Dossier : T‑2489‑14
Référence : 2019 CF 377
[TRADUCTION FRANÇAISE]
Ottawa (Ontario), le 27 mars 2019
En présence de madame la juge Walker
ENTRE :
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KERRY (CANADA) INC.
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demanderesse
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et
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LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA
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défendeur
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JUGEMENT ET MOTIFS
[1]
La demanderesse, Kerry (Canada) Inc. (Kerry Canada), demande le contrôle judiciaire de la décision (la décision) par laquelle le ministre du Revenu national rejetait sa demande visant l’établissement de nouvelles cotisations pour ses années d’imposition 2002 et 2003. Kerry Canada a demandé les nouvelles cotisations afin de donner effet à une décision favorable de l’autorité compétente du Canada (ACC) rendue en septembre 2013. La demande de contrôle judiciaire a été présentée au titre de l’article 18.1 de la Loi sur les Cours fédérales, LRC 1983, c F‑7 (Loi sur les Cours fédérales).
[2]
Pour les motifs exposés ci‑dessous, la demande sera accueillie.
I.
Contexte
[3]
Cette demande porte sur l’établissement d’une cotisation et d’une nouvelle cotisation par l’Agence du revenu du Canada (ARC) relativement à certaines opérations entre trois sociétés liées en 2001, 2002 et 2003. Les sociétés sont :
- Kerry Canada, une société résidente canadienne aux fins de la Loi de l’impôt sur le revenu, LRC 1985, ch 1 (5e suppl.) (la LIR);
- Kerry Inc. (Kerry US), une société résidant aux États‑Unis et non résidente au Canada aux fins de la LIR;
- Kerry Group Services International Limited (KGSI), une société résidant en Irlande et non résidente au Canada aux fins de la LIR.
[4]
Le groupe d’entreprises Kerry fournit des ingrédients et des solutions technologiques pour les marchés des aliments, des boissons et des produits pharmaceutiques.
[5]
Pendant les années faisant l’objet du litige, Kerry Canada a fabriqué et vendu à Kerry US un produit appelé « Daritone C5994 ». De plus, au cours de ces années, Kerry Canada a versé une redevance à KGSI pour l’utilisation du nom commercial de Kerry et d’autres actifs incorporels.
[6]
Le 6 février 2007, l’ARC a envoyé des avis de nouvelles cotisations (nouvelles cotisations au titre de la partie I) à Kerry Canada pour les années d’imposition ayant pris fin le 31 décembre 2001, 2002 et 2003. Les nouvelles cotisations au titre de la partie I portaient sur l’établissement du prix de transfert à l’égard des transactions suivantes :
(i) Le prix de transfert facturé par Kerry Canada à Kerry US pour la vente de Daritone C5994. Le résultat de la nouvelle cotisation était d’augmenter le revenu attribué à Kerry Canada découlant de ces ventes pour chacune des années d’imposition visées;
(ii) Les redevances versées par Kerry Canada à KGSI pour l’utilisation du nom Kerry. Le résultat de la nouvelle cotisation était de refuser d’accorder à Kerry Canada les déductions sur le revenu pour les redevances versées pour chacune des années d’imposition visées.
[7]
En octobre 2006, avant les nouvelles cotisations au titre de la partie I, Kerry Canada avait déposé auprès de l’ARC une renonciation à la période normale de nouvelle cotisation pour l’année d’imposition 2001 au titre du paragraphe 152(4) de la LIR. La nouvelle cotisation ultérieure de l’ARC relativement à l’année d’imposition 2001 de Kerry Canada n’est pas en cause dans cette demande.
[8]
Le 3 mai 2007, Kerry Canada a déposé des avis d’opposition (oppositions au titre de la partie I) à l’égard des nouvelles cotisations établies au titre de la partie I, en faisant valoir que l’ARC avait commis une erreur en rajustant le prix de transfert pour les ventes de Daritone C5994 à Kerry US et en refusant la déduction du revenu des paiements de redevances faits à KGSI. Kerry Canada a demandé que les oppositions au titre de la partie I soient mises en suspens en attendant que l’ACC règle ces questions ou rende une décision à cet égard :
[traduction]
Kerry Canada prévoit demander l’aide de l’autorité compétente pour régler les deux questions qui font l’objet de ces avis d’opposition et, par conséquent, demande que les avis d’opposition soient mis en suspens en attendant le règlement des questions dans le cadre du processus de l’autorité compétente.
[9]
Voici comment les montants en cause étaient énoncés dans les oppositions au titre de la partie I :
Année d’imposition
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Augmentation du revenu des ventes de Daritone C5994
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Refus d’accorder les redevances versées à KGSI
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Augmentation totale du revenu imposable de Kerry Canada
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2003
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536 882 $
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1 688 520$
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2 225 402$
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2002
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226 672$
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1 468 977$
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1 695 649$
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2001
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2 676 366$
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1 303 177$
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3 979 543$
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[10]
Le 26 septembre 2007, Kerry Canada a déposé deux demandes d’aide auprès de l’ACC, une division de l’ARC : la première concernant le rajustement du prix de transfert pour les ventes de Daritone C5994 (la première demande à l’AC) et, la deuxième, concernant le refus d’accorder la déduction des paiements de redevances à KGSI du revenu de Kerry Canada (la seconde demande à l’AC). Dans chacune de ses demandes à l’ACC, Kerry Canada a inscrit les années frappées de prescription comme étant 2001, 2002 et 2003. De plus, les demandes faisaient référence aux oppositions au titre de la partie I et informaient l’ACC de la demande de Kerry Canada de mettre les oppositions en suspens en attendant le règlement des deux questions dans le cadre du processus de l’autorité compétente. Des copies des oppositions au titre de la partie I ont été déposées avec les première et seconde demandes à l’AC.
[11]
Le 28 septembre 2010, l’ACC a donné sa réponse (première décision de l’AC) à la première demande à l’AC de Kerry Canada. L’ACC a déclaré qu’elle s’était entretenue avec l’autorité compétente des États‑Unis et qu’elle avait accepté d’annuler intégralement le rajustement du revenu de l’ARC en ce qui concerne les ventes de Daritone C5994 de Kerry Canada à Kerry US pour les années d’imposition 2001, 2002 et 2003.
[12]
En juin 2012, Kerry Canada a reçu une lettre de M. Ronald Young, chef des appels par intérim à l’ARC, indiquant que les oppositions au titre de la partie I étaient accueillies en partie. La lettre indiquait que les objections de Kerry Canada reposaient sur deux éléments : la question de l’établissement du prix de transfert de Daritone C5994 et la déduction des paiements de redevances à KGSI. Voici les rajustements proposés au revenu de Kerry Canada à la suite de la première décision de l’AC :
[traduction]
À la suite des recommandations de l’autorité compétente, le revenu du contribuable pour 2001 sera réduit de 2 676 366 $, celui de 2002 sera réduit de 226 672 $ et celui de 2003 sera réduit de 536 381 $.
[13]
La lettre indiquait que les avis de nouvelle cotisation pour chacune des années d’imposition suivraient sous pli séparé. La lettre indiquait que, si Kerry Canada n’était pas d’accord avec la décision, elle pouvait, dans les 90 jours suivant la date des avis de nouvelle cotisation, interjeter appel devant la Cour canadienne de l’impôt (article 169 de la LIR) ou déposer des avis d’opposition (article 165 de la LIR).
[14]
Le 11 juin 2012, l’ARC a émis des avis de nouvelles cotisations (les secondes nouvelles cotisations) pour les trois années d’imposition, qui prenaient en compte la première décision de l’AC et qui diminuaient les impôts payables au titre de la partie I et de la partie I.3 par Kerry Canada. L’avis de nouvelle cotisation pour l’année d’imposition 2003 contenait un résumé des rajustements apportés aux années 2001, 2002 et 2003 et indiquait que le [traduction] « solde total n’inclut pas les montants pour lesquels vous avez déposé un ou des avis d’opposition »
.
[15]
Le 12 décembre 2012, l’ARC a envoyé un courriel à Kerry Canada au sujet d’un problème de recouvrement survenu à la suite de la délivrance des secondes nouvelles cotisations (la question de la suspension). Le courriel indiquait que, pour rétablir la suspension et mettre fin aux mesures de recouvrement, Kerry Canada devait déposer de nouveaux avis d’opposition.
[16]
Le 5 septembre 2013, l’ACC a livré sa réponse (la seconde décision de l’AC) à la seconde demande à l’AC concernant les redevances versées par Kerry Canada à KGSI. L’ACC a déclaré qu’elle avait [traduction] « décidé d’annuler l’ensemble des rajustements apportés par l’Agence du revenu du Canada relativement aux redevances versées par Kerry (Canada) Inc. à une société liée, Kerry Group Services International pour les années d’imposition 2001, 2002 et 2003 »
.
[17]
En novembre 2013, Kerry Canada a été informée que la division des appels de l’ARC n’était pas en mesure de traiter la seconde décision de l’AC et de rembourser le solde dû pour les années d’imposition 2001 à 2003, parce qu’elles étaient frappées de prescription au titre de la LIR, car les secondes nouvelles cotisations avaient mis fin aux oppositions au titre de la partie I déposées en 2007.
[18]
Dans une lettre datée du 31 décembre 2013, Kerry Canada a demandé à l’ARC d’appliquer la seconde décision de l’AC pour éliminer la double imposition et respecter les dispositions de la convention fiscale entre le Canada et l’Irlande :
[traduction]
Kerry Canada demande respectueusement au ministre d’examiner son cas dans le contexte des principes d’équité et des directives fournies par l’ARC dans IC07‑1 [Circulaire d’information IC07‑1 – Dispositions d’allègement pour les contribuables], et de permettre le traitement du règlement de l’autorité compétente, conformément à son pouvoir en vertu des paragraphes 115.1(1) et 220(3.1) de la LIR.
[19]
Kerry Canada a envoyé une seconde lettre à l’ARC le 26 mai 2014. La lettre fait référence à la [traduction] « l’acheminement par inadvertance » des oppositions au titre de la partie I et demande que l’ARC traite la lettre du 26 septembre 2007 à l’ACC comme étant une renonciation visée à l’alinéa 152(4)c) de la LIR.
[20]
Le 27 octobre 2014, l’ARC a refusé les demandes de Kerry Canada visant à ce que le ministre émette des avis de nouvelle cotisation pour ses années d’imposition 2002 et 2003. La lettre du 27 octobre 2014 est la décision à l’étude dans la présente demande.
II.
Résumé des échéances
[21]
Voici un résumé du fil des événements de la présente affaire :
2 octobre 2006 : Kerry Canada a déposé une renonciation pour l’année d’imposition 2001, qui permet que l’année puisse faire l’objet d’une nouvelle cotisation.
6 février 2007 : L’ARC a émis des avis de nouvelle cotisation pour les années d’imposition 2001, 2002 et 2003 (nouvelles cotisations au titre de la partie I).
3 mai 2007 : Kerry Canada a déposé les oppositions au titre de la partie I et a demandé que les oppositions soient mises en suspens jusqu’au règlement des questions soumises à l’ACC.
26 septembre 2007 : Kerry Canada a présenté à l’ACC la première demande à l’AC (Daritone C5994 – rajustements du prix de transfert) et la seconde demande à l’AC (refus des déductions pour le paiement des redevances).
28 septembre 2010 : L’ACC a rendu la première décision de l’AC annulant les rajustements au prix de transfert effectués par l’ARC relativement au Daritone C5994.
Juin 2012 : Kerry Canada a reçu une lettre de la division des appels de l’ARC indiquant que les oppositions au titre de la partie I avaient été accueillies en partie.
11 juin 2012 : Kerry Canada a reçu les secondes nouvelles cotisations reflétant la première décision de l’AC.
5 septembre 2013 : L’ACC a rendu la seconde décision de l’AC, annulant le refus de l’ARC de déduire les paiements de redevances.
Novembre 2013 : Kerry Canada a été informée que les années d’imposition 2001, 2002 et 2003 ne pouvaient pas faire l’objet d’une nouvelle cotisation, parce qu’elles sont frappées de prescription.
31 décembre 2013
et 26 mai 2014 : Kerry Canada a demandé à l’ARC de reconnaître sa renonciation pour et 26 mai 2014 : les années 2002 et 2003 et effectuer une nouvelle cotisation pour les années afin de tenir compte de la seconde décision de l’AC.
27 octobre 2014 : La décision faisant l’objet du présent contrôle est rendue.
III.
La décision faisant l’objet du contrôle
[22]
Dans la décision, M. Peter Nicotera, vérificateur de l’impôt international à l’ARC, a reconnu que Kerry Canada avait déposé une renonciation valide à l’égard de son année d’imposition 2001 et a accepté de traiter la seconde décision de l’AC, telle qu’elle était demandée pour cette année‑là.
[23]
En ce qui concerne les années d’imposition 2002 et 2003, M. Nicotera a d’abord examiné l’argument de Kerry Canada au sujet de l’article 115.1 de la LIR. Il a déclaré que, si la LIR ne confère pas au ministre le pouvoir de traiter une décision d’une autorité compétente, l’article 115.1 ne pourrait pas autrement lui accorder ce pouvoir. L’ARC n’a pas été en mesure de procéder à une nouvelle cotisation pour les années d’imposition 2002 et 2003 en l’absence d’une renonciation valide, puisqu’elles étaient frappées de prescription.
[24]
M. Nicotera a ensuite abordé la question de savoir si Kerry Canada avait fourni une renonciation implicite au délai de prescription quant à la nouvelle cotisation :
[traduction]
Notre examen des faits et des circonstances du dossier nous a amenés à conclure que l’ARC n’a aucun fondement juridique sur lequel s’appuyer pour établir de nouvelles cotisations pour les années 2002 et 2003 au‑delà de leurs dates de prescription respectives, conformément à l’alinéa 152(4)c) de la Loi de l’impôt sur le revenu.
IV.
Les questions en litige
[25]
Kerry Canada soutient que la décision était déraisonnable et que son droit à l’équité procédurale a été violé par le refus du ministre d’établir une nouvelle cotisation pour ses années d’imposition 2002 et 2003. À mon avis, les arguments de Kerry Canada au sujet de l’équité procédurale et des attentes légitimes ont trait au bien‑fondé de la décision et peuvent être considérés comme des arguments qui remettent en question le caractère raisonnable de la décision et non le processus suivi pour en arriver à la décision.
[26]
Les arguments de Kerry Canada à l’appui de cette demande reposent principalement sur l’affirmation selon laquelle elle a présenté une renonciation au ministre à l’égard des délais de prescription pour les nouvelles cotisations relativement aux années d’imposition 2002 et 2003. À titre subsidiaire, Kerry Canada soutient que le ministre aurait pu et aurait dû appliquer les oppositions au titre de la partie I aux secondes nouvelles cotisations. Le défendeur fait valoir que la Cour n’a pas compétence pour examiner l’argument subsidiaire, puisqu’il s’agit essentiellement d’un argument selon lequel Kerry Canada a des oppositions valides et en suspens à l’égard des secondes nouvelles cotisations. Le défendeur fait valoir que la Cour canadienne de l’impôt a compétence exclusive pour entendre les appels concernant des oppositions à la cotisation et la nouvelle cotisation du revenu d’un contribuable.
[27]
Voici les questions soulevées par la présente demande :
La Cour a‑t‑elle compétence pour examiner la demande de Kerry Canada?
La décision était‑elle raisonnable?
V.
La compétence de la Cour fédérale
[28]
Comme il a été mentionné précédemment, Kerry Canada soutient que la décision était déraisonnable pour deux raisons. Les parties conviennent que la principale question, à savoir si le ministre a conclu de façon déraisonnable que Kerry Canada n’avait pas présenté de renonciations aux périodes de nouvelle cotisation prévues par la loi pour ses années d’imposition 2002 et 2003, relève de la compétence de la Cour.
[29]
Je suis d’accord avec les parties. Dans le cadre de l’examen d’une demande de contrôle judiciaire concernant des questions liées à la LIR, je dois être convaincue que le contrôle judiciaire est possible au titre des articles 18 et 18.1 de la Loi sur les Cours fédérales et que la compétence de la Cour n’est pas exclue au titre de l’article 18.5. De plus, la demande doit énoncer « un motif de contrôle connu en droit administratif ou susceptible d’être reconnu en droit administratif »
(Canada (Revenu national) c JP Morgan Asset Management (Canada) Inc., 2013 CAF 250, au paragraphe 70 (JP Morgan)).
[30]
Les articles 18 et 18.1 de la Loi sur les Cours fédérales traitent principalement de la compétence de la Cour fédérale ainsi que des délais et des recours possibles dans une demande de contrôle judiciaire. En l’espèce, la demande de Kerry Canada visant l’annulation de la décision et le renvoi de l’affaire au ministre pour réexamen constitue un recours relevant de la compétence de la Cour. De plus, son principal argument au sujet de la renonciation repose sur l’irrecevabilité quant au fond de la décision, un motif de contrôle reconnu en droit administratif (JP Morgan, au paragraphe 70). Kerry Canada soutient que le ministre a mal apprécié les faits et n’a pas tenu compte de la preuve dont il disposait en concluant que Kerry Canada n’avait pas fourni de renonciations à l’ARC pour les années d’imposition 2002 et 2003 (voir Mitchell c Canada (Procureur général), 2002 CAF 407 (Mitchell)). À mon avis, cet argument soulève une réclamation reconnue en droit administratif, et la Cour a compétence pour entendre et trancher la demande (Anthony c Canada (Revenu national), 2016 CF 955, aux paragraphes 11 à 13 (Anthony)), sous réserve de certaines contraintes que j’aborderai ensuite.
[31]
L’argument subsidiaire de Kerry Canada à l’appui de cette demande est que le ministre avait le pouvoir discrétionnaire de traiter les oppositions au titre de la partie I comme étant en vigueur et applicable aux secondes nouvelles cotisations, malgré le fait que ces oppositions aient été remplacées par les secondes nouvelles cotisations par l’application normale de la LIR. Cet argument subsidiaire et les recours demandés par Kerry Canada fondés sur cet argument posent problème du point de vue de la compétence de la Cour.
[32]
L’article 18.5 de la Loi sur les Cours fédérales prévoit que le contrôle judiciaire n’est pas possible dans la mesure où une affaire peut faire l’objet d’un appel sous le régime d’une loi :
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[33]
Il est bien établi que les appels relatifs à l’établissement de cotisation d’impôt sur le revenu et à l’exactitude des cotisations d’impôt sur le revenu relèvent de la compétence exclusive de la Cour canadienne de l’impôt, en application de la Loi sur la Cour canadienne de l’impôt, LRC 1985, c T‑2, et de la LIR. La Cour fédérale n’a pas compétence pour entendre et trancher de telles questions (JP Morgan, au paragraphe 27). Je garde à l’esprit la déclaration de la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Canada c Addison & Leyen Ltd., 2007 CSC 33, au paragraphe 11, selon laquelle une cour de révision devrait faire preuve de prudence lorsqu’elle entreprend un contrôle judiciaire dans des circonstances qui touchent le système de cotisation fiscale et d’appel établi par le législateur :
[11] Dans de telles circonstances, les tribunaux de révision ne doivent ouvrir la voie aux recours en contrôle judiciaire qu’avec beaucoup de circonspection. Il y a lieu de protéger l’intégrité et l’efficacité du système de cotisation et d’appel en matière fiscale. Le Parlement a édifié une structure complexe pour assurer le traitement d’une multitude de revendications se rapportant au fisc, et cette structure s’appuie sur un tribunal spécialisé et indépendant, la Cour canadienne de l’impôt. On ne saurait permettre que le contrôle judiciaire serve à créer une nouvelle forme de procédure connexe destinée à contourner le système d’appel établi par le Parlement en matière fiscale ainsi que la compétence de la Cour de l’impôt. Dans ce contexte, le contrôle judiciaire devrait demeurer un recours de dernier ressort.
[34]
Je suis d’accord avec le défendeur pour dire que la Cour n’a pas compétence pour examiner l’argument subsidiaire de Kerry Canada. J’ai passé en revue cet argument pour en comprendre la nature essentielle (Canada (Revenu national) c Sifto Canada Corp, 2014 CAF 140, au paragraphe 25). Le fond de l’argument de Kerry Canada est que les oppositions au titre de la partie I sont de valides oppositions qui subsistent aux secondes nouvelles cotisations pour les besoins de la LIR. Comme le défendeur l’indique dans son mémoire, l’argument [traduction] « suppose que les nouvelles cotisations existantes sont inexactes et que [Kerry Canada] a une opposition valide, et qu’il s’agit là d’enjeux qui sont au cœur de la compétence de la Cour de l’impôt »
.
[35]
Lors de l’audience, l’avocate de Kerry Canada a concédé que la question de savoir si les oppositions au titre de la partie I constituent une opposition valide aux secondes nouvelles cotisations relève de la compétence de la Cour canadienne de l’impôt. Elle a déclaré que l’argument de Kerry Canada à cet égard n’était pas son argument central et que le contrôle judiciaire de la décision par la Cour demeurait le recours approprié.
[36]
La question déterminante dans cette demande est celle de savoir si Kerry Canada a fourni une renonciation à l’ARC au titre du sous‑alinéa 152(4)a)(ii) ou de l’alinéa 152(4)c) de la LIR à la nouvelle cotisation établie à l’égard de ses années d’imposition 2002 et 2003. Étant donné que le maintien de la validité des oppositions au titre de la partie I dépasse la compétence de notre Cour, je limiterai mon analyse à la question de la renonciation pour trancher la question de savoir si la décision était raisonnable. De plus, je n’examinerai pas la mesure de redressement déclaratoire demandée par Kerry Canada au paragraphe 66(iii) de son mémoire, car cette mesure dépend de la résolution de l’argument subsidiaire.
VI.
La norme de contrôle applicable à la décision
[37]
Les parties soutiennent que la décision doit être examinée en fonction de la norme de la décision raisonnable, citant Dunsmuir c Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9 (Dunsmuir). Je suis d’accord, car la décision découle de l’exercice du pouvoir discrétionnaire par un délégué du ministre et traite de questions mixtes de fait et de droit (Anthony, au paragraphe 19; Dunsmuir, au paragraphe 53). La Cour n’interviendra que si la décision est dépourvue de justification, de transparence et d’intelligibilité ou que si elle n’appartient pas aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits particuliers de la présente affaire et du droit (Dunsmuir, au paragraphe 47).
VII.
La décision était‑elle raisonnable?
1. Les observations des parties
[38]
Kerry Canada soutient que le ministre a le pouvoir d’établir de nouvelles cotisations relativement à ses années d’imposition 2002 et 2003, parce que des renonciations valides étaient en place pour ces années. Kerry Canada reconnaît qu’il est généralement interdit au ministre de délivrer des nouvelles cotisations en dehors des délais de prescription prévus par la loi, communément appelés les périodes normales et prolongées de cotisation, mais soutient qu’il y a exception lorsqu’un contribuable a fourni au ministre la renonciation du délai de prescription visée au sous‑alinéa 152(4)a)(ii) et (ou) à l’alinéa 152(4)c) de la LIR. Bien que les dispositions énoncent qu’une renonciation devrait être sous la forme prescrite, il est accepté qu’une renonciation puisse être fournie sous une autre forme dans la mesure où elle contient tous les renseignements nécessaires et qu’elle ait pour objectif de servir de renonciation (Mitchell, aux paragraphes 30, 31 et 34). La démarche appropriée consiste à vérifier l’intention de la partie exprimée dans le document en question, ainsi que toutes les circonstances.
[39]
Kerry Canada soutient que les déclarations concernant la suspension qui étaient contenues dans les oppositions au titre de la partie I et la seconde demande à l’AC se voulaient des renonciations valides, soit expresses ou implicites. Les documents indiquent clairement que les années 2002 et 2003 doivent faire l’objet d’une nouvelle cotisation conformément à la première et à la seconde décision de l’AC. Kerry Canada soutient également qu’il n’y a aucun motif pour interpréter les demandes de suspension comme étant circonscrites à la période normale de nouvelle cotisation. Kerry Canada soutient que l’ARC ne subit aucun préjudice en donnant suite aux renonciations, qu’elle a été avisée de tous les renseignements pertinents et qu’elle comprenait l’intention constante de Kerry Canada de poursuivre le règlement du rajustement des redevances au titre de sa seconde demande à l’AC.
[40]
Enfin, Kerry Canada soutient que le ministre n’a pas fourni de motifs adéquats dans la décision. À son avis, la décision n’énonce aucun motif ni aucune explication à l’appui de la conclusion selon laquelle Kerry Canada n’a pas présenté de renonciations pour les années d’imposition 2002 et 2003. Kerry Canada conclut à partir des documents au dossier que la décision était fondée d’abord sur le fait qu’elle n’a pas fait de déclaration explicite concernant la renonciation à la période normale ou prolongée de nouvelle cotisation et, ensuite, sur la prémisse que les secondes nouvelles cotisations ont annulé les oppositions au titre de la partie I. Toutefois, Kerry Canada soutient que la délivrance des secondes nouvelles cotisations n’a d’aucune façon modifié son intention préexistante de garder les années d’imposition ouvertes en prévision de la seconde décision de l’AC.
[41]
Le défendeur soutient que Kerry Canada n’a pas renoncé aux périodes de nouvelles cotisations prévues par la loi pour les années d’imposition 2002 et 2003. Le défendeur, citant l’arrêt Mitchell, reconnaît que, bien qu’une renonciation n’ait pas à être déposée sous la forme prescrite, elle doit contenir tous les renseignements requis dans le formulaire de renonciation prescrit. Il doit également être clair d’après la preuve que les parties avaient l’intention que le contribuable renonce à l’avantage de la période normale ou prolongée de nouvelle cotisation pour la ou les années en question. Le défendeur soutient qu’il ne peut y avoir de renonciation implicite, puisque la Cour d’appel fédérale a rejeté le concept de catégories de renonciation dans l’arrêt Mitchell (au paragraphe 24). De l’avis du défendeur, il n’était pas suffisant que Kerry Canada demande que les oppositions au titre de la partie I soient mises en suspens en attendant la résolution des questions devant l’ACC.
[42]
En ce qui concerne le contenu de la décision, le défendeur soutient que la Cour doit tenir compte non seulement de la décision, mais aussi des délibérations du ministre et de son délégué contenues dans le dossier, plus précisément des documents produits par l’ARC conformément aux articles 317 et 318 des Règles des Cours fédérales, DORS/98‑106 (Newfoundland and Labrador Nurses’ Union c Terre‑Neuve‑et‑Labrador (Conseil du Trésor), 2011 CSC 62 (Newfoundland Nurses); HiTech Seal Inc. c Canada (Procureur général), 2009 CF 901 (Hi‑Tech Seals); Sherry c Canada (Revenu national), 2011 CF 1208 (Sherry)). Le défendeur soutient que le dossier démontre que le ministre a examiné attentivement les arguments de Kerry Canada au sujet de la renonciation.
2. Les dispositions applicables et la jurisprudence
[43]
En bref, le ministre est généralement tenu d’établir une nouvelle cotisation concernant l’année d’imposition d’un contribuable dans les périodes normales et prolongées de nouvelle cotisation prévues aux paragraphes 152(3.1) et (4) de la LIR, sous réserve de la réception d’une renonciation du contribuable par laquelle il renonce à la période de cotisation conformément au sous‑alinéa 152(4)a)(ii) ou à l’alinéa 152(4)c) :
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[44]
Bien que le sous‑alinéa 152(4)a)(ii) et l’alinéa 152(4)c) de la LIR renvoient à une renonciation sous la forme prescrite, la Cour d’appel fédérale a déclaré dans l’arrêt Mitchell (au paragraphe 40) que l’ARC est tenue de traiter tout document comme une renonciation dans la mesure où il contient les renseignements nécessaires. Dans l’arrêt Mitchell, un groupe de contribuables avait reçu des avis de cotisation de Revenu Canada (tel était le nom de l’ARC à l’époque), dans lesquels les intérêts de pénalité découlant de l’expropriation de terres étaient imposés à titre de revenu. Les contribuables se sont opposés à la cotisation et, à la suite d’une rencontre avec Revenu Canada, il a été entendu qu’une cause type serait soumise à la Cour canadienne de l’impôt et que les autres contribuables feraient l’objet d’une nouvelle cotisation, conformément à l’issue de la cause type. M. Nichols, le représentant des contribuables, a écrit à Revenu Canada au sujet de l’entente visant à établir une nouvelle évaluation conformément aux résultats de la cause type en déclarant ce qui suit (Mitchell, au paragraphe 15) :
[TRADUCTION]
[…]
Au nom de chacun des contribuables, nous confirmons qu’ils n’ont pas d’objection à toute nouvelle cotisation, qu’elle soit faite avant ou après le délai prescrit dans la loi, afin de permettre qu’on puisse déclarer que les « intérêts de pénalisation » ne sont pas imposables. Si cela ne suffit pas, vous pouvez peut‑être me faire savoir si oui ou non il y a lieu de produire des renonciations.
[45]
Revenu Canada n’a pas donné suite à cette lettre. Par la suite, le contribuable a eu gain de cause dans la cause type. Lorsqu’on a demandé à Revenu Canada de respecter l’accord voulant que les autres contribuables fassent l’objet de nouvelles cotisations en conséquence, l’organisme a refusé. Le juge du procès a conclu que Revenu Canada avait accepté d’établir de nouvelles cotisations pour les contribuables en se fondant sur les résultats de la cause type, mais qu’aucun accord n’avait été conclu sur la nécessité des renonciations. Le juge du procès était d’avis que les renonciations pouvaient prendre trois formes : le formulaire prévu par la loi, la renonciation implicite et la renonciation par interprétation. Le juge de première instance a conclu que Revenu Canada n’était pas tenu de traiter les lettres de M. Nichols comme des renonciations, même si elles contenaient pratiquement tous les renseignements requis.
[46]
En appel, le juge Sexton a infirmé la conclusion du juge du procès. Il a déclaré que le juge du procès avait commis une erreur en mettant l’accent sur différents types de renonciation. La seule question à trancher était de savoir si les contribuables avaient effectivement fourni une renonciation. Le juge Sexton a conclu que les lettres constituaient bel et bien des renonciations valides, car il était clair que « [M. Nichols] avait l’intention de renoncer au délai de prescription, de façon qu’une nouvelle cotisation puisse être établie
[TRADUCTION]
“qu’elle soit faite avant ou après le délai prescrit dans la loi
” »
(Mitchell, au paragraphe 33). Le juge Sexton a tiré la conclusion suivante (Mitchell, au paragraphe 40) :
[40] Il me semble que Revenu Canada est obligé de considérer tout document comme une renonciation, à condition qu’il contienne les renseignements nécessaires. Revenu Canada n’a pas le choix lorsqu’il s’agit d’accepter ou de refuser une renonciation. Une renonciation est un privilège reconnu au contribuable et, si elle est envoyée, Revenu Canada ne peut pas omettre d’en tenir compte.
[47]
Le juge Sexton a fait remarquer que le défendeur n’était pas en mesure de démontrer l’existence d’un préjudice causé par les agissements des contribuables et que Revenu Canada avait été informé dès le départ de tous les faits pertinents et nécessaires. Il a déclaré que les parties savaient qu’il était tout à fait possible, sinon probable, que le litige de la cause type allait nécessiter beaucoup de temps. En d’autres termes, les parties savaient que la période normale de nouvelle cotisation pourrait poser problème (Mitchell, au paragraphe 46) :
[46] Il me semble fort discutable que l’existence d’une renonciation eût implicitement été reconnue dans l’entente. Il est difficile de croire que Revenu Canada se soit engagé à établir de nouvelles cotisations uniquement si le cas type était mené à bonne fin dans le délai prescrit. La seule conclusion raisonnable est que l’entente en soi rendait inutile le dépôt d’une renonciation formelle.
[48]
Kerry Canada cite les précédents Fagan c Canada, 2011 CCI 523 (Fagan), et Noran West Developments Ltd. c Canada, 2012 CCI 434 (Noran). La question dans ces affaires n’était pas de savoir si les contribuables en question avaient consenti une renonciation à l’ARC. Les litiges étaient axés sur la portée de l’intention des contribuables, telle qu’elle était établie dans les renonciations consenties. Par conséquent, ces précédents ne sont pas directement liés à la présente affaire, mais ils appuient la prémisse selon laquelle, en établissant l’intention d’une partie dans ses interactions avec l’ARC dans le contexte d’une renonciation aux droits, il faut tenir compte de toutes les circonstances pertinentes (Fagan, au paragraphe 34; Noran, aux paragraphes 73 et 74).
3.
Analyse – Renonciation
[49]
J’en viens maintenant à mon analyse de la preuve dans la présente affaire au regard des principes établis par la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Mitchell.
[50]
Dans les oppositions au titre de la partie I du 3 mai 2007, Kerry Canada a écrit ce qui suit :
[traduction]
Kerry Canada prévoit demander l’aide de l’autorité compétente pour régler les deux questions qui font l’objet de ces avis d’opposition et, par conséquent, demande que les avis d’opposition soient mis en suspens en attendant le règlement des questions dans le cadre du processus de l’autorité compétente.
[51]
Dans la première demande à l’AC, Kerry Canada a fait référence aux années d’imposition 2001 à 2003 et aux oppositions au titre de la partie I et a déclaré ce qui suit :
[traduction]
Kerry Canada a demandé que ces avis d’opposition soient mis en suspens en attendant que les questions soient réglées dans le cadre du processus de l’autorité compétente. Des copies de ces avis d’opposition se trouvent aux annexes 2 et 3.
[52]
Dans la seconde demande à l’AC, Kerry Canada a écrit ce qui suit :
[traduction]
Kerry Canada a déposé le 3 mai 2007 des avis d’opposition à l’encontre des avis de nouvelle cotisation délivrés le 6 février 2007 pour les années financières 2001 à 2003 de l’entreprise. Kerry Canada a demandé que ces avis d’opposition soient mis en suspens en attendant que les questions soient réglées dans le cadre du processus de l’autorité compétente. Une copie de ces avis d’opposition se trouve à l’annexe 4.
[53]
Le 28 septembre 2010, l’ACC a rendu la première décision de l’AC, par laquelle elle annulait le rajustement de revenu effectué par l’ARC en ce qui concerne les ventes de Daritone C5994 de Kerry Canada à Kerry US pour les années d’imposition 2001 à 2003. Le 11 juin 2012, cinq ans après les première et seconde demandes à l’AC de Kerry Canada, l’ARC a établi les secondes nouvelles cotisations pour les trois années d’imposition, diminuant les impôts au titre de la partie I et de la partie I.3 payables par Kerry Canada à la suite de la première décision de l’AC.
[54]
Le 5 septembre 2013, l’ACC a rendu la seconde décision de l’AC, par laquelle elle annulait les rajustements effectués par l’ARC en ce qui concerne les redevances payées par Kerry Canada à KGSI pour les années d’imposition 2001 à 2003. En novembre 2013, Kerry Canada a été informée par l’ARC qu’elle ne traiterait pas la seconde décision de l’AC, parce que les années étaient frappées de prescription.
[55]
La question dont je suis saisie consiste à savoir si le ministre pouvait raisonnablement conclure que Kerry Canada n’avait pas renoncé aux périodes normales et prolongées de nouvelle cotisation pour ses années d’imposition 2002 et 2003. Compte tenu des principes établis dans l’arrêt Mitchell, je dois tenir compte de la documentation écrite de Kerry Canada, des intentions de Kerry Canada et de l’ARC, ainsi que de leur conduite en ce qui concerne les années en question et le processus en cours de l’autorité compétente. Il est également important de garder à l’esprit que l’ACC fait partie de l’ARC et que la division des appels de l’ARC était au courant des deux questions dont l’ACC était saisie dès le départ.
[56]
La documentation écrite de Kerry Canada comprend les oppositions au titre de la partie I et la seconde demande à l’AC. Dans l’arrêt Mitchell, les lettres écrites par M. Nichols faisaient expressément référence au fait que les contribuables souhaitaient faire l’objet d’une nouvelle cotisation conformément à l’issue de la cause type, que celle‑ci ait été conclue dans le délai de prescription pour la nouvelle cotisation ou non. Kerry Canada n’a pas fait une telle déclaration expresse dans la documentation susmentionnée. Toutefois, les déclarations dans les oppositions au titre de la partie I et dans la seconde demande à l’AC exprimaient clairement l’intention que les trois années d’imposition fassent l’objet d’une nouvelle cotisation, conformément à la première et seconde décision de l’AC. Rien au dossier ne donne à penser que les demandes de suspension de Kerry Canada n’étaient censées s’appliquer que pendant les périodes de nouvelle cotisation prévues par la loi.
[57]
J’estime que l’absence d’une référence expresse aux périodes normales et prolongées de nouvelle cotisation au titre de la LIR n’a pas été fatale à la position de Kerry Canada. Une renonciation à la protection des délais de prescription prévus par la loi était implicite dans ses demandes de suspension. La documentation contenait les renseignements nécessaires pour aviser l’ARC de l’intention de Kerry Canada que les années fassent l’objet d’une nouvelle cotisation dès que les questions en litige devant l’ACC seraient résolues. De plus, les questions particulières que Kerry Canada était disposée à soumettre à une nouvelle cotisation tardive ont été adéquatement définies.
[58]
Le Manuel de vérification de l’ARC reconnaît les renonciations implicites :
[traduction]
La renonciation tacite
Lorsqu’une renonciation n’a pas été déposée selon une formule réglementaire, l’ARC acceptera une demande écrite de rajustement comme étant une renonciation implicite pour l’application du sous‑alinéa 152(4)a)(ii) de la LIR, pourvu que :
• le rajustement demandé favorise le contribuable;
• le retard dans le traitement de la demande de rajustement ne soit pas attribuable au contribuable; et
• les renseignements essentiels requis dans la renonciation prescrite soient inclus.
[59]
À mon avis, les déclarations de Kerry Canada dans les oppositions au titre de la partie I et dans la seconde demande à l’AC s’inscrivent dans les paramètres du Manuel de vérification.
[60]
La circulaire d’information CI 71‑17R5 – Directive sur l’aide donnée par l’autorité compétente en vertu des conventions fiscales du Canada (CI 71‑17R5), traite en ces termes de l’application des décisions de l’ACC et de la question de la renonciation :
42. Si la Direction générale des appels confirme ou modifie la cotisation ou nouvelle cotisation établie pour une déclaration pour laquelle il n’existe aucune renonciation valide, la mise en œuvre de toute décision ultérieure par l’autorité compétente du Canada sera limitée par la date de prescription de la déclaration (à moins qu’un appel ne soit déposé auprès de la Cour de l’impôt et que celle‑ci n’ait consenti à tenir l’appel en suspens). […] Il faut noter toutefois que si l’avis d’opposition est tenu en suspens pendant que l’autorité compétente examine le cas, une décision de l’autorité compétente du Canada peut être mise en œuvre par la Direction générale des appels comme solution à l’avis d’opposition, malgré l’absence de renonciation concernant la déclaration et même si la date de prescription de la déclaration est passée.
[Non souligné dans l’original.]
[61]
La circulaire CI 71‑17R5 appuie la position de Kerry Canada. Une renonciation n’est pas nécessaire pour que l’ARC applique une décision de l’ACC pour une année frappée de prescription si les avis d’opposition pertinents sont en suspens. C’est exactement ce que Kerry Canada demande. La circulaire CI 71‑17R5 reconnaît les retards inhérents au processus de l’ACC et l’effet que ces retards peuvent avoir sur la mise en œuvre des décisions de l’ACC, compte tenu des délais de prescription applicables aux périodes de nouvelle cotisation prévue dans la LIR.
[62]
Le défendeur soutient que la délivrance des secondes nouvelles cotisations avait pour effet de supplanter la demande de Kerry Canada de mettre en suspens les oppositions au titre de la partie I. Bien que les oppositions au titre de la partie I n’étaient peut‑être plus valides en tant qu’avis d’opposition à l’égard des secondes nouvelles cotisations, je ne vois aucune raison pour laquelle les demandes de suspension, répétées dans les première et seconde demandes à l’AC, étaient automatiquement rendues sans effet. La connaissance et la conduite de Kerry Canada et de l’ARC en l’espèce sont cruciales.
[63]
Le défendeur prétend, en établissant une distinction entre la présente affaire et l’arrêt Mitchell, qu’il n’y avait pas d’entente mutuelle sur le fait que la demande de suspension de Kerry Canada constituait une renonciation expresse ou implicite aux périodes de nouvelle cotisation applicables dans l’attente d’un règlement par l’ACC des litiges sur le Daritone C5994 et les redevances. Cet argument me paraît peu convaincant. Premièrement, l’ARC et le ministre étaient au courant depuis 2007 de la demande de suspension et des processus parallèles de l’ACC. Deuxièmement, la délivrance, par le ministre, de la nouvelle cotisation en juin 2012, cinq ans après le dépôt des oppositions au titre de la partie I, avait précisément pour objet de répondre à la première décision de l’AC.
[64]
Kerry Canada et l’ARC savaient tous deux que la seconde demande à l’AC demeurait en suspens. Plus important encore, la division des appels de l’ARC savait que Kerry Canada continuait de chercher à régler le différend sur la déduction des redevances au moyen du processus de l’autorité compétente. Il s’ensuit que l’ARC savait que Kerry Canada demanderait qu’une nouvelle cotisation soit établie pour les années d’imposition 2002 et 2003 dans l’éventualité d’une décision favorable de l’ACC.
[65]
Le défendeur affirme que, non seulement Kerry Canada a‑t‑elle été avisée de déposer des avis d’opposition au moment de la délivrance des secondes nouvelles cotisations, mais également que M. Nicotera a expressément informé Kerry Canada en décembre 2012 de la nécessité de déposer des avis d’opposition. Toutefois, il est manifeste que la discussion à laquelle fait référence le défendeur était une discussion entre M. Nicotera et M. Nick Coburn de Kerry Canada au sujet d’une question distincte de recouvrement, soit celle de la suspension. En effet, les réponses de M. Nicotera en contre‑interrogatoire démontrent que l’ARC savait que Kerry Canada attendait la seconde décision de l’AC. M. Nicotera avait parlé à une personne‑ressource de l’ACC au sujet de la question des recouvrements de Kerry Canada. Il a déclaré que M. Coburn avait exprimé sa surprise sur le fait que la question du recouvrement ait été soulevée, alors que la question des redevances était toujours à l’étude par l’ACC. L’extrait suivant du contre‑interrogatoire est révélateur :
[traduction]
Q. Et à cette étape [décembre 2012], ce que vous faisiez, c’était d’essayer de comprendre comment régler ce problème de recouvrement, pourquoi prenaient‑ils leur argent, n’est‑ce pas?
R. En effet, parce que je pense que Nick était préoccupé à propos des oppositions, pourquoi tous les impôts devaient être payés tout d’un coup, et je ne le savais pas, et maintenant je le sais.
Q. Mais vous saviez qu’il y avait des oppositions, n’est‑ce pas?
R. Oui.
Q. À ce moment‑là, vous saviez qu’il y avait des oppositions.
R. Bien sûr.
Q. Et vous saviez que cette question était devant l’autorité compétente.
R. Oui.
Q. Et vous saviez à ce moment‑là que Kerry avait l’intention de poursuivre ces questions, n’est‑ce pas?
R. Bien sûr.
Q. De même, vous saviez que la demanderesse, que Kerry n’avait pas l’intention d’abandonner cette question à ce stade‑ci.
R. Oui, bien sûr.
[66]
Lors du réinterrogatoire par l’avocate du défendeur, M. Nicotera a expliqué ce qu’il comprenait de la question encore en litige :
[traduction]
RÉINTERROGATOIRE PAR MME SITTLER :
Q. Je vous ramène à la pièce A. Plus tôt dans l’interrogatoire sur votre affidavit, la pièce A représente les courriels échangés en décembre 2012, et la question qui vous a été posée était la suivante : vous saviez que Kerry n’avait pas l’intention d’abandonner cette question, je ne suis pas certain si vous vous en souvenez, et vous aviez dit oui. Alors, la question était...
R. Au moment du premier courriel de Nick.
Q. En décembre 2012, je crois que l’interrogation visait à savoir si vous saviez que Kerry n’avait pas l’intention d’abandonner cette question. Pourriez‑vous simplement préciser ce que vous comprenez de [traduction] « cette question »?
R. D’accord, la question du deuxième litige sur l’établissement du prix de transfert qui était toujours en suspens, avec l’Irlande.
Q. En suspens dans quel sens?
R. La décision n’avait pas encore été prise avec l’autorité compétente. Aucune décision n’avait été prise au sujet de ces questions d’établissement du prix de transfert avec les autorités compétentes.
Q. Plus tard au cours de l’interrogatoire, on vous a posé une question à laquelle vous avez répondu que les questions demeuraient en suspens, et toujours en ce qui concerne la pièce A, les questions demeuraient en suspens. Dans quel sens, selon vous, les questions demeuraient‑elles en suspens?
R. Même situation; les autorités compétentes n’avaient toujours pas pris de décision sur les questions en suspens des vérifications de 2001 à 2003 de l’établissement du prix de transfert.
[67]
Je conclus que Kerry Canada et l’ARC comprenaient mutuellement l’intention de Kerry Canada de faire en sorte que ses demandes de mise en suspens des oppositions au titre de la partie I agissent comme des renonciations valides. L’ARC savait que le processus de l’ACC concernant le litige sur les redevances se poursuivait bien après la date des secondes nouvelles cotisations. Je suis d’avis que la conduite de l’ARC suggère au moins une reconnaissance tacite de l’utilité continue du processus de l’ACC. La conclusion normale de ce processus était la nouvelle cotisation pour les années d’imposition 2002 et 2003 conformément à la seconde décision de l’AC, qui a été rendue subséquemment.
[68]
Le défendeur soutient que Kerry Canada a confondu ses demandes de mise en suspens des oppositions au titre de la partie I avec son obligation de déposer des avis d’opposition aux secondes nouvelles cotisations. L’avocate du défendeur soutient que Kerry Canada n’a pas compris la distinction entre les deux processus. Elle a peut‑être raison à cet égard, mais toute confusion de la part de Kerry Canada en ce qui concerne les secondes nouvelles cotisations ne change pas le fait qu’en 2007, elle a demandé une renonciation, expresse ou implicite, à la période ou aux périodes de nouvelle cotisation applicables pour 2002 et 2003 en attendant le règlement des deux litiges devant l’ACC.
[69]
Je suis d’accord avec le défendeur pour dire que l’ARC n’avait aucune obligation d’informer expressément Kerry Canada que les secondes nouvelles cotisations annulaient les oppositions au titre de la partie I. Toutefois, je juge qu’il était déraisonnable pour l’ARC de faire fi du processus parallèle de l’ACC et d’invoquer l’effet des secondes nouvelles cotisations sur les oppositions au titre de la partie I par l’effet de la LIR pour refuser à Kerry Canada tout avantage de la seconde décision de l’AC. Comme il a été mentionné ci‑dessus, l’ACC est une division de l’ARC. Par souci d’équité, l’ARC ne peut agir en vase clos, surtout lorsque la preuve démontre que la division des appels était au courant de la participation de l’ACC à partir de 2007 et qu’elle savait que Kerry Canada continuait d’attendre la seconde décision de l’AC. La mise en œuvre de la seconde décision de l’AC ne causerait aucun préjudice à l’ARC. La mise en œuvre de la seconde décision de l’AC refléterait plutôt les principes enchâssés dans les conventions fiscales internationales ratifiées par le Canada et éviterait la double imposition injustifiée d’un contribuable canadien.
4.
Analyse – Exigence de fournir des motifs
[70]
En réponse aux arguments de Kerry Canada selon lesquels la décision elle‑même était peu étayée et inintelligible, le défendeur s’appuie sur des précédents selon lesquels il faut non seulement prendre en considération la décision, mais aussi le dossier de preuve, pour apprécier le caractère raisonnable de la décision (Newfoundland Nurses; Hi‑Tech Seals; Sherry). Kerry Canada fait valoir que les précédents Hi‑Tech Seals et Sherry cités par le défendeur ne sont pas applicables en l’espèce, puisqu’elle n’a reçu aucun rapport ou document d’accompagnement expliquant le fondement de la décision du ministre. Kerry Canada affirme également que les documents qui lui ont finalement été fournis ne contenaient aucune explication des motifs sous‑jacents de la décision.
[71]
J’ai examiné la décision en fonction de l’obligation de fournir des motifs intelligibles à Kerry Canada. La décision ne contient aucune analyse des demandes de Kerry Canada datées du 31 décembre 2013 et du 26 mai 2014 pour que l’ARC mette en œuvre la seconde décision de l’AC. En ce qui concerne l’argument de Kerry Canada selon lequel la seconde demande à l’AC devrait être considérée comme une renonciation implicite, voici ce que la décision mentionne :
[traduction]
Les renonciations implicites
Notre examen des faits et des circonstances de fait nous a amenés à conclure que l’ARC n’a aucun cadre juridique sur lequel s’appuyer pour établir de nouvelles cotisations à l’égard des années 2002 et 2003 au‑delà de leurs dates de prescription respectives, conformément à l’alinéa 152(4)c) de la Loi de l’impôt sur le revenu.
[72]
Je conclus que les motifs fournis dans la décision étaient inadéquats. Le bref énoncé concernant la question de la renonciation ne fournit aucun fondement permettant à Kerry Canada de comprendre le raisonnement de l’ARC. Dans Hi‑Tech Seals (au paragraphe 23), le juge Phelan a déclaré qu’il n’est pas suffisant pour le défendeur de faire valoir que les motifs d’une décision peuvent être tirés de documents accessoires, ce qui oblige le contribuable à assembler le dossier de l’ARC. Dans les affaires Hi‑Tech Seals et Sherry, la Cour a conclu que la décision en question était inadéquate, mais que les documents ou les rapports connexes pourraient sauver la décision en fournissant le raisonnement sous‑jacent du décideur (Hi‑Tech Seals, au paragraphe 24; Sherry, au paragraphe 15). En l’espèce, Kerry Canada n’a reçu aucune explication accompagnant la décision. Par conséquent, la jurisprudence citée par le défendeur n’est d’aucune utilité pour convaincre la Cour que la décision est raisonnable.
[73]
J’ai également examiné les documents qui ont été fournis à Kerry Canada au titre de l’article 317 des Règles des Cours fédérales. Le seul document pertinent pour les besoins de cette analyse est une note de service interne préparée par M. Nicotera en date du 27 mai 2014. Dans la note de service, M. Nicotera examinait la question de savoir si Kerry Canada avait fourni une renonciation implicite pour les années d’imposition 2002 et 2003. Il a passé en revue l’arrêt Mitchell et il a conclu que l’ARC est tenue de considérer tout document comme une renonciation, dans la mesure où il contient les renseignements nécessaires. M. Nicotera a comparé les renseignements requis dans le formulaire prescrit de l’ARC (T2029) avec les renseignements contenus dans la seconde demande à l’AC de Kerry Canada. Il a conclu que la seconde demande à l’AC contenait tous les renseignements nécessaires autres que toute discussion quant à une renonciation aux périodes normales ou prolongées de nouvelle cotisation, au titre du sous‑alinéa 152(4)a)(ii) et de l’alinéa 152(4)c) de la LIR respectivement. M. Nicotera a fait référence aux oppositions au titre de la partie I, mais a allégué que, [traduction] « comme nous le savons, ces oppositions avaient déjà été acheminées »
.
[74]
Je suis d’avis que, même si les documents supplémentaires ont été fournis à Kerry Canada en même temps que la décision, l’analyse de l’ARC à l’appui de la décision est incomplète. M. Nicotera n’a pas tenu compte de toutes les circonstances entourant la demande de Kerry Canada ni de la conduite subséquente de Kerry Canada et de l’ARC. Il s’est appuyé sur le fait que Kerry Canada n’ait pas expressément renoncé aux périodes de cotisation prévues par la loi, sans tenir compte de son intention de demander que les oppositions au titre de la partie I soient mises en suspens en attendant le règlement des deux litiges dont avait été saisie l’ACC. Il s’est également appuyé sur l’annulation des oppositions au titre de la partie I par l’exécution des secondes nouvelles cotisations. Il semble que M. Nicotera se soit senti limité par l’effet des secondes nouvelles cotisations, puisqu’il a reconnu en contre‑interrogatoire qu’il était juste de dire qu’il aurait aimé aider Kerry Canada au moment où il a préparé la note de service du 27 mai 2014, mais qu’il estimait ne rien pouvoir faire.
5.
Résumé
[75]
En résumé, je conclus que la décision était déraisonnable. Le ministre n’a pas tenu compte de tous les éléments de preuve pour rendre sa décision. Il s’est basé principalement sur l’absence d’une demande expresse de renonciation et sur l’annulation des oppositions au titre de la partie I par les secondes nouvelles cotisations pour réfuter l’argument de Kerry Canada selon lequel elle avait donné des renonciations valides pour les années d’imposition 2002 et 2003. Le ministre n’a pas examiné sur le fond les demandes de suspension déposées en 2007 par Kerry Canada qui étaient contenues dans les oppositions au titre de la partie I et répétées dans les première et seconde demandes à l’AC. Le ministre n’a pas reconnu que l’ARC savait que Kerry Canada continuait de donner suite à sa seconde demande à l’AC et que la conclusion raisonnable tirée de la démarche de Kerry Canada était une intention de renoncer aux avantages des délais de prescription énoncés dans la LIR. À mon avis, la conclusion selon laquelle Kerry Canada n’a pas fourni de renonciation expresse ou implicite ne fait pas partie des issues possibles de la présente affaire.
[76]
Comme l’a fait remarquer le juge Sexton dans l’arrêt Mitchell, la renonciation est le privilège du contribuable. Les secondes nouvelles cotisations de l’ARC ne peuvent pas supplanter la demande expresse de Kerry Canada à l’ARC pour que les années d’imposition 2002 et 2003 restent sujettes à l’établissement de nouvelles cotisations, en attendant que l’ACC règle les questions de paiement de transfert et de déduction des redevances.
VIII.
Conclusions
[77]
La demande est accueillie.
[78]
Les parties ont convenu à l’audience que la partie qui obtiendrait gain de cause devrait avoir droit à une somme globale de 2 500 $ (y compris les débours et les taxes, le cas échéant) à titre de dépens. Par conséquent, les dépens sont adjugés sous forme d’une somme globale de 2 500 $ (y compris les débours et les taxes, le cas échéant), que le défendeur doit payer à Kerry Canada.
JUGEMENT dans le dossier T‑2489‑14
LA COUR STATUE que :
1. La demande de contrôle judiciaire est accueillie, et l’affaire est renvoyée au ministre ou à son délégué ou sa déléguée pour réexamen.
2. Les dépens sont adjugés sous forme d’une somme globale de 2 500 $ (y compris les débours et les taxes, le cas échéant), que le défendeur doit payer à Kerry Canada.
« Elizabeth Walker »
Juge
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER :
|
T‑2489‑14
|
INTITULÉ DE LA CAUSE :
|
KERRY (CANADA) INC. c LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA
|
LIEU DE L’AUDIENCE :
|
Calgary (Alberta)
|
DATE DE L’AUDIENCE :
|
Le 19 novembre 2018
|
JUGEMENT ET MOTIFS :
|
LA JUGE WALKER
|
DATE DU JUGEMENT ET DES MOTIFS :
|
LE 27 mars 2019
|
COMPARUTIONS :
Laurie A. Goldbach
Andrew Pozzobon
|
Pour la demanderesse
|
Brooke Sittler
|
Pour le défendeur
|
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Borden Ladner Gervais LLP
Calgary (Alberta)
|
Pour la demanderesse
|
Procureur général du Canada
Saskatoon (Saskatchewan)
|
Pour lE DÉFENDEUR
|