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Date : 20010928

Dossier : T-1158-99

Référence neutre : 2001 CFPI 1066

ENTRE :

                                                    ANCHOR BREWING COMPANY

                                                                                                                                              demanderesse

                                                                              - et -

                                   THE SLEEMAN BREWING & MALTING CO. LTD.

                                                                                                                                               défenderesse

                                                    MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE LEMIEUX

INTRODUCTION

[1]         Il s'agit d'un appel interjeté par la demanderesse, Anchor Brewing Company, contre la décision du protonotaire adjoint Peter K. Giles (le protonotaire adjoint), datée du 15 août 2001, qui, sans fournir de motifs écrits, a refusé sa demande de radier la deuxième phrase du paragraphe 19 de la défense et demande reconventionnelle de la défenderesse, sans autorisation de modification.


[2]         La paragraphe 19 de la défense et demande reconventionnelle énonce :

19. [TRADUCTION] Sleeman dénie spécifiquement les allégations du paragraphe 4 de la demande. Aux États-Unis, Anchor est désignée comme la propriétaire de l'enregistrement de la marque de commerce n º 1,206,783 pour STEAM BEER depuis le 31 août 1982. La marque de commerce et le nom commercial du produit sont Anchor et la bière est du type steam. Anchor ne possède pas de renom ou de notoriété auprès des consommateurs des États-Unis ou du Canada et donc aucun achalandage au Canada ou ailleurs en liaison avec son nom Anchor et ses types de bière. [Non souligné dans l'original.]

[3]         Par souci de commodité, le paragraphe 4 de la demande de la demanderesse se lit comme suit :

4) [TRADUCTION] La demanderesse est la propriétaire de la marque de commerce STEAM. Depuis plus de 80 ans, la demanderesse et ses prédécesseurs sont engagés dans la brassiculture et la commercialisation de la bière aux États-Unis en liaison avec la marque de commerce STEAM. Au cours de ces années, la demanderesse s'est assuré des affaires importantes et une réputation auprès des résidents canadiens au moyen de ventes directes aux Canadiens en voyage aux États-Unis et de publicités figurant dans des publications américaines distribuées au Canada. En outre, depuis 1985, la demanderesse fait directement la promotion, la publicité et la vente de sa bière de marque STEAM au Canada.

LE CONTEXTE

[4]         Le 3 novembre 1989, la demanderesse Anchor Brewing Company de San Francisco (Anchor) a obtenu l'enregistrement au Canada de sa marque de commerce STEAM en liaison avec de la bière.


[5]         Le 18 juin 1999, la défenderesse The Sleeman Brewing and Malting Co. Ltd. (Sleeman) a obtenu, sans opposition, l'enregistrement comme marque de commerce canadienne de sa marque SLEEMAN STEAM BEER en liaison avec de la bière, en se désistant de ses droits à l'usage des termes descriptifs « steam » et « beer » .

[6]         Le 23 juin 1999, Anchor a intenté la présente action contre Sleeman pour contrefaçon de sa marque de commerce, substitution frauduleuse et diminution de la valeur de l'achalandage attaché à la marque.

[7]         Avant la signification et le dépôt de sa défense, Sleeman a décidé de procéder par interrogatoire préalable en vertu du paragraphe 236(2) des Règles de la Cour fédérale (1998) (les Règles).

[8]         Au cours de l'interrogatoire préalable, le représentant d'Anchor a refusé de répondre à plusieurs questions et Sleeman a cherché à obtenir une ordonnance de Madame le protonotaire Roza Aronovitch pour l'obliger à fournir des réponses, ce qui a mené à un appel présenté au juge MacKay de la présente Cour. Le 14 septembre 2000, le juge MacKay a rejeté l'appel pour des questions non réglées au cours de l'audience.

[9]         Le 31 mai 2001, Sleeman a déposé sa défense et demande reconventionnelle en faisant valoir diverses défenses, notamment l'invalidité de la marque de commerce canadienne STEAM d'Anchor, du fait que le mot STEAM donne et a toujours donné une description claire de la désignation générique de la nature d'un style, d'une méthode ou d'un procédé brassicole et qu'il n'était donc pas enregistrable.


[10]       De plus, Sleeman allègue qu'Anchor n'a jamais brassé de la « steam beer » au Canada et jamais utilisé les termes « steam » , « Anchor steam » , « beer » ou « Anchor Steam beer » au Canada comme marque de commerce et que la marque de commerce qui fait l'objet de l'enregistrement n'était pas employée au Canada en date du 14 août 1985 ou vers cette date. Sleeman prétend que la marque n'a pas de caractère distinctif et que l'usage, l'adoption et l'enregistrement de la marque par Anchor contreviennent à plusieurs articles de la Loi sur les marques de commerce.

[11]       Au paragraphe 18, Sleeman nie qu'Anchor avait une réputation au Canada en liaison avec la marque de commerce STEAM et déclare qu'Anchor n'a aucun droit ou achalandage au Canada.

[12]       Dans sa demande reconventionnelle, Sleeman cherche à obtenir une ordonnance radiant l'enregistrement de la marque de commerce canadienne d'Anchor en s'appuyant sur les allégations exposées dans sa défense.

[13]       Anchor a alors intenté une requête en radiation, en vertu de la règle 221 des Règles, en vue de faire radier certains actes de procédure de la défense et demande reconventionnelle de Sleeman.


[14]       Comme je l'ai signalé, le protonotaire adjoint a refusé de radier la deuxième phrase du paragraphe 19, qui se lit comme suit :

[TRADUCTION] Aux États-Unis, Anchor est désignée comme la propriétaire de l'enregistrement de la marque de commerce n º 1,206,783 pour STEAM BEER depuis le 31 août 1982.

[15]       Toutefois, le protonotaire adjoint a radié de la défense et demande reconventionnelle de Sleeman, avec autorisation de modification, les mots [TRADUCTION] « aux États-Unis et dans le monde » au paragraphe 16 et les mots [TRADUCTION] « aux États-Unis » et [TRADUCTION] « ou ailleurs » à la dernière phrase du paragraphe 19.

ANALYSE

1)         La norme de contrôle

[16]       Le critère reconnu qui oriente le contrôle judiciaire des décisions discrétionnaires du protonotaire a été énoncé par le juge MacGuigan dans l'arrêt Canada c. Aqua-Gem Investments Ltd., [1993] 2 C.F. 425 à la page 463 :

... le juge saisi de l'appel contre l'ordonnance discrétionnaire d'un protonotaire ne doit pas intervenir sauf dans les deux cas suivants :

a) l'ordonnance est entachée d'erreur flagrante, en ce sens que le protonotaire a exercé son pouvoir discrétionnaire en vertu d'un mauvais principe ou d'une mauvaise appréciation des faits,

b) l'ordonnance porte sur des questions ayant une influence déterminante sur l'issue du principal.


Si l'ordonnance discrétionnaire est manifestement erronée parce que le protonotaire a commis une erreur de droit (concept qui, à mon avis, embrasse aussi la décision discrétionnaire fondée sur un mauvais principe ou sur une mauvaise appréciation des faits) ou si elle porte sur des questions ayant une influence déterminante sur l'issue du principal, le juge saisi du recours doit exercer son propre pouvoir discrétionnaire en reprenant l'affaire depuis le début.

[17]       Il est clair que l'ordonnance du protonotaire adjoint en l'espèce relève de son pouvoir discrétionnaire et je me range à l'opinion de Madame le juge Reed dans l'affaire James River Corp. of Virginia c. Hallmark Cards, Inc. (1997), 126 F.T.R. 1 (C.F. 1re inst.), où elle a déclaré que les ordonnances portant sur la gestion du processus de l'instruction et de l'étape préparatoire à cette dernière, notamment la radiation des actes de procédure, constituent une catégorie d'ordonnances discrétionnaires.

[18]       L'avocat de la demanderesse a reconnu qu'en ne radiant pas la deuxième phrase du paragraphe 19 de la défense et demande reconventionnelle de la défenderesse, le protonotaire adjoint ne rendait pas une décision ayant une influence déterminante sur l'issue de l'instance. Dans ces circonstances, selon l'arrêt Aqua-Gem, portant sur une affaire où le protonotaire avait fourni des motifs écrits, la Cour ne doit pas exercer son pouvoir discrétionnaire de novo mais chercher à établir si le protonotaire adjoint a commis une erreur de droit (en rendant une décision fondée sur un mauvais principe ou sur une fausse appréciation des faits).

[19]       L'avocat de la demanderesse a soulevé la question de savoir comment je serais en mesure d'examiner l'ordonnance du protonotaire adjoint pour établir l'erreur de droit alors que celui-ci n'a fourni aucun motif indiquant le fondement de sa décision.


[20]       L'avocat de la demanderesse a plaidé que, dans les circonstances, je dois exercer mon pouvoir discrétionnaire de novo, en invoquant la décision du juge Nadon dans l'affaire ITT Hartford Life Insurance Co. of Canada c. American International Assurance Life Co. (1997), 79 C.P.R. (3d) 441, où le juge a déclaré à la page 444 :

J'ai déjà dit que le protonotaire adjoint n'a pas fourni de motifs à l'appui de ses ordonnances. Je suis donc d'avis que le présent appel doit être entendu de novo. Je souscris entièrement aux motifs énoncés par le juge Hughes dans l'affaire Richmond c. Canadian National Exhibition Association (1979) 24 O.R. (2d) 781 (H.C.J.) où il dit à la page 782, ce qui suit :

Le protonotaire a rendu une décision qui, normalement, nécessiterait l'exercice de son pouvoir discrétionnaire et qui, en règle générale, ne serait pas susceptible d'appel à moins qu'il n'ait agi illégalement et qu'il n'ait violé les principes applicables et la doctrine. Comme je l'ai déjà fait remarquer à plusieurs reprises, lorsqu'un fonctionnaire judiciaire de cette cour prononce une ordonnance sans fournir de motifs dans une affaire où il doit exercer son pouvoir discrétionnaire, il place la cour d'appel dans une situation où elle n'a pas accès à sa décision et où elle doit donc nécessairement entendre l'affaire de novo.

[21]       L'avocat de la demanderesse a eu le mérite d'attirer mon attention sur deux décisions en sens contraire de la présente Cour, soit les affaires DRG Inc. c. DataFile Ltd. et al. (1987), 16 C.P.R. (3d) 155, et Hayden Manufacturing Co. c. Canplas Industries Ltd. (1998), 86 C.P.R. (3d) 17.


[22]       Dans l'affaire DRG Inc., précitée, le juge McNair traitait d'un appel interjeté contre la décision d'un protonotaire qui, sans motifs écrits, avait refusé d'autoriser la requérante à déposer tardivement un affidavit en réponse à deux affidavits déposés par l'intimée. On a cité au juge l'affaire Richmond, mais il a dû prendre en considération l'argument de l'avocat de l'intimée selon lequel la question ne devait pas faire l'objet d'un contrôle de novo en vertu du principe bien établi qu'une cour d'appel n'écarte pas à la légère une ordonnance d'un tribunal inférieur, à moins qu'il ne soit établi que le tribunal inférieur a donné une fausse interprétation des faits ou procédé selon un principe erroné ou à moins que la cour d'appel soit convaincue que la décision constitue une erreur judiciaire. Il a cité à l'appui l'affaire Teledyne Industries Inc. et al. v. Lido Industrial Products Ltd. (1978), 41 C.P.R. (2d) 60 (C.A. Ont.). Le juge McNair a statué :

J'estime que, malgré l'absence de motifs écrits, le principe dégagé dans l'arrêt Teledyne Industries est celui applicable à l'espèce.

[23]       Dans sa décision, le juge McNair a examiné les moyens d'appel, alléguant que le protonotaire avait commis une erreur de droit en refusant d'accorder l'autorisation de déposer l'affidavit, contrairement à un principe constituant une jurisprudence établie. Le juge est arrivé à la conclusion que le protonotaire adjoint avait commis une erreur en attribuant un poids disproportionné à ce qu'il a jugé être le caractère sommaire de la procédure et en n'accordant pas le poids voulu aux dispositions relatives au pouvoir discrétionnaire dans les Règles, ou en ne leur accordant aucun poids; il était aussi d'avis que le protonotaire adjoint avait en outre interprété faussement le principe formulé dans la jurisprudence applicable.

[24]       Dans l'affaire Hayden Manufacturing, précitée, le juge Wetston a examiné un appel d'une décision du protonotaire adjoint qui avait refusé d'imposer que des réponses soient fournies à certaines questions auxquelles le représentant de la demanderesse avait refusé de répondre. Il a statué au paragraphe 6 :


[6] Le protonotaire adjoint n'a invoqué aucun motif à l'appui de son ordonnance datée du 24 novembre 1998. Cette absence de motifs écrits ne signifie pas automatiquement que la procédure dont la Cour est saisie devrait être instruite par voie d'instruction de novo. Il est évident qu'une ordonnance discrétionnaire d'un protonotaire ne devrait pas être modifiée en appel, sauf si elle est entachée d'erreur flagrante, en ce sens qu'elle reposait sur un mauvais principe ou sur une mauvaise appréciation des faits ou encore qu'elle porte sur des questions ayant une influence déterminante sur l'issue de la cause. Apparemment, ce n'est que lorsque ces ordonnances discrétionnaires sont manifestement erronées, en ce sens que le protonotaire a commis une erreur de droit (y compris l'exercice d'un pouvoir discrétionnaire fondé sur un mauvais principe ou sur une mauvaise appréciation des faits) ou lorsqu'elles portent sur une question ayant une influence déterminante sur la solution des questions en litige dans la cause que la Cour devrait exercer son propre pouvoir discrétionnaire et reprendre l'affaire de novo : Canada c. Aqua-Gem Investments Ltd., [1993] 2 C.F. 425, p. 463).

[Non souligné dans l'original]

[25]       Le juge Wetston a cité en l'approuvant l'interprétation que donne Madame le juge Reed dans l'affaireJames River Corp. of Virginia, précitée, de la décision Aqua-Gem, à savoir que le juge de la présente Cour doit faire preuve de la même retenue à l'égard de la décision du protonotaire que celle qu'exercent les cours d'appel à l'égard des décisions discrétionnaires des juges de première instance. Il a conclu que l'ordonnance attaquée en appel était discrétionnaire et a ajouté au paragraphe 8 de son jugement :

[8] _Je conviens que la pertinence est le critère à appliquer, mais je ne crois pas que l'ordonnance soit discrétionnaire au sens où la Cour doit se demander si le protonotaire a commis une erreur de droit qui l'a empêché d'exercer son pouvoir discrétionnaire en bonne et due forme. Si tel était le cas, la Cour devrait exercer son propre pouvoir discrétionnaire de novo. En d'autres termes, même dans le cas où j'aurais rendu une ordonnance différente, à moins que le protonotaire adjoint n'ait commis d'erreur de la façon décrite ci-dessus, la Cour en l'espèce ne devrait pas intervenir.

[Non souligné dans l'original.]

[26]       Le juge Wetston a rejeté l'appel, n'étant pas convaincu que le protonotaire adjoint avait commis une erreur de droit ou de principe qui l'empêchait d'exercer son pouvoir discrétionnaire en bonne et due forme et, par conséquent, a refusé d'exercer son pouvoir discrétionnaire de novo. Il a toutefois reconnu que s'il avait statué de novo, sa décision aurait pu être différente de celle du protonotaire adjoint.


[27]       L'avocat de la demanderesse a présenté plusieurs affaires ontariennes qui illustraient, a-t-il plaidé, le principe directeur applicable en Ontario aux appels contre une ordonnance du protonotaire, qui est celui énoncé par le juge Hughes dans l'affaire Richmond, précitée. La jurisprudence présentée démontre, à mon avis, une approche plus souple et je me référerai ici à trois de ces décisions . Machado v. Pratt and Whitney Canada Inc. (1992), 17 C.P.C. (3d) 189 (Div. gén. Ont.), Swan (Committee of) v. Stroud (1993), 12 O.R. (3d) 378 (Div. gén. Ont.) et Meneses v. Da-Silva (1997), 37 O.R. (3d) 499 (Div. gén. Ont.).

[28]       Dans l'affaire Machado, précitée, le juge MacDonald se penchait sur un appel d'une ordonnance du protonotaire autorisant l'enregistrement sur bande vidéo du témoignage de la déposition d'un témoin potentiel de sorte qu'il soit disponible lors de l'instruction. Le protonotaire n'avait pas movité sa décision. On a renvoyé le juge MacDonald à l'affaire Richmond, précitée, et il a décidé au paragraphe 5 :

[5] [TRADUCTION] À mon avis, ces décisions ne s'appliquent qu'aux affaires où le protonotaire a exercé son pouvoir discrétionnaire d'une manière qui n'est pas évidente pour la cour d'appel. En l'espèce, la nature de l'ordonnance et la preuve établissent de quelle façon le protonotaire a exercé son pouvoir discrétionnaire. Très simplement, il a accepté une preuve non contestée comme satisfaisant à la règle. Comme le protonotaire a exercé son pouvoir discrétionnaire d'une manière qui est manifeste, il n'est pas nécessaire de procéder de novo. Les motifs écrits ne sont pas exigés dans les requêtes simples et peu complexes. Soutenir le contraire serait transformer la forme en substance et rendre la substance secondaire.                  [Non souligné dans l'original.]

Le juge MacDonald a déclaré que le critère à appliquer était de savoir si le protonotaire avait exercé son pouvoir discrétionnaire d'une manière manifestement erronée. Il a conclu que le protonotaire avait correctement exercé son pouvoir discrétionnaire eu égard à la règle appropriée et aux faits sur lesquels se fondait l'ordonnance.


[29]       Dans l'affaire Swan (Committee of), précitée, le juge Anderson examinait en appel une ordonnance du protonotaire, non motivée, visant un interrogatoire préalable de 180 questions. Le juge Anderson s'est penché sur l'inscription du protonotaire et sur l'ordonnance qu'il a prononcée et est arrivé à la conclusion que les deux [TRADUCTION] « révèlent à l'évidence que le protonotaire a accordé une attention soigneuse et minutieuse aux questions dont il était saisi » . Il a dit qu'il peut se trouver des cas où une question ou une piste d'enquête au cours d'un interrogatoire préalable peuvent se révéler en fin de compte cruciaux pour le sort de l'action, mais qu'à son avis ces cas sont très rares. Il a ensuite tenu le raisonnement suivant aux paragraphes 7 et 9 :

[7] [TRADUCTION] Pour cette seule raison, j'estime que la Cour devrait hésiter à infirmer une ordonnance du protonotaire sur ces questions. Il faut également prendre en compte un autre point d'ordre purement pratique. J'ai résumé la nature de la requête présentée au protonotaire en l'espèce. Exiger du protonotaire qu'il donne des motifs écrits de sa décision au sujet de chaque question serait exiger un degré de perfection qu'il n'est peut-être pas possible d'atteindre en ce monde imparfait... . J'ai déjà fait remarquer que les notes de son inscription et de son ordonnance ne laissent subsister aucun doute sur l'attention soigneuse et minutieuse qu'il a accordée aux questions soulevées devant lui. Je suis disposé à conclure que sa décision au sujet de ces questions relève de l'exercice de son pouvoir discrétionnaire, n'était aucunement saugrenue ou arbitraire, et devrait être laissée telle quelle à moins que quelque chose dans ses effets n'ait été manifestement erroné. Je ne compte pas traiter l'affaire de novo.

                                                                           . . .

[9] J'ai étudié les questions examinées et les décisions rendues par le protonotaire. Dans la plupart des cas, je partage ses conclusions. Dans certains cas, j'aurais peut -être défini les domaines de manière plus étroite qu'il ne l'a fait, mais je ne juge pas approprié d'intervenir. Dans les cas qui suivent et pour les raisons que j'indique, je suis d'avis que la conclusion du protonotaire était erronée.                                                                               [Non souligné dans l'original.]


[30]       Dans l'affaire Menenes, précitée, le juge Chapnik a examiné une ordonnance du protonotaire exigeant du demandeur dans une action en dommages pour lésions corporelles qu'il signifie un calcul de sa demande relative à une perte de revenu antérieure. Il a conclu que la production d'un tableau des pertes de revenu était plutôt une question de droit qu'une question relevant du pouvoir discrétionnaire, mais il a ajouté que s'il s'agissait d'une question discrétionnaire et que le pouvoir discrétionnaire du protonotaire avait été exercé d'une manière manifeste pour la cour d'appel, même en l'absence de motifs écrits, il pouvait ne pas être nécessaire de procéder de novo.

[31]       La revue de la jurisprudence, à laquelle je souscris, établit qu'une ordonnance non motivée du protonotaire ne donne pas lieu d'office à une audience de novo dans un appel interjeté auprès d'un juge de la présente Cour.

[32]       Il n'est pas justifié d'intervenir de novo lorsque l'examen de l'ensemble des circonstances, notamment la nature de l'ordonnance prononcée, la preuve produite devant le protonotaire et le fait que l'exercice du pouvoir discrétionnaire porte essentiellement ou non sur l'appréciation de principes juridiques, établit raisonnablement la manière dont le protonotaire a exercé son pouvoir discrétionnaire.


[33]       La question dont était saisi le protonotaire adjoint était de savoir s'il devait exercer son pouvoir discrétionnaire en radiant la deuxième phrase du paragraphe 19 de la défense et demande reconventionnelle de la défenderesse. Le principe qu'il devait appliquer était de déterminer s'il était clair et manifeste que les actes de procédure ne révélaient aucune cause d'action ou étaient frivoles ou redondants. Les observations à sa disposition pour orienter l'exercice de son pouvoir discrétionnaire étaient fondamentalement d'ordre juridique, soit l'examen de la jurisprudence sur l'effet d'un enregistrement d'une marque de commerce étrangère sur les droits de marque de commerce de la demanderesse au Canada, l'interprétation des actes de procédure et l'interprétation de l'ordonnance du juge MacKay. De plus, dans l'ordonnance qu'il a prononcée, le protonotaire adjoint a refusé la partie de la requête de la demanderesse qui demandait la radiation des actes de procédure sans autorisation de les modifier, ce qui indique qu'il n'était pas convaincu que la demanderesse avait satisfait à la norme exigeante régissant la radiation d'actes de procédure.

[34]       Compte tenu de l'ensemble de ces facteurs, je conclus que je peux raisonnablement comprendre la façon dont le protonotaire adjoint a exercé son pouvoir discrétionnaire. Il n'était pas convaincu que le critère du caractère clair et manifeste avait été rempli, que la phrase en question n'était pas pertinente et que l'affaire avait été tranchée par le juge MacKay. Dans les circonstances, il n'est pas approprié de réexaminer l'exercice du pouvoir discrétionnaire du protonotaire adjoint de novo; la demanderesse/appelante doit me convaincre que le protonotaire adjoint, dans l'exercice de son pouvoir discrétionnaire, a commis une erreur manifeste ou donné une mauvaise interprétation des faits.

2)         Conclusions


[35]       La demanderesse a d'abord soutenu que le refus du protonotaire adjoint d'autoriser la radiation faisait fi de la jurisprudence établie voulant que l'enregistrement d'une marque de commerce aux États-Unis ne soulève aucun défense raisonnable et est sans effet sur son action au Canada, qui est fondée sur les droits de marque de commerce au Canada.

[36]       L'argument n'emporte pas ma conviction. La phrase qu'on cherche à faire radier est une simple déclaration de fait et constitue, jointe aux autres phrases du paragraphe 19, une réponse à la prétention de la demanderesse au sujet de la marque de commerce STEAM qu'elle possède au Canada et à l'achalandage qu'elle prétend associé à cette marque de commerce au Canada. L'avocat de Sleeman souligne la jurisprudence établissant que l'emploi d'une marque de commerce aux États-Unis peut donner lieu à un achalandage au Canada et est pertinent à l'égard du caractère distinctif de la marque. Il fait valoir que la deuxième phrase du paragraphe 19 de la défense et demande reconventionnelle de Sleeman vise à illustrer l'emploi différent de la marque de commerce aux États-Unis (et par conséquent au Canada, toute la bière d'Anchor vendue au Canada étant importée des États-Unis), ce qui diffère de l'enregistrement au Canada. Dans les circonstances, je n'estime pas, à l'égard de ce motif d'opposition, que le protonotaire a exercé son pouvoir discrétionnaire de manière manifestement erronée.


[37]       La demanderesse a ensuite plaidé que le protonotaire adjoint a commis une erreur en jugeant que la deuxième phrase du paragraphe 19 était pertinente, sur le fondement de la désicion du juge MacKay. L'avocat de Sleeman a rétorqué que la décision du juge MacKay avait été rendue dans un contexte entièrement différent, soit celui d'ordonner la production de réponses au cours d'un interrogatoire préalable avant le dépôt par Sleeman de sa défense et demande reconventionnelle. J'accepte cette observation et je note que le juge MacKay a conclu qu'il n'était pas persuadé que les questions en litige étaient pertinentes par rapport aux faits et aux questions avancés dans la demande. Je note également, comme l'ont fait à la fois le protonotaire Aronovitch et le juge MacKay, que les questions contestées dans l'affaire visaient les activités de la demanderesse en matière de demande, d'enregistrement, de litige et d'application de la loi en matière de marques de commerce aux États-Unis, et non pas la simple déclaration de la date à laquelle Anchor avait obtenu son enregistrement aux États-Unis et l'objet visé par l'enregistrement.

[38]       Enfin, la demanderesse a soutenu que le protonotaire adjoint n'était pas cohérent quand il a refusé la radiation de la deuxième phrase du paragraphe 19, tout en radiant les mots [TRADUCTION] « aux États-Unis » et [TRADUCTION] « ou ailleurs » dans d'autres phrases de ce paragraphe. Cet argument n'a pas de valeur car il fait abstraction du contexte de la phrase où figurent les termes radiés. Manifestement, ce qui gênait le protonotaire, était que ces mots visaient la réputation ou la notoriété d'Anchor aux États-Unis ou ailleurs, notamment au Canada, mais il a donné l'autorisation de les modifier. Encore ici, je ne puis conclure que le protonotaire adjoint était manifestement dans l'erreur ou qu'il a interprété faussement les faits et je ne trouve aucune incohérence dans sa décision.


DÉCISION

[39]       Pour l'ensemble des motifs qui précèdent, l'appel est rejeté avec dépens, sans égard à l'issue de la cause.

                                                                                                                                      « François Lemieux »       

                                                                                                                                                                                                               

                                                                                                                                                                 Juge                    

OTTAWA (ONTARIO)

28 SEPTEMBRE 2001

Traduction certifiée conforme

Martine Guay, LL. L.


Date : 20010928

Dossier : T-1158-99

OTTAWA (ONTARIO), LE VENDREDI 28 SEPTEMBRE 2001

En présence de : MONSIEUR LE JUGE LEMIEUX

ENTRE :

                                                    ANCHOR BREWING COMPANY

                                                                                                                                              demanderesse

                                                                              - et -

                                   THE SLEEMAN BREWING & MALTING CO. LTD.

                                                                                                                                               défenderesse

                                                                     ORDONNANCE

Pour les motifs énoncés, l'appel est rejeté avec dépens, sans égard à l'issue de la cause.

« François Lemieux »    

                                                                                                                                                                                                                                    

Juge                          

Traduction certifiée conforme

Martine Guay, LL. L.


                                                    COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                                               SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

                                                 AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                            T-1158-99

INTITULÉ :                                          ANCHOR BREWING COMPANY c.

THE SLEEMAN BREWING & MALTING CO. LTD.

LIEU DE L'AUDIENCE :                   OTTAWA

DATE DE L'AUDIENCE :                 LE 11 SEPTEMBRE 2001

MOTIFS DE L'ORDONNANCE DU JUGE LEMIEUX

DATE DES MOTIFS :                        LE 28 SEPTEMBRE 2001

COMPARUTIONS :

ELLIOTT SIMCOE                                             POUR LA DEMANDERESSE

KENNETH McKAY                                           POUR LA DÉFENDERESSE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

SMART & BIGGAR                                           POUR LA DEMANDERESSE

OTTAWA

SIM, HUGUES, ASHTON & McKAY            POUR LA DÉFENDERESSE

TORONTO

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