Date : 20190115
Dossier : T-1315-18
Référence : 2019 CF 53
[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]
St. John’s (Terre‑Neuve‑et‑Labrador), le 15 janvier 2019
En présence de madame la juge Heneghan
ENTRE :
|
CHRIS HUGHES
|
demandeur
|
et
|
COMMISSION CANADIENNE DES DROITS DE LA PERSONNE
|
Commission
|
et
|
TRANSPORTS CANADA
|
défendeur
|
ORDONNANCE ET MOTIFS
INTRODUCTION
[1]
Au moyen d’un avis de requête daté du 7 décembre 2018, M. Chris Hughes (le « demandeur »
) sollicite les mesures suivantes :
[TRADUCTION]
1. Une ordonnance d’exécution fondée sur l’article 24.1 [sic] de la Charte des droits enjoignant à Transports Canada d’exécuter sans délai l’ordonnance de réparation du Tribunal canadien des droits de la personne, car sa transgression continue de l’ordonnance du tribunal constitue une violation de la primauté du droit et des droits garantis au demandeur par les articles 7 et 15 de la Charte.
2. Les parties 1 à 4, 7, 9 et 10 de l’ordonnance de réparation ne sont pas contestées et, selon un calcul simple, une somme de 375 618 $ doit être payée sans délai par le ministre des Finances ou, subsidiairement, par le ministre de Transports Canada.
3. Une ordonnance selon laquelle les parties 5, 6, 8 et 11 de l’ordonnance de réparation nécessitent des calculs devant être effectués dans un délai de 45 jours avec l’aide d’un actuaire payé par le défendeur. Il est nécessaire d’engager un actuaire pour calculer les montants complexes du régime des pensions, les majorations aux fins de l’impôt sur le revenu et les intérêts.
4. Une ordonnance enjoignant au ministre des Finances et/ou au ministre de Transports Canada de fournir à la Cour la preuve du paiement de 375 618 $, énoncé au point 2, dans un délai d’une semaine à partir de la présente ordonnance.
5. Une ordonnance enjoignant au ministre de Transports Canada de fournir à la Cour une preuve que les autres parties de l’ordonnance de réparation ont été exécutées ou sont en cours d’exécution dans un délai de 45 jours.
6. Une ordonnance prévoyant que la présente instance soit instruite par téléconférence, car le demandeur est fauché.
7. Une ordonnance enjoignant au défendeur d’embaucher le demandeur sans délai, de l’ajouter à son effectif et de le mettre en « congé sans solde », jusqu’à ce que l’enquête relative à sa cote de sécurité au niveau très secret soit terminée, et de le réintégrer dans ses fonctions. Une ordonnance enjoignant au défendeur de s’assurer que le demandeur bénéficie sans délai d’une couverture aux régimes dentaire et médical offerte à tous les autres employés du gouvernement fédéral.
8. Une ordonnance permettant au demandeur de livrer un témoignage sous serment ou par affirmation solennelle, par téléconférence, afin de confirmer les faits qui sont survenus après la souscription de l’affidavit le 8 août 2018 et qui figurent dans le dossier de requête. Il en est ainsi parce que le demandeur est fauché, destitué, et n’est pas en mesure d’assumer les frais d’un second affidavit.
9. Une ordonnance d’adjudication des dépens.
I.
LE CONTEXTE
[2]
Le demandeur se représente seul. Il a introduit la présente instance le 9 juillet 2018, dans le but de faire enregistrer, en tant que jugement, conformément aux Règles des Cours fédérales, DORS/98-106 (les « Règles »
), une décision rendue en sa faveur par un tribunal constitué au titre de la Loi canadienne sur les droits de la personne, LRC 1985, c H‑6 (la « Loi »
). La décision, rendue le 1er juin 2018, portait sur une plainte déposée par le demandeur le 27 janvier 2008, dans laquelle il avançait que des employés et agents de Transports Canada (« le défendeur »
) avaient fait preuve de discrimination en milieu de travail à son endroit.
[3]
Une conclusion portant qu’il y a eu discrimination a été tirée en faveur du demandeur. Vu la demande de contrôle judiciaire présentée par le défendeur, la décision relative à la détermination de la responsabilité a été annulée, et l’affaire a été renvoyée pour qu’un autre décideur rende une nouvelle décision; voir la décision Canada (Procureur général) c Hughes, 2015 CF 1302.
[4]
L’appel interjeté par le demandeur a été accueilli, et la première décision a été rétablie par la Cour d’appel fédérale dans un arrêt rendu le 8 novembre 2016; voir l’arrêt Hughes c Canada (Procureur général) (2016), 41 CCEL (4th) 231 (CAF).
[5]
Le 3 juillet 2018, le défendeur a présenté une demande de contrôle judiciaire visant la décision sur les dommages‑intérêts, dans l’affaire T-1286-18. Le jour même, le demandeur a déposé sa propre demande de contrôle judiciaire visant la décision sur les dommages‑intérêts, soit l’affaire T-1293-18. L’instruction des deux demandes de contrôle judiciaire est fixée au 6 février 2019.
[6]
Au moyen d’une lettre datée du 13 décembre 2018, l’avocate du défendeur s’est opposée à l’apparente contestation du demandeur de la validité de certains articles des Règles, sur le plan constitutionnel, puisqu’aucun avis n’a été signifié, comme l’exige l’article 57 de la Loi sur les Cours fédérales, LRC 1985, c F-7.
[7]
À la demande de l’avocate du défendeur, une conférence de gestion de l’instance a eu lieu le 12 décembre 2018. Subséquemment, par une lettre datée du 13 décembre 2018, le demandeur a avisé qu’il retirait sa contestation, sur le plan constitutionnel, de certains articles des Règles, mais qu’il allait de l’avant avec la présente requête, au motif qu’il sollicite une mesure au titre du paragraphe 24(1) de la Charte canadienne des droits et libertés, partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, constituant l’annexe B de la Loi de 1982 sur le Canada, 1982 (R‑U), c 11 (la « Charte »
).
[8]
La requête du demandeur a été instruite le jeudi 20 décembre 2018, lors d’une audience spéciale de la Cour à Victoria, en Colombie‑Britannique.
[9]
Dès le début de cette audience‑là, l’avocate du défendeur s’est à nouveau opposée à la possibilité offerte au demandeur de présenter des arguments concernant la constitutionnalité des Règles. Le demandeur a répété qu’il ne présentait pas une telle contestation, mais a soutenu que le défaut du défendeur de lui verser des dommages‑intérêts par suite de la décision prononcée en sa faveur équivalait à une violation des droits qui lui sont garantis par les articles 7 et 15 de la Charte.
II.
LA PREUVE
[10]
Le demandeur a sollicité et obtenu l’autorisation de se fonder sur les affidavits qu’il avait déposés dans des instances antérieures, soit l’affidavit du 8 août 2018, déposé dans l’affaire T‑1315-18, et l’affidavit du 3 octobre 2018, déposé dans l’affaire T-1292-18.
[11]
Pour sa part, le défendeur a déposé les affidavits d’Abigail Bergen, daté du 14 décembre 2018, de Christina Quon, daté du 13 décembre 2018 et de Tracey Sametz, daté du 11 décembre 2018.
[12]
Dans son affidavit du 8 août 2018 déposé dans l’affaire T-1315-18, le demandeur énonce les sommes qui lui seraient dues au titre de la décision sur les dommages‑intérêts.
[13]
Dans son affidavit du 3 octobre 2018 déposé dans l’affaire T-1292-18, le demandeur souligne les mesures qu’il a prises pour obtenir le paiement des dommages‑intérêts, notamment les lettres envoyées au ministre des Transports. Il a déclaré qu’il vit [traduction] « une détresse financière extrême »
et qu’il est sans emploi depuis l’été 2014.
[14]
Comme je l’ai déjà dit, le défendeur a déposé trois affidavits. Mme Bergen est une assistante juridique qui travaille au ministère de la Justice du Canada, l’avocat du défendeur. Les pièces jointes à son affidavit comprennent diverses lettres écrites pour le compte du demandeur et des réponses de l’avocate du ministère de la Justice.
[15]
Mme Quon est aussi une assistante juridique qui travaille au ministère de la Justice du Canada. Les pièces contenues dans son affidavit consistent en grande partie en des actes de procédure et des ordonnances dans les affaires T‑1286‑18, T‑1293‑18 et T‑636‑18. Le demandeur est partie aux trois instances.
[16]
Mme Quon a aussi joint, en guise de pièce, un exemplaire de la directive du Conseil du Trésor intitulée « Ligne directrice sur les réclamations et paiements à titre gracieux »
du gouvernement du Canada.
[17]
Mme Sametz est la directrice générale de la Direction générale des ressources humaines de Transports Canada. Dans son affidavit, elle a parlé des exigences en matière de sécurité pour le poste pour lequel le demandeur sollicite une nomination, en conformité avec la décision sur les dommages‑intérêts rendue par le Tribunal.
III.
LES OBSERVATIONS
[18]
Un résumé des arguments des parties est énoncé ci-dessous, et il renvoie aux questions principales abordées lors de l’instruction de la requête.
[19]
Le demandeur fait valoir qu’il ne conteste pas la validité, sur le plan constitutionnel, des articles 424 et 474 des Règles ni celle de l’article 30 de la Loi sur la responsabilité civile de l’État et le contentieux administratif, LRC 1985, c C‑50. Au contraire, il soutient que dans la mesure où le défendeur s’appuie sur ces dispositions pour refuser l’exécution de la décision sur les dommages‑intérêts, ce refus équivaut à une violation des droits qui lui sont garantis par les articles 7 et 15 de la Charte.
[20]
Se fondant sur les affidavits déposés à l’appui de sa requête, le demandeur avance que le défaut du défendeur de payer ne serait-ce qu’une partie des dommages‑intérêts a des conséquences sur sa santé mentale et physique. Il déclare qu’il a des pensées suicidaires et fait valoir que lorsque les actions de l’État mènent au risque de suicide, une violation de l’article 7 est donc établie.
[21]
Se fondant sur la conclusion de discrimination tirée par le Tribunal, le demandeur plaide que le fait que le défendeur ne paye pas les dommages‑intérêts constitue également une violation de ses droits garantis à l’article 15 de la Charte.
[22]
Le demandeur avance que, comme il ne soulève aucune question relative à la constitutionnalité, il n’a pas l’obligation de signifier l’avis de question constitutionnelle exigé par l’article 57 de la Loi sur les Cours fédérales, LRC 1985, c F‑7.
[23]
Le demandeur fait ensuite valoir qu’une fois qu’il a enregistré la décision sur les dommages‑intérêts à la Cour fédérale, conformément à l’article 424 des Règles, cette décision devient un jugement de la Cour et, en l’absence d’un sursis à l’exécution, la décision doit être exécutée.
[24]
Le demandeur soutient que, comme le défendeur n’a pas payé, en partie ou en entier, les dommages‑intérêts qui lui ont été accordés, il contrevient à une ordonnance licite et, par conséquent, il commet un outrage à la Cour.
[25]
Le demandeur soutient en outre que comme le défendeur n’a pas interjeté appel de la décision sur les dommages‑intérêts, il n’est pas obligé de se conformer à l’article 474 des Règles. Le demandeur avance qu’une demande de contrôle judiciaire n’est pas un « appel »
au sens des Règles, et il renvoie ainsi à la définition d’« appel »
énoncée à l’article 2 des Règles.
[26]
Le demandeur fait valoir qu’en sollicitant le paiement partiel des dommages‑intérêts et une nomination à un poste de catégorie inférieure au sein de la fonction publique, dans l’attente du résultat du processus d’obtention de sa cote de sécurité exigée pour le poste d’analyste de renseignements maritimes, comme cela a été ordonné dans la décision sur les dommages-intérêts, il ne tente pas de modifier ladite décision. Au contraire, il cherche à obtenir un revenu et les moyens financiers de subvenir à ses besoins.
[27]
Le défendeur est d’avis que le demandeur conteste la constitutionnalité de certaines Règles et de l’article 30 de la Loi sur la responsabilité civile de l’État et le contentieux administratif, précitée, lorsqu’il se plaint de l’incidence que ces dispositions ont sur lui, et, par conséquent, le demandeur a l’obligation de signifier un avis, comme le prévoit l’article 57 de la Loi sur les Cours fédérales, précitée. À cet égard, le défendeur se fonde sur l’arrêt Canada c Wetzel (2006), 266 DLR (4th) 753 (CAF).
[28]
Le défendeur fait ensuite valoir qu’il est inapproprié pour le demandeur de soulever une question de validité constitutionnelle dans une requête d’ordre procédural. Il soutient que quoi qu’il en soit, la Cour ne devrait pas instruire les demandes portant sur les violations des articles 7 et 15 en l’absence d’un dossier de preuve complet comprenant à la fois la preuve des faits en litige et des faits législatifs, et la preuve d’expert.
[29]
Le défendeur affirme qu’il n’a pas l’obligation de donner suite à la décision sur les dommages‑intérêts, car celle‑ci a été contestée au moyen d’une demande de contrôle judiciaire dont l’instruction aura lieu sous peu. Se fondant sur l’article 30 de la Loi sur la responsabilité civile de l’État et le contentieux administratif, précitée, le défendeur soutient que comme la décision sur les dommages‑intérêts a été prononcée par un tribunal fédéral dont la décision est susceptible de contrôle uniquement au moyen d’une demande de contrôle judiciaire, le terme « appel »
devrait être interprété de façon large et la restriction prévue par l’article 30 devrait s’appliquer.
[30]
Le défendeur avance que les politiques du gouvernement fédéral sur les paiements à titre gracieux ont été abrogées et ne sont pas utiles au demandeur.
IV.
ANALYSE ET DÉCISION
[31]
Par la présente requête, le demandeur cherche essentiellement à trouver le moyen d’obliger le défendeur à payer, en tout ou en partie, les dommages‑intérêts qui lui ont été accordés par le Tribunal.
[32]
Il n’est pas nécessaire que je traite des objections soulevées par le défendeur relativement à l’absence de signification de l’avis prévu à l’article 57 de la Loi sur les Cours fédérales, précitée, ou de celles portant sur le caractère approprié de soulever une violation de la Charte au moyen d’une requête.
[33]
Le demandeur a déposé des affidavits énonçant les effets défavorables qu’il subit en raison du défaut du défendeur d’exécuter la décision sur les dommages‑intérêts. Il soutient qu’il a des pensées suicidaires. Il renvoie à son état de santé mentale. Rien n’indique que le demandeur a été contre‑interrogé. Quoi qu’il en soit, l’arrêt Hughes de la Cour d’appel fédérale, précité, semble admettre, comme un fait, que le demandeur souffre d’une invalidité mentale.
[34]
Toutefois, les éléments de preuve dont je dispose sont insuffisants pour rendre quelque décision que ce soit relativement aux allégations de violations des articles 7 et 15 de la Charte. Dans l’arrêt Danson c Ontario (Procureur général), [1990] 2 RCS 1086, à la page 1099, la Cour suprême du Canada a décidé qu’un « contexte factuel adéquat »
doit exister avant qu’un tribunal ne puisse statuer sur une allégation de violation des droits garantis par la Charte. Un tel fondement n’a pas été fourni par le demandeur dans la présente requête, et ses arguments portant sur la violation de ses droits garantis par la Charte ne seront pas pris en compte.
[35]
Le demandeur a enregistré la décision sur les dommages‑intérêts rendus par le Tribunal conformément à l’article 424 des Règles :
|
|
|
|
|
|
|
|
[36]
Le demandeur a introduit la présente instance uniquement pour faire enregistrer la décision sur les dommages‑intérêts. Il tente maintenant d’obtenir l’exécution forcée de cette décision dans la présente instance.
[37]
Le défendeur se fonde sur l’article 30 de la Loi sur la responsabilité civile de l’État et le contentieux administratif, précitée, et sur la demande de contrôle judiciaire en cours dans l’affaire T‑1286‑18, pour faire valoir que le paiement en exécution de la décision sur les dommages‑intérêts est prématuré.
[38]
L’article 30 de la Loi sur la responsabilité civile de l’État et le contentieux administratif, précitée, est libellé ainsi :
|
|
|
|
|
|
|
|
[39]
Le défendeur fait valoir que l’effet combiné de la disposition ci‑dessus et de l’article 474 des Règles signifie que tout paiement en exécution de la décision sur les dommages‑intérêts est retardé jusqu’à ce qu’une décision relative à la demande de contrôle judiciaire en cours soit rendue. L’article 474 des Règles est libellé ainsi :
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
[40]
Selon moi, le défendeur ne peut se fonder sur ces dispositions, du moins à ce stade‑ci.
[41]
La décision sur les dommages‑intérêts ne fait l’objet d’aucun « appel »
en cours. Je souscris aux observations du demandeur selon lesquelles une demande de contrôle judiciaire n’est pas un « appel »
au sens des Règles. L’article 2 des Règles définit le terme « appel »
de la manière suivante :
|
|
[42]
L’article 335 des Règles se trouve dans la partie 6 intitulée « Appels »
.
[43]
Le terme « demande » est défini à l’article 2 des Règles de la manière suivante :
|
|
[44]
L’article 300 des Règles se trouve dans la partie 5, intitulée « Demandes »
.
[45]
Je suis d’accord avec le défendeur lorsqu’il avance que comme la décision sur les dommages‑intérêts est une décision d’un « office fédéral »
au sens de l’article 2 des Règles, cette décision peut donc uniquement être contrôlée au moyen d’une demande de contrôle judiciaire, conformément à l’article 18.1 de la Loi sur les Cours fédérales, précitée.
[46]
Toutefois, je n’accepte pas l’allégation du défendeur selon laquelle, vu les circonstances, le terme « appel »
doit comprendre une demande de contrôle judiciaire ou que les deux expressions ont le même sens.
[47]
Il s’ensuit que je suis d’accord avec le demandeur lorsqu’il fait valoir qu’aucun appel n’a été interjeté et que l’article 30 de la Loi sur la responsabilité civile de l’État et le contentieux administratif, précitée, n’est pas utile au défendeur en l’absence d’un sursis.
[48]
Le demandeur fait valoir qu’il n’est pas obligé de présenter une telle demande, car il bénéficie d’un jugement prononcé contre le défendeur.
[49]
Je ne suis pas d’accord.
[50]
À mon avis, les Règles exigent qu’une partie qui est dans la situation du demandeur présente une telle demande, et je ne vois pas pourquoi il devrait faire fi de cette exigence.
[51]
Cela ne clôt toutefois pas l’affaire.
[52]
Le défendeur est un ministère du gouvernement du Canada. Il fait partie du pouvoir exécutif, qui, conformément à l’article 9 de la Loi constitutionnelle de 1867, 30 & 31 Victoria, c 3 (R‑U), reproduite dans LRC (1985), appendice II, nº 5, est dévolu à la Couronne du chef du Canada.
[53]
Une partie ne peut prendre de mesures pour obtenir le paiement en exécution forcée d’un jugement contre l’État; c’est-à-dire que le processus d’exécution forcée décrit à la partie 12 des Règles n’est pas offert à un créancier judiciaire lorsque la dette pèse sur l’État. Je renvoie à l’article 29 de la Loi sur la responsabilité civile de l’État et le contentieux administratif, précitée, qui dispose que :
|
|
|
|
[54]
En pratique, le demandeur ne peut donc rien faire pour forcer le défendeur à lui verser une partie du paiement anticipé qui lui a été accordé.
[55]
À mon avis, les observations concernant la politique du gouvernement relative aux paiements à titre gracieux ne sont pas pertinentes.
[56]
Les lettres du demandeur et celles rédigées pour son compte en vue d’obtenir une avance sur le paiement des sommes évaluées dans la décision sur les dommages‑intérêts n’ont pas trait à un paiement à titre gracieux, lequel est un paiement volontaire, effectué sans qu’une conclusion relative à la responsabilité de payer ne soit tirée. Je renvoie à la décision Edwards v. Skyways Ltd., [1964] 1 All ER 494, à la page 500 (Cour du banc de la Reine du Royaume‑Uni).
[57]
En l’espèce, la décision sur la responsabilité a été rendue. L’arrêt de la Cour d’appel fédérale est définitif, puisqu’il ne ressort pas du dossier qu’une demande d’autorisation de former un pourvoi à la Cour suprême du Canada a été déposée.
[58]
Le défendeur a la compétence d’effectuer un paiement partiel au demandeur. Un tel paiement n’a pas été effectué, et le défendeur a exercé son droit de solliciter le contrôle judiciaire de la décision sur les dommages‑intérêts.
[59]
Bien que, à mon avis, la demande de contrôle judiciaire en cours n’entraîne pas un sursis au paiement en exécution de la décision sur les dommages‑intérêts, le demandeur ne dispose d’aucun moyen juridique pour exiger le paiement.
V.
DÉPENS
[60]
Dans son avis de requête, le demandeur sollicite l’adjudication des dépens, s’il est fait droit à sa requête. Lors de l’instruction de la requête, le demandeur a fait valoir qu’aucuns dépens ne devraient être adjugés au défendeur, si la requête était rejetée.
[61]
Le défendeur sollicite l’adjudication des dépens liés à sa participation à la conférence de gestion de l’instance le 12 décembre 2018, ainsi que les dépens liés à sa présence à Victoria pour participer à l’instruction de la requête; il ne sollicite pas le recouvrement des débours.
[62]
En vertu du paragraphe 400(1) des Règles, l’adjudication des dépens relève exclusivement du pouvoir discrétionnaire de la Cour.
[63]
Le demandeur a obtenu partiellement gain de cause concernant ses arguments sur l’application de l’article 30 de la Loi sur la responsabilité civile de l’État et le contentieux administratif, précitée, mais cela ne permet pas de l’aider à obtenir un moyen de faire exécuter la décision sur les dommages‑intérêts. De plus, il ne s’est pas encore conformé à l’article 474 des Règles.
[64]
Toutefois, je ne suis pas convaincue que le demandeur devrait être condamné aux dépens en faveur du défendeur.
[65]
Le défendeur n’a fourni aucune jurisprudence ni doctrine pour justifier l’adjudication des dépens concernant la conférence de gestion de l’instance. Je relève que la conférence de gestion de l’instance en question a été demandée par le défendeur.
[66]
Vu la situation connue du demandeur, telle qu’elle est soulignée dans les extraits de la décision du Tribunal portant sur la responsabilité, dans l’arrêt de la Cour d’appel fédérale et dans les affidavits déposés relativement à la présente requête, et, dans l’exercice de mon pouvoir discrétionnaire, je ne rends aucune ordonnance quant aux dépens.
[67]
Je renvoie les deux parties aux facteurs exposés à l’article 400 des Règles concernant l’adjudication des dépens. La liste des facteurs n’est pas exhaustive et le fait de s’engager dans des démarches inutiles, y compris les requêtes déposées par excès de précaution, peut être pris en compte dans l’adjudication finale des dépens.
[68]
En définitive, la requête est rejetée et aucune ordonnance n’est rendue quant aux dépens.
ORDONNANCE
LA COUR ORDONNE que la requête soit rejetée. En vertu du pouvoir discrétionnaire que me confèrent les Règles des Cours fédérales, DORS/98-106, je n’adjuge aucuns dépens.
« E. Heneghan »
Juge
Traduction certifiée conforme
Ce 1er jour d’avril 2019.
Mylène Boudreau, B.A. en trad.
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
|
dossier :
|
T-1315-18
|
|
INTITULÉ :
|
CHRIS HUGHES c COMMISSION CANADIENNE DES DROITS DE LA PERSONNE c TRANSPORTS CANADA
|
||
LIEU DE L’AUDIENCE :
|
Victoria (Colombie‑Britannique)
|
||
DATE DE L’AUDIENCE :
|
Le 20 décembre 2019
|
||
Ordonnance et motifs :
|
La juge HENEGHAN
|
||
DATE DE L’ORDONNANCE ET DES MOTIFS :
|
Le 15 janvier 2019
|
||
COMPARUTIONS :
Christopher James Hughes
|
Pour le demandeur
(pour son propre compte)
|
Elizabeth (Lisa) McDonald
|
Pour le défendeur
|
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Procureur général du Canada
Vancouver (Colombie‑Britannique)
|
Pour le défendeur
|