[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]
Ottawa (Ontario), le 1er mars 2019
En présence de monsieur le juge Zinn
défendeur
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défendeur
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[1]
M. Pathak et Astro Hora Inc. [les demandeurs] demandent le contrôle judiciaire de quatre décisions distinctes rendues par des chefs d’équipe de l’Agence du revenu du Canada [ARC], par lesquelles ils ont décidé de ne pas renoncer aux pénalités et aux intérêts exigibles. Les pénalités et les intérêts exigibles étaient fondés sur une vérification effectuée en 2011 qui avait permis de déterminer qu’une faute lourde avait été commise à l’égard des déclarations faites par les demandeurs au sujet de leur TPS/TVH et de leur impôt sur le revenu. Il est allégué que ces décisions de ne pas accorder l’allègement étaient déraisonnables, parce que les chefs d’équipe n’ont pas correctement tenu compte des difficultés financières des demandeurs, de la santé de M. Pathak et du délai imputable à l’ARC dans le processus de vérification.
[2]
Par ordonnance datée du 11 juin 2018, les quatre demandes relatives à ces décisions ont été regroupées, et M. Pathak a obtenu l’autorisation de représenter Astro Hora Inc. [la société] devant la Cour.
Contexte
[4]
M. Pathak pratiquait l’astrologie védique. Son travail consistait à fournir aux clients des analyses astrologiques, des horoscopes et des prières. En 2006 et 2007, M. Pathak a exploité son entreprise à titre d’entreprise individuelle; toutefois, en 2008, il a commencé à exercer ses activités par l’entremise de la société, dont M. Pathak était l’administrateur et l’unique actionnaire.
[5]
M. Pathak avait recours aux services d’un comptable, mais la tenue des livres de l’entreprise n’était pas très fiable. Des factures et de nombreuses opérations au comptant étaient manquantes. Les demandeurs ont souvent tardé à payer leur impôt sur le revenu et à verser leurs paiements de TPS/TVH. M. Pathak a signé chaque année un formulaire attestant que tous les renseignements fournis à l’ARC étaient exacts.
[6]
En 2010, M. Pathak a été accusé, dans le cadre de ses activités d’astrologie, d’avoir affecté de pratiquer la magie, de fraude et d’extorsion aux termes duu Code criminel. Le dossier n’indique pas clairement s’il a été acquitté des accusations ou si elles ont été abandonnées. Quoi qu’il en soit, aucune condamnation n’a été prononcée. Cependant, l’expérience a causé une grande détresse chez M. Pathak, qui a depuis été diagnostiqué comme souffrant de dépression.
[7]
L’accusation criminelle a déclenché une vérification de l’ARC. En 2011, M. Pathak a fait l’objet d’une vérification pour les années d’imposition 2006, 2007 et 2008 et la société a fait l’objet d’une vérification pour les années d’imposition 2009 et 2010. Ces vérifications ont permis de conclure que M. Pathak avait déclaré ses revenus en partie seulement, ce qui a donné lieu à une nouvelle cotisation. Étant donné la piètre qualité des dossiers, la nouvelle cotisation a été établie au moyen d’une cotisation de valeur nette, pour laquelle l’ARC a attribué le revenu imposable en fonction des variations de la valeur nette globale de M. Pathak.
[8]
L’ARC a conclu que M. Pathak et sa société lui devaient un solde pour les arriérés d’impôt. De plus, l’ARC réclamé des intérêts aux demandeurs sur les arriérés, et des pénalités leur ont été imposées au titre de la Loi de l’impôt sur le revenu, LRC 1985, c 1 (5e suppl.) et de la Loi sur la taxe d’accise, LRC 1985, c E‑15, pour avoir fait un faux énoncé ou une omission, sciemment ou dans des circonstances équivalant à faute lourde.
[9]
Les demandeurs ont déposé des avis d’opposition aux nouvelles cotisations [la première opposition] en 2012. Bien que les avis d’opposition relatifs à la TPS/TVH et à l’impôt sur le revenu de M. Pathak aient été produits en retard, des prorogations du délai ont été accordées. L’ARC a envoyé des lettres de prorogation du délai dans lesquelles elle indiquait qu’il lui faudrait de six à neuf mois avant de communiquer avec lui, et que les intérêts continueraient de courir pendant cette période.
[10]
Au cours de la période de la première opposition, les demandeurs ont fourni des renseignements sur leurs finances qui ont permis à l’ARC de mettre à jour les cotisations et de réduire les arriérés exigibles. Les demandeurs sont demeurés insatisfaits et ont déposé une deuxième série d’avis d’opposition [la deuxième opposition]. Ceux‑ci aussi ont été déposés en retard et ont nécessité une prorogation du délai. Cette dernière a été accordée en mars 2014.
[11]
Les demandeurs ont eu recours aux services d’un représentant [le représentant] pendant la deuxième opposition, pour agir comme intermédiaire entre eux et l’agente d’appel. Les négociations entre le représentant et l’agente d’appel au sujet de la cotisation ont commencé vers juin 2014. Ensemble, ils sont arrivés à une nouvelle valeur imposable.
[12]
Le représentant a également tenté de faire annuler les intérêts et les pénalités. L’agente d’appel a convenu d’annuler la pénalité de la société pour 2009 et celle de M. Pathak pour 2006. L’agente d’appel a déclaré qu’elle ne croyait pas que les circonstances des autres années justifiaient une réduction supplémentaire.
[13]
À la fin de la deuxième opposition, les demandeurs ont signé une renonciation, par laquelle ils acceptaient la nouvelle cotisation et renonçaient à leur droit d’appel devant la Cour canadienne de l’impôt [la Cour de l’impôt]. La renonciation a été abordée pour la première fois en août 2014, et les renonciations signées ont été reçues en octobre 2014.
[14]
Les demandeurs et le défendeur ne s’entendent pas sur les circonstances relatives à la signature de cette renonciation. L’agente d’appel affirme qu’elle a dit aux demandeurs que, s’ils ne signaient pas la renonciation, ils pourraient en appeler de la cotisation devant la Cour de l’impôt. Lorsque les demandeurs ont demandé s’ils recevraient quand même la nouvelle cotisation négociée s’ils ne signaient pas la renonciation, l’agente d’appel leur a répondu qu’ils ne la recevraient pas et qu’ils devraient tout argumenter devant la Cour de l’impôt. L’agente d’appel affirme n’avoir jamais dit aux demandeurs que leurs pénalités seraient annulées, mais qu’ils pourraient demander que les pénalités et intérêts restants soient annulés une fois l’opposition close.
[15]
Selon M. Pathak, l’agente d’appel lui a assuré qu’un autre service de l’ARC annulerait les pénalités. Il affirme également avoir subi des pressions pour qu’il signe la renonciation et soutient qu’elle [traduction] « a affirmé que si nous refusions de signer la renonciation presque immédiatement, elle révoquerait et annulerait les négociations que nous avions menées »
.
[16]
À mon avis, ce désaccord n’a rien à voir avec la présente demande. Ni l’un ni l’autre des demandeurs ne cherche à faire annuler la renonciation et, de toute façon, ce ne serait pas l’instance appropriée pour le faire.
[17]
Le ministre peut, en vertu du paragraphe 220(3,1) de la Loi de l’impôt sur le revenu et de l’article 281.1 de la Loi sur la taxe d’accise, renoncer aux pénalités ou aux intérêts pour accorder un allègement aux contribuables. En juillet 2014, les demandeurs ont présenté des demandes d’allègement au titre de l’impôt sur le revenu des particuliers et de l’impôt des sociétés, et en juin 2015, des demandes d’allègement au titre de la TPS/TVH [les demandes au premier palier].
[21]
Dans la décision concernant la demande au titre de l’impôt sur le revenu des particuliers de M. Pathak, il a également été constaté que ce dernier avait commencé à verser des cotisations de 1 000 $ par mois pour son solde, ce qui indiquait qu’il n’éprouvait pas de difficultés financières. Après avoir reçu la réponse aux demandes au titre de l’impôt sur le revenu, M. Pathak a cessé d’effectuer des paiements sur son solde.
[23]
Après le rejet de leurs demandes au premier palier, les demandeurs ont présenté des demandes au deuxième palier en vue d’obtenir un allègement à l’égard des intérêts et des pénalités. Une demande d’allègement de l’impôt sur le revenu des particuliers et des sociétés a été envoyée le 5 novembre 2015 et la demande au titre de la TPS/TVH, le 4 octobre 2017. Ce sont les décisions relatives à ces demandes au deuxième palier qui donnent lieu aux présentes demandes de contrôle judiciaire.
[24]
Il y a quatre décisions soumises à l’examen de la Cour. Les décisions ont été prises par deux chefs d’équipe différents, d’après le dossier et les recommandations de trois agents responsables de l’allègement pour les contribuables.
[26]
Contrairement aux demandes présentées au premier palier, les demandeurs n’ont pas sélectionné « Erreur de l’Agence du revenu du Canada »
ou « Délai de l’Agence du revenu du Canada »
au moment de choisir les motifs de l’examen. Toutefois, les demandes au deuxième palier au titre de la TPS/TVH portaient sur le délai de dépôt des demandes pour expliquer pourquoi les demandeurs n’étaient pas d’accord avec l’examen au premier palier. Par conséquent, la décision relative à la TPS/TVH a tenu compte du délai.
[27]
Pour toutes les demandes au deuxième palier, l’ARC a envoyé aux demandeurs des lettres décrivant précisément les renseignements financiers dont elle avait besoin pour évaluer les difficultés financières. Les demandeurs ont répondu à ces lettres en fournissant des renseignements supplémentaires.
Décisions en matière d’impôt sur le revenu datées du 26 juin 2017
[29]
Le chef d’équipe responsable de l’impôt sur le revenu n’a pas accordé d’allègement dans les décisions relatives à l’impôt sur le revenu des particuliers ou des sociétés. Dans les deux décisions, le chef d’équipe a expliqué que la responsabilité de s’assurer qu’une déclaration est exacte incombe ultimement au contribuable, et que l’ARC ne peut être tenue responsable des actions d’un tiers.
[30]
Dans la décision relative à l’impôt sur le revenu des particuliers, le chef d’équipe a expliqué que les particuliers éprouvent des difficultés financières lorsqu’ils sont dans l’incapacité de se procurer des biens de première nécessité comme de la nourriture, des vêtements, un logement et des biens non indispensables raisonnables. La capacité de payer est déterminée par des facteurs tels que le revenu du ménage, les frais de subsistance et la capacité d’emprunt. Le chef d’équipe a constaté que, selon les documents financiers de M. Pathak, ce dernier se retrouvait en déficit mensuel. Toutefois, il a également constaté qu’en 2015, M. Pathak avait effectué quelques versements. Il a en outre constaté que, d’après les renseignements financiers de M. Pathak, ce dernier disposait de fonds dans des comptes bancaires, lesquels n’avaient pas été remis, ainsi qu’un immeuble de placement. Ces faits ont été jugés incompatibles avec des difficultés financières personnelles.
[31]
Dans la décision concernant l’impôt sur le revenu des sociétés, le chef d’équipe a expliqué que les entreprises éprouvent des difficultés financières lorsque la continuité de leurs activités commerciales et l’emploi de leurs employés sont compromis. Le chef d’équipe a fait remarquer que le représentant des demandeurs a indiqué que l’entreprise était inactive depuis quatre ans et que la continuité des activités commerciales ne pouvait donc pas être compromise.
[32]
Dans les deux décisions, le chef d’équipe a examiné la preuve de maladie grave et de souffrance morale, mais il a constaté que les problèmes qui en sont à l’origine ont commencé en 2010. Le chef d’équipe a également fait remarquer que la société avait été en mesure de produire les déclarations de revenus à temps; elles n’étaient tout simplement pas exactes. Par conséquent, une maladie grave ou une souffrance morale n’expliquait pas le défaut de verser correctement l’impôt sur le revenu.
Décisions relatives à la TPS/TVH datées du 5 février 2018
[34]
Dans la décision relative à la TPS/TVH des particuliers, le chef d’équipe a utilisé la même définition des difficultés financières que celle utilisée dans la décision relative à l’impôt sur le revenu. Pour les besoins de la détermination de l’existence de difficultés financières, M. Pathak devait fournir des renseignements financiers complets au sujet de tous les membres du ménage. Cela n’a pas été fait et, par conséquent, les difficultés financières n’ont pu être évaluées.
[35]
Dans la décision relative à la TPS/TVH des sociétés, le chef d’équipe a également utilisé la même définition des difficultés financières que celle utilisée dans la décision relative à l’impôt sur le revenu. Le chef d’équipe a fait remarquer que l’entreprise ne comptait pas d’employés et qu’elle avait été en mesure de payer son solde en 2012, sa dernière année d’activités. Par conséquent, elle ne répondait pas aux exigences.
[36]
Dans les deux décisions, le chef d’équipe a expliqué que l’allègement pour maladie grave ou souffrance morale exige généralement un lien entre les circonstances et l’incapacité de produire une déclaration ou de payer à temps. Le problème de santé de M. Pathak n’a commencé qu’en 2010 et, par conséquent, il a été conclu que cela n’expliquait pas pourquoi les déclarations antérieures n’avaient pas été produites.
[37]
Dans les deux décisions, les chefs d’équipe ont conclu qu’il n’y avait aucun délai imputable à l’ARC. Ils ont relevé le calendrier des événements entourant la vérification, y compris les retards causés par le représentant de M. Pathak, puis par le fait que M. Pathak était à l’étranger. Ils ont également constaté que les oppositions ont toutes été examinées dans le délai de six à neuf mois promis dans les accusés de réception, et qu’aucun des renseignements fournis aux demandeurs ne leur indiquait que leur pénalité serait annulée.
Question en litige et questions préliminaires
[38]
Il n’y a qu’une seule question en litige : les décisions étaient‑elles raisonnables? Bien qu’il y ait quatre décisions distinctes faisant l’objet du contrôle, compte tenu des similitudes entre les décisions sous‑jacentes, elles seront examinées ensemble.
[39]
Le défendeur soulève une question préliminaire. Il fait valoir que les demandeurs, qui étaient tous deux représentés par M. Pathak, un particulier, tentaient de contester la cotisation de valeur nette qui ne faisait pas l’objet du contrôle et qui ne relevait pas de la compétence de la Cour.
[41]
Le défendeur a raison lorsqu’il allègue que l’article 18.5 de la Loi sur les Cours fédérales prévoit que toute question susceptible de faire l’objet d’un appel devant la Cour de l’impôt ne peut faire l’objet d’un contrôle judiciaire devant la Cour fédérale. L’exactitude d’une cotisation devrait faire l’objet d’un appel devant la Cour de l’impôt : JP Morgan Asset Management (Canada) c Ministre du Revenu national, 2 013 CAF 250.
[42]
Comme deuxième question préliminaire, les demandeurs ne présentent pas d’observations claires sur la norme de contrôle. Leurs documents m’amènent à conclure qu’ils supposent que la norme applicable est celle de la décision correcte, parce qu’ils demandent à la Cour de [traduction] « tenir compte de tous les facteurs »
. Le défendeur souligne à juste titre que la norme de contrôle applicable aux décisions discrétionnaires, comme celles dont la Cour est saisie, est celle de la décision raisonnable : Dunsmuir c Nouveau‑Brunswick, 2 008 CSC 9.
Observations sur le fond
Les observations des demandeurs
[44]
Les demandeurs ont présenté des observations sur le caractère raisonnable des décisions, tant dans la demande de contrôle judiciaire que dans leur mémoire. Les observations présentées à la Cour à des fins d’examen ne sont que celles qu’un demandeur expose dans le mémoire des arguments. Dans la décision Gemstone Travel Management Systems Inc. c Andrews, 2 017 CF 463, le juge Fothergill a expliqué que la Cour a le pouvoir discrétionnaire d’accepter néanmoins d’autres observations, tant que la partie adverse ne subit aucun préjudice. Lorsqu’une partie se représente elle‑même, il en résulte un traitement équitable. Le défendeur ne subit aucun préjudice en l’espèce et j’ai examiné toutes les observations présentées par ces demandeurs, peu importe où.
(1)
Délai
[45]
Les demandeurs soutiennent que tout le processus a pris sept ans, ce qui est long. Cette période comprend la longue attente dans le cadre de la demande au deuxième palier, qui a été présentée en novembre 2015 et à laquelle une réponse n’a été donnée qu’en juin 2017.
(2)
Erreur de l’ARC
[46]
L’allégation d’une erreur commise par l’ARC n’a pas été soulevée dans les décisions au deuxième palier. En l’espèce, les demandeurs soutiennent que l’agente d’appel leur a assuré que les intérêts et les pénalités seraient annulés s’ils signaient la renonciation aux droits d’appel, ce qui n’a pas été le cas. Ils soutiennent également que les décideurs n’ont pas tenu compte de la façon dont M. Pathak a été traité au cours de la vérification. Ce dernier a fait valoir qu’il a été traité injustement et qu’on lui a fait subir des pressions pour qu’il renonce à ses droits.
(3)
Valeur nette
[47]
Là encore, il convient de souligner que cette question n’a pas été soulevée dans les décisions au deuxième palier. Les demandeurs soutiennent que l’ARC a refusé des documents qui auraient eu une incidence sur la cotisation de la valeur nette. Ils soutiennent également que l’ARC pense à tort que M. Pathak cache des revenus non déclarés, ce qu’il nie, et ce point de vue de l’ARC pourrait être un signe de partialité.
(4)
Maladie grave/souffrance morale
(5)
Autre
[49]
M. Pathak explique qu’il estime que le comportement de l’ARC n’est pas professionnel et viole ses droits, comme il est expliqué dans la Charte des droits du contribuable de l’ARC. À l’audience, il a également soulevé la question des difficultés financières.
Les observations du défendeur
ii. de même, la maladie de M. Pathak n’a commencé qu’après que déclarations de revenus et de TPS/TVH de la société furent exigibles;
iii. M. Pathak et la société sont tenus de respecter les obligations financières et de paiement en matière d’impôt dans un régime d’autocotisation;
iv. l’ARC n’est pas responsable des erreurs des tiers, comme les comptables;
v. comme M. Pathak n’a pas fourni de renseignements financiers complets, il n’a pu être conclu qu’il éprouvait des difficultés financières;
vi. M. Pathak s’est livré à des dépenses discrétionnaires au lieu de payer sa dette fiscale;
vii. la société ne connaissait pas de difficultés financières, puisque la poursuite de ses activités ou l’emploi de son personnel n’étaient nullement compromis;
viii. l’ARC n’a fourni aucune assurance que les intérêts et les pénalités seraient annulés;
ix. les oppositions ont été résolues sur consentement de M. Pathak et de sa société (qui ont signé des renonciations à leurs droits d’appel);
a) M. Pathak et sa société ont fait l’objet d’une vérification et d’une nouvelle cotisation;
b) ils ont chacun déposé deux avis d’opposition, dont certains ont nécessité une prorogation de délai;
c) l’ARC a affecté des agents dans les délais indiqués dans les lettres étant adressées à M. Pathak et sa société;
d) l’ARC a avisé M. Pathak et la société à plusieurs reprises que les intérêts continueraient de s’accumuler sur tout solde impayé.
Analyse
[53]
Les lois pertinentes concernant l’allègement ne donnent aucune explication quant aux conditions à remplir pour que les pénalités et les intérêts soient annulés. Par conséquent, les chefs d’équipe se sont fiés aux lignes directrices du ministre IC07‑1R1. Rien n’indique que les lignes directrices sont inappropriées ou qu’elles ont fait en sorte que les décideurs ont entravé l’exercice de leur pouvoir discrétionnaire. Il convient donc d’apprécier la décision au regard des lignes directrices pour établir si elles étaient raisonnables.
[54]
J’examinerai d’abord les questions soulevées par les demandeurs dans leurs documents écrits, puis je traiterai ensuite de la question des difficultés financières, qui ont été examinées par l’ARC et abordées par les deux parties.
Délai
[55]
Les demandeurs se plaignent que les délais dans la vérification ont entraîné une augmentation des pénalités. Toutefois, les décideurs ont estimé que les demandeurs avaient été avertis dans toutes les lettres et qu’il leur avait été conseillé de payer pour éviter l’accumulation des intérêts. Les demandeurs auraient pu payer les pénalités imposées et tout de même continuer de faire valoir leur appel.
[56]
De plus, le dossier montre que la durée du processus n’est pas la faute de l’ARC. Les demandeurs se plaignent que la vérification a duré sept ans, ce qui n’est pas exact. La vérification était terminée et une décision avait été rendue aux deux paliers d’opposition en octobre 2014. Les chefs d’équipe ont examiné les dates de la vérification et des oppositions et ont conclu que les demandeurs recevaient toujours leur réponse avant les échéances prévues. En effet, ce sont les demandeurs qui ont tardé à deux reprises dans le dépôt de leurs oppositions et qui se sont vus attribuer des prorogations de délai.
Erreur de l’ARC
[58]
Comme il a été mentionné précédemment, aucune allégation relative à une erreur alléguée de la part de l’ARC n’a été soulevée au deuxième palier. Par conséquent, il est inapproprié de se plaindre que les décideurs n’ont pas pris cet élément en considération. Quoi qu’il en soit, ces allégations sont des questions qui auraient pu être examinées par la Cour de l’impôt, puisqu’elles relèvent de sa compétence, et ne sont pas le genre d’erreurs visées par les lignes directrices, lesquelles prévoient des erreurs qui pourraient entraîner des pénalités et des intérêts, comme des erreurs de traitement.
Valeur nette
[59]
Comme dans leurs observations sur l’erreur alléguée de l’ARC, les décideurs n’étaient pas saisis de la contestation de la cotisation de valeur nette. Les demandeurs ont accepté cette cotisation et ont renoncé à leur droit de la contester devant la Cour de l’impôt. Elle ne peut servir de fondement pour contester le caractère raisonnable des décisions faisant l’objet du contrôle.
Maladie grave/souffrance morale
[60]
Sur ce point, les lignes directrices énoncent ce qui suit :
25. Les pénalités et les intérêts peuvent faire l’objet d’une renonciation ou d’une annulation, en tout ou en partie, si elles découlent de circonstances indépendantes de la volonté du contribuable. Les circonstances exceptionnelles qui peuvent avoir empêché un contribuable d’effectuer un paiement lorsqu’il était dû, de produire une déclaration à temps ou de s’acquitter de toute autre obligation que lui impose la Loi comprennent, sans en exclure d’autres, les suivantes :
a) Catastrophes naturelles ou d’origine humaine, telles qu’une inondation ou un incendie.
b) Troubles publics ou interruptions de services, tels qu’une grève des postes.
c) Maladies ou accidents graves.
d) Troubles émotifs sévères ou souffrances morales graves, tels qu’un décès dans la famille immédiate.
[61]
Les demandeurs comprennent mal l’objet de l’examen du décideur. La question est de savoir si la souffrance morale ou la maladie mentale a empêché le contribuable de se conformer : en d’autres termes, la souffrance morale ou la maladie mentale a‑t‑elle causé les pénalités et les intérêts en empêchant la conformité? Les demandeurs voient les choses à l’envers : ils disent que les pénalités et les intérêts ont causé la souffrance morale. C’est peut‑être vrai, bien que le rapport du Dr Buttar semble indiquer que les accusations criminelles sont à l’origine de l’état de santé de M. Pathak; il ne s’agit toutefois pas d’une considération pertinente pour les besoins de l’allègement.
[62]
Dans les quatre décisions, les décideurs ont conclu que le défaut de se conformer ayant donné lieu aux pénalités et aux intérêts s’est produit avant le déclenchement de la souffrance morale ou de la maladie mentale alléguée. Les demandeurs ne laissent pas entendre que la souffrance morale ou de la maladie mentale de M. Pathak a commencé avant 2010 et, par conséquent, le rejet de la demande pour ce motif est raisonnable.
Difficultés financières
[63]
Les lignes directrices expliquent la pertinence de ce facteur :
27. Il peut être indiqué, lorsqu’une incapacité de payer tous les montants dus est confirmée, d’envisager d’annuler les intérêts ou d’y renoncer, en tout ou en partie, pour permettre à un contribuable de payer sa dette. Par exemple, lorsque :
[…]
c) le paiement des intérêts accumulés cause une incapacité prolongée (difficultés financières) à subvenir aux besoins essentiels de nourriture, de soins médicaux, de transport, ou de logement;
[…]
28.1. L’ARC effectuera un examen détaillé de la situation financière d’un contribuable afin de déterminer sa capacité de payer le solde dû et les frais d’intérêts qui continueront de s’accumuler. Un examen financier tient compte de ce qui suit :
· Revenus et dépenses
· Actifs et passifs
· Capacité d’emprunter des fonds ou de vendre des actifs
· Conduite et efforts pour payer le solde dû
[64]
La conclusion, tirée dans la décision en matière d’impôt sur le revenu, selon laquelle les demandeurs n’ont pas démontré qu’ils éprouvaient des difficultés financières était raisonnable. D’après les renseignements fournis par M. Pathak et le journal des recouvrements de l’ARC, le chef d’équipe savait que M. Pathak avait 16 950 $ dans son compte bancaire, qu’il avait auparavant effectué des paiements sur ses arriérés de TPS/TVH et que sa famille possédait un immeuble de placement. Le chef d’équipe a également reçu une recommandation expliquant que M. Pathak avait récemment acheté des billets d’avion et des appareils électroniques d’une valeur de plusieurs milliers de dollars chacun et qu’il avait remboursé le solde intégral de sa carte de crédit.
[66]
La conclusion concernant les difficultés financières personnelles qui a été tirée dans la décision en matière de TPS/TVH était également raisonnable. Le chef d’équipe qui a pris cette décision disposait de renseignements différents de ceux dont disposait le décideur en matière d’impôt sur le revenu. Cette demande a été présentée après que la décision au deuxième palier en matière d’impôt sur le revenu eut été rejetée, et M. Pathak a tenté de fournir des explications supplémentaires. M. Pathak a informé le chef d’équipe que l’argent dans le compte bancaire et l’immeuble de placement ne lui appartenaient pas. Il lui a également dit qu’il vivait avec son frère et qu’il aidait à payer les dépenses du ménage. Toutefois, il n’a pas présenté les renseignements financiers de tous les membres de ce ménage.
[68]
Compte tenu du manque d’information sur les finances de M. Pathak, il n’était pas déraisonnable de conclure qu’il ne serait pas en situation d’incapacité à subvenir à ses besoins essentiels. M. Pathak vivait dans une maison avec sa conjointe, son frère et peut‑être d’autres personnes. Rien n’indiquait que les autres membres du ménage ne seraient pas en mesure d’aider M. Pathak à subvenir à ses besoins essentiels.
[69]
Les refus liés aux difficultés financières de la société étaient également raisonnables. Comme l’expliquent les lignes directrices :
28. De façon générale, on n’envisagera pas l’annulation d’une pénalité en raison d’une incapacité de payer ou de difficultés financières à moins que des circonstances exceptionnelles, telles qu’elles sont décrites au paragraphe 25, aient empêché le respect des lois. Cependant, des situations exceptionnelles peuvent donner lieu à l’annulation totale ou partielle des pénalités. Par exemple, lorsqu’une entreprise éprouve des difficultés financières et que l’exécution des pénalités mettrait en danger la continuité de son exploitation, l’emploi de ses employés et le bien‑être de la communauté dans son ensemble, l’allègement des pénalités peut être considéré.
[70]
Dans les deux décisions concernant la société, il a été constaté que celle‑ci avait cessé ses activités. Cette constatation était fondée sur l’explication du représentant des demandeurs. Étant donné que l’entreprise n’était pas exploitée, il était raisonnable de conclure qu’il n’y avait aucune menace pour les emplois ou la collectivité en raison de sa fermeture et que, par conséquent, aucune situation exceptionnelle ne justifiait l’annulation des pénalités.
Conclusion
[71]
J’estime que l’exercice du pouvoir discrétionnaire de ces décideurs était raisonnable. M. Pathak et la société n’ont pas payé comme ils le devaient leur impôt sur le revenu et la TPS/TVH. Ce manquement a donné lieu à l’imposition de pénalités et d’intérêts, que les demandeurs ne veulent pas payer; toutefois, aucune des circonstances pouvant justifier le non‑paiement ne prévaut. Bien que M. Pathak souffre maintenant de problèmes de santé mentale, ce n’était pas le cas au moment où les événements ont donné lieu à l’imposition des pénalités et des intérêts. Bien qu’il ne soit peut‑être pas personnellement riche, il possède des biens et continue de recevoir du soutien de sa famille. La conclusion selon laquelle les pénalités et les intérêts imposés ne l’empêcheront pas de subvenir à ses besoins fondamentaux est donc raisonnable. Enfin, la vérification sous‑jacente n’a accusé aucun retard et les demandeurs ont été informés à maintes reprises de la façon dont les intérêts s’accumuleraient.
[72]
Le défendeur a demandé qu’on lui adjuge les dépens, dans l’éventualité où il a gain de cause. Dans l’exercice du pouvoir discrétionnaire qui m’est conféré, j’accorde par conséquent le montant de 500 $, y compris les frais, les débours et les taxes, au défendeur à titre de dépens.
JUGEMENT dans les dossiers T‑1 147‑17, T‑437‑18, T‑253‑18, T‑968‑18
LA COUR statue que les présentes demandes sont rejetées et que les dépens, dont le montant est fixé à 500 $, sont adjugés au défendeur.
Traduction certifiée conforme
Ce 9e jour de mai 2019
Maxime Deslippes
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T‑1147‑17 et T‑437‑18
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T‑253‑18 et t‑968‑18
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ASTRO HORA INC c MINISTRE DU REVENU NATIONAL
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DEMANDEUR QUI SE REPRÉSENTAIT LUI‑MÊME
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