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     Date : 19980908

     Dossier : T-349-98

Entre

     JAMES GORDON RYCROFT,

     demandeur,

     - et -

     LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA,

     défendeur

     MOTIFS DE L'ORDONNANCE

     (texte révisé des motifs prononcés à l'audience

     à Ottawa (Ontario) le mercredi 2 septembre 1998)

Le juge ROTHSTEIN

[1]      Ce recours en contrôle judiciaire porte sur les modifications apportées au processus d'audition des griefs, que prévoient les Ordonnances et règlements royaux applicables aux Forces canadiennes, C.P. 1970-10/11494 (ORFC). En règle générale, une plainte passant par ce processus doit suivre la voie hiérarchique. Si, à chaque palier, le plaignant n'est pas satisfait de la décision, il a le droit de soumettre sa plainte à l'autorité supérieure. Avant le 2 décembre 1994, l'autorité la plus haute était le gouverneur en conseil. À compter du 2 décembre 1994, le recours au gouverneur en conseil a été éliminé et la plus haute autorité est devenue le ministre de la Défense.

[2]      En l'espèce, le demandeur était touché par un plan de réduction des Forces. Bien qu'il eût quitté volontairement les Forces armées en septembre 1994, il estimait que le processus lui déniait à tort certaines prestations s'élevant à quelque 69 000 $ avant impôt. Il a donc déposé une plainte.

[3]      La plainte fut déposée le 12 septembre 1994. Le lendemain, 13 septembre 1994, sachant que la procédure d'audition des griefs devait changer à compter du 2 décembre 1994, le demandeur a demandé que sa plainte fût soumise au gouverneur en conseil. Après avoir été entendue aux paliers successifs de la chaîne de commandement, elle a été finalement rejetée le 22 mai 1996 par le ministre qui, par la même occasion, a refusé de la soumettre au gouverneur en conseil.

[4]      Le défendeur oppose une fin de non-recevoir tirée de la prescription du recours, mais il n'est pas nécessaire que la Cour se prononce là-dessus.

[5]      Le paragraphe 16.29(22) ORFC, entré en vigueur le 2 décembre 1994, prévoit ce qui suit :

     Le présent article n'a pas pour effet de porter atteinte au droit qu'un officier ou militaire du rang pouvait exercer avant le 2 décembre 1994 pour obtenir une décision du gouverneur en conseil, si l'officier ou le militaire du rang a demandé que la plainte soit présentée au gouverneur en conseil avant cette date.         

[6]      Le demandeur soutient que du fait qu'il a demandé avant le 2 décembre 1994 que sa plainte soit soumise au gouverneur en conseil, il a acquis le droit de recours devant ce dernier. Cependant, le paragraphe 19.26(22) doit s'interpréter à la lumière du paragraphe 19.26(6) ORFC daté de septembre 1970, qui était la disposition portant recours devant le gouverneur en conseil et qui a été abrogé à compter du 2 décembre 1994 :

     19.26(6) Si le requérant estime que le chef de l'état-major de la défense ne lui a pas rendu justice, il peut adresser sa réclamation écrite au Ministre, et si le requérant en fait la demande, le Ministre soumettra la réclamation au gouverneur en conseil.         

[7]      Aux termes du paragraphe 19.26(6), le seul moyen pour le plaignant de saisir le gouverneur en conseil était d'en faire la demande au ministre lorsqu'il soumettait sa plainte à ce dernier. C'est cette disposition qui se retrouve en ces termes au paragraphe 19.26(22) ORFC nouveau :

     " si l'officier ou le militaire du rang a demandé que la plainte soit présentée au gouverneur en conseil avant cette date (c.-à-d. le 2 décembre 1994)         

En d'autres termes, un plaignant ne jouit nullement du droit étendu de demander en tout état de cause que sa plainte soit soumise au gouverneur en conseil. Pareille procédure serait à l'inverse du processus d'audition des plaintes par paliers successifs de la chaîne de commandement, que prévoient les ORFC. Ce n'était que conformément au paragraphe 19.26(6) qu'une demande de ce genre pouvait se faire. Selon cette disposition et à condition que ce fût avant le 2 décembre 1994, le moment où le droit de saisir le gouverneur en conseil s'acquérait était celui où le plaignant présentait sa plainte au ministre avec demande qu'elle fût soumise au gouverneur en conseil. En l'espèce, cette demande n'a pas été faite avant le 2 décembre 1994 : le demandeur n'avait donc pas acquis le droit de recours devant le gouverneur en conseil.

[8]      Le demandeur soutient qu'il n'avait aucun pouvoir sur le temps que prenait le processus d'audition du grief et que n'importe quel palier de la chaîne de commandement pouvait différer sa décision au-delà du 2 décembre 1994. Si le demandeur pouvait faire la preuve qu'il y a eu retard de mauvaise foi dans la chaîne de commandement pour lui dénier la saisine du gouverneur en conseil, la Cour pourrait peut-être lui accorder le redressement demandé. Seulement, pareille preuve fait défaut en l'espèce.

[9]      Il y a de nombreux paliers où un plaignant peut se faire entendre et, en 1994, il a été décidé que le gouverneur en conseil ne devrait plus en être un. Le seul fait qu'un grief a été formulé avant le 2 décembre 1994 avec demande qu'il fût soumis au gouverneur en conseil ne signifie pas que le droit de recours devant celui-ci a été acquis au moment de cette demande. Ce droit ne pouvait s'acquérir qu'au moment où le plaignant soumettait sa plainte au ministre, et ce avant le 2 décembre 1994, avec demande qu'elle fût soumise au gouverneur en conseil. En l'espèce, le processus d'audition du grief n'était pas parvenu à ce palier avant le 2 décembre 1994 : il n'y avait donc pas droit acquis de saisine du gouverneur en conseil.

[10]      La Cour déboute le demandeur de son recours en contrôle judiciaire.

     Signé : Marshall E. Rothstein

     ________________________________

     Juge

Ottawa (Ontario),

le 8 septembre 1998

Traduction certifiée conforme,

Laurier Parenteau, LL.L.

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     AVOCATS ET AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER No :              T-349-98

INTITULÉ DE LA CAUSE :      James Gordon Rycroft

                     c.

                     Le procureur général du Canada

DATE DE L'AUDIENCE :      Mercredi 2 septembre 1998

LIEU DE L'AUDIENCE :          Ottawa (Ontario)

MOTIFS DE L'ORDONNANCE PRONONCÉS PAR LE JUGE ROTHSTEIN

LE :                      Mardi 8 septembre 1998

ONT COMPARU :

M. James Gordon Rycroft              pour le demandeur

M. F.B. Woyiwada                  pour le défendeur

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

James Gordon Rycroft              pour le demandeur

Avocat

324, ruelle Kennedy est

Orleans (Ontario)

K1E 3M3

M. Morris Rosenberg              pour le défendeur

Sous-procureur général du Canada

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     Date : 19980908

     Dossier : T-349-98

Entre

     JAMES GORDON RYCROFT,

     demandeur,

     - et -

     LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA,

     défendeur

     MOTIFS DE L'ORDONNANCE


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