Date : 19981110
Dossier : IMM-1649-98
OTTAWA (ONTARIO), LE MARDI 10 NOVEMBRE 1998
EN PRÉSENCE DE MADAME LE JUGE McGILLIS
ENTRE :
SERGEY KUZMICH,
demandeur
(intimé),
- et -
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,
défendeur
(requérant).
ORDONNANCE
La requête est accueillie. L'affidavit en date du 8 octobre 1998 du demandeur est radié et son avis de requête en date du 28 octobre 1998 est rejeté. Les dépens de la requête, soit 2 000 $, sont adjugés au défendeur sur une base procureur-client et sont payables sans délai par le demandeur en tout état de cause.
D. McGillis
Juge
Traduction certifiée conforme
Marie Descombes, LL.L.
Date : 19981110
Dossier : IMM-1649-98
ENTRE :
SERGEY KUZMICH,
demandeur
(intimé),
- et -
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,
défendeur
(requérant).
MOTIFS DE L'ORDONNANCE
[Prononcés à l'audience à Ottawa (Ontario)
le mardi 10 novembre 1998]
LE JUGE McGILLIS
[1] Le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration (le ministre) a présenté une requête fondée sur la règle 97d) des Règles de la Cour fédérale (1998) afin d'obtenir une ordonnance portant rejet de l'avis de requête en date du 28 octobre 1998 du demandeur parce que celui-ci ne s'est pas conformé à une assignation à comparaître pour subir un contre-interrogatoire concernant son affidavit. Subsidiairement, le ministre a demandé la radiation de l'affidavit du demandeur en vertu de la règle 97c).
[2] Le 9 avril 1998, le demandeur a présenté une demande d'autorisation et demande de contrôle judiciaire relativement à la décision par laquelle un agent d'immigration a rejeté sa demande de droit d'établissement comme immigrant visé par une mesure de renvoi à exécution différée au motif qu'il était non admissible au Canada pour des raisons d'ordre criminel. Le demandeur a fait l'objet d'une mesure d'expulsion qui devait être exécutée le 21 mai 1998.
[3] Le 21 mai 1998, le juge Cullen a rejeté la demande de sursis à l'exécution de la mesure d'expulsion prise contre le demandeur et a également refusé d'accorder à ce dernier une prorogation de délai pour finaliser sa demande d'autorisation et demande de contrôle judiciaire. Le même jour, le demandeur s'est enfui du Canada pour éviter d'être expulsé et est entré aux États-Unis illégalement.
[4] Le 29 juillet 1998, le juge Gibson a rejeté la demande d'autorisation et demande de contrôle judiciaire du demandeur parce que celui-ci ne l'avait pas finalisée.
[5] Le 8 octobre 1998, le demandeur est entré au Canada d'une manière ou d'une autre, et s'est rendu au bureau de son avocat pour signer un affidavit au soutien d'un avis de requête visant à obtenir une ordonnance portant, entre autres choses, réexamen de l'ordonnance du juge Gibson et prorogation du délai accordé pour finaliser sa demande d'autorisation et demande de contrôle judiciaire.
[6] Le 11 octobre 1998, le demandeur, sa fiancée et deux autres personnes ont quitté Ottawa dans l'intention d'entrer aux États-Unis en traversant la frontière au pont Ivy Lea près de Gananoque (Ontario). À la frontière, l'une des personnes a menti au douanier américain en déclarant qu'ils avaient tous la citoyenneté canadienne. Le demandeur a présenté de faux papiers d'identité et a faussement déclaré au douanier américain qu'il avait la citoyenneté canadienne. Le douanier a découvert que la fiancée du demandeur et les deux autres personnes n'étaient pas des citoyens canadiens, mais des immigrants reçus au Canada. Il les a tous retenus pour les interroger, mais le demandeur s'est enfui du bureau de douane. Il a séjourné à Montréal pendant quelques jours et a pris d'autres mesures pour quitter le Canada et entrer illégalement aux États-Unis. Vers le 20 octobre 1998, le demandeur a téléphoné à sa fiancée et a déclaré qu'il était à New York.
[7] Le 28 octobre 1998, l'avocat du demandeur a déposé auprès de la Cour l'avis de requête en réexamen et l'affidavit à l'appui signé par le demandeur le 8 octobre 1998.
[8] Le 30 octobre 1998, l'avocat du ministre a signifié à l'avocat du demandeur une assignation à comparaître précisant que le demandeur devait comparaître le 3 novembre 1998 pour subir un contre-interrogatoire concernant son affidavit.
[9] Par voie de lettre en date du 30 octobre 1998, l'avocat du demandeur a écrit à l'avocat du ministre pour l'aviser notamment de ceci :
[traduction] Le 8 octobre 1998, M. Kuzmich s'est présenté à mon bureau pour signer son affidavit. Je crois savoir que, quelque temps après, il est parti pour les États-Unis et a, en fait, été arrêté à la frontière par les autorités américaines de l'Immigration qui l'ont retourné au Canada. Pendant qu'il se trouvait dans les bureaux d'Immigration Canada, il s'est enfui et a ensuite réussi à retourner aux États-Unis. |
[10] L'avocat du ministre a répondu par lettre le même jour en déclarant, entre autres choses, qu'il [traduction] " [...] se rendrait là ou se trouve un examinateur officiel aux États-Unis dans le but de procéder à l'interrogatoire ".
[11] Le 2 novembre 1998, l'avocat du demandeur a informé l'avocat du ministre que le demandeur était disposé à se rendre au consulat canadien à New York pour être contre-interrogé relativement à son affidavit. Il l'a fait en ces termes :
[traduction] M. Kuzmich est disposé à se rendre au consulat canadien à New York pour que vous-même ou votre représentant l'interrogiez concernant son affidavit aux bureaux du consulat canadien, à condition que le consulat et vous-même vous engagiez à ne divulguer à personne sa présence à New York, en particulier aux autorités américaines. Dans la présente lettre, " autorités américaines " désigne un fonctionnaire ou un mandataire du gouvernement américain, du gouvernement de l'État de New York, de la ville de New York ou de ses " boroughs ". |
[12] Dans ses observations orales et écrites, l'avocat du ministre a prétendu que la requête et l'affidavit du demandeur devraient être radiés au motif que le demandeur avait refusé d'accéder à des demandes raisonnables de contre-interrogatoire. Je suis de cet avis. Selon moi, la condition imposée par le demandeur, soit que le ministre et le consulat s'engagent à ne pas divulguer la présence illégale du demandeur aux États-Unis, est manifestement déraisonnable et abusive. En fait, il est scandaleux que le demandeur ait prétendu imposer au gouvernement du Canada la " condition " qu'il l'aide à dissimuler sa présence illégale aux États-Unis, surtout quand on sait qu'il s'est enfui du Canada pour ne pas être expulsé légalement de ce pays après que cette Cour eut tenu une audience sur cette question précise. À mon avis, l'imposition de la " condition " par laquelle il prétendait obliger le ministre et le consulat à s'engager à ne pas divulguer sa présence aux États-Unis constitue un refus de comparaître pour subir un contre-interrogatoire concernant son affidavit. En conséquence, j'ai décidé, dans le cadre de l'exercice de mon pouvoir discrétionnaire, que l'affidavit en date du 8 octobre 1998 du demandeur devrait être radié en vertu de la règle 97c ). Compte tenu de toutes les circonstances, j'ai également décidé, dans le cadre de l'exercice de mon pouvoir discrétionnaire, de rejeter l'avis de requête en date du 28 octobre 1998 du demandeur en vertu de la règle 97d).
[13] La requête est accueillie. L'affidavit en date du 8 octobre 1998 du demandeur est radié et son avis de requête en date du 28 octobre 1998 est rejeté.
[14] L'avocat du ministre a demandé à la Cour d'attribuer les dépens sur une base procureur-client, vu la conduite répréhensible du demandeur. Je conviens que la conduite du demandeur est scandaleuse. Dans les circonstances, j'ai décidé qu'il serait opportun d'attribuer les dépens sur une base procureur-client. [Voir Young c. Young, [1993] 4 R.C.S. 3, à la p. 134.] Les dépens de la requête, soit 2 000 $, sont attribués au défendeur sur une base procureur-client et sont payables sans délai par le demandeur en tout état de cause.
D. McGillis
Juge
OTTAWA
Le 10 novembre 1998
Traduction certifiée conforme
Marie Descombes, LL.L.
COUR FÉDÉRALE DU CANADA
SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE
NOMS DES AVOCATS ET AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
NUMÉRO DU DOSSIER DE LA COUR : IMM-1649-98
INTITULÉ : Sergey Kuzmich c. Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration |
LIEU DE L'AUDIENCE : Ottawa (Ontario) |
DATE DE L'AUDIENCE : Le mardi 10 novembre 1998 |
MOTIFS DE L'ORDONNANCE DE MADAME LE JUGE McGILLIS
EN DATE DU : 10 novembre 1998 |
COMPARUTIONS :
Emilio S. Binavince POUR LE DEMANDEUR
R. Jeff Anderson POUR LE DÉFENDEUR
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Binavince Smith POUR LE DEMANDEUR
Ottawa (Ontario)
Morris Rosenburg POUR LE DÉFENDEUR
Sous-procureur général
du Canada