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Date : 20190404


Dossier : T‑1739‑18

Référence : 2019 CF 406

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 4 avril 2019

En présence de monsieur le juge Lafrenière

ENTRE :

ISCADA INC. (AUPARAVANT CONNUE SOUS LE NOM DE 1783107 ALBERTA INC.)

demanderesse

et

AVENTUM IP LAW LLP (AUPARAVANT CONNUE SOUS LE NOM DE SHAPIRO COHEN LLP)

défenderesse

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]  La Cour est saisie d’un appel interjeté par la demanderesse, Iscada Inc. — auparavant connue sous le nom de 1783107 Alberta Inc. —, conformément à l’article 56 de la Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, c T‑13 (la Loi), à l’encontre d’une décision, datée du 1er août 2018 (la décision), par laquelle le registraire des marques de commerce (le registraire) a ordonné que le numéro d’enregistrement LMC836,235 (l’enregistrement) pour la marque de commerce iSCADA (la marque) soit radié du registre des marques de commerce, conformément au paragraphe 45(4) de la Loi.

I.  Contexte factuel

[2]  La demanderesse est la propriétaire actuelle de l’enregistrement du mot standard servant de marque, « iSCADA », concernant des terminaux à distance SCADA (les produits) ainsi que l’offre d’utilisation de logiciels Web SCADA pour l’industrie de l’exploitation de puits de pétrole et de gaz, permettant : la consultation, la collecte, la communication, l'importation et l'exportation de données, la compilation de statistiques et la préparation de rapports sur les tendances en matière de production, l'envoi de courriels d'alerte et d'avis, le dépannage technique et la commande à distance de l'équipement des clients ainsi que la connexion à distance à cet équipement, toutes les marchandises susmentionnées pour utilisation sur des systèmes de clients SCADA sécurisés et infonuagiques (les services).

[3]  Le 23 mars 2018, le registraire a envoyé à la demanderesse un avis dans lequel il lui demandait de fournir la preuve de son emploi de la marque au Canada en liaison avec les produits et les services visés pendant la période pertinente du 23 mars 2015 au 23 mars 2018 (la période pertinente). Pour des raisons inconnues, la demanderesse n’a pas reçu l’avis; elle ne savait donc pas qu’elle était tenue de présenter la preuve demandée avant la date limite du 23 juin 2018.

[4]  La demanderesse a pris connaissance de l’avis seulement une fois le délai expiré et après que le registraire a eu rendu sa décision de radier la marque du registre.

[5]  Le 28 septembre 2018, la demanderesse a interjeté le présent appel en vue d’obtenir une ordonnance annulant la décision du registraire.

[6]  Le 25 octobre 2018, la demanderesse a signifié à la défenderesse son affidavit à l’appui de l’appel. Par la suite, la défenderesse a confirmé par écrit qu’elle n’avait pas l’intention de déposer d’éléments de preuve, qu’elle ne participerait plus à la procédure et qu’elle ne prendrait pas position sur les questions soulevées dans l’avis de demande.

II.  Faits nouveaux en appel

[7]  Dans l’affaire Austin Nichols & Co., Inc. c Cinnabon Inc., [1998] 4 CF 569, 82 CPR (3d) 513 (CA), aux paragraphes 11 et 13, la Cour d’appel fédérale a déclaré que le fait qu’un propriétaire inscrit ne soumette pas d’éléments de preuve au registraire après avoir été avisé de la procédure en vertu de l’article 45 de la Loi ne l’empêche pas de le faire dans le cadre de son appel fondé sur l’article 56. De plus, dans l’affaire Baxter International Inc. c P.T. Kalbe Farma TBK, 2007 CF 439, au paragraphe 13, le juge Yvon Pinard a estimé que la Cour pouvait accepter de nouveaux éléments de preuve, et ce, même si l’avis prévu à l’article 45 avait été envoyé à la bonne adresse et que la demanderesse n’avait néanmoins pas présenté d’éléments de preuve au registraire. Je conclus donc que la demanderesse a le droit de produire de nouveaux éléments de preuve en appel, et que la Cour a le pouvoir discrétionnaire de les examiner.

[8]  Selon l’article 45 de la Loi, le propriétaire inscrit de la marque de commerce doit démontrer que celle‑ci a été employée au Canada en liaison avec chacun des produits et des services précisés dans l’enregistrement à un moment quelconque au cours de la période de trois ans précédant immédiatement la date de l’avis. Il est bien établi en droit que le fardeau imposé à l’inscrivant par l’article 45 n’est pas lourd. Ce dernier n’a qu’à fournir une preuve prima facie de l’emploi de la marque comme le prévoient les paragraphes 4(1) et 4(2) de la Loi. Toutefois, il doit fournir suffisamment de faits à l’appui pour que le registraire — ou la Cour, en l’espèce — puisse conclure que la marque de commerce a été employée en liaison avec les produits et les services enregistrés pendant la période pertinente.

[9]  Pour tirer sa propre conclusion, la Cour doit substituer sa propre opinion à celle du registraire sans toutefois devoir trouver une erreur dans le raisonnement de ce dernier : Berlucchi c Prince, 2007 CF 245, au paragraphe 24. En d’autres termes, la Cour doit trancher la question sur le fond en se fondant sur les éléments de preuve dont elle dispose : Maison Cousin (1980) inc. c Cousins Submarines inc., 2006 CAF 409, au paragraphe 7.

III.  La preuve de la demanderesse

[10]  La demanderesse a fourni comme preuve d’emploi de la marque un affidavit souscrit le 23 octobre 2018 par l’un de ses administrateurs, M. Ian Martin. Celui-ci n’a pas été contre‑interrogé, et sa preuve n’a pas été contredite. Étant donné que les faits allégués dans l’affidavit sont cohérents, uniformes et largement corroborés par la documentation, je conclus que l’ensemble de la preuve présentée par M. Martin est crédible et digne de foi.

[11]  Dans son affidavit, M. Martin a déclaré que, depuis qu’elle a acquis l’enregistrement, le 10 décembre 2013, la demanderesse a employé sans interruption la marque au Canada en liaison avec les produits et les services visés. Il a allégué que, pendant la période pertinente, la demanderesse avait mis la marque bien en évidence dans l’annonce et l’exécution de ses services, comme suit :

  • 1) Iscada a employé la marque dans l’annonce de ses services, sur son site Web, à l’adresse https://www.iscada.ca (le site Web de la demanderesse);

  • 2) Iscada a employé la marque pour annoncer ses services sur les cartes professionnelles de ses différents vendeurs et autres employés;

  • 3) Iscada a apposé la marque sur un panneau adjacent à la porte d’entrée de son principal lieu d’affaires;

  • 4) Iscada a apposé la marque sur des documents promotionnels, y compris sur des brochures et des dépliants;

  • 5) Iscada a apposé la marque sur des vêtements, y compris sur des chemises (i) qui étaient fournies à des clients potentiels, à de nouveaux clients et à des clients réguliers, et (ii) qui étaient portées par les employés pendant leur prestation des services.

  • 6) Iscada affiche la marque à l’écran ou sur le moniteur lorsque ses clients utilisent ses logiciels Web SCADA pour l’industrie de l’exploitation de puits de pétrole et de gaz, et qu’ils établissent des connexions à distance pour contrôler leurs installations et accéder à leurs systèmes SCADA sécurisés et infonuagiques.

[12]  Monsieur Martin a fourni des éléments de preuve supplémentaires démontrant l’emploi récent de la marque; toutefois, ces éléments de preuve n’ont pas été pris en compte, puisqu’ils ne se rapportent pas à la période pertinente.

[13]  Monsieur Martin a déclaré que la marque de la demanderesse avait été apposée sur les produits (terminaux à distance SCADA, qui comprennent des modems, des terminaux d’ordinateur et du matériel de communication connexe) ayant été vendus à des clients au Canada pendant la période pertinente. Des autocollants et des étiquettes préfabriqués sur lesquels figure la marque ont été apposés sur ces produits.

IV.  Analyse

[14]  La preuve déposée par la demanderesse est plus que suffisante pour permettre à la Cour de conclure que la marque a été employée au Canada par la demanderesse dans le cours normal de ses activités pendant la période pertinente, et ce, en liaison avec tous les produits et services visés par l’enregistrement.

[15]  En ce qui concerne les produits, la preuve établit clairement que la marque est apposée sur les produits eux‑mêmes (au moyen d’autocollants et d’étiquettes) avant leur vente et leur distribution aux clients de la demanderesse, et qu’elle demeure sur les produits après leur installation chez les clients.

[16]  Quant aux services, la preuve démontre aussi clairement que la marque est employée ou affichée dans l’exécution ou l’annonce de ces services, par exemple sur le site Web de la demanderesse.

[17]  De plus, la demanderesse a démontré qu’elle a enregistré un chiffre d’affaires de 486 786,83 $ pour les produits et de 785 170,70 $ pour les services au cours de la période pertinente.

[18]  Enfin, la demanderesse a prouvé que, pendant la période pertinente, elle a produit pour ses différents clients au moins 1 364 factures sur lesquelles figurait la marque.

[19]  Compte tenu de ce qui précède, je suis convaincu que la demanderesse a employé la marque au Canada en liaison avec les produits et les services précisés dans l’enregistrement pendant la période pertinente. Par conséquent, il y a lieu d’annuler la décision du registraire.

[20]  La demanderesse sollicite le remboursement de ses dépens dans la procédure en se fondant sur une décision récente de madame la juge Catherine Kane dans l’affaire Hi‑Star Franchise Systems, Inc. c Stemp & Company, 2019 CF 222 [Hi‑Star]. Dans cette affaire, la juge Kane a accordé des dépens à la demanderesse même si la défenderesse ne s’était pas opposée à la demande en fin de compte. Je conviens que la Cour peut adjuger des dépens à un demandeur qui a eu gain de cause, malgré l’absence d’opposition de la part du défendeur. Toutefois, le demandeur doit d’abord établir que les frais ont été engagés en raison de la conduite du défendeur. Les faits en l’espèce se distinguent de ceux de l’affaire Hi‑Star. Dans cette affaire, la défenderesse a indiqué qu’elle ne s’opposerait pas à l’appel, mais elle l’a fait seulement après que la demanderesse a déployé beaucoup d’efforts pour poursuivre l’appel. En l’espèce, la demanderesse n’avait d’autre choix que d’interjeter appel de la décision du registraire et de produire une preuve par affidavit afin de conserver sa marque. Et la défenderesse a retiré son opposition à l’appel immédiatement après s’être vu signifier l’affidavit de la demanderesse. Dans les circonstances, je conclus qu’aucuns dépens ne devraient être adjugés.


JUGEMENT DANS LE DOSSIER T‑1739‑18

LA COUR STATUE que :

  1. La décision, datée du 1er août 2018, par laquelle le registraire indiquait que l’enregistrement de la marque (iSCADA) serait radié, est annulée.

  2. Le numéro d’enregistrement LMC863,235 doit être maintenu dans le registre des marques de commerce pour la totalité des produits et services précisés dans l’enregistrement.

  3. Aucuns dépens ne sont adjugés.

« Roger R. Lafrenière »

Juge

Traduction certifiée conforme

Ce 30e jour d’avril 2019.

Karine Lambert, traductrice


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T‑1739‑18

 

INTITULÉ :

ISCADA INC. (AUPARAVANT CONNUE SOUS LE NOM DE 1783107 ALBERTA INC.) c AVENTUM IP LAW LLP (AUPARAVANT CONNUE SOUS LE NOM DE SHAPIRO COHEN LLP)

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Calgary (Alberta)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 2 AVRIL 2019

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JuGE LAFRENIÈRE

 

DATE DES MOTIFS :

LE 4 AVRIL 2019

 

COMPARUTIONS :

Sander Gelsing

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

Aucune comparution

 

POUR LA Défenderesse

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Warren Sinclair LLP

Red Deer (Alberta)

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

Aventum IP Law LLP

Ottawa (Ontario)

 

POUR LA Défenderesse

 

 

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