Dossiers : IMM‑4176‑18
IMM‑4177‑18
IMM‑4172‑18
IMM‑4173‑18
IMM‑4178‑18
Référence : 2019 CF 381
[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]
Ottawa (Ontario), le 28 mars 2019
En présence de madame la juge Walker
Dossier : IMM‑4176‑18
|
ENTRE :
|
NADINE AL ARIDI
|
demanderesse
|
et
|
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ
ET DE L’IMMIGRATION
|
défendeur
|
Dossier : IMM‑4177‑18
|
ET ENTRE :
|
ANEEL EL DANAF
|
demandeur
|
et
|
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ
ET DE L’IMMIGRATION
|
défendeur
|
Dossier : IMM‑4172‑18
|
ET ENTRE :
|
DANEEL EL DANAF
|
demandeur
|
et
|
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ
ET DE L’IMMIGRATION
|
défendeur
|
Dossier : IMM‑4173‑18
|
ET ENTRE :
|
MALEK EL DANAF
|
demandeur
|
et
|
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ |
défendeur
|
Dossier : IMM‑4178‑18
|
ET ENTRE :
|
TALAL EL DANAF
|
demandeur
|
et
|
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ
ET DE L’IMMIGRATION
|
défendeur
|
JUGEMENT ET MOTIFS
[1]
Les demandeurs sont les cinq membres d’une même famille. Citoyens du Liban, ils habitent maintenant au Qatar. Il s’agit de Mme Nadine Al Aridi (la demanderesse principale), la mère, de M. Malek El Danaf, son mari, et de leurs trois enfants, Talal (11 ans), et Aneel et Daneel (des jumeaux âgés de 9 ans et atteints d’autisme). La demanderesse principale a présenté une demande de permis d’études en vue de suivre un programme d’études d’une durée de trois ans à Montréal, au Québec. Sa demande ayant été rejetée par un agent des visas (l’agent) de l’ambassade canadienne à Abu Dhabi, aux Émirats arabes unis, elle sollicite maintenant le contrôle judiciaire de la décision de l’agent (IMM‑4176‑18).
[2]
Monsieur El Danaf et les trois enfants ont présenté des demandes de visas de résident temporaire (les demandes de VRT) au titre de la catégorie des visiteurs afin de pouvoir rendre visite à Mme Al Aridi pendant ses études. Leurs demandes ayant été rejetées par l’agent, ils sollicitent également le contrôle judiciaire des décisions rendues par celui‑ci (IMM‑4177‑18, IMM‑4172‑18, IMM‑4173‑18 et IMM‑4178‑18).
[3]
Les demandes de contrôle judiciaire sont présentées au titre du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 (la LIPR).
[4]
Le 24 octobre 2018, la juge Gagné (maintenant juge en chef adjointe) a regroupé les demandes de contrôle judiciaire (les demandes) de tous les membres de la famille. Le 13 février 2019, j’ai instruit les demandes ensemble puisqu’elles découlent des mêmes faits et éléments de preuve. Je me pencherai sur toutes les demandes dans le présent jugement, et une copie de celui‑ci sera versée au dossier de chaque demande auprès de la Cour.
[5]
Pour les motifs qui suivent, les demandes seront accueillies.
I.
Contexte
[6]
Les demandeurs sont des citoyens libanais qui habitent au Qatar depuis 2009.
[7]
Madame Al Aridi, la demanderesse principale, a été admise au programme d’études de trois ans en éducation spécialisée du Collège LaSalle, à Montréal. À sa demande de permis d’études, elle a joint une lettre d’admission au programme ainsi qu’un certificat d’acceptation du Québec délivré par le gouvernement du Québec. La demanderesse principale mentionne qu’elle est titulaire d’un baccalauréat en gestion et marketing de l’Université du Liban. Elle précise qu’elle est sans emploi pour le moment, mais qu’elle a travaillé comme aide‑enseignante au niveau préscolaire durant quatre mois. La demanderesse principale ajoute qu’elle aimerait poursuivre ses études afin de se spécialiser dans l’éducation des enfants ayant des besoins spéciaux.
[8]
Dans sa demande de VRT, M. El Danaf a déclaré qu’il occupait un poste de cadre dans une firme d’ingénierie au Qatar. Il a précisé que les enfants et lui comptaient séjourner au Canada durant plusieurs semaines afin de faciliter l’adaptation de la demanderesse principale au début de ses études. Il a ajouté qu’ils comptaient aussi rendre visite à la demanderesse principale occasionnellement durant les trois années que doivent durer les études de celle‑ci au Canada.
[9]
Les demandeurs font valoir qu’ils ont suffisamment d’économies pour acquitter les frais de scolarité de la demanderesse principale et pour subvenir aux besoins des autres membres de la famille durant leurs séjours au Canada. Les demandeurs ont produit des relevés bancaires montrant d’importantes économies ainsi que les titres de quatre propriétés leur appartenant au Liban. Ils se rendent au Liban le plus souvent possible pour rendre visite aux membres de leur famille élargie et ils sont titulaires de visas de visiteur aux États‑Unis.
II.
Décisions faisant l’objet du contrôle
[10]
Les décisions de l’agent (les décisions) sont datées du 9 juillet 2018.
[11]
L’agent a estimé que la demanderesse principale n’avait pas réussi à démontrer qu’elle remplissait les exigences prescrites par la LIPR pour l’obtention d’un permis d’études. Il n’était pas convaincu que le but premier de la venue de la demanderesse principale au Canada était de poursuivre ses études ni qu’elle retournerait dans son pays de résidence à la fin du programme. L’agent a déclaré ce qui suit : [traduction] « Je ne suis pas non plus convaincu que vous n’êtes pas une immigrante. »
[12]
En ce qui concerne les demandes de VRT de la catégorie des visiteurs présentées par les autres demandeurs, l’agent n’était pas convaincu que M. El Danaf et les enfants quitteraient le Canada à l’expiration de leurs visas. L’agent a jugé qu’ils n’étaient pas suffisamment bien établis sur les plans social et économique dans leur pays de résidence. Dans chacune des décisions, il a conclu ce qui suit : [traduction] « Je ne suis pas convaincu que vous êtes un véritable visiteur au Canada et non un immigrant. »
[13]
L’essentiel des décisions est contenu dans les notes du Système mondial de gestion des cas (SMGC), lesquelles notes font partie des motifs de la décision rendue à l’égard de la demande de permis d’études présentée par la demanderesse principale (Pushparasa c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 828, au paragraphe 15). L’agent a estimé que la demanderesse principale, alors sans emploi, n’avait pas fourni suffisamment d’éléments de preuve quant à ses études antérieures et à sa compétence dans les langues officielles. Il a toutefois reconnu que la famille disposait d’économies se chiffrant à 448 000 dollars canadiens et que M. El Danaf gagnait 8 900 dollars canadiens par mois.
[14]
L’agent a conclu ce qui suit :
[traduction]
Les économies de la famille sont suffisantes et la demanderesse principale possède des propriétés au Liban. Cependant, son degré d’établissement est relativement faible et, compte tenu des avantages sociaux et économiques que présente le fait de demeurer au Canada, je ne suis pas convaincu que les liens de la demanderesse principale à l’extérieur du Canada soient suffisants pour la motiver à quitter le pays à la fin de la période de séjour autorisée. En outre, je ne suis pas convaincu qu’il soit raisonnable pour la demanderesse principale de suivre ce programme d’études puisque je ne crois pas qu’il renforcerait réellement ses titres de compétences ni qu’il améliorerait ses perspectives d’emploi. Par conséquent, d’après les observations formulées, et compte tenu des études antérieures de la demanderesse principale, de son degré d’établissement sur le plan économique et des avantages que présente le fait de demeurer au Canada, je ne suis pas convaincu, selon la prépondérance des probabilités, que les études proposées soient raisonnables et que le but premier de la demanderesse principale soit de suivre activement le programme d’études prévu comme l’exige l’article R220.1. Je ne suis pas non plus convaincu que la demanderesse principale soit une véritable étudiante qui quittera le Canada à la fin de la période de séjour autorisée et non une immigrante. La demande est rejetée.
III.
Questions en litige
[15]
Dans leurs observations formulées par écrit et de vive voix, les parties ont soulevé des arguments concernant le caractère raisonnable des décisions et l’équité du processus suivi par l’agent pour en arriver aux décisions. Les deux arguments sont interreliées et le contrôle de la décision donnerait le même résultat qu’il soit fondé sur l’un ou l’autre des arguments. À mon avis, il est plus approprié d’examiner les décisions au regard de l’équité. La question dont je suis saisie est donc la suivante :
L’agent a‑t‑il manqué à son obligation d’équité procédurale envers les demandeurs en appuyant ses décisions sur une conclusion voilée quant à la crédibilité sans donner aux demandeurs, surtout à la demanderesse principale, la possibilité de dissiper ses réserves quant à la crédibilité?
IV.
Norme de contrôle applicable
[16]
Dans le contexte de l’examen, par un agent des visas, d’une demande de permis d’études ou de VRT, la norme de contrôle qui s’applique aux questions relatives à l’équité procédurale est la norme de la décision correcte (Kaur c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2011 CF 219, au paragraphe 21 (Kaur); voir aussi Canada (Citoyenneté et Immigration) c Khosa, 2009 CSC 12, [2009] 1 RCS 339, au paragraphe 43). Le contrôle est axé sur les procédures suivies pour en arriver à une décision et non sur le fond ou le bien‑fondé de l’affaire en question. Je dois évaluer si le processus suivi par l’agent dans les dossiers des demandeurs était juste et équitable compte tenu de la situation des demandeurs, des droits substantiels en jeu et des autres facteurs contextuels relevés par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Baker c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] 2 RCS 817. Dans l’arrêt Chemin de fer Canadien Pacifique Limitée c Canada (Procureur général), 2018 CAF 69, au paragraphe 54, le juge Rennie a déclaré ce qui suit :
[54] La cour qui apprécie un argument relatif à l’équité procédurale doit se demander si la procédure était équitable eu égard à l’ensemble des circonstances, y compris à l’égard des facteurs énoncés dans l’arrêt Baker. Une cour de révision fait ce que les cours de révision ont fait depuis l’arrêt Nicholson; elle demande, en mettant nettement l’accent sur la nature des droits substantiels concernés et les conséquences pour la personne, si un processus juste et équitable a été suivi. Je souscris à l’observation du juge Caldwell dans Eagle’s Nest (para. 21) selon laquelle, même s’il y a une certaine maladresse dans l’utilisation de la terminologie, cet exercice de révision est [traduction] « particulièrement bien reflété dans la norme de la décision correcte », même si, à proprement parler, aucune norme de contrôle n’est appliquée.
V.
Contexte législatif – Visas de résident temporaire
[17]
Les dispositions de la LIPR et du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002‑227 (le RIPR) relatives aux demandes et à la délivrance de VRT et de permis d’études sont reproduites intégralement à l’annexe A du présent jugement.
[18]
Pour situer le contexte, tout étranger qui cherche à entrer au Canada à titre de résident temporaire doit prouver qu’il détient un visa et qu’il quittera le Canada à la fin de la période de séjour autorisée (alinéa 20(1)b) de la LIPR). Un agent des visas doit délivrer un VRT notamment si l’étranger en question a présenté une demande de VRT au titre de la catégorie des visiteurs, des travailleurs ou des étudiants conformément au RIPR, et s’il a prouvé qu’il quittera le Canada à la fin de la période de séjour autorisée (alinéas 179a) et 179b) du RIPR).
[19]
Un étranger ne peut étudier au Canada que s’il a été autorisé à le faire sous le régime de la LIPR et du RIPR (paragraphes 30(1) et 30(1.1) de la LIPR). Est un étudiant et appartient à la catégorie des étudiants l’étranger qui a été autorisé à entrer au Canada et à y séjourner à ce titre (article 211 du RIPR). Selon le paragraphe 216(1), l’article 220 et le paragraphe 220.1(1) du RIPR, un agent des visas doit délivrer un permis d’études à l’étranger si ce dernier a établi ce qui suit :
- il a demandé un permis d’études conformément au RIPR;
- il quittera le Canada à la fin de la période de séjour autorisée;
- il remplit les exigences de la partie 12 (Étudiants) du RIPR;
- il a été admis à un programme d’études par un établissement d’enseignement désigné (voir aussi le paragraphe 219(1) concernant l’exigence relative à l’attestation écrite de l’acceptation émanant de l’établissement d’enseignement désigné). Une personne qui envisage d’étudier au Québec doit détenir un certificat d’acceptation du Québec (au paragraphe 216(3) du RIPR);
- il dispose des ressources financières nécessaires pour acquitter les frais de scolarité des cours qu’il a l’intention de suivre et pour subvenir à ses propres besoins et à ceux des membres de sa famille qui l’accompagnent durant ses études, y compris pour acquitter tous les frais de transport engagés;
- il est inscrit dans un établissement d’enseignement désigné et y demeurera inscrit jusqu’à la fin de ses études;
- il suivra
« activement un cours ou son programme d’études »
.
VI.
Analyse
[20]
Il est bien établi que le niveau d’équité procédurale auquel les demandeurs de visas et de permis d’études ont droit se situe à l’extrémité inférieure du registre (Hamad c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2017 CF 600, au paragraphe 21). Il revient au demandeur de s’assurer qu’il remplit toutes les exigences qui découlent des dispositions de la LIPR et du RIPR. En outre, l’agent des visas n’est pas tenu de faire connaître au demandeur ses réserves quant au caractère suffisant des pièces produites à l’appui de la demande (Kaur, aux paragraphes 24 et 25; Chen c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2011 CF 1279, au paragraphe 22). Cependant, si l’agent a des réserves quant à l’authenticité des documents ou à la crédibilité du demandeur, il a l’obligation de donner au demandeur la possibilité d’y répondre. Les paramètres de cette obligation ont été expliqués par le juge Mosley dans la décision Hassani c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2006 CF 1283, au paragraphe 24 :
[24] Il ressort clairement de l’examen du contexte factuel des décisions mentionnées ci‑dessus que, lorsque les réserves découlent directement des exigences de la loi ou d’un règlement connexe, l’agent des visas n’a pas l’obligation de donner au demandeur la possibilité d’y répondre. Lorsque, par contre, des réserves surgissent dans un autre contexte, une telle obligation peut exister. C’est souvent le cas lorsque l’agent des visas a des doutes sur la crédibilité, l’exactitude ou l’authenticité de renseignements fournis par le demandeur au soutien de sa demande, comme dans Rukmangathan, ainsi que dans John et Cornea, deux décisions citées par la Cour dans Rukmangathan, précitée.
[21]
En l’espèce, le rejet, par l’agent, de la demande de permis d’études de la demanderesse principale et des demandes de VRT des autres demandeurs était fondé essentiellement sur deux réserves. Premièrement, l’agent n’était pas convaincu que la demanderesse principale suivrait réellement son programme d’études au Canada. Deuxièmement, l’agent craignait que la famille ne quitte pas le Canada à la fin des études de Mme Al Aridi.
[22]
Les demandeurs soutiennent qu’ils ont produit tous les documents requis aux termes de la LIPR et du RIPR à l’appui de la demande de permis d’études de la demanderesse principale et des demandes de VRT des autres demandeurs. Au vu des documents produits, hormis le fait qu’il croyait que la demanderesse principale n’avait pas l’intention de suivre son programme d’études au Canada et que tous les demandeurs comptaient demeurer au Canada en tant qu’immigrants, l’agent n’avait aucune autre raison de rejeter les demandes. Les demandeurs affirment qu’il ne s’agit là que d’une conclusion voilée quant à la crédibilité.
[23]
Le défendeur, quant à lui, est d’avis que les demandeurs n’ont pas fourni suffisamment d’éléments de preuve pour convaincre l’agent qu’ils remplissaient toutes les exigences relatives à la délivrance du permis d’études et des VRT demandés. Le défendeur souligne qu’il incombait aux demandeurs de réfuter la présomption selon laquelle ils étaient des immigrants, ce qu’ils n’ont pas fait. Les notes du SMGC montrent clairement le raisonnement de l’agent.
[24]
Les conclusions de l’agent quant à la demande de permis d’études de la demanderesse principale peuvent être résumées comme suit :
La demanderesse principale n’avait pas fourni suffisamment d’éléments de preuve relativement à ses études antérieures (relevés de notes, diplômes) et à sa compétence dans les langues officielles. De plus, elle était sans emploi.
Les demandeurs disposaient de ressources financières suffisantes et la demanderesse principale possédait des propriétés au Liban. Néanmoins, son degré d’établissement dans son pays de résidence était relativement faible par rapport aux avantages sociaux et économiques que représente le fait de demeurer au Canada. Ses liens à l’extérieur du Canada n’étaient pas suffisants pour la motiver à quitter le pays à la fin de la période de séjour autorisée.
Il n’était pas raisonnable pour la demanderesse principale de suivre le programme d’études choisi puisqu’il ne renforcerait pas réellement ses titres de compétences et n’améliorerait pas ses perspectives d’emploi. L’agent n’était pas convaincu que le programme d’études proposé était raisonnable.
L’agent n’était pas convaincu que le but premier de la demanderesse principale était de suivre activement le programme d’études prévu.
L’agent n’était pas convaincu que la demanderesse principale était une véritable étudiante ayant l’intention de quitter le Canada à la fin de ses études.
[25]
L’agent n’a pas versé de notes distinctes concernant les demandes de VRT dans le SMGC. En s’appuyant sur les mêmes éléments de preuve, il a conclu que les autres demandeurs n’étaient peut‑être pas de véritables visiteurs au Canada.
[26]
Les notes du SMGC démontrent clairement que l’agent craignait que les demandeurs veuillent uniquement profiter des avantages sociaux et des soins de santé offerts par le Canada et qu’ils n’aient pas l’intention de retourner au Qatar ou au Liban à la fin des études de la demanderesse principale. Il est cependant difficile de comprendre en quoi ces réserves découlaient directement des exigences prescrites par le RIPR.
[27]
Les demandeurs ont produit des éléments de preuve conformément à chacune des exigences législatives et réglementaires relatives à la délivrance du permis d’études de la demanderesse principale et des VRT. La demanderesse principale a fourni la preuve de son admission au Collège LaSalle ainsi que son certificat d’acceptation du Québec. Elle a également fourni un plan d’études ainsi que des renseignements concernant ses études et ses emplois antérieurs. Les relevés de notes de la demanderesse principale et une preuve de sa compétence dans les langues officielles ne sont pas des éléments requis au titre du RIPR. L’agent a jugé déraisonnable le programme d’études proposé par la demanderesse principale puisqu’il ne renforcerait pas réellement ses titres de compétences et qu’il n’améliorerait pas ses perspectives d’emploi, mais cette conclusion était hypothétique et n’était appuyée par aucun élément de preuve.
[28]
Aucun doute n’a été formulé quant aux ressources financières des demandeurs et aux résidences leur appartenant au Liban. Outre sa déclaration selon laquelle le degré d’établissement des demandeurs au Liban et au Qatar était relativement faible, l’agent n’a donné aucune raison pour expliquer pourquoi il a fait fi des indices indiquant le degré d’établissement élevé des demandeurs dans leur pays de résidence, notamment l’emploi stable à long terme de M. El Danaf, les résidences détenues au Liban et la présence des membres de la famille élargie.
[29]
Bien qu’il incombait aux demandeurs de démontrer qu’ils remplissaient toutes les exigences prescrites par la LIPR et le RIPR pour la délivrance d’un permis d’études et de VRT, les décisions de l’agent devaient être fondées sur les éléments de preuve. À mon avis, les décisions ne découlaient pas de lacunes dans les éléments de preuve des demandeurs. L’agent n’a tout simplement pas cru les demandeurs et a tiré une conclusion voilée quant à la crédibilité. La répétition, dans chacune des décisions, de la déclaration selon laquelle les demandeurs n’étaient pas de véritables étudiants ou visiteurs, selon le cas, traduit une réserve générale quant à la crédibilité des intentions formulées par les demandeurs.
[30]
Par conséquent, je suis d’avis que l’agent était tenu de donner aux demandeurs la possibilité de dissiper ses réserves quant au fait que la demanderesse principale n’était pas une véritable étudiante, que les autres demandeurs n’étaient pas de véritables visiteurs et que la famille comptait demeurer au Canada en tant qu’immigrants non autorisés. En ne leur donnant pas cette possibilité, l’agent a porté atteinte au droit à l’équité procédurale des demandeurs.
VII.
Conclusion
[31]
Les demandes seront accueillies.
[32]
Les parties n’ont proposé aucune question à certifier, et la présente affaire n’en soulève aucune.
JUGEMENT dans les dossiers nos IMM‑4176‑18, IMM‑4177‑18,
IMM‑4172‑18, IMM‑4173‑18 et IMM‑4178‑18
LA COUR STATUE que :
Les demandes de contrôle judiciaire relatives aux dossiers de la Cour nos IMM‑4176‑18, IMM‑4177‑18, IMM‑4172‑18, IMM‑4173‑18 et IMM‑4178‑18 sont accueillies.
Les décisions rendues par l’agent des visas dans les dossiers précités sont annulées et les affaires sont renvoyées à un autre agent pour nouvelles décisions.
Une copie du présent jugement et des motifs sera versée à chacun des dossiers suivants de la Cour : IMM‑4176‑18, IMM‑4177‑18, IMM‑4172‑18, IMM‑4173‑18 et IMM‑4178‑18.
Aucune question d’importance générale n’est certifiée.
« Elizabeth Walker »
Juge
Traduction certifiée conforme
Ce 3e jour de juin 2019.
Geneviève Bernier, traductrice agréée
ANNEXE A
Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002‑227
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER :
|
IMM‑4176‑18
|
INTITULÉ :
|
NADINE AL ARIDI c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION
|
ET DOSSIER :
|
IMM‑4177‑18
|
INTITULÉ :
|
ANEEL EL DANAF c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION
|
ET DOSSIER :
|
IMM‑4172‑18
|
INTITULÉ :
|
DANEEL EL DANAF c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION
|
ET DOSSIER :
|
IMM‑4173‑18
|
INTITULÉ :
|
MALEK EL DANAF c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION
|
ET DOSSIER :
|
IMM‑4178‑18
|
INTITULÉ :
|
TALAL EL DANAF c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION
|
LIEU DE L’AUDIENCE :
|
Ottawa (Ontario)
|
DATE DE L’AUDIENCE :
|
LE 13 ÉVRIER 2019
|
JUGEMENT ET MOTIFS :
|
LA JUGE WALKER
|
DATE DU JUGEMENT ET DES MOTIFS :
|
LE 28 MARS 2019
|
COMPARUTIONS :
Lior Eisenfeld
|
POUR LES DEMANDEURS
|
Vanessa Wynn‑Williams
|
POUR LE DÉFENDEUR
|
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Loir Eisenfeld
Ottawa (Ontario)
|
POUR LES DEMANDEURS
|
Procureur général du Canada
Ottawa (Ontario)
|
POUR LE DÉFENDEUR
|