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Date : 20020531

Dossier : IMM-6060-99

OTTAWA (ONTARIO), LE 31 MAI 2002

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE McKEOWN

ENTRE :

                                                        CHING SHIN HENRY WONG

                                                                                                                                                     demandeur

                                                                                   et

                      LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                                      défendeur

                                                                     ORDONNANCE

La demande de contrôle judiciaire est accueillie. La décision de l'agente des visas datée du 18 novembre 1999 est infirmée. L'affaire est renvoyée à un autre agent des visas pour nouvel examen de manière à ce qu'il soit compatible avec les présents motifs.

Aucune question ne sera de certifiée.

                                                                                                                                      « W.P. McKeown »     

                                                                                                                                                                 Juge                  

Traduction certifiée conforme

Martine Guay, LL. L.


Date : 20020531

Dossier : IMM-6060-99

Référence neutre : 2002 CFPI 625

ENTRE :

                                                        CHING SHIN HENRY WONG

                                                                                                                                                     demandeur

                                                                                   et

                      LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                                      défendeur

                                                    MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE McKEOWN

[1]              Le demandeur demande le contrôle judiciaire de la décision qu'a rendue l'agente des visas en date du 18 novembre 1999 selon laquelle la demande de résidence permanente au Canada qu'a déposée le demandeur lui a été refusée.


[2]             La première question que la Cour est appelée à trancher consiste à déterminer si l'agente des visas a commis une erreur en omettant d'évaluer le cas de la fille du demandeur « en fonction de son caractère unique » en rapport avec les services sociaux, conformément au sous-alinéa 19(1)a)(ii) de la Loi sur l'immigration. La deuxième question consiste à déterminer si l'agente des visas a rendu une décision à l'égard de la présente affaire, conformément à l'ordonnance et aux motifs prononcés par la juge Reed dans la cause portant le numéro de dossier IMM-3366-96.

Faits:

[3]                 La fille du demandeur est née en avril 1981 et souffre d'un retard mental qui va de l'état léger à l'état modéré ainsi que du syndrome de Down. Le demandeur a précédemment déposé deux demandes de résidence permanente qui lui ont été refusées. La première demande déposée en mars 1994 a été refusée pour le motif que sa fille était inadmissible du point de vue médical. Le demandeur et sa fille sont arrivés au Canada en octobre 1994 afin que le Dr Ford de Toronto évalue l'état de santé de cette dernière. Il a conclu que la fille du demandeur [Traduction] « n'apparaît pas comme une personne dont les besoins risqueraient d'entraîner un fardeau excessif pour les services sociaux disponibles au Canada » .

[4]                 Le demandeur a de nouveau déposé une demande en décembre 1994 et celle-ci a été refusée en août 1996 parce que, de l'avis de deux médecins agréés, son admission risquait d'entraîner un fardeau excessif pour les services sociaux du Canada.


[5]                 En ce qui concerne la demande de contrôle judiciaire de la décision rendue en août 1996, la juge Reed a admis la demande concluant qu'il y avait eu transgression de l'équité en matière de procédure pour le motif que le demandeur n'avait pas répondu aux questions qui lui avaient été posées concernant l'avis du médecin selon lequel l'admission de sa fille au Canada entraînerait [Traduction] « un fardeau excessif » pour les services sociaux canadiens. La juge Reed stipule au paragraphe 26 que :

Mais ce qui est encore plus important c'est qu'on n'a pas communiqué au requérant des renseignements concernant le fondement sur lequel cet avis a été rendu. Le requérant et son avocat souhaitaient répondre à la conclusion selon laquelle l'admission de la fille du requérant au Canada entraînerait, en raison de son état de santé, un fardeau excessif pour les services sociaux. Pour être en mesure d'une façon logique et intelligente, ils devaient être informés des facteurs considérés comme pertinents. À mon avis, la non-communication des renseignements demandés constitue un manquement aux principes de justice naturelle et aux règles d'équité.

La juge Reed note également qu'en vertu de la Loi sur les services aux personnes atteintes d'un handicap de développement de l'Ontario, les résidents canadiens qui ont les moyens de le faire sont tenus de payer les services sociaux dont ils bénéficient. Elle formule également un commentaire en passant concernant la nécessité de tenir compte de la situation particulière de la personne. Au paragraphe 31, elle indique que :

Comme j'en arrive à cette conclusion, il n'est pas, à strictement parler, nécessaire d'analyser les autres questions soulevées par l'avocat. Toutefois, je note qu'en vertu du sous-alinéa 19(1)a)(ii), c'est l'admission de la personne qui doit être évaluée pour déterminer si un fardeau excessif en découlera. D'après mon interprétation de cette disposition, il faut examiner la situation particulière de cette personne, y compris, en l'espèce, l'offre du requérant d'établir un fonds en fiducie.

L'avocat de l'intimé fait valoir que les circonstances individuelles (particulièrement lorsqu'il s'agit de ressources financières au-dessus de la moyenne) ne doivent pas être prises en compte pour évaluer la non-admissibilité d'une personne pour des raisons médicales parce que nos services médicaux et sociaux sont offerts en s'appuyant sur le principe que toutes les personnes ont également droit à ces services, et que certaines personnes ne peuvent bénéficier d'avantages plus grands dans ces domaines simplement parce qu'elles ont plus de moyens que d'autres. Cet argument a beaucoup de poids. Toutefois, la catégorie en vertu de laquelle la demande du requérant a été approuvée aux fins de la résidence permanente est la catégorie des travailleurs autonomes, c'est-à-dire qu'il a déjà été approuvé à cause de ses ressources financières et de son expérience comme entrepreneur. Il semble donc avoir une incongruité entre le fait d'admettre une personne comme résidente permanente parce qu'elle a d'importantes ressources financières, mais de refuser de tenir compte de ces mêmes ressources pour évaluer l'admissibilité d'une personne à sa charge. Cela est d'autant plus vrai si les résidents canadiens eux mêmes doivent payer pour les mêmes services sociaux s'ils ont les moyens de le faire.

[6]             Le 16 juin 1998, l'agente a écrit à l'avocat du demandeur lui fournissant, par l'entremise de cette lettre, une copie du nouvel avis médical préparé en mai et consigné en juin. Dans cette lettre, elle invite ce dernier àlui répondre dans les trente jours suivant la réception en prenant soin de lui soumettre toute observation, question ou document pertinent qu'il aurait à l'esprit ou en main.

[7]                 Par voie d'une lettre datée du 19 juin 1998, l'avocat du défendeur a de nouveau assuré l'avocat du demandeur que toutes les questions qu'il avait posées concernant la façon dont les médecins agréés étaient parvenus à cette conclusion relativement à la présente affaire seraient acheminées à ces derniers afin qu'ils puissent y répondre avant de parvenir à un avis médical final.

[8]                 En septembre 1998, l'avocat du demandeur a déposé et signifié une requête devant la présente Cour prétendant que le défendeur avait traité l'affaire en violation de l'ordonnance et des motifs prononcés par la juge Reed . De l'avis de la juge Reed, le défendeur n'a commis aucune faute en procédant de nouveau au traitement de l'affaire, mais elle a exigé que les médecins agréés chargés d'émettre un nouvel avis médical répondent à toutes les questions qu'avait précédemment posées l'avocat du demandeur avant le 4 janvier 1999.


[9]                 Par voie d'une lettre datée du 31 décembre 1998, le Dr G. Giovinazzo a fait parvenir à l'avocat du demandeur un document de 16 pages dans lequel il répond à toutes les questions et les préoccupations que ce dernier a soulevées dans toutes les correspondances précédentes destinées à l'agente des visas et aux médecins chargés de la présente affaire. Le Dr Giovinazzo a fourni à Me Rotenberg un aperçu des conditions que présente une déficience mentale et lui a expliqué, dans les moindres détails, les types de services sociaux dont bénéficie habituellement une personne souffrant d'une telle maladie et quelles sont les habiletés dont ils doivent faire preuve en vue d'améliorer l'état de santé de cette personne. Le Dr Giovinazzo aborde ensuite neuf questions et préoccupations particulières qu'a précédemment soulevées Me Rotenberg en veillant à expliquer la façon dont chaque question a été examinée en fonction des faits afférents au propre cas de la fille du demandeur.

[10]            Toutefois, le Dr Giovinazzo n'aborde pas la question concernant les services particuliers pouvant être nécessaires ni la durée du traitement. De même, il ne procède à aucun examen approfondi de la question qui consiste à déterminer quelles sont les probabilités que de tels services soient nécessaires.


[11]          L'avocat du demandeur a ensuite déposé une deuxième requête en avril 1999, prétendant de nouveau que le défendeur avait traité l'affaire en violation de l'ordonnance de la juge Reed. Il a demandé à ce qu'une ordonnance soit prononcée selon laquelle les médecins agréés avaient refusé de tenir compte de la « situation particulière » de la fille du demandeur, et que pour ce motif la Cour devait, en outre, ordonner qu'une décision soit rendue sans tenir compte de la possibilité que la fille du demandeur risquait d'entraîner un fardeau excessif pour les services sociaux canadiens. La juge Reed a rejeté cette requête, stipulant que :

Je ne suis pas convaincue que cette modification peut être accordée. Peut-être bien que le défendeur délivrera une deuxième lettre de refus dans laquelle il adoptera un point de vue identique à celui déjà adopté et que le demandeur jugera de nouveau nécessaire de présenter une demande pour contester la validité de la deuxième décision. Je conviens qu'il s'agit d'une situation malheureuse, mais ce n'est pas rare dans une instance en contrôle judiciaire où la cour de révision n'a pas le pouvoir de substituer sa décision à celle du décideur dont la décision est contestée.

[12]            Après le rejet de la requête, l'avocat du demandeur a rédigé une lettre en date du 6 juillet 1999 adressée au Dr Giovinazzo dans laquelle il indique qu'il envisageait de répondre prochainement à la lettre du médecin datée du 31 décembre 1998.

[13]         Le 13 juillet 1999, l'avocat du demandeur a rédigé une lettre à l'intention de l'agente des visas dans laquelle il formulait la réponse qu'il a fournie à la lettre du Dr Giovinazzo datée du mois de décembre 1998. Il indiquait qu'il n'était pas d'accord avec les réponses qui lui avaient été fournies en rapport avec les questions qu'il avait soulevées et citait des arrêts de la Cour fédérale qu'il privilégiait sur les arrêts de la même Cour auxquels fait référence le Dr Giovinazzo.


[14]         Par voie d'une lettre datée du 18 novembre 1999, l'agente des visas a écrit une lettre à l'avocat du demandeur lui indiquant que les médecins agréés avaient pris connaissance de sa toute dernière lettre, mais qu'ils n'avaient pas modifié leur conclusion qui figurait dans le dernier « avis médical » du mois de juillet 1998. L'agente a procédé à un nouvel examen de la demande du demandeur et a conclu que l'admission de la fille du demandeur au Canada entraînerait un fardeau excessif pour les services sociaux canadiens, rendant ainsi la famille inadmissible en vertu du sous-alinéa 19(1)a)(ii) de la Loi sur l'immigration. Cette décision fait l'objet de la présente demande.

[15]            La lettre de décision stipule que :

[Traduction]

La fille dépendante de M. Wong, Kar Yei, fait partie de la catégorie de personnes inadmissibles, décrite au sous-alinéa 19(1)a)(ii) de la Loi sur l'immigration. Il a été établi que Mme Wong souffrait d'une déficience mentale qui va de l'état léger à l'état modéré et qu'elle pouvait acquérir certaines connaissances. Elle a nécessité des services éducatifs spécialisés par le passé, mais sans que l'on s'attende à de quelconques changements. Bien qu'elle soit en mesure de prendre soin d'elle-même, on estime que la plupart de ses capacités cognitives ne dépassent pas celles d'un enfant de six ans. Il semble que sa déficience fonctionnelle la plus grave soit un problème de communication accompagné d'un retard de langage manifeste. Même si elle est capable d'accomplir de simples tâches dans un environnement contrôlé, elle nécessite un soutien et un certain degréde supervision, et ce, pour une durée indéterminée. Même grâce à une formation professionnelle plus poussée, il est raisonnable de supposer qu'au mieux, les emplois qu'elle occupera et la rémunération qu'elle tirera de ces emplois seront inadéquats pour lui permettre d'atteindre une indépendance économique fonctionnelle. Il est fort probable que le demandeur sera responsable d'une personne à charge pour une durée indéterminée. Si on leur accorde le droit d'établissement, Kar Yei et sa famille nécessiteront probablement divers services de soutien. Ces soutiens pourraient comprendre une aide lui permettant d'acquérir un fonctionnement intellectuel et des aptitudes adaptatives. Il sera notamment nécessaire de lui fournir une formation et un soutien pour qu'elle puisse acquérir des habiletés en communication, une certaine autonomie relative aux activités quotidiennes au foyer, des habiletés pour fonctionner au sein de la collectivité, une autodétermination, des connaissances en matière de santé et de sécurité et un niveau de scolaritéfonctionnel. Elle devra également apprendre à s'adonner à des activités de loisir et à solliciter un emploi. Il est probable que les besoins de Mme Wong à l'égard de ces structures d'aide entraîneront un fardeau excessif pour les services sociaux canadiens, rendant ainsi le demandeur inadmissible en vertu du sous-alinéa 19(1)a)(ii) de la Loi sur l'immigration.


[16]            En décembre 1999, le demandeur a déposé une requête visant à demander à la juge Reed de conclure que l'agente avait omis de respecter l'ordonnance précédente qu'elle avait prononcée. Le 11 janvier 2000, la juge Reed a rejeté la requête indiquant que l'on avait déjà entamé la procédure adéquate pour contester la décision par voie d'une demande de contrôle judiciaire.

Analyse :

[17]            Le sous-alinéa 19(1)a)(ii) de la Loi sur l'immigration est ainsi libellé :


19. (1) Les personnes suivantes appartiennent à une catégorie non admissible_:

a) celles qui souffrent d'une maladie ou d'une invalidité dont la nature, la gravité ou la durée probable sont telles qu'un médecin agréé, dont l'avis est confirmé par au moins un autre médecin agréé, conclut_:

                                 

...

(ii) soit que leur admission entraînerait ou risquerait d'entraîner un fardeau excessif pour les services sociaux ou de santé;

19. (1) No person shall be granted admission who is a member of any of the following classes:

(a) persons, who are suffering from any disease, disorder, disability or other health impairment as a result of the nature, severity or probable duration of which, in the opinion of a medical officer concurred in by at least one other medical officer,

...

(ii) their admission would cause or might reasonably be expected to cause excessive demands on health or social services;            


[18]            Dans l'arrêt Deol c. M.E.I. [1992] 18 Imm. L.R. (2d) 1 (C.A.F.), le juge MacGuigan a soutenu que ce n'est pas le seul fait de la déficience mentale qui est pertinent, mais le degré, et les conséquences probables en découlant lorsqu'il s'agit d'imposer un fardeau excessif aux services gouvernementaux. De même, dans la décision Ismaili c. M.C.I. [1995] 29 Imm. L.R. (2d) 1 (C.F. 1re inst.), le juge Cullen tient compte des services sociaux offerts dans une région particulière du Canada où le demandeur souhaite s'établir. Dans cet arrêt, le juge Cullen stipule également que :


L'agent des visas - tout à fait indépendamment de la décision des médecins agréés - doit considérer si l'état de santé du requérant entraînerait un fardeau excessif pour les services sociaux ou de santé. L'agent des visas, sans mettre en doute l'opinion médicale et le diagnostic, doit considérer tous les éléments de preuve disponibles.

De plus, dans l'arrêt Poste c. M.C.I., [1997] A.C.F. no 1805, le juge Cullen soutient que chaque requérant devrait être évalué en fonction de son « caractère unique » .

[19]         Le demandeur soutient que l'aide à la famille devrait être prise en considération, mais que cela n'a pas été fait dans la présente affaire. Les médecins agréés ont prétendument fondé leur avis uniquement en fonction de l'admissibilité aux services et l'avis médical ainsi que la lettre de refus comportent des libellés tels que « admissible à des services [...] » et « il est probable que [...] nécessite des services [...] » . Le demandeur affirme que sans une demande raisonnable formulée directement en vue d'obtenir une aide familiale et sans avoir énoncé ses intentions vis-à-vis des personnes àsa charge, aucune réponse intelligente ne peut être formulée en ce qui concerne l'observation « il est probable que [...] nécessite des services [...] » . Dans la présente affaire, le demandeur a clairement indiqué que les soins que nécessite sa fille n'impliqueraient aucune participation communautaire.


[20]            À mon avis, le défendeur n'a pas commis d'erreur en omettant de tenir compte de la nécessité de fournir une aide familiale. Le Dr Giovinazzo, dans sa lettre datée du 31 décembre 1998, explique précisément que les médecins avaient été mis au fait de la nécessité de fournir une aide familiale à la fille du demandeur. Cependant, en dépit de cette aide, les médecins étaient d'avis que des services sociaux externes seraient nécessaires afin d'aider la fille du demandeur à acquérir une certaine autonomie et à lui apprendre à interagir avec les autres. Cette lettre indique également clairement que la situation particulière de la fille du demandeur a été prise en considération.

[21]            Les services de santé que peut nécessiter la fille du demandeur ne font pas l'objet d'un litige dans la présente affaire qui m'est soumise. En ce qui concerne les services sociaux, une personne doit être considérée comme admissible, et une telle demande nécessite de déterminer si [Traduction] « le demandeur est en mesure de contribuer en tout ou en partie aux coûts qui en découlent » (Loi sur les services aux personnes ayant une déficience intellectuelle, L.R.O. 1990, c. D.11 et le Règlement général, R.R.O. 1990 Règ. 272.; Loi sur l'éducation, L.R.O. 1990, ch. E2). Par conséquent, il est probable que le demandeur soit tenu de payer pour tous les services requis parce qu'il a les moyens de le faire. Ainsi, leur admission au pays n'entraînera aucun fardeau excessif pour les services sociaux canadiens.


[22]        La jurisprudence est partagée concernant la question de savoir si les avoirs du demandeur doivent être pris en considération en déterminant si son admission risque d'entraîner un fardeau excessif sur les services sociaux. Bien que dans l'arrêt Ching Ho Poon c. M.C.I. [2000] A.C.F. no 1993, le juge Pelletier a affirmé que les avoirs ne constituaient pas un fait pertinent, à mon avis, la meilleure approche est celle qu'a adoptée la juge Reed dans sa décision qu'elle a rendue précédemment relativement à l'affaire Wong lorsque qu'elle affirmait qu'il serait incongru d'admettre une personne comme résidente permanente parce qu'elle a d'importantes ressources financières, mais de refuser de tenir compte de ces mêmes ressources pour évaluer l'admissibilité d'une personne à sa charge. Une telle approche ne pourrait s'appliquer dans le cas de services médicaux, mais elle s'applique à l'égard des services sociaux.

[23]            Le défendeur est d'avis que le demandeur est libre de s'installer dans l'une ou l'autre des régions du Canada et, par conséquent, les services offerts à North York et en Ontario ne devraient pas être pris en considération. Toutefois, je suis d'accord avec le juge Cullen qui, dans l'arrêt Poste, précité, précise au paragraphe 55 que :

Il ne suffit pas qu'un médecin agréé donne une opinion sur ce fardeau en général; l'opinion doit être ancrée fermement sur la situation personnelle de la personne en cause et l'ensemble des circonstances de l'espèce. Celles-ci incluraient le degré de soutien de la famille et son engagement envers la personne, ainsi que les ressources particulières de la collectivité. Lorsqu'une personne risque d'entraîner un fardeau excessif dans un cas, dans un cadre différent, il se peut que la même personne n'entraîne qu'un léger fardeau, voire aucun. Les médecins agréés doivent examiner la situation particulière de la personne en cause. Autrement, il fait abstraction d'une preuve convaincante, et les opinions concernant le fardeau imposé aux services sociaux ne sont plus fondées et ne peuvent être confirmées par la présente Cour.


[24]        Le médecin agréé disposait d'une preuve selon laquelle il n'existait, à North York, aucune pénurie en matière de services offerts aux enfants ayant des besoins particuliers. Lorsque je tiens compte du « caractère unique » de l'enfant en cause, il est clair que sa famille ne placera probablement pas leur fille dans un centre. De plus, en ce qui concerne sa scolarisation, en raison de son âge actuel, le gouvernement de l'Ontario sera, au plus, tenu de lui fournir une éducation pendant seulement une année. Par ailleurs, l'agente des visas chargée de la présente affaire a mentionnéde nombreux services sociaux qui ne figuraient nulle part dans la preuve qui lui a été présentée. La lettre de refus déclarait notamment que [Traduction] « il sera notamment nécessaire de lui fournir une formation et un soutien pour qu'elle puisse acquérir des habiletés en communication, une certaine autonomie relative aux activités quotidiennes au foyer, des habiletés pour fonctionner au sein de la collectivité, une autodétermination, des connaissances en matière de santé et de sécurité et un niveau de scolaritéfonctionnel. Elle devra également apprendre à s'adonner à des activités de loisirs et à solliciter un emploi. » L'agente suppose que de tels services sont disponibles, qu'ils sont offerts gratuitement ou qu'il existe une pénurie de ces services. De même, l'agente a fondé son refus sur une allégation selon laquelle la personne àla charge du demandeur serait admissible à de tels services qui lui seraient offerts sans frais, et ce, en dépit de la disposition de la Loi sur les services aux personnes ayant une déficience intellectuelle et de la Loi sur l'éducation à l'égard d'une contribution découlant de ses parents et de son compte en fiducie. L'agente a également supposé que la fille du demandeur nécessiterait probablement de tels services, même si la preuve révélait que tel ne serait pas le cas.


[25]            À mon avis, le juge Cullen a correctement énoncé le droit à cet égard, et ce, même si les immigrants ont la liberté de choisir leur lieu d'établissement et peuvent par la suite, s'ils le souhaitent, changer de lieu de résidence. Je reconnais également que le gouvernement a tenté, par le passé, d'obtenir des renseignements concernant la disponibilité et les coûts des services dans une région particulière et a constaté qu'il était actuellement impossible d'obtenir ces renseignements ou que ceux-ci n'étaient pas disponibles. Cependant, je ne suis pas d'accord avec le défendeur qui affirme que pour se former une opinion légitime il suffit, en vertu du sous-alinéa 19(1)a)(ii) de la Loi sur l'immigration : a) d'un diagnostic précis et exact de l'état de santé; b) d'une évaluation du type de services nécessaires pour traiter, améliorer ou guérir l'état de santé; c) d'une évaluation visant à déterminer si l'état de santé qui nécessite de tels services risque d'entraîner un fardeau « excessif » ou « supérieur à la normale » sur ces services au Canada.

[26]            Dans la présente affaire, les médecins agréés ont établi un diagnostic de l'état de santé de la fille du demandeur. Ils ont ensuite énoncé un large éventail de services sociaux qui seraient normalement disponibles et avantageux pour elle. Les médecins ont soutenu que les services offerts ne suffiraient pas et que par conséquent, les besoins de la fille du demandeur entraîneraient un fardeau excessif sur ces services. Cependant, la réponse du Dr Giovinazzo et la lettre de décision de l'agente n'indiquent pas que l'on ait tenu compte du type de services particuliers disponibles dans la collectivité où l'appelant a choisi de s'établir. À mon avis, il est important de noter qu'il s'agit ici de services sociaux et non de services médicaux. Au Canada, aucun particulier n'est autorisé à bénéficier de services médicaux privés. Cependant, il n'existe aucune restriction à l'égard des services sociaux, et comme le démontre la Loi sur les services aux personnes ayant une déficience intellectuelle, les résidents canadiens qui ont les moyens de le faire sont tenus de payer les services sociaux dont ils bénéficient. Conséquemment, puisque aucune preuve démontrant que les médecins ou l'agente des visas ont tenu compte des services particuliers disponibles dans la collectivité où le demandeur a choisi de s'établir ne m'a été présentée, il s'agit d'une erreur qui doit faire l'objet d'un nouvel examen.


[27]            À la lumière de la conclusion ci-dessus à laquelle je suis parvenu, il n'est pas nécessaire de tenter d'établir, en examinant la présente affaire dans ses moindres détails, si le nouvel examen de la demande du demandeur a été effectué en conformité avec l'ordonnance et les motifs prononcés par la juge Reed. À mon avis, il n'y a aucune violation du devoir d'agir équitablement. Le défendeur a fourni une réponse très détaillée aux questions qu'a posées le demandeur et a tenu compte de la réponse de ce dernier avant de rendre sa décision finale. Par conséquent, je conclus que le défendeur a respecté l'ordonnance et les motifs de la juge Reed.

[28]            La demande de contrôle judiciaire est accueillie. Quant à la décision de l'agente des visas en date du 18 novembre 1999, elle est annulée. L'affaire est renvoyée à un autre agent des visas pour nouvel examen de manière à ce qu'il soit compatible avec les présents motifs.

[29]            Le demandeur a proposé six questions aux fins de certification. Le défendeur a soutenu qu'aucune de ces questions ne devait être certifiée principalement parce qu'elles sont fondées sur les faits de la présente affaire. À mon avis, dans ces circonstances, aucune question ne fait l'objet d'un intérêt public général et, par conséquent, il n'est pas nécessaire de les certifier.

                                                                                  « W.P. McKeown »     

                                                                                                             Juge                  

  

OTTAWA (ONTARIO)

Le 31 mai 2002

   

Traduction certifiée conforme

Martine Guay, LL. L.


                          COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

                       AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                         IMM-6060-99

INTITULÉ :                                                       Ching Shin Henry Wong c. M.C.I.

LIEU DE L'AUDIENCE :                                Toronto (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :                              Le 30 avril 2002

MOTIFS DE L'AUDIENCE :                        Le juge McKeown

DATE DES MOTIFS :                                     Le 31 mai 2002

   

COMPARUTIONS :

Cecil L. Rotenberg                                                            POUR LE DEMANDEUR

Marie-Louise Wcislo                                                         POUR LE DÉFENDEUR

  

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Cecil L. Rotenberg

Toronto (Ontario)                                                              POUR LE DEMANDEUR

Morris Rosenberg

Sous-procureur général du Canada                                 POUR LE DÉFENDEUR

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