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Date : 20000731

Dossier : T-1381-99

ENTRE :

ACCPAC INTERNATIONAL, INC.,

demanderesse,

- et -

SOFTRAK SYSTEMS, INC.,

défenderesse.

        MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

LE PROTONOTAIRE LAFRENIÈRE

[1] Il s'agit d'une requête présentée par la défenderesse pour qu'il soit ordonné à la demanderesse de lui payer sans délai ses dépens établis à un montant de 75 000 $ relativement à la requête en injonction interlocutoire de la demanderesse qui a été abandonnée le 11 février 2000. Subsidiairement, la défenderesse demande la taxation de ses dépens sur une base avocat-client.

HISTORIQUE


[2] Le 30 juillet 1999, suite à l'échec des négociations en vue de régler un litige lié à la contrefaçon de ses produits, la demanderesse a intenté une action pour qu'il soit enjoint à la défenderesse de ne plus produire sa suite de logiciels de comptabilité « Adagio » . Un des motifs allégués par la demanderesse à l'appui de sa demande d'injonction était que la présentation et le comportement du produit de la défenderesse violent le droit d'auteur attaché à son logiciel de comptabilité.

[3] La déclaration ainsi que la requête en injonction interlocutoire ont été signifiées à la défenderesse à Vancouver le 3 août 1999. La requête devait être présentée six jours plus tard à Toronto.

[4] Le 5 août 1999, la défenderesse a cherché à obtenir le consentement de la demanderesse pour que soit ajournée à deux semaines la requête suivant des conditions à convenir. Il appert que les parties ont été incapables de s'entendre puisqu'elles ont subséquemment comparu devant le juge Lemieux le 9 août 1999 pour plaider sur l'ajournement. Dans l'intervalle, l'avocat de la défenderesse à Vancouver et ses avocats à Toronto ont consacré beaucoup de temps et de ressources à l'examen des actes de procédure de la demanderesse, à la rédaction d'une réponse et à la préparation à l'audition de la requête.


[5]         La demanderesse a prétendu devant le juge des requêtes que les parties avaient convenu de conditions spécifiques pour l'ajournement. Ce que la défenderesse a contesté. Comme condition d'un ajournement, la demanderesse a sollicité une injonction interlocutoire provisoire interdisant le lancement et la promotion du logiciel de la défenderesse, mais le juge Lemieux a rejeté le recours. Il a ajourné la requête, a établi un calendrier pour la signification des affidavits et les contre-interrogatoires et a ordonné aux parties de produire leurs dossiers de requête pour le 10 septembre.

[6]         Suite à l'ajournement, la demanderesse a échangé d'autres documents et a mené des contre-interrogatoires détaillés à Vancouver. En septembre 1999, la Cour a fixé l'audition de la requête interlocutoire aux 21 et 22 février 2000. La demanderesse a « complètement » abandonné sa requête le 11 février 2000, approximativement une semaine avant l'audience. La défenderesse a par la suite présenté la présente requête pour faire taxer ses dépens.

POSITION DES PARTIES


[7]         La défenderesse soutient qu'en présentant son recours en injonction provisoire et interlocutoire la demanderesse lui a fait encourir des dépenses substantielles et inutiles. La défenderesse prétend que la demanderesse a agi de mauvaise foi en faisant signifier la déclaration et l'avis de requête à l'adresse enregistrée de la société alors qu'elle connaissait fort bien l'adresse de sa place d'affaires. Il est aussi suspect que la signification de la requête se soit faite lors des vacances du président causant beaucoup d'émoi. Elle soutient de plus que la preuve par affidavit de M. Goossen à l'appui de la requête en injonction de la demanderesse a été obtenue de mauvaise foi. Ayant à tous égards eu gain de cause en contestant la requête, la défenderesse prétend qu'elle est en droit d'obtenir une indemnisation complète de ses frais sur une base avocat-client.   

[8]         La demanderesse fait valoir que l'abandon d'une requête ne signifie pas nécessairement qu'elle n'était pas fondée. De plus, elle soutient que le désistement ou le règlement des instances devrait être encouragé plutôt que découragé. La demanderesse conteste la taxation des dépens sur une base avocat-client qui, prétend-elle, devrait être restreinte à des circonstances rares et exceptionnelles. De plus, elle conteste le caractère raisonnable de certains frais et déboursés réclamés par la défenderesse dans son projet de mémoire de dépens. La demanderesse reconnaît tout de même que la défenderesse a eu gain de cause sur la requête et que des dépens devraient lui être accordés pour un montant fixe ne dépassant pas 20 000$.

ANALYSE

[9]         La règle 402 des Règles de la Cour fédérale (1998) prévoit que, sauf ordonnance contraire de la Cour ou entente entre les parties, la partie contre laquelle une requête a été abandonnée a droit aux dépens sans délai. La règle 400 énumère les facteurs dont la Cour peut tenir compte lorsqu'elle se prononce sur la question des dépens. Ceux-ci comprennent le résultat de l'instance, l'importance et la complexité des actes de procédure, toute offre écrite de règlement, la charge de travail et la question de savoir si une mesure prise était inappropriée, vexatoire ou inutile.


[10]       Comme je l'ai mentionné précédemment, la demanderesse ne conteste pas que la défenderesse a eu gain de cause sur la requête. Les activités que voulait empêcher la demanderesse représentaient la principale activité commerciale de la défenderesse et sa seule source de revenu depuis 1984. Si elle avait été accordée, l'injonction interlocutoire aurait tué l'entreprise de la défenderesse. En réalité, elle aurait donné beaucoup de poids aux prétentions de la demanderesse dans l'instance.

[11]       Même si l'avis de requête de la demanderesse accordait un délai plus long que le délai prévu à la règle 364(3) des Règles de la Cour fédérale (1998), cet avis était relativement court au vu des questions difficiles et complexes de fait et de droit soulevées. Cela a obligé la défenderesse à engager d'importants frais judiciaires pour rassembler en toute hâte ses éléments de preuve en défense.

[12]       La décision de présenter la procédure à Toronto plutôt qu'à Vancouver a également augmenté substantiellement les coûts de la défenderesse. Un avocat de Vancouver, M. Szibbo, a dû être engagé immédiatement pour conseiller la défenderesse et pour retenir les services d'un avocat à Toronto. Il a fallu repérer les documents pertinents, retenir les services d'un témoin expert, mener des entrevues et confectionner des affidavits. Comme tous les témoins des deux parties résident dans la région de Vancouver, la défenderesse a également dû payer des frais de déplacement à l'avocat de Toronto.


[13]       La demanderesse prétend que les frais de la défenderesse engagés en rapport avec la requête de la demanderesse ne l'ont pas été inutilement puisque la défenderesse a consacré du temps à l'étude de l'allégation de violation du droit d'auteur et à préparer une défense à l'action. De même, les documents produits par la défenderesse en réponse à la requête en injonction ont servi à élaborer et déposer une plainte contre la demanderesse en Californie. Je ne peux souscrire à ces prétentions.

[14]       Je constate premièrement que le projet détaillé de mémoire de dépens soumis par la défenderesse se limite aux frais d'avocat liés à la préparation de l'audience de la requête et à la comparution à cette audience. On n'y retrouve aucune travail lié à la rédaction de la défense. Deuxièmement, les questions soulevées par une requête en injonction interlocutoire sont différentes de celles liées à un procès. Une demande d'injonction traite principalement de questions de préjudice irréparable et de prépondérance des inconvénients alors que ces questions ne sont pas soulevées lors d'un procès. Même si la défenderesse peut tirer profit de la recherche et de la préparation effectuées par rapport à la requête, elle ne pouvait pas ne pas engager de frais judiciaires suite à l'action de la demanderesse. De toute façon, la défenderesse ne pourrait pas être indemnisée en double si elle avait gain de cause lors du procès.


[15]       La demanderesse soutient qu'il ne serait pas approprié d'accorder un mémoire de dépens payable sans délai. Je considère toutefois que la demanderesse n'a pas réfuté la présomption énoncée à la règle 402. Comme je l'ai mentionné précédemment, les questions liées à la requête abandonnée ne sont pas les mêmes que celles liées au procès.

[16]       Dans l'affaire AIC Ltd. c. Infinity Investment Counsel Ltd. et al. [1], le juge Rothstein (tel était alors son titre) a reconnu que le droit applicable aux dépens évoluait et qu'il était logique d'accorder des dépens sur une requête sans égard au résultat du procès. Il a cité et approuvé les motifs suivants du juge Henry dans Apotex Inc. v. Egis Pharmaceuticals [2]:

[TRADUCTION] La question objet de la requête est une affaire distincte - c'est celle de savoir s'il y a lieu d'accorder une injonction interlocutoire. L'instruction ne porte pas sur ce point et la décision prise au regard de la requête n'entrave pas le juge du procès. Le juge des requêtes s'occupe uniquement de déterminer si la demanderesse (en l'espèce) a une revendication ou un droit que la Cour devrait protéger jusqu'au moment de l'instruction (la question de fond) et si, pour des considérations de justice ou de commodité, le choix du redressement (une injonction) devrait, dans les circonstances, être accordépar un tribunal d'equity. Je suis d'avis qu'il s'agit en l'occurrence d'une question distincte à laquelle la règle 57.03 peut s'appliquer tout comme la politique judiciaire précitée. C'est particulièrement le cas lorsque le redressement est accordéou refusésans égard à l'issue de l'instruction car, dans la plupart des cas, les questions en litige seront instruites à la lumière d'éléments de preuve bonifiés et sur la crédibilitéde témoignages contradictoires.


[17]       Une injonction est un remède extraordinaire que l'on doit utiliser prudemment et avec modération. Si la demanderesse avait obtenu une injonction, elle aurait bénéficié immédiatement d'un remède. La défenderesse ne devrait pas être tenue d'attendre pour recouvrer ses dépens raisonnables sur la vaine requête de la demanderesse.

[18]       La défenderesse a dû faire face à des dépenses considérables pour préparer la requête en injonction interlocutoire et s'y défendre. La demanderesse ne conteste pas vraiment la quantité de travail accompli mais s'oppose au nombre d'avocats occupant et à certains déboursés réclamés. Je conviens que la demanderesse ne devrait pas être tenue de payer toutes les dépenses mais seulement celles qui ont raisonnablement étéengagées.

[19]       Je suis d'avis que les dépens devraient être taxés à un montant fixe fondé en gros sur le mémoire de dépens de la défenderesse. Les dépens de M. MacFarlane seront tous accordés sur la base avocat-client. J'accorderai la moitiédes dépens de Mme Pallotta sauf pour l'examen initial que j'accorderai en entier. J'accorderai également en entier les dépens de M. Szibbo pour l'examen initial. La moitié des dépens liés au stagiaire et à ltudiant en droit sera accordée. Les déboursés seront accordés à l'exception de certaines déductions que la défenderesse a concédé à juste titre ne pouvoir réclamer.

[20]       Pour ces motifs, je suis disposé à accorder à la défenderesse des dépens raisonnables sur une base avocat-client, payables sans délai.


ORDONNANCE

[21]       La demanderesse paiera sans délai à la défenderesse ses dépens, sur une base avocat-client, à lgard de la requête en injonction interlocutoire abandonnée au montant de 89 550 $ (soit 65 000 $ pour le frais, 20 000 $ pour les déboursés et 4 550 $ pour la taxe sur les produits et services payable sur les frais).

[22]       La demanderesse paiera sans délai à la défenderesse les dépens entre parties de la présente requête établis au montant de 3 700 $ (soit 3 000 $ pour les frais et 700 $ pour les déboursés).

Roger R. Lafrenière

                                                                                       Protonotaire                  

Toronto (Ontario)

31 juillet 2000

Traduction certifiée conforme

Daniel Dupras


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                                 Avocats et avocats inscrits au dossier

DOSSIER :                                         T-1381-99

INTITULÉ DE LA CAUSE : ACCPAC INTERNATIONAL, INC.

- et -

SOFTRAK SYSTEMS, INC.

DATE DE L'AUDIENCE :                 LE LUNDI 5 JUIN 2000 ET

LE LUNDI 19 JUIN 2000

LIEU DE L'AUDIENCE :                   TORONTO (ONTARIO)

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                        LE PROTONOTAIRE LAFRENIÈRE

EN DATE DU :                                   LUNDI 31 JUILLET 2000

ONT COMPARU :                            Rod Hinton

Pour la demanderesse, le 5 juin 2000

Robert MacFarlane

Pour la défenderesse, le 5 juin 2000

Rod Hinton

Pour la demanderesse, le 19 juin 2000

Jennifer McKenzie

Pour la défenderesse, le 19 juin 2000

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER    :

Bereskin & Parr

Barristers & Solicitors

Case postale 401, Suite 4000

40, rue King Ouest


Toronto (Ontario)

M5H 3Y2

Pour la défenderesse

Roderic Hinton

Barrister & Solicitor

2100-25, rue King Ouest

Case postale 254

Succ. Commerce Court

Toronto (Ontario)

M5L 1G3                                                         

Pour la demanderesse


COUR FÉDÉRALE CANADA

                            Date : 20000731

                                                                                               Dossier : T-1381-99

ENTRE :

ACCPAC INTERNATIONAL, INC.

Demanderesse

- et -

SOFTRAK SYSTEMS, INC.

Défenderesse

                                                         

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE

                                                         



     [1] (1998), 148 F.T.R. 240, à la page 242 (1re inst.)

     [2] (1990), 32 C.O.R. 559 (Div. Gén. Ont.) à la page 571


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