif d'indépendance institutionnelle et l'examen des plaintes pourrait reprendre. Elle n'a relevé aucun autre vice ni aucune autre erreur commise par le tribunal Leighton.
[54] La demanderesse est donc irrecevable à proposer les mêmes arguments devant notre Cour. Sopinka, Lederman et Bryant expliquent de la façon suivante les principes régissant l'irrecevabilité des points déjà jugés :
[TRADUCTION]
L'irrecevabilité à remettre en cause une question résulte normalement de l'application du premier des principes énoncés ci-dessus [autorité de la chose jugée], à savoir que les parties ne peuvent revenir sur des points qui ont été déjà décidés entre elles. [¼] Cette irrecevabilité s'applique également aux points litigieux qui, s'ils n'ont pas été expressément soulevés dans le litige précédent, sont par la force des choses soit implicitement pris en compte dans ce dernier soit réfutés par son résultat[25].
[55] Les arguments proposés par la demanderesse ont été par la force des choses, soit implicitement pris en compte dans la décision de Mme le juge McGillis, soit réfutés par l'effet de cette décision.
[56] En ce qui concerne l'impartialité institutionnelle, il ressort de la décision de Mme le juge McGillis qu'elle a exprimé de façon incidente des réserves quant au pouvoir de la Commission d'émettre des directives qui lient le Tribunal, mais elle ne s'est pas prononcée sur ce point. Ces réserves ne font donc pas partie de ses motifs de décision et n'ont pas pour effet d'interdire à la demanderesse de soulever ce point dans l'instance.
[57] En conséquence, il ne reste plus à la Cour qu'à examiner si une personne informée aurait une crainte raisonnable de partialité, sur le plan de l'indépendance et de l'impartialité institutionnelle, du fait :
a) que la Commission est habilitée à émettre des directives qui lient le tribunal;
b) que le président peut prolonger le mandat expiré d'un membre du tribunal jusqu'à la conclusion de l'affaire dont celui-ci a été saisi en cours de mandat;
c) que la rémunération des membres du tribunal est fixée par le gouverneur en conseil;
d) que le vice-président et les membres du tribunal peuvent être soumis à des mesures disciplinaires et correctives.
3. Les principes d'indépendance et d'impartialité institutionnelles
[58] Dans Renvoi : Juges de la Cour provinciale, la Cour suprême du Canada a souligné le fondement constitutionnel de l'indépendance du pouvoir judiciaire :
L'indépendance de la magistrature est une norme non écrite, reconnue et confirmée par le préambule de la Loi constitutionnelle de 1867. En fait, c'est dans le préambule, qui constitue le portail de l'édifice constitutionnel, que se trouve la véritable source de notre engagement envers ce principe fondamental[26].
[59] Dans sa décision, Mme le juge McGillis a fait une analyse très fine de la jurisprudence de la Cour suprême du Canada en matière d'indépendance du pouvoir judiciaire. Pareille analyse n'est donc pas nécessaire en l'espèce. Je me contenterai de citer le récapitulatif qu'elle en donne :
[...] l'indépendance judiciaire fait partie des règles de la justice naturelle et [...] en conséquence, elle s'applique aux instances devant les tribunaux administratifs qui exercent des fonctions décisionnelles. L'examen de l'indépendance judiciaire d'un tribunal peut porter à la fois sur son indépendance institutionnelle et sur son impartialité institutionnelle. En ce qui a trait à l'indépendance institutionnelle, le critère classique énoncé dans l'arrêt Committee for Justice and Liberty et autres c. Office national de l'énergie et autres, précité, approuvé dans l'arrêt Valente c. La Reine et autres, précité, et pratiquement tous les autres arrêts de la Cour suprême du Canada, doit s'appliquer à l'analyse des trois caractéristiques fondamentales de l'indépendance judiciaire : l'inamovibilité, la sécurité financière et l'indépendance administrative. Ce critère doit être appliqué avec souplesse, compte tenu des fonctions exercées par le tribunal. Le niveau d'indépendance judiciaire requis dépendra de la nature du tribunal, des intérêts en jeu et des autres signes indicatifs de l'indépendance[27].
[60] Il est cependant peut-être utile d'ajouter quelques observations sur le lien entre les deux concepts d'indépendance institutionnelle et d'impartialité institutionnelle.
[61] Dans Lippé[28], la Cour suprême a pris acte de ce que nonobstant l'indépendance du pouvoir judiciaire, il peut y avoir une crainte raisonnable de partialité sur le plan institutionnel ou structurel : « le statut objectif du tribunal peut s'appliquer tout autant à l'exigence d'"impartialité" qu'à celle d'"indépendance" » [29]. Elle ajoute que si le système est structuré de façon à susciter une crainte raisonnable de partialité sur le plan institutionnel, on ne satisfait pas à l'exigence d'impartialité. En d'autres termes, chaque exigence sert d'assise à l'autre.
[62] Il s'ensuit que le critère de l'impartialité institutionnelle est le même qu'à l'égard de l'indépendance. Ainsi que l'a rappelé Mme le juge McGillis, ce critère est défini dans Committee for Justice and Liberty et autres c. Office national de l'énergie et autres[30] :
¼ la crainte de partialité doit être raisonnable et le fait d'une personne sensée et raisonnable qui se poserait elle-même la question et prendrait les renseignements nécessaires à ce sujet. Selon les termes de la Cour d'appel, ce critère consiste à se demander « à quelle conclusion en arriverait une personne bien renseignée qui étudierait la question en profondeur, de façon réaliste et pratique » [31].
[63] Il faut aussi souligner que la Cour suprême du Canada a reconnu qu'il faut faire preuve d'une certaine souplesse dans l'application de ces critères d'indépendance judiciaire aux tribunaux administratifs et que ceux-ci ne doivent pas nécessairement justifier des mêmes garanties objectives d'indépendance que les tribunaux judiciaires[32].
[64] Il est nécessaire de prendre en considération les fonctions et la nature du tribunal administratif concerné, les intérêts en jeu ainsi que d'autres attributs d'indépendance[33]. La pratique et la procédure du tribunal peuvent aussi entrer en ligne de compte[34].
[65] Ainsi donc, lorsqu'il s'agit d'organismes administratifs investis de plusieurs fonctions, dont un grand nombre est d'ordre administratif, comme la Bande indienne de Matsqui[35], la Bourse de Vancouver[36], ou la Régie des permis d'alcool du Québec[37], il faut faire preuve de plus de souplesse dans l'application des principes touchant l'indépendance et l'impartialité institutionnelles.
[66] Cependant, le niveau requis d'indépendance n'est pas le même pour un tribunal administratif comme le Tribunal canadien des droits de la personne, qui exerce une fonction purement juridictionnelle dans le cadre de lois qui touchent les droits de la personne du pays et que la Cour suprême du Canada a reconnues dans Heerspink[38] comme primant toute autre loi, sauf les lois constitutionnelles. Il suffit de rappeler à ce propos que selon une jurisprudence constante, la législation en matière de droits de la personne, de par sa nature même, impose de faire grande attention en ce qui concerne les procédures appliquées.
[67] À cet égard, je partage pleinement la conclusion de ma collègue Mme le juge McGillis dans la décision susmentionnée, au sujet de la nature du tribunal et du niveau d'indépendance nécessaire :
[¼] compte tenu du rôle purement décisionnel des tribunaux et des fonctions qu'ils exercent à l'égard de droits et d'intérêts de nature quasi constitutionnelle, je suis convaincue qu'ils doivent bénéficier d'un haut degré d'indépendance, et qu'une application relativement stricte des principes énoncés dans l'arrêt Valente c. La Reine et autres, précité, est justifiée[39].
[68] En d'autres termes, selon moi, ce niveau d'indépendance se situe en haut de l'échelle. Il faut cependant tenir compte de ce qu'il n'est pas un tribunal judiciaire et que de ce fait, il faut faire preuve d'une certaine souplesse.
4. Application en l'espèce des principes énoncés ci-dessus
A. Le pouvoir de la Commission d'émettre des directives qui lient le tribunal
[69] L'article 27 de la Loi investit la Commission d'un pouvoir de législation déléguée l'autorisant à émettre des directives qui lient les membres du tribunal dans l'application et l'interprétation de la Loi :
[¼] (2) The Commission may, on application or on its own initiative, by order, issue a guideline setting out the extent to which and the manner in which, in the opinion of the Commission, any provision of this Act applies in a class of cases described in the guideline. (3) A guideline issued under subsection (2) is, until it is revoked or modified, binding on the Commission and any member or panel assigned under subsection 49(2) with respect to the resolution of a complaint under part III regarding a case falling within the description contained in the guideline. |
[¼] (2) Dans une catégorie de cas donnés, la Commission peut, sur demande ou de sa propre initiative, décider de préciser, par ordonnance, les limites et les modalités de l'application de la présente loi. (3) Les ordonnances prises en vertu du paragraphe (2) lient, jusqu'à ce qu'elles soient abrogées ou modifiées, la Commission et le membre instructeur désigné en vertu du paragraphe 49(2) lors du règlement des plaintes déposées conformément à la partie III. |
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[70] L'affaire dont est saisi le tribunal requiert l'application et l'interprétation de l'article 11 de la Loi, rédigé en partie comme suit :
(1) It is a discriminatory practice for an employer to establish or maintain differences in wages between male and female employees employed in the same establishment who are performing work of equal value. [¼] (4) Notwithstanding subsection (1), it is not a discriminatory practice to pay to male and female employees different wages if the difference is based on a factor prescribed by guidelines, issued by the Canadian Human Rights Commission pursuant to subsection 27(2), to be a reasonable factor that justifies the difference. |
(1) Constitue un acte discriminatoire le fait pour l'employeur d'instaurer ou de pratiquer la disparité salariale entre les hommes et les femmes qui exécutent, dans le même établissement, des fonctions équivalentes. [¼] (4) Ne constitue pas un acte discriminatoire au sens du paragraphe (1) la disparité salariale entre hommes et femmes fondée sur un facteur reconnu comme raisonnable par une ordonnance de la Commission canadienne des droits de la personne en vertu du paragraphe 27(2). |
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[71] La Commission a émis, sous le titre d'Ordonnance sur la parité salariale, des directives sur l'interprétation de la disposition ci-dessus.
[72] L'avocat des défendeurs soutient que la récente modification du paragraphe 27(2) de la Loi, en particulier par la suppression des mots « dans un cas donné » , a parfaitement résolu et vidé la question.
[73] Je ne suis pas de cet avis. Le pouvoir qu'a la Commission d'émettre des directives d'application obligatoire dans « une catégorie de cas donnés » ne change rien au fond du problème puisque le tribunal sera toujours tenu de s'y conformer dans ces cas. C'est le caractère obligatoire de ces directives qui a suscité les sérieuses réserves de Mme le juge McGillis. En fait, elle a conclu que le problème serait éliminé si ces directives n'étaient pas d'application obligatoire, nonobstant la présence (ou l'absence) des mots « dans un cas donné » .
[74] L'avocat de la demanderesse soutient que la structure organique du tribunal est telle que celui-ci ne peut faire oeuvre de jugement indépendant dans aucune catégorie de cas à l'égard de laquelle des directives d'application obligatoire ont été émises par la Commission, qui est une partie dans l'instance devant le tribunal. Pareille situation suscite inéluctablement une impression de partialité et de défaut d'indépendance institutionnelle.
[75] Je conviens avec la demanderesse que des directives émises par la Commission, qui est une partie devant le tribunal, ne sont pas compatibles avec les garanties d'indépendance et d'impartialité institutionnelles.
[76] Ces directives donnent à la Commission un statut spécial dont ne jouit aucune autre partie comparaissant devant le tribunal. Elles peuvent influencer le tribunal en lui indiquant comment il faut interpréter la loi. Et il en est ainsi que ces directives soient intra vires ou ultra vires.
[77] Qui plus est, le pouvoir juridictionnel du tribunal est indubitablement limité par des directives d'application obligatoire sur l'interprétation de la Loi, lesquelles le forcent à se prononcer dans le sens voulu par la Commission.
[78] Un tel pouvoir n'a son pareil nulle part. Aucune loi ne prévoit un pouvoir de réglementation qui permette à une partie d'imposer les limites et les modalités d'interprétation de sa loi habilitante.
[79] Les directives d'application obligatoire ne sont pas de même nature que les textes de législation déléguée. Ceux-ci, tels les règlements, sont normatifs par nature, et ont une portée générale et impersonnelle. La législation déléguée institue des normes légales de conduite, destinées à tous[40].
[80] Par contraste, les directives tracent une orientation précise pour le tribunal. Elles instituent des critères particuliers à appliquer par celui-ci dans une catégorie de cas donnés. Adoptées par la Commission qui est une partie à l'instance, elles exercent indûment une pression sur le tribunal quant à l'issue de l'instance dans une catégorie de cas donnés.
[81] Je ne doute pas que les conditions soient réunies en l'espèce pour susciter une crainte raisonnable de partialité institutionnelle et de défaut d'indépendance institutionnelle, selon le critère défini par la Cour suprême dans Lippé[41].
[82] C'est la conclusion que tirerait à coup sûr une personne bien informée, qui examinerait la question en profondeur, de façon réaliste et pratique.
[83] Des présidents successifs du tribunal ont exprimé leurs préoccupations sur ce point. Ils représentent parfaitement, à mon avis, le point de vue de la personne bien informée qui examinerait la question en profondeur.
[84] D'ailleurs, à part sa conclusion qu'il n'est pas lié par les directives en question, je partage entièrement l'avis exprimé par le tribunal dans S.C.F.P. (Division du transport aérien) c. Lignes aériennes Canadien International Ltée et Air Canada[42] sur l'effet des directives d'application obligatoire :
[¼] deux principes fondamentaux de notre constitution et de notre démocratie seraient alors compromis. Le premier de ces principes à être compromis serait le droit fondamental de toutes les personnes à une audience équitable conformément aux principes de la justice fondamentale. [¼] En second lieu, des normes fondamentales de notre système démocratique seraient également compromises. En particulier, la promulgation d'ordonnances d'un organisme exécutif du gouvernement imposant des entraves contraignantes au pouvoir de décision d'une entité quasi judiciaire compromettrait logiquement les principes de l'indépendance judiciaire et de la séparation des pouvoirs [¼] Si les ordonnances émises en vertu des paragraphes 27(2) et (3) sont contraignantes pour les tribunaux, il serait logique que de telles ordonnances soient également contraignantes d'une certaine façon pour les cours qui supervisent le Tribunal. Il serait illogique d'interpréter la LCDP de manière à conclure que le Parlement souhaitait que les pouvoirs de décision quasi judiciaires du Tribunal des droits de la personne soient entravés par des ordonnances émises en vertu des paragraphes 27(2) et (3) de la Loi, mais que ces mêmes ordonnances puissent être totalement ignorées ou invalidées par les cours de révision[43].
[85] En l'espèce, le vice-président du tribunal a commis une erreur par sa conclusion que la question de l'indépendance ou de l'impartialité institutionnelle ne se posait pas parce que les directives en question ont été données conformément à la Loi sur les textes réglementaires[44].
[86] S'il en était ainsi, aucune cour ne pourrait jamais invalider des textes réglementaires dont sont absentes les garanties d'indépendance institutionnelle. Le problème tient aux dispositions de la Loi elle-même qui investissent la Commission de ce pouvoir, et non aux modalités d'adoption des directives.
[87] Dans ces conditions, le tribunal a-t-il le pouvoir de déclarer que les dispositions des paragraphes 27(2) et (3) de la Loi ou les directives en question sont inopérantes ou qu'il n'est pas lié par elles?
[88] Les défendeurs soutiennent que ces directives ne sont rien d'autre qu'un texte de législation déléguée, semblable à un règlement. Ils citent à l'appui cette conclusion tirée dans la cause Canada (Procureur général) c. AFPC et autres[45] : « même si le tribunal est censé être lié par l'ordonnance de la Commission, il ne l'est, à l'instar de tout autre tribunal créé par la loi que dans la mesure où la disposition particulière de ce texte législatif est valide et exécutoire » .
[89] À mon avis, la décision AFPC doit être saisie à la lumière de la décision subséquemment rendue par la Cour suprême du Canada dans Cooper c. Canada (Commission des droits de la personne)[46].
[90] Dans cette dernière cause, le juge La Forest, prononçant le jugement de la majorité, conclut qu'il résulte de la compétence limitée de la Commission qu'un tribunal constitué sous le régime de la Loi n'est pas lui non plus habilité à déclarer invalide une disposition donnée de la Loi.
[91] La cour était appelée à examiner si la Commission ou le tribunal avaient le pouvoir d'invalider une disposition de la Loi pour atteinte à la Charte.
[92] En ce qui concerne la compétence du tribunal au regard de la Constitution, le juge La Forest fait remarquer qu'il s'agissait au premier chef d'examiner si le législateur l'avait investi par sa loi habilitante, expressément ou implicitement, du pouvoir de se prononcer sur des questions de droit. Le tribunal serait-il investi du pouvoir général de juger des questions de droit, cela signifierait que par l'effet du paragraphe 52(1) de la Loi constitutionnelle de 1982[47], il doit être habilité à connaître des questions constitutionnelles, y compris de la validité constitutionnelle de sa propre loi habilitante.
[93] Les défendeurs soutiennent que, depuis, le paragraphe 50(2) de la Loi a été modifié de façon à préciser le pouvoir dont est investi le tribunal pour trancher toutes les questions de droit et de fait dans les affaires dont il est saisi et qu'il peut le faire dorénavant.
[94] Il m'est impossible de voir dans le pouvoir prévu au paragraphe 50(2) un pouvoir général de se prononcer sur des questions de droit. Cette disposition prévoit :
(2) In the course of hearing and determining any matter under inquiry, the member or panel may decide all questions of law or fact necessary to determining the matter. |
(2) Il tranche les questions de droit et les questions de fait dans les affaires dont il est saisi en vertu de la présente partie. |
|
[95] Cette disposition ne fait qu'investir le tribunal du pouvoir d'interpréter et d'appliquer sa loi habilitante lorsqu'il est saisi d'une plainte.
[96] L'expertise du tribunal consiste à enquêter et à se prononcer sur les faits en matière de droits de la personne pour juger s'il y a eu acte discriminatoire; elle ne s'étend pas aux questions générales de droit[48]. Il n'y a en l'espèce aucune considération pratique ou d'ordre public qui engage à penser que le tribunal est investi d'une compétence constitutionnelle.
[97] Il est important de se rappeler cet avertissement du juge La Forest, savoir que pour examiner si le tribunal a compétence pour entendre des arguments fondés sur la Charte, il faut prendre en compte diverses questions pratiques, comme l'expertise du tribunal, l'admissibilité des preuves propres au jugement d'une plainte d'atteinte aux droits de la personne mais inappropriées pour l'examen de la constitutionnalité d'un texte de loi, le surcroît de complexité et d'autres considérations pratiques et d'ordre public qui peuvent engager à reconnaître ou à refuser au tribunal la compétence en matière constitutionnelle.
[98] Il a conclu à ce sujet :
[¼] un tel tribunal ne dispose pas toujours d'une expertise particulière, exception faite du domaine de l'appréciation des faits dans un contexte de droits de la personne. Deuxièmement, les gains en efficacité que semble à première vue procurer la voie permettant d'éviter le système judiciaire disparaissent lorsque les inévitables demandes de contrôle judiciaire sont déposées devant la Cour fédérale. Troisièmement, si la capacité absolue de recevoir toute preuve jugée utile peut convenir pour trancher une plainte en matière de droits de la personne, elle n'est pas appropriée lorsqu'il s'agit de se prononcer sur la constitutionnalité d'une disposition législative. Enfin, la raison peut-être la plus déterminante est que la complexité, les coûts et les délais accrus qui découleraient de la possibilité pour les tribunaux des droits de la personne d'entendre des questions constitutionnelles mineraient, dans une large mesure, l'objectif principal poursuivi par la création de ces tribunaux, savoir le traitement efficace et diligent des plaintes en matière de droits de la personne[49].
[99] Ces facteurs sont tous présents en l'espèce; ils n'ont pas été écartés par la modification récente qui investit le tribunal du pouvoir de trancher des questions de droit.
[100] D'ailleurs, je ne pense pas que les membres du tribunal jouissent d'un niveau d'indépendance tel qu'ils puissent s'arroger les pouvoirs traditionnellement dévolus à la magistrature pour tirer des conclusions de droit sur la validité constitutionnelle d'un texte de loi.
[101] Le tribunal ne compte que deux membres permanents; les autres sont des membres à temps partiel choisis au fil des affaires et recevant une rémunération journalière pour leur travail dans les dossiers auxquels ils sont affectés. Ils sont nommés pour un mandant relativement court de trois années, renouvelable à la discrétion du ministre. Beaucoup d'entre eux sont des profanes sans aucune formation juridique. Il m'est impossible de voir dans ces caractéristiques des garanties propres à permettre de conclure que le tribunal est bien à la hauteur de la tâche.
[102] La logique oblige à conclure que si le législateur n'est pas prêt à conférer au tribunal les mêmes garanties que celles dont jouissent les tribunaux judiciaires, il ne doit pas jouir des mêmes pouvoirs que ces derniers.
B. Le pouvoir du président de prolonger le mandat expiré d'un membre du tribunal pour qu'il puisse terminer une affaire dont il a été saisi en cours de mandat
[103] Le vice-président du tribunal conclut dans sa décision que les modifications récemment apportées à la Loi permettent aux membres du tribunal dont le mandat est expiré, de siéger jusqu'à la conclusion de l'affaire sans intervention du pouvoir législatif ou du pouvoir exécutif, et résolvent ainsi le problème qu'a relevé Mme le juge McGillis pour ce qui est de l'inamovibilité.
[104] À son avis, la nécessité de l'agrément du président, prévu au paragraphe 48.2(2) de la Loi, ne doit susciter chez une personne sensée et pleinement informée, aucune crainte de partialité au sujet de ce pouvoir discrétionnaire du président. On peut présumer, dit-il, que le président n'agira pas de façon arbitraire ou de mauvaise foi et permettra à un membre du tribunal, dont le mandat est expiré, d'entendre jusqu'à la fin une affaire en cours : « L'exercice de ce pouvoir discrétionnaire fait appel à la bonne foi et il doit être exercé tout en respectant le point de vue de la loi » [50].
[105] L'avocat de la demanderesse refuse d'y voir une garantie suffisante d'inamovibilité.
[106] Ainsi que l'a fait observer la Cour suprême du Canada, la condition essentielle de l'inamovibilité pose que la durée du mandat du décideur soit à l'abri de toute ingérence discrétionnaire ou arbitraire :
L'inamovibilité, de par son importance traditionnelle, est la première des conditions essentielles de l'indépendance judiciaire pour les fins de l'al. 11d) de la Charte. Les conditions essentielles de l'inamovibilité sont que le juge ne puisse être révoqué que pour un motif déterminé, et que ce motif fasse l'objet d'un examen indépendant et d'une décision selon une procédure qui offre au juge visé la possibilité pleine et entière de se faire entendre. L'essence de l'inamovibilité pour les fins de l'al. 11d), que ce soit jusqu'à l'âge de la retraite, pour une durée fixe, ou pour une charge ad hoc, est que la charge soit à l'abri de toute intervention discrétionnaire ou arbitraire de la part de l'exécutif ou de l'autorité responsable des nominations[51].
[107] Je partage l'avis de la demanderesse. Les modifications récemment apportées à la Loi touchent bien mais ne remédient pas aux problèmes relevés par Mme le juge McGillis quant au statut précaire du membre du tribunal dont le mandat expire en cours d'audition d'une affaire. Le ministre n'a plus le pouvoir discrétionnaire de prolonger le mandat du membre, c'est le président qui est maintenant habilité à donner son agrément pour que le membre continue à siéger jusqu'à la fin de l'affaire. Je n'y vois pas une garantie objective d'inamovibilité.
[108] Il a été jugé dans Lippé que dans la définition de l'indépendance du pouvoir judiciaire, « gouvernement » ne s'entend pas uniquement du pouvoir exécutif ou législatif, mais embrasse quiconque peut exercer des pressions sur d'autres juges. Le juge en chef Lamer a tiré la conclusion suivante à ce sujet :
Par l'expression « gouvernement » , dans ce contexte, je veux dire toute personne ou tout organisme capable d'exercer des pressions sur les juges en vertu de pouvoirs émanant de l'État. Cette large définition englobe, par exemple, le Conseil canadien de la magistrature et tout Barreau. J'inclurais aussi toute personne ou tout organisme au sein de la magistrature investis de certains pouvoirs sur les juges; par exemple, les membres de la Cour doivent jouir de l'indépendance judiciaire et être en mesure d'exercer leur jugement sans faire l'objet de pression ou d'influence de la part du Juge en chef[52].
[Non souligné dans l'original.]
[109 Le principe de l'indépendance institutionnelle pose que la structure organique du tribunal soit propre à garantir que ses membres sont indépendants. En l'espèce, la possibilité pour un membre de continuer à siéger jusqu'à la fin d'une affaire en cours est subordonnée à la décision discrétionnaire du président. Le problème ne réside pas tant dans le mode d'exercice de ce pouvoir discrétionnaire, mais dans son existence même. Ainsi que l'a fait observer le juge en chef Lamer, « l'indépendance institutionnelle et le pouvoir discrétionnaire de prévoir cette indépendance (ou de ne pas la prévoir) sont deux choses bien distinctes. L'indépendance qui repose sur un pouvoir discrétionnaire n'est qu'illusoire » [53].
[110 Étant donné le haut degré d'indépendance requis dans ce domaine, j'estime que seule une garantie objective d'inamovibilité procurera la protection nécessaire et donnera au membre concerné la sérénité requise pour rendre une décision sans contrainte.
[111 Il n'y a en ce moment aucune garantie objective que les décisions rendues jusqu'alors par ce membre ne compromettent pas la possibilité pour celui-ci de continuer à siéger après l'expiration de son mandat.
[112 On peut trouver un exemple de garantie objective dans le statut des membres du Tribunal de la concurrence[54] :
5.(1) Each judicial member shall be appointed for a term not exceeding seven years and holds office so long as he remains a judge of the Federal Court. 5.(2) Each lay member shall be appointed for a term not exceeding seven years and holds office during good behaviour but may be removed by the Governor in Council for cause.5.(3) A member of the Tribunal, on the expiration of a first or any subsequent term of office, is eligible to be re-appointed for a further term. 5.(4) A person may continue to act as a member of the Tribunal after the expiration of his term of appointment in respect of any matter in which he became engaged during the term of his appointment. |
5.(1) La durée maximale du mandat des juges est de sept ans et ceux-ci occupent leur poste aussi longtemps qu'ils demeurent juges de la Cour fédérale. 5.(2) La durée maximale du mandat des autres membres est de sept ans et ceux-ci occupent leur poste à titre inamovible, sous réserve de révocation motivée que prononce le gouverneur en conseil. 5.(3) Au terme de son premier mandat ou d'un mandat subséquent, un membre peut être nommé pour un autre mandat. 5.(4) Une personne peut, après l'expiration de son mandat, continuer à exercer les pouvoirs d'un membre du Tribunal à l'égard de toute question dont elle était saisie au cours de son mandat. |
|
[113 Il est important de se rappeler que le degré d'indépendance requis du tribunal est au haut de l'échelle, vu son rôle purement juridictionnel et ses fonctions vis-à-vis des droits et des intérêts d'essence quasi constitutionnelle. Il est donc nécessaire que ses membres jouissent d'une garantie objective d'inamovibilité.
[114 Très peu de tribunaux administratifs sont tenus au même degré d'indépendance que le Tribunal canadien des droits de la personne. On peut douter qu'ils aient besoin de la même garantie objective d'inamovibilité.
C. La rémunération des membres du tribunal fixée par le gouverneur en conseil
[115 Mme le juge McGillis voyait dans la sécurité financière des membres du tribunal un défaut à redresser par voie de modification législative : le tribunal n'était pas organiquement indépendant parce que la Commission, qui est une partie à toutes les instances dont il est saisi, tenait de la Loi le pouvoir de fixer le taux de rémunération de ses membres et participait aux négociations sur l'augmentation de ce taux.
[116 Le vice-président du tribunal a conclu par la suite que la rémunération des membres du tribunal, qui est maintenant fixée par le gouverneur en conseil en application du paragraphe 48.6(1), est acceptable.
[117 L'avocat de la demanderesse relève que les membres du tribunal sont rémunérés à la journée, et ne jouissent d'aucune garantie légale d'un niveau quelconque de rémunération. Ils devront dans les faits négocier toute augmentation de rémunération dans le mode purement politique que la Cour suprême a jugé inacceptable dans Renvoi : Juges de la Cour provinciale[55] et dans Bell Canada c. ACET[56]. La Loi ne prévoit aucune protection contre la possibilité pour le gouverneur en conseil, qui est l'incarnation même du pouvoir exécutif fédéral, d'user de son pouvoir de fixation de la rémunération des membres du tribunal de façon à compromettre l'indépendance institutionnelle de ce dernier.
[118 L'avocat des défendeurs soutient que la sécurité financière des membres du tribunal n'est plus un sujet de controverse puisque le taux de rémunération est maintenant fixé par le gouverneur en conseil conformément à l'article 48.6 de la Loi. La Commission n'est plus habilitée à fixer, par voie de règlements administratifs, le taux de rémunération ainsi que les frais de déplacement et de séjour de ses membres. Il cite l'arrêt Valente[57] pour soutenir que la sécurité financière consiste essentiellement dans le droit à la rémunération, et non dans le niveau de cette rémunération.
[119 En ce qui concerne le problème tenant aux négociations entre le tribunal et le gouverneur en conseil, l'avocat des défendeurs ACET et SCEP soutient que les principes définis dans Renvoi : Juges de la Cour provinciale[58] ne s'appliquent pas aux tribunaux administratifs. À même supposer que cette jurisprudence soit applicable, dit-il, la possibilité que le tribunal fasse part au gouverneur en conseil de ses préoccupations au sujet du niveau de rémunération n'équivaut pas à des négociations au sens de l'arrêt Renvoi : Juges de la Cour provinciale.
[120 J'estime que le problème relevé par Mme le juge McGillis tenait à ce que le taux était fixé et négocié avec une partie aux litiges dont connaît le tribunal.
[121 Le principe de sécurité financière pose essentiellement que le droit à la rémunération des personnes exerçant des fonctions juridictionnelles soit fixé par un texte de loi et que l'exécutif ne puisse y toucher de quelque façon que ce soit[59].
[122 Dans Alex Couture, la Cour d'appel du Québec devait examiner, entre autres, si la fixation de la rémunération des membres non-juges du Tribunal de la concurrence par le gouverneur en conseil et le mécanisme d'évaluation (c'est-à-dire la politique administrative de fixation des barèmes et des taux de rémunération) empêchaient de conclure à l'indépendance et à l'impartialité de ce tribunal. Elle a conclu qu'il n'en était rien :
La deuxième condition de l'indépendance judiciaire pour les fins de l'al. 11d) de la Charte est la sécurité financière. Cette sécurité consiste essentiellement, selon le juge Le Dain dans l'arrêt Valente, « en ce que le droit au traitement et à la pension soit prévu par la loi et ne soit pas sujet aux ingérences arbitraires de l'exécutif, d'une manière qui pourrait affecter l'indépendance judiciaire » (à la p. 704).
Le juge Le Dain a ajouté que bien qu'il puisse être théoriquement préférable que les traitements des juges soient fixés par le corps législatif, plutôt que par le pouvoir exécutif, et qu'ils grèvent le fonds du revenu consolidé, plutôt que d'exiger une affectation de crédit annuelle, il ne pensait pas que l'une ou l'autre de ces caractéristiques devait être considérée comme essentielle à la sécurité financière qui peut être raisonnablement perçue comme suffisante pour assurer l'indépendance au sens de l'al. 11d) de la Charte (à la p. 706).
La Loi sur le Tribunal de la concurrence prévoit que les membres non-juges reçoivent la rémunération que fixe le gouverneur en conseil. Ils ont droit aux indemnités de déplacement auxquelles un juge a droit aux termes de la Loi sur les juges et sont réputés faire partie de l'administration publique fédérale pour l'application de la Loi sur l'indemnisation des agents de l'État et des règlements en application de l'article 9 de la Loi sur l'aéronautique (article 6).
[¼]
Contrairement à l'opinion du premier juge pour qui la détermination du traitement par le gouverneur en conseil et le mécanisme d'évaluation des membres non-juges constituaient des obstacles à la perception d'indépendance et d'impartialité du Tribunal, il m'apparaît qu'une personne raisonnablement bien informée et renseignée ne saurait sérieusement craindre que les membres non-juges du Tribunal ne jouissent pas, pendant la durée de leur mandat, de la garantie de sécurité financière requise aux fins de l'al. 11d) de la Charte[60].
[123 Il est préférable que la rémunération soit fixée par le législateur plutôt que par le pouvoir exécutif, mais il ne faut pas y voir une condition nécessaire de la sécurité financière. La rémunération peut être fixée par le gouverneur en conseil sans que cela donne lieu à une crainte raisonnable de partialité.
[124 Le vice-président du tribunal a eu raison de conclure que le mode actuel de rémunération des membres du tribunal est acceptable. Comme noté ci-dessus, bien que le niveau d'indépendance requis se situe au haut de l'échelle, il faut faire preuve d'une certaine souplesse dans l'application, à l'égard du tribunal, des principes d'indépendance et d'impartialité institutionnelles[61].
[125 Je conclus qu'une personne raisonnablement bien informée ne saurait sérieusement craindre que le tribunal ne jouisse pas de la garantie requise de sécurité financière.
D. Les mesures disciplinaires et correctives en place à l'égard du vice-président et des membres du tribunal
[126 L'avocat de la demanderesse soutient qu'à la suite de l'introduction des mesures disciplinaires par la récente modification de la Loi, les membres du tribunal veilleront à ne pas contrarier le président dans leurs décisions.
[127 Le vice-président a conclu que le nouveau régime disciplinaire, qui correspond à celui prévu dans la Loi sur les juges[62], ne peut susciter une crainte de partialité. Je trouve cette conclusion fondée.
DÉCISION
[128 Je conclus que le vice-président du tribunal a commis une erreur de droit et a décidé à tort que le tribunal était une entité organiquement indépendante et impartiale, eu égard au pouvoir de la Commission d'émettre des directives qui le lient et au pouvoir du président de prolonger le mandat expiré d'un membre jusqu'à la conclusion de l'affaire dont celui-ci a été saisi en cours de mandat.
[129 Les mesures de redressement recherchées par la demanderesse relèvent de la common law et de l'alinéa 2e) de la Déclaration canadienne des droits.
[130 Dans MacBain c. C.C.D.P.[63], la Cour d'appel fédérale, tout en relevant que la Déclaration canadienne des droits ne prévoyait pas expressément de recours en cas de violation de ses dispositions, a jugé qu'il ne saurait y avoir de droit sans voie de recours. Elle déclaré les dispositions fautives inopérantes à l'égard de la plainte contre l'appelant.
[131 La Cour fait droit au recours en contrôle judiciaire, et annule la décision en date du 26 avril 1999 du vice-président du tribunal. Aucune nouvelle procédure ne sera engagée en l'espèce tant qu'il ne sera pas remédié aux vices relevés par les présents motifs. Chaque partie assumera ses propres frais et dépens.
Danièle Tremblay-Lamer
________________________________
Juge
Ottawa (Ontario),
le 2 novembre 2000
Traduction certifiée conforme
Jacques Deschênes
COUR FÉDÉRALE DU CANADA
SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER No : T-890-99
INTITULÉ DE LA CAUSE : Bell Canada c. Association canadienne des employés de téléphone et autres
LIEU DE L'AUDIENCE : Montréal (Québec)
DATE DE L'AUDIENCE : 25 septembre 2000
MOTIFS DE L'ORDONNANCE PRONONCÉS PAR MME LE JUGE TREMBLAY-LAMER
LE : 2 novembre 2000
ONT COMPARU:
MM. Roy Heenan & Alex Buswell pour la demanderesse
M. Bernard Fishbein pour la défenderesse Association canadienne des employés de téléphone
M. Peter Engelmann pour le défendeur Syndicat canadien des communications, de l'énergie et du papier
Personne n'a comparu pour la défenderesse Femmes Action
MM. René Duval et Philippe Dufresne pour l'intervenante Commission canadienne des droits de la personne
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER:
Heenan Blaikie pour la demanderesse
Montréal (Québec)
Koskie Minsky Toronto (Ontario) |
pour la défenderesse Association canadienne des employés de téléphone |
|
Caroline Engelmann Gottheil Ottawa (Ontario) |
pour le défendeur Syndicat canadien des communications, de l'énergie et du papier |
|
Boivin Payette Montréal (Québec) |
pour la défenderesse Femmes Action |
|
Le Tribunal canadien des droits de la personne Ottawa (Ontario) |
pour l'intervenante Commission canadienne des droits de la personne |
[1] Dossier de la demande de la demanderesse, vol. III, languette 70, Décision no T503/2098 du 26 avril 1999 (CCDP) [ci-après « décision du vice-président du tribunal » ].
[2] L.R.C. (1985), ch. H-6 [ci-après « la Loi » ].
[3] L.R.C. (1985), App. III.
[4] Article 49 de la Loi, modifié par L.R.C. (1985) (1er suppl.), ch. 31, art. 66.
[5] Paragraphe 40(4) de la Loi, modifié par L.R.C. (1985) (1er suppl.), ch. 31, art. 62.
[6] (1998), 143 F.T.R. 81 (C.F. 1re inst.) [ci-après « décision Bell Canada no 1 » ].
[7] Bell Canada s'est désistée par la suite de ce recours, dossier no T-1985-96.
[8] Cahier de la jurisprudence et de la doctrine compilé par la demanderesse, annexe « B » , vol. 1, languette 4 [ci-après « décision Bell Canada no 2 » ].
[9] Cahier de la jurisprudence et de la doctrine compilé par la défenderesse Association canadienne des employés de téléphone, annexes « A » et « B » du mémoire des points de fait et de droit, languette A-4 [ci-après « décision Bell Canada no 3 » ].
[10] Décision Bell Canada no 1, note 6 supra.
[11] [1998] 3 C.F. 244 (C.F. 1re inst.) [ci-après « décision Bell Canada no 4 » ].
[12] [1999] 1 C.F. 113 (C.A.F.) [ci-après « décision Bell Canada no 5 » ].
[13] (8 juillet 1999), Dossier no 27063 (C.S.C.).
[14] Décision du vice-président du tribunal, note 1 supra.
[15] Bell Canada c. Association canadienne des employés de téléphone et al. (1999), 246 N.R. 368, pages 369 et 370.
[16] Voir par exemple Canada (Procureur général) c. Mossop, [1993] 1 R.C.S. 554, page 585 [ci-après Mossop].
[17] Décision Bell Canada no 2, note 8 supra.
[18] Décision Bell Canada no 4, note 11 supra.
[19] Décision Bell Canada no 3, note 9 supra.
[20] Décision Bell Canada no 4, note 11 supra.
[21] Idem.
[22] Décision Bell Canada no 5, note 12 supra.
[23] Décision du vice-président du tribunal, note 1 supra.
[24] J. Sopinka, S.N. Lederman, A.W. Bryant,The Law of Evidence in Canada, 2e éd. (Markham : Butterworths, 1999), page 1078.
[25] Ibid., pages 1084 et 1085.
[26] [1997] 3 R.C.S. 3, pages 77 et 78 [ci-après Renvoi : Juges de la Cour provinciale].
[27] Décision Bell Canada no 4, note 11 supra, page 301.
[28] R. c. Lippé, [1991] 2 R.C.S. 114 [ci-après Lippé].
[29] Ibid., page 140.
[30] [1978] 1 R.C.S. 369.
[31] Ibid., page 394.
[32] R. c. Valente, [1985] 2 R.C.S. 673, page 692 [ci-après Valente]; 2747-3174 Québec Inc. c. Québec (Régie des permis d'alcool), [1996] 3 R.C.S. 919, pages 961 et 962 [ci-après Régie des permis d'alcool du Québec].
[33] Régie des permis d'alcool du Québec, note 32 supra.
[34] Katz. v. Vancouver Stock Exchange(1985), 14 B.C.L.R. (3d) 66 (C.A.C.-B.), confirmé par [1996] 3 R.C.S. 405, page 406 [ci-après Vancouver Stock Exchange].
[35] Canadien Pacifique Ltée c. Bande indienne de Matsqui, [1995] 1 R.C.S. 3 [ci-après Bande indienne de Matsqui].
[36] Vancouver Stock Exchange, note 34 supra.
[37] Régie des permis d'alcool du Québec, note 32 supra.
[38] Insurance Corporation of British Columbia c. Heerspink, [1982] 2 R.C.S. 145.
[39] Décision Bell Canada no 4, note 11 supra, page 305.
[40] P.A. Côté, Interprétation des lois, 2e éd. (Cowansville : Éditions Yvon Blais, 1990), pages 445-448.
[41] Note 28 supra.
[42] (1998), 99 C.L.L.C. ¶ 230-004 (CCDP).
[43] Ibid., 145,028.
[44] L.R.C. (1985), ch. S-22.
[45] (1991) 48 F.T.R. 55, page 58, confirmé (4 décembre 1991), A-921-91 (C.A.F.).
[46] [1996] 3 R.C.S. 854 [ci-après Cooper].
[47] Loi constitutionnelle de 1982, qui constitue l'annexe B de la Loi de 1982 sur le Canada, 1982, ch. 11 (R.-U.).
[48] Mossop, note 16 supra.
[49] Cooper, note 46 supra, page 897.
[50] Décision du vice-président du tribunal, note 1 supra, page 8.
[51] Valente, note 32 supra, page 675.
[52] Lippé, note 28 supra, page 138.
[53] Bande indienne de Matsqui, note 35 supra, page 61.
[54] Article 5 de la Loi sur le Tribunal de la concurrence, L.R.C. (1985) (2e suppl.), ch. 19.
[55] Renvoi : Juges de la Cour provinciale, note 26 supra.
[56] Décision Bell Canada no 4, note 11 supra.
[57] Valente, note 32 supra.
[58] Renvoi : Juges de la Cour provinciale, note 26 supra.
[59] Valente, note 32 supra, page 706.
[60] Alex Couture Inc. c. Canada (Procureur général) (1991), 83 D.L.R. (4th) 577, pages 666-668 (C.A.Q.), demande d'autorisation de pourvoi rejetée, 91 D.L.R. (4th) vii (C.S.C.).
[61] Valente, note 32 supra, page 692; Régie des permis d'alcool du Québec, note 32 supra, pages 961 et 962.
[62] L.R.C. (1985), ch. J-1.
[63] [1985] 1 C.F. 856.