Date : 20190311
Dossier : T-2161-15
Référence : 2019 CF 289
[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]
Ottawa (Ontario), le 11 mars 2019
En présence de monsieur le juge Locke
ENTRE :
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BRADWICK PROPERTY MANAGEMENT SERVICES INC.
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demanderesse
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et
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MINISTRE DU REVENU NATIONAL
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défendeur
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JUGEMENT ET MOTIFS
I.
Aperçu
[1]
La Cour est saisie d’une demande de contrôle judiciaire au titre de l’article 41 de la Loi sur l’accès à l’information, LRC 1985, c A-1 [la LAI]. La demanderesse demande à l’Agence du revenu du Canada et à la Direction de l’accès à l’information et de la protection des renseignements personnels (Direction de l’AIPRP) d’examiner les décisions rejetant plusieurs demandes d’accès à l’information visant des renseignements de tiers.
II.
Contexte
[2]
Depuis 2015, la demanderesse a présenté 17 demandes de contrôle judiciaire relativement à 11 demandes d’accès à l’information qu’elle a déposées le ou vers le 5 mars 2014 [les DAI de 2014]. Ces 17 demandes ont été regroupées en une seule demande conformément à deux ordonnances de la protonotaire Milczynski datées du 19 février 2016 et du 28 novembre 2016.
[3]
La demanderesse, Bradwick Property Management Services Inc. (Bradwick), et son comptable, Elliot Fromstein (Fromstein), ont commencé à faire des affaires en 2003, et Fromstein aurait fourni des services à Bradwick sous divers noms d’entreprise : Candlelight International Real Estate Inc.; Marketing Tools Inc.; Knowble Property Services Inc.; Celebration Enterprises Inc. ; 318226 Ontario Limited et Edward Fromm ; C, D, E & F Enterprises Inc. ; 1711832 Ontario Ltd. (collectivement, les sociétés Fromstein).
[4]
Les sociétés Fromstein ont facturé à Bradwick, pour les services rendus, un montant total d’environ 3 millions de dollars, que Bradwick allègue avoir payé en entier. Cependant, Bradwick n’a aucun dossier sur les communications ou les ententes entre elle et les sociétés Fromstein concernant ces services. Bradwick soupçonne que M. Fromstein puisse avoir communiqué à l’Agence du revenu du Canada (ARC) des dossiers concernant les services.
[5]
L’ARC a conclu que ces services n’avaient pas été rendus ou, s’ils l’ont été, que les frais facturés pour ceux-ci n’étaient pas raisonnables. Elle a envoyé des avis de nouvelle cotisation à Bradwick au sujet des déductions demandés au titre de la Loi de l’impôt sur le revenu, LRC 1985, c 1 (5e suppl.) [la LIR] et au sujet des crédits de taxe sur les intrants (CTI) demandés au titre de la Loi sur la taxe d’accise, LRC 1985, c E-15 [la LTA] relativement aux paiements allégués.
[6]
En avril et en mai 2013, Bradwick a déposé des avis d’opposition auprès de l’ARC contestant le refus des déductions et des CTI.
[7]
Les DAI de 2014 ont été envoyés à l’ARC et visaient à obtenir des renseignements, des réponses et des documents liés aux avis de nouvelle cotisation. Le tableau suivant indique ce qui a été demandé dans chaque demande et le numéro de référence qui y a été attribué par l’ARC :
Demande d’accès à l’information
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Numéros de référence de l’ARC
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Tous les renseignements, réponses et documents fournis par Candlelight International Real Estate Inc. à l’ARC au sujet de la vérification de Bradwick par l’ARC
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A-069439
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Tous les renseignements, réponses et documents fournis par Marketing Tools Inc. à l’ARC concernant la vérification de Bradwick par l’ARC
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A-069440
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Tous les renseignements, réponses et documents fournis par Knowble Property Services Inc. à l’ARC concernant la vérification de Bradwick par l’ARC
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A-069441
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Tous les renseignements, réponses et documents fournis par Elliott Fromstein à l’ARC lors d’une réunion tenue le 6 mars 2009 au bureau de l’ARC à North Bay, en Ontario.
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A-069443
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Tous les renseignements, réponses et documents fournis par Elliott Fromstein à l’ARC au sujet de la vérification de Bradwick Property Management Services Inc. par l’ARC
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A-069444
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Tous les renseignements, réponses et documents fournis par Celebration Enterprises Inc. à l’ARC au sujet de la vérification de Bradwick par l’ARC
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A-069445
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Tous les rapports du vérificateur (de janvier 2008 à février 2014)
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A-069446
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Tous les renseignements, réponses et documents fournis par 318226 Ontario Limited et Edward Fromm à l’ARC au sujet de la vérification de Bradwick par l’ARC
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A-069447
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Tous les renseignements, réponses et documents fournis par C, D, E & F Enterprises Inc. à l’ARC au sujet de la vérification de Bradwick par l’ARC
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A-069449
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Tous les renseignements, réponses et documents fournis par 1711832 Ontario Ltd. à l’ARC concernant la vérification de Bradwick par l’ARC
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A-069451
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Tous les renseignements, réponses et documents fournis par Elliott Fromstein à l’ARC au sujet de deux obligations de fournir des renseignements datées du 20 avril 2010
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A-069452
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[8]
Dans des lettres datées du 9 avril au 5 mai 2014, la Direction de l’AIPRP a autorisé, au titre des articles 16, 19, 20 et/ou 24 de la LAI, la divulgation de documents et de renseignements avec certains caviardages. En juin 2014, Bradwick a déposé un certain nombre de plaintes au Commissariat à l’information (CIC) au sujet des caviardages. Dans des lettres datées du 13 novembre 2015 au 29 janvier 2016, le CIC a confirmé les divulgations autorisées par la Direction de l’AIPRP et a recommandé de divulguer quelques pages supplémentaires de la demande A-069441. La Direction de l’AIPRP s’est conformée à cette recommandation.
[9]
Toujours insatisfaite, Bradwick demande maintenant un contrôle judiciaire par la Cour au sujet des caviardages effectués par la Direction de l’AIPRP.
III.
Décisions visées par le contrôle
[10]
Selon la LAI, le Commissariat à l’information ne décide pas de ce qui doit être divulgué, mais fait plutôt des recommandations non contraignantes à cet égard. Cette distinction est importante parce qu’elle signifie que les décisions initiales de la Direction de l’AIPRP font l’objet du présent contrôle judiciaire.
[11]
Conformément à l’ordonnance de la protonotaire Mandy Aylen datée du 19 septembre 2016 (l’ordonnance Aylen), le défendeur, le ministre du Revenu national (le ministre), a déposé 11 tableaux décrivant en détail les raisons pour lesquelles les renseignements, les réponses ou les documents caviardés relatifs aux 11 DAI de 2014 n’ont pas été divulgués. Le ministre a également fourni les tableaux à l’avocat de Bradwick en s’assurant que leur consultation soit [TRADUCTION] « strictement réservée à l’avocat »
.
[12]
Le ministre a également déposé des versions non caviardées de tous les documents en cause. Conformément à l’ordonnance Aylen, ces documents non caviardés n’ont été fournis ni à Bradwick ni à son avocat. Par conséquent, la plupart des arguments de Bradwick sont présentés sans une connaissance détaillée de ce qui a été caviardé. J’ai donc examiné de près les caviardages et leurs motifs. J’ai également gardé à l’esprit l’article 48 de la LAI, qui prévoit qu’il incombe au ministre de prouver que ses caviardages sont autorisés.
IV.
Questions en litige
[13]
Bradwick soulève les questions suivantes dans son mémoire des faits et du droit :
- La question de savoir si le ministre avait le droit de ne pas divulguer des parties des renseignements, des réponses et des documents en vertu du paragraphe 24(1) de la LAI ;
- La question de savoir si la LIR ou la LTA prévoyait un autre mécanisme de divulgation des documents permettant au ministre de refuser la divulgation en vertu du paragraphe 24(1) de la LAI ;
- La question de savoir si le ministre avait le droit de ne pas divulguer des parties des renseignements, des réponses et des documents en vertu du paragraphe 19(1) de la LAI ;
- La question de savoir si le ministre avait le droit de ne pas divulguer des parties des renseignements, des réponses et des documents en vertu du paragraphe 20(1) de la LAI.
[14]
Bien que la question ne soit pas soulevée dans son mémoire des faits et du droit, l’avocat de Bradwick a soulevé une question supplémentaire dans sa plaidoirie :
- La question de savoir si le ministre avait le droit de ne pas divulguer des parties des renseignements, des réponses et des documents en vertu des alinéas 16(1)b) et c) de la LAI.
[15]
Le mémoire des faits et du droit du ministre répond également à une allégation contenue dans les avis de demande de Bradwick, à savoir que le ministre [TRADUCTION] « a délibérément supprimé et caché des renseignements, des réponses et des documents »
. Si cette allégation de Bradwick vise à renvoyer à quelque chose de plus que les caviardages qui sont déjà en cause, comme la falsification de documents, il n’y a pas de preuve à l’appui, et elle peut être rejetée pour cette raison sans plus ample discussion. Par ailleurs, si cette allégation se limite aux questions concernant les caviardages déjà cernés, elle est traitée ci-dessous.
V.
Norme de contrôle applicable
[16]
Les articles 49 et 50 de la LAI sont pertinents en ce qui concerne la norme de contrôle qui devrait être appliquée en l’espèce. Ces articles sont reproduits ici :
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[17]
L’article 50 prévoit que la norme de contrôle de la décision raisonnable s’applique en cas de refus de communiquer un document en vertu de certaines dispositions de la LAI (dispositions qui reposent sur des attentes raisonnables). L’article 49 traite de toutes les autres dispositions de la LAI et prévoit qu’il faut trancher la question de savoir si un refus de communiquer un document est « autorisé »
.
[18]
Les parties conviennent, tout comme moi, que la norme de contrôle applicable en l’espèce est celle de la décision raisonnable lorsque le caviardage suppose l’exercice d’un pouvoir discrétionnaire et celle de la décision correcte lorsqu’il n’y a pas de pouvoir discrétionnaire : voir Husky Oil Operations Limited c. Office Canada-Terre-Neuve-et-Labrador des hydrocarbures extracôtiers, 2018 CAF 10, aux paragraphes 15 et 62.
VI.
Question préliminaire – Nouvel argument soulevé par Bradwick
[19]
À l’audience relative à la présente demande, Bradwick a soulevé pour la première fois un nouvel argument possiblement important. Il soutient que deux lettres de Fromstein à l’ARC qui ont été fournies à Bradwick sous forme caviardée étaient accessibles au public sans caviardage et qu’elles n’auraient donc pas dû être caviardées lorsqu’elles ont été fournies à Bradwick. Bradwick fait remarquer que ces lettres (datées du 1er février 2011 et du 7 juin 2011, et mentionnées ci-après, respectivement, comme première lettre et deuxième lettre) ont été mises à la disposition du public dans le cadre d’observations déposées à la Cour fédérale relativement à des questions concernant le ministre et Fromstein (dossiers de la Cour no T143610 et T144010).
[20]
La deuxième lettre (datée du 7 juin 2011), déposée sous forme non caviardée, figure dans le dossier de demande de Bradwick. La première lettre (datée du 1er février 2011) n’était pas incluse dans le dossier de demande de Bradwick. À l’audience, Bradwick en a plutôt fourni une copie dans le cadre d’un dossier de requête déposé le 26 mai 2011 au dossier de la Cour no T144010. Ce dossier de requête visait à obtenir une conclusion d’outrage contre Fromstein pour avoir omis de répondre de façon appropriée dans la première lettre à deux demandes de fournir des renseignements et des documents datées du 20 avril 2010 qui ont été envoyées à Fromstein.
[21]
Bradwick soutient que les première et deuxième lettres ont été mises à la disposition du public par le ministre, avec l’approbation tacite de Fromstein, et qu’elles ont donc été considérées comme non confidentielles par les deux. Bradwick s’appuie sur cela pour faire valoir qu’une troisième lettre connexe de Fromstein à l’ARC (datée du 23 novembre 2013 et appelée ci-après la troisième lettre) qui a été remise à Bradwick sous forme caviardée devrait également être traitée comme non confidentielle (et produite sans caviardage) même si elle n’a jamais été rendue publique.
[22]
En raison de l’importance possible de ce nouvel argument, j’ai hésité à l’audience à l’exclure simplement parce qu’il n’avait pas été soulevé dans le mémoire des faits et du droit de Bradwick. L’avocat de Bradwick a indiqué qu’il s’est rendu compte de l’importance de cet argument seulement lors de sa préparation à l’audience de la semaine précédente.
[23]
Par contre, je suis sensible à l’argument du ministre selon lequel il a été pris de court par ce nouvel argument et qu’il n’a pas eu l’occasion de préparer une réponse. Je suis particulièrement sensible à cet argument parce que l’avocat de Bradwick n’a pas expliqué pourquoi il a attendu jusqu’au jour de l’audience pour mettre le ministre au courant du nouvel argument, plutôt que d’en aviser le ministre la semaine précédente.
[24]
En fin de compte, j’ai accepté d’entendre les observations de Bradwick sur le nouvel argument et de donner au ministre l’occasion de préparer et de présenter des observations en réponse par la suite sous forme écrite. J’ai également donné à Bradwick l’occasion de répondre par écrit aux observations du ministre en réponse au nouvel argument.
[25]
Dans ses observations en réponse, le ministre s’oppose au nouvel argument de Bradwick au motif que le fait de ne pas l’avoir soulevé plus tôt conformément aux Règles des Cours fédérales, DORS/98-106, porte préjudice au ministre puisque la personne qui était responsable de la vérification de Bradwick, Guy Rocheleau, est maintenant à la retraite et n’est plus disponible pour répondre aux affirmations de Bradwick.
[26]
L’opposition du ministre ne peut être valide que relativement à la question de l’intention du ministre ou de Fromstein que les lettres soient considérées comme non confidentielles. Elle n’est pas pertinente en ce qui concerne le simple fait que les lettres sont accessibles au public.
[27]
Pour les motifs exposés ci-dessous (en ce qui concerne le paragraphe 20(1) de la LAI), je conclus que l’absence de preuve de la part de M. Rocheleau n’est pas préjudiciable au ministre. Par conséquent, je n’ai pas à examiner l’opposition du ministre en ce qui concerne l’intention.
[28]
Je vais exercer pouvoir discrétionnaire d’accepter le nouvel argument en ce qui concerne le fait que les première et deuxième lettres sont accessibles au public. J’accepte également d’examiner la copie non caviardée de la première lettre qui a été fournie dans le dossier de requête versé au dossier de la Cour no T144010.
[29]
L’effet important de la possibilité pour le public d’avoir accès à ces deux lettres sera discuté ci‑après dans l’analyse des diverses questions soulevées par Bradwick.
VII.
Analyse
A.
Paragraphe 24(1) de la LAI
[30]
Le paragraphe 24(1) de la LAI se lit comme suit :
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[31]
L’annexe II de la LAI fait mention de l’article 241 de la LIR et de l’article 295 de la LTA. Le libellé de ces deux articles est très semblable. L’article 241 de la LIR restreint la divulgation de « renseignements sur le contribuable »
, tandis que l’article 295 de la LTA prévoit des restrictions semblables quant à la divulgation de « renseignements confidentiels »
.
[32]
Les parties pertinentes de l’article 241 de la LIR sont reproduites ici :
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[33]
Les parties pertinentes correspondantes de l’article 295 de la LTA sont reproduites ici :
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(1)
Renseignements accessibles au public
[34]
Le ministre soutient que ni l’article 241 de la LIR ni l’article 295 de la LTA ne prévoient d’exception à l’interdiction de divulgation de renseignements lorsque les renseignements en question sont du domaine public. Par conséquent, le ministre soutient que l’on peut caviarder des renseignements en vertu de l’article 241 même si ces renseignements ne sont pas confidentiels.
[35]
Bien qu’aucune exception de ce genre ne soit explicitement incluse dans ces articles, je n’accepte pas que le législateur ait eu l’intention d’empêcher le ministre de divulguer des renseignements accessibles au public.
[36]
Selon la définition du paragraphe 241(10) de la LIR :
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[37]
La version française de «
taxpayer information »
est « renseignement confidentiel »
(confidential information). La version française laisse entendre que ce terme ne vise pas à englober les renseignements qui sont du domaine public.
[38]
De plus, il convient de souligner que les définitions respectives des termes «
taxpayer information »
et «
confidential information »
dans la LIR et la LTA sont très semblables. Selon la définition du paragraphe 295(1) de la LTA :
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[39]
La version française de «
confidential information »
est encore une fois « renseignement confidentiel »
, tout comme dans la LIR. Cela renforce mon opinion selon laquelle, dans ces articles, le législateur n’avait pas l’intention de restreindre la divulgation de renseignements accessibles au public. Je ne vois pas pourquoi le législateur aurait voulu imposer une telle restriction. Je remarque que le paragraphe 2(2) de la LAI indique que la LAI « ne vise pas à restreindre l
’accès aux renseignements que les institutions fédérales mettent normalement à la disposition du grand public »
.
[40]
Par conséquent, les restrictions prévues aux paragraphes 241(1) et (2) de la LIR à l’égard de la divulgation de renseignements sur les contribuables et les restrictions prévues aux paragraphes 295(2) et (3) de la LTA à l’égard de la divulgation de renseignements confidentiels ne s’appliquent pas à des renseignements accessibles au public comme ceux de la première lettre et de la deuxième lettre. Toutefois, le même raisonnement ne s’applique pas à la troisième lettre parce qu’elle n’est pas accessible au public.
[41]
Bradwick soutient que la troisième lettre n’a pas été traitée systématiquement de façon confidentielle, mais cet argument n’est pertinent que quant à l’application de l’alinéa 20(1)b) de la LAI, comme il est expliqué ci‑après.
(2)
L’alinéa 241(3)b) de la LIR et l’alinéa 295(4)b) de la LTA.
[42]
Le paragraphe 241(3) de la LIR prévoit que les paragraphes 241(1) et (2) ne s’appliquent pas « [
…] aux procédures judiciaires ayant trait à l’application ou à l’exécution de la présente loi […]. »
Le paragraphe 295(4) de la LTA prévoit une exception semblable.
[43]
Les parties ne s’entendent pas sur la question de savoir si cette exception s’applique en l’espèce. Bradwick soutient que les expressions conjonctives « à l
’égard de »
et « se rapportant à »
sont des mots compirtant la plus grande portée possible, citant Slattery (Syndic de) c Slattery, [1993] 3 RCS 430, aux pages 445 à 446, 106 DLR (4e) 212 [Slattery], et Nowegijick c La Reine, [1983] 1 RCS 29, 144 DLR (3e) 193, à la page 39, et que, par conséquent, l’exception s’applique dans la présente instance.
[44]
Dans l’arrêt Slattery, la Cour suprême du Canada a été saisie d’une action intentée par un syndic en faillite contre l’épouse du failli. Le contribuable en faillite a été mis en faillite par l’ARC, à qui des impôts étaient dus. Le syndic demandait une déclaration selon laquelle certains actifs enregistrés au nom de l’épouse étaient en fait des biens de la succession du failli et a cherché à présenter le témoignage de deux employés de l’ARC. La Cour, à la majorité, a conclu que cette instance était suffisamment liée à l’application ou à l’exécution de la LIR pour que le paragraphe 241(3) s’applique de façon à exclure l’interdiction de divulgation prévue au paragraphe 241(1). Le raisonnement était que l’instance pourrait avoir un effet sur le montant des actifs disponibles pour payer les impôts du failli (voir la page 451).
[45]
Dans la présente affaire, l’instance concerne les DAI de 2014 que Bradwick a faites pour l’aider à s’opposer aux avis de nouvelle cotisation de l’ARC. Compte tenu de l’orientation donnée dans l’arrêt Slattery au sujet de la portée des expressions conjonctives du paragraphe 241(3) et des faits en l’espèce, je conclus que le paragraphe s’applique de la même façon en l’espèce. Bradwick peut faire valoir que la présente instance concernant les DAI visant à l’aider quant aux avis d’opposition a trait à l’application ou à l’exécution de la LIR et de la LTA tout comme dans le cas du syndic de faillite de Slattery pour ce qui est des renseignements demandés dans cette affaire.
[46]
Par conséquent, je conclus que l’interdiction de divulgation des renseignements sur les contribuables prévue au paragraphe 241(1) de la LIR, la limite concernant la communication de renseignements sur les contribuables prévue au paragraphe 241(2) de la LIR et les dispositions correspondantes des paragraphes 295(2) et 295(3) de la LTA ne s’appliquent pas en l’espèce.
[47]
Cela dit, je garde à l’esprit les directives suivantes formulées par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Slattery (pages 443 et 444) en ce qui concerne l’article 241 de la LIR :
À mon avis, l’art. 241 comporte l’établissement d’un équilibre entre des intérêts opposés : l’intérêt du contribuable en matière de respect de sa vie privée en ce qui a trait aux renseignements relatifs à sa situation financière, et l’intérêt qu’a le ministre à être autorisé à communiquer des renseignements relatifs au contribuable dans la mesure où cela est nécessaire pour appliquer et exécuter efficacement la Loi de l’impôt sur le revenu et d’autres lois fédérales mentionnées au par. 241(4).
L’article 241 traduit l’importance d’assurer le respect des intérêts du contribuable en matière de vie privée, particulièrement en ce qui concerne sa situation financière. L’accès à des renseignements financiers ou connexes sur les contribuables doit donc être pris au sérieux et ces renseignements ne peuvent être communiqués que dans les situations prévues. Ce n’est que dans ces situations exceptionnelles que l’intérêt relatif à la vie privée doit céder le pas à l’intérêt de l’État.
[48]
Malgré le fait que les paragraphes 241(1) et 241(2) ne s’appliquent pas, il ne s’ensuit pas nécessairement que tous les caviardages effectués par la Direction de l’AIPRP en vertu du paragraphe 24(1) de la LAI sont inappropriés. Le ministre conserve un pouvoir discrétionnaire limité de divulguer (ou de ne pas divulguer) des renseignements confidentiels : Scott Slipp Nissan ltée c Canada (Procureur général), 2005 CF 1477, au paragraphe 41 [Scott Slipp]. D’autres dispositions de l’article 241 de la LIR et de l’article 295 de la LTA permettent, mais n’obligent pas, la divulgation de renseignements.
(3)
Les alinéas 241(4)a) et b) de la LIR et les alinéas 295(5)a) et b) de la LTA.
[49]
Les alinéas 241(4)a) et b) de la LIR et 295(5)a) et b) de la LTA prévoient la divulgation de renseignements sur les contribuables (ou de renseignements confidentiels, selon le cas) qu’il peut être « raisonnable de considérer comme nécessaire »
(i) pour l’application ou l’exécution de diverses lois, y compris la LIR et la LTA ; ou (ii) pour déterminer les montants dus en vertu de l’une ou l’autre des lois.
[50]
Bradwick soutient que les exigences de ces dispositions sont respectées en l’espèce. Bradwick soutient en outre que, même si la divulgation en vertu de ces dispositions est discrétionnaire, aucun motif de refus de l’exercice du pouvoir discrétionnaire n’a été fourni.
[51]
Il convient de souligner d’abord que, comme la divulgation en vertu de ces dispositions est discrétionnaire, la norme de contrôle est celle de la décision raisonnable.
[52]
Après avoir examiné les caviardages en cause, je n’en trouve aucun qui cache des renseignements qui peuvent raisonnablement être considérés comme nécessaires pour (i) l’application ou l’exécution de la LIR ou de la LTA, ou (ii) la détermination des montants dus par Bradwick en vertu de l’une ou l’autre des lois.
[53]
Bradwick soutient que les renseignements caviardés sont pertinents et donc nécessaires à ses avis d’opposition. Bradwick soutient que des renseignements pertinents devront être fournis si l’affaire est portée devant la Cour de l’impôt et que, par conséquent, ils devraient être fournis maintenant pour que l’étape de l’avis d’opposition du processus soit significative : Scott Slipp, aux paragraphes 49 à 50 et 60 à 61.
[54]
J’accepte le principe énoncé dans Scott Slipp, mais il ne s’ensuit pas nécessairement que les renseignements caviardés en l’espèce devraient être fournis. Il est clair que les caviardages étaient limités à des renseignements concernant des tiers, et il est évident que c’est la raison pour laquelle ces renseignements n’ont pas été divulgués. Malgré les arguments de Bradwick, je ne suis pas prêt à conclure qu’il était déraisonnable pour le ministre de ne pas reconnaître la pertinence des renseignements caviardés aux avis d’opposition de Bradwick.
[55]
Par conséquent, je n’ordonnerai pas la communication des renseignements caviardés en vertu des alinéas 241(4)a) ou b) de la LIR ou des alinéas 295(5)a) ou b) de la LTA.
(4)
Le paragraphe 241(5) de la LIR et le paragraphe 295(6) de la LTA.
[56]
Les paragraphes 241(5) de la LIR et 295(6) de la LTA prévoient la divulgation de renseignements sur le contribuable (ou de renseignements confidentiels, selon le cas) (i) au contribuable (ou à la personne à qui les renseignements confidentiels ont trait) ou (ii) à toute autre personne avec le consentement du contribuable (ou de la personne à laquelle les renseignements confidentiels se rapportent).
[57]
Bradwick ne soutient pas que les caviardages en question satisfont à l’une ou l’autre de ces exigences. Par conséquent, Bradwick ne peut obtenir la divulgation fondée sur ces dispositions.
(5)
Conclusion
[58]
Les caviardages en cause fondés sur le paragraphe 24(1) de la LAI et la non-divulgation de renseignements qui sont du domaine public sont inappropriés. Cette conclusion a une incidence sur les première et deuxième lettres, mais elle n’a aucune incidence sur la troisième, puisque cette lettre n’a jamais été mise à la disposition du public. Les caviardages fondés sur le paragraphe 24(1) de la LAI sont par ailleurs appropriés.
B.
Mécanisme de divulgation de rechange
[59]
En plus de ses autres arguments, le ministre soutient que Bradwick n’a pas droit aux renseignements qu’elle cherche à obtenir dans cette demande parce qu’elle a une autre méthode pour accéder aux renseignements demandés; plus précisément, en faisant une demande à un représentant de l’ARC.
[60]
À l’appui de cet argument, le ministre cite Top Aces Consulting inc. c Canada (ministre de la Défense nationale), 2012 CAF 75, aux paragraphes 13 à 15 [Top Aces]. Je ne considère pas l’arrêt Top Aces comme un précédent appuyant la thèse selon laquelle un demandeur qui ne suit pas un processus informel d’obtention de documents n’a pas le droit de les obtenir par l’entremise d’une DAI. Dans l’arrêt Top Aces, la Cour d’appel a discuté d’une décision antérieure de la Cour d’appel fédérale, Canada (Industrie) c Canada (Commissaire à l’information), 2007 CAF 212, dans laquelle il y avait deux méthodes prévues par la loi distinctes d’obtenir la divulgation de renseignements, et une majorité des juges de la Cour d’appel avait convenu que les autres méthodes d’accès à l’information s’appliquent indépendamment de la LAI. La véritable préoccupation dans l’arrêt Top Aces était qu’une personne qui demande la divulgation de renseignements ne devrait pas se retrouver dépourvue d’une méthode d’accès prévue par la loi.
[61]
En l’espèce, je ne suis pas convaincu que la possibilité de présenter une demande informelle à l’ARC constitue le genre de méthode de rechange pour accéder à l’information qui pourrait priver Bradwick du droit à l’information qu’elle tire de la LAI.
C.
Paragraphe 19(1) de la LAI
[62]
L’article 19 de la LAI se lit comme suit :
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[63]
En vertu de ces dispositions, le ministre n’est pas autorisé à communiquer des « renseignements personnels »
au sens de la Loi sur la protection des renseignements personnels, LRC 1985, c P-21, à moins (i) que la personne concernée y consente, (ii) que les renseignements soient accessibles au public ou (iii) que l’article 8 de la Loi sur la protection renseignements personnels s’applique.
[64]
L’accès du public à la première et à la deuxième lettre a été abordé ci-dessus et est également pertinent ici. La divulgation de ces documents n’est pas interdite en vertu du paragraphe 19(1) de la LAI parce qu’ils relèvent de l’exception prévue à l’alinéa 19(2)b).
[65]
En ce qui concerne les exceptions prévues à l’article 8 de la Loi sur la protection des renseignements personnels, Bradwick fait valoir les alinéas 8(2)a), b) et m), qui sont reproduits ici :
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[66]
L’exception prévue à l’alinéa 8(2)b) de la Loi sur la protection des renseignements personnels fait référence aux autorisations de divulgation en vertu d’autres lois ou règlements. Bradwick cite l’article 241 de la LIR et l’article 295 de la LTA. Cet argument est traité dans l’analyse concernant le paragraphe 24(1) de la LAI que nous avons déjà faite et n’a pas besoin d’être discuté davantage ici.
[67]
L’exception prévue à l’alinéa 8(2)a) de la Loi sur la protection des renseignements personnels permet la divulgation de renseignements personnels à des fins conformes à celles pour lesquelles ils ont été obtenus. Bradwick soutient que celle-ci s’applique parce que les renseignements en question ont été recueillis [TRADUCTION] « pour assurer la bonne application de la LIR et de la LTA et la détermination appropriée des impôts dus en vertu de ces lois »
.
[68]
À mon avis, cette qualification de l’objet pour lequel les renseignements personnels en question ont été recueillis est trop large. Les caviardages en cause en l’espèce faisant référence au paragraphe 19(1) de la LAI ont été faits parce qu’ils concernaient des personnes autres que Bradwick. Par conséquent, il est plus approprié de considérer que les fins pour lesquelles ces renseignements ont été recueillis soient liées à ces autres personnes. Par conséquent, je devrais me demander si la divulgation demandée par Bradwick est conforme à cet objet plus précis. Je conclus que ce n’est pas le cas, parce que Bradwick cherche à obtenir les renseignements supplémentaires aux fins de sa propre situation fiscale. Selon mon examen, les renseignements pertinents à la situation fiscale de Bradwick ont été produits, et les caviardages en cause concernent d’autres personnes.
[69]
Cette conclusion me permet également de rejeter le troisième argument soulevé par Bradwick au titre du sous-alinéa 8(2)m)(i) de la Loi sur la protection des renseignements personnels, selon lequel la divulgation des renseignements caviardés en cause est manifestement dans l’intérêt public. À mon avis, aucun intérêt public en matière de divulgation ne l’emporte manifestement sur l’atteinte à la vie privée qui résulterait de la divulgation des renseignements caviardés en cause.
[70]
En conclusion, à l’exception des renseignements qui ont été rendus publics dans les première et deuxième lettres, tous les caviardages effectués en vertu du paragraphe 19(1) de la LAI sont indiqués. Bien que le paragraphe 19(2) soit de nature facultative et qu’il n’exige donc pas la divulgation, aucune raison ne m’a été soumise pour que le ministre n’exerce pas son pouvoir discrétionnaire de produire des documents qui ne sont pas confidentiels.
D.
Paragraphe 20(1) de la LAI
[71]
Le paragraphe 20(1) de la LAI se lit comme suit :
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[72]
Bon nombre des caviardages en cause renvoient à l’alinéa 20(1)b) de la LAI. J’accepte l’argument de Bradwick selon lequel il incombe au ministre d’établir que les exigences relatives à la non-divulgation de renseignements prévues à l’alinéa 20(1)b) s’appliquent en l’espèce. Ces exigences prévoient que les renseignements en question sont les suivants : (i) des renseignements financiers, commerciaux, scientifiques ou techniques ; (ii) confidentiels ; (iii) fournis à une institution fédérale par un tiers ; (iv) toujours traités de façon confidentielle par le tiers : Air Atonabee Ltd c Canada (Ministre des Transports) (1989), 27 FTR 194, 27 CPR (3e) 180, à 197 (CFPI) [Air Atonabee].
[73]
Je me penche d’abord sur la troisième exigence (c’est-à-dire que les renseignements en question ont été fournis à une institution fédérale par un tiers) parce qu’elle est simple. Il ne fait aucun doute que cette troisième exigence est satisfaite.
[74]
Bradwick soutient que les renseignements en cause ne sont pas financiers, commerciaux, scientifiques ou techniques au sens de l’alinéa 20(1)b) de la LAI. Elle soutient que l’alinéa 20(1)b) devrait être lu à la lumière des autres alinéas du paragraphe 20(1) qui, selon elle, portent sur les renseignements confidentiels entre concurrents, dont la divulgation mettrait en péril la position concurrentielle d’un tiers.
[75]
Je ne suis pas de cet avis. L’alinéa 20(1)c) vise explicitement « des renseignements dont la divulgation risquerait vraisemblablement de causer des pertes ou profits financiers appréciables à un tiers ou de nuire à sa compétitivité. »
L’inclusion de ce libellé à l’alinéa 20(1)c) et non dans les autres alinéas du paragraphe 20(1) m’indique qu’il n’est pas destiné à être lu dans l’alinéa 20(1)b). Je fais la même observation en ce qui concerne l’alinéa 20(1)d), qui vise « des renseignements dont la divulgation risquerait vraisemblablement d
’entraver des négociations menées par un tiers en vue de contrats ou à d’autres fins »
. Aucun des autres alinéas du paragraphe 20(1) de la LAI ne fait mention des renseignements qui pourraient avoir une incidence sur la compétitivité.
[76]
À mon avis, tous les renseignements caviardés en vertu de l’alinéa 20(1)b) constituent des renseignements financiers ou commerciaux, et il n’y a aucune raison d’interpréter l’expression « renseignements financiers, commerciaux, scientifiques ou techniques »
qui figure à l’alinéa 20(1)b) comme incluant d’autres exigences.
[77]
Une autre exigence de l’alinéa 20(1)b) de la LAI qui est contestée est celle de la confidentialité. Bradwick cite Air Atonabee, à la page 202, à l’appui de la thèse suivante :
[traduction]
[…] la question de savoir si les renseignements sont confidentiels dépend de leur contenu, de leurs objectifs et des circonstances dans lesquelles ils sont compilés et communiqués, à savoir :
a) le contenu du document est tel que les renseignements qu’il contient ne peuvent être obtenus de sources auxquelles le public a autrement accès, ou ne peuvent être obtenus par observation ou par étude indépendante par un simple citoyen agissant de son propre chef ;
b) les renseignements doivent avoir été transmis confidentiellement avec l’assurance raisonnable qu’ils ne seront pas divulgués ;
c) les renseignements doivent être communiqués, que ce soit parce que la loi l’exige ou parce qu’ils sont fournis à titre gratuit, dans le cadre d’une relation de confiance entre l’administration et la personne qui les fournit ou dans le cadre d’une relation qui n’est pas contraire à l’intérêt public, et la communication des renseignements doit favoriser cette relation dans l’intérêt du public.
[78]
Comme il a été mentionné précédemment, les première et deuxième lettres satisfont à l’exigence de confidentialité. Comme ces lettres sont accessibles au public, elles ne sont pas confidentielles. Il en va de même pour la quatrième exigence, à savoir que les renseignements « qui sont de nature confidentielle [
…] sont traités comme tels de façon constante par ce tiers »
.
[79]
De plus, comme il en a été question ci-dessus, rien n’indique que la troisième lettre ait été mise à la disposition du public. Par conséquent, il semble qu’elle demeure confidentielle.
[80]
Bradwick soutient que le traitement non confidentiel accordé à la première et à la deuxième lettre et l’absence d’opposition ou de demande de scellement de ces lettres indiquent que les renseignements qui s’y trouvent n’ont pas été traités comme confidentiels par Fromstein et les sociétés Fromstein. Cela me convient parfaitement. Toutefois, Bradwick poursuit en faisant valoir que je devrais en déduire la même chose pour la troisième lettre parce que cette lettre se rapporte aux mêmes obligations de fournir des renseignements et des documents que les première et deuxième lettres.
[81]
Je ne peux pas souscrire à cette opinion. Il n’y a pas de preuve concernant la raison pour laquelle les première et deuxième lettres ont été mises à la disposition du public en premier lieu. Il se peut, comme l’affirme Bradwick, que l’ARC n’ait pas considéré que les renseignements fournis dans les lettres étaient confidentiels. Toutefois, cela n’est pas certain étant donné les obligations générales de l’ARC de préserver la confidentialité des renseignements qu’elle reçoit. Dans le même ordre d’idées, en ce qui concerne Fromstein et les sociétés Fromstein, il est possible qu’elles aient considéré que les lettres contenaient des renseignements non confidentiels. Toutefois, en l’absence de preuve sur ce point, j’estime plus probable qu’elles n’ont tout simplement pas beaucoup réfléchi à la question.
[82]
De plus, les renseignements contenus dans la troisième lettre ne sont pas les mêmes que ceux fournis dans les première et deuxième lettres. Fromstein et les sociétés Fromstein auraient peut-être été prêtes à accepter la divulgation publique des première et deuxième lettres, mais souhaiter néanmoins que la troisième lettre demeure confidentielle. Je ne suis pas disposé à déduire de l’accès au public des première et deuxième lettres que la troisième lettre n’a pas été « traitée d’une manière confidentielle de façon constante par le tiers. »
[83]
En conclusion, les caviardages des première et deuxième lettres effectués en vertu de l’alinéa 20(1)b) de la LAI sont inappropriés, mais les caviardages de la troisième lettre effectués en vertu de cet alinéa sont appropriés.
E.
Les alinéas 16(1)b) et 16(1)c) de la LAI
[84]
Comme il a été indiqué précédemment, Bradwick n’a pas abordé la question des caviardages effectués en vertu des alinéas 16(1)b) et c) de la LAI dans son mémoire des faits et du droit. Toutefois, son avocat a soulevé la question dans sa plaidoirie.
[85]
Ces dispositions sont reproduites ici :
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[86]
Ces dispositions permettent de caviarder des renseignements concernant des techniques d’enquête ou des renseignements qui pourraient avoir une incidence sur une enquête en particulier.
[87]
Bradwick soutient que les caviardages effectués en vertu de ces dispositions sont inappropriés parce que ces dispositions concernent les enquêtes criminelles, ce qui n’est pas le cas en l’espèce.
[88]
Bien que je convienne que les enquêtes en cause en l’espèce ne sont pas de nature criminelle, Bradwick ne cite aucune jurisprudence à l’appui de son interprétation des alinéas 16(1)b) et c), et je ne vois rien dans les dispositions mêmes qui laisse entendre qu’elles devraient être interprétées de façon aussi limitée.
[89]
À mon avis, tous les caviardages effectués en vertu des alinéas 16(1)b) et c) de la LAI sont appropriés.
VIII.
Conclusion
[90]
Compte tenu de l’analyse qui précède, j’ai conclu que les seuls caviardages en cause qui sont inappropriés sont ceux qui ont été faits dans la première lettre et la deuxième lettre en vertu des paragraphes 24(1), 19(1) et 20(1) de la LAI. Comme ces lettres étaient déjà du domaine public sous une forme non caviardée, il était inapproprié de ne pas en divulguer certaines parties.
[91]
Comme Bradwick a déjà les première et deuxième lettres non caviardées, et comme je n’ai entendu aucune raison pour laquelle je devrais ordonner que ces lettres (qui ont été produites sous forme caviardée en réponse à l’une des DAI de Bradwick pour 2014) soient produites de nouveau sous le même format non caviardé que celui dont Bradwick dispose déjà, je n’ordonnerai pas au ministre de faire d’autres productions ou d’apporter des changements à ses caviardages.
[92]
Bien que j’aie conclu qu’un certain nombre des caviardages en cause étaient inappropriés, j’adjugerai les dépens en faveur du ministre. Mis à part le fait que les caviardages en cause n’ont en fait pas privé Bradwick de toute information (puisqu’elle détient déjà les documents non caviardés en cause), je suis préoccupé par le fait que toute cette question ait été soulevée pour la première fois à l’audition de la présente affaire. Cela s’est produit même si Bradwick, de son propre aveu, disposait des renseignements pertinents au moins une semaine avant l’audience. Aucune explication n’a été fournie pour expliquer pourquoi le ministre et la Cour n’ont été saisis de cette question qu’à l’audience. Il en a résulté du travail supplémentaire et des retards dans la prise d’une décision.
JUGEMENT
LA COUR STATUE que :
La présente demande n’est fondée qu’à l’égard de renseignements qui sont déjà en la possession de la demanderesse.
Le défendeur ne reçoit pas l’ordre de modifier les caviardages effectués dans ses diverses réponses aux demandes d’accès à l’information en cause.
La demanderesse devra verser au défendeur les dépens liés à la demande.
« George R. Locke »
Juge
Traduction certifiée conforme
Ce 7e jour de mai 2019
Claude Leclerc, traducteur
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER :
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T-2161-15
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INTITULÉ DE LA CAUSE :
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BRADWICK PROPERTY MANAGEMENT SERVICES INC. c MINISTRE DU REVENU NATIONAL
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LIEU DE L’AUDIENCE :
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TORONTO (ONTARIO)
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DATE DE L’AUDIENCE :
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LE 11 DÉCEMBRE 2018
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JUGEMENT ET MOTIFS :
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LE JUGE LOCKE
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DATE DU JUGEMENT
ET DES MOTIFS :
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LE 11 MARS 2019
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COMPARUTIONS :
Howard Alpert
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POUR LA DEMANDERESSE
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Sadian Campbell
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POUR LE DÉFENDEUR
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AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Société professionnelle du cabinet d’avocats Alpert
Avocats
Toronto (Ontario)
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POUR LA DEMANDERESSE
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Procureur général du Canada
Toronto (Ontario)
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POUR LE DÉFENDEUR
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