Date : 20190124
Dossier : IMM-2162-18
Référence : 2019 CF 103
[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]
Ottawa (Ontario), le 24 janvier 2019
En présence de madame la juge Simpson
ENTRE :
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ZAMZAM ALI MASOUD (alias NATALYA MASOUD ALLY) et NURJANNAH MLINDE MABROUK (alias NURJANNAH SALEH)
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demanderesses
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et
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LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION
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défendeur
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JUGEMENT ET MOTIFS
I.
L’instance
[1]
La Cour est saisie d’une demande de contrôle judiciaire visant la décision datée du 19 avril 2018, par laquelle la Section d’appel des réfugiés [la SAR] a rejeté la demande que les demanderesses avaient présentée en vue de la réouverture de leur appel [la décision]. La présente demande a été déposée au titre du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [la LIPR].
II.
Le contexte
[2]
Les demanderesses sont une mère et sa fille de trois ans, qui sont citoyennes de la Tanzanie. La mère a demandé l’asile en invoquant son orientation sexuelle. La Section de la protection des réfugiés [la SPR] a rejeté la demande d’asile des demanderesses et la SAR a reçu leur avis d’appel le 7 septembre 2017 [l’appel].
[3]
Dans une lettre datée du 26 septembre 2017, la conseil des demanderesses a informé la SAR qu’elle avait besoin d’une prorogation du délai jusqu’au 9 octobre 2017 [la date limite] pour mettre en état l’appel. La conseil des demanderesses n’a pas réussi à mettre en état l’appel à la date limite et elle n’a pas demandé une prorogation supplémentaire du délai.
[4]
Dans une décision datée du 4 décembre 2017, soit près de deux mois après la date limite, la SAR a rejeté l’appel pour défaut de mise en état, conformément à l’article 3 des Règles de la SAR [le rejet].
[5]
Le 1er février 2018, la SAR a reçu une demande de réouverture de l’appel. Les demanderesses ont présenté des documents démontrant que leur conseil i) était malade et qu’elle ne pouvait travailler que de façon intermittente entre le 1er octobre 2017 et le 16 novembre 2017, et ii) était dans l’incapacité totale de travailler entre le 18 décembre 2017 et le 30 décembre 2017. Toutefois, la conseil était à son bureau entre le 16 novembre et le 18 décembre 2017.
[6]
Les demanderesses ont également présenté un affidavit souscrit par M. Mohamad Omar et daté du 18 janvier 2018, d’après lequel les demanderesses avaient entrepris de communiquer avec des personnes à l’étranger entre septembre et décembre 2017 en vue de réunir davantage d’éléments de preuve documentaire pour les besoins de leur appel.
III.
La décision
[7]
La SAR n’a pas accepté l’explication selon laquelle la maladie de la conseil faisait en sorte que cette dernière avait été dans l’incapacité de demander une prolongation supplémentaire du délai et de mettre en état l’appel en novembre et en décembre 2017, alors qu’elle travaillait à temps plein.
[8]
La SAR a relevé que la seule autre explication fournie était celle portant que les demanderesses avaient avisé leur conseil en décembre qu’elles s’attendaient à recevoir une preuve documentaire supplémentaire à l’appui de l’appel. Toutefois, la SAR a conclu que la mise en état d’un appel ne peut être retardée pour des motifs liés à la collecte et à la traduction de nouveaux éléments de preuve, étant donné que l’article 29 des Règles de la SAR permet aux demandeurs d’asile de présenter de nouveaux éléments de preuve après que l’appel a été mis en état.
[9]
Il convient de mentionner qu’on n’a pas demandé à la SAR d’examinner si la conseil avait commis des erreurs ou des fautes du fait qu’elle a omis de mettre en état l’appel ou de demander une prorogation de délai. La question d’une possible représentation inadéquate n’a pas été soulevée devant la SAR. Par conséquent, rien ne permettait à la SAR de conclure à l’existence d’un manquement à la justice naturelle.
[10]
Par conséquent, la SAR a jugé que les demanderesses n’avaient fourni aucune explication raisonnable pour justifier leur défaut de communiquer avec elle et de l’aviser de leur intention mettre en état leur appel.
[11]
La SAR a en outre conclu que les demanderesses n’avaient pas démontré une intention continue de poursuivre leur appel et qu’elles n’avaient pas justifié chaque jour de retard.
IV.
La disposition pertinente des Règles
[12]
Les requêtes en réouverture sont régies par l’article 49 des Règles la SAR (voir l’annexe ci-jointe). En bref, le paragraphe 49(6) des Règles prévoit que la SAR ne peut rouvrir un appel que si un manquement à un principe de justice naturelle a été établi. Le paragraphe 49(7) des Règles énonce les éléments à considérer pour trancher la question de savoir s’il y a lieu de rouvrir l’appel lorsque l’existence d’un manquement à un principe de justice naturelle a été établie. Ces éléments comprennent notamment la question de savoir si la demande a été présentée en temps opportun et la justification de tout retard.
V.
Analyse
[13]
Dans leur exposé du droit et des arguments à l’appui du présent contrôle judiciaire, les demanderesses soutiennent que la SAR a commis un manquement à la justice naturelle en prononçant le rejet, en ce sens qu’il éliminait leur droit d’appel alors qu’elles n’avaient commis aucune faute. En fait, c’est plutôt la maladie de la conseil et le retard dans l’obtention de la nouvelle preuve qui ont entraîné le rejet.
[14]
Je crois toutefois que c’est à juste titre que la SAR a tiré les conclusions suivantes :
- La maladie de la conseil ne l’empêchait pas de mettre en état l’appel avant la date limite ou de demander une prorogation supplémentaire du délai avant le rejet.
- La nouvelle preuve n’était pas nécessaire pour mettre l’appel en état.
[15]
Subsidiairement, les demanderesses présentent un nouvel argument dans le contexte du présent contrôle judiciaire et soutiennent que les erreurs commises par leur conseil en omettant de mettre l’appel en état et de demander une nouvelle prorogation du délai donnent lieu à un manquement à la justice naturelle, car elles ont perdu leur droit d’appel.
[16]
À mon avis, cet argument n’est pas convaincant, parce que le paragraphe 49(4) de la SAR crée une procédure distincte à suivre lorsque des demandeurs d’asile cherchent à rouvrir un appel en raison d’une représentation inadéquate. Étant donné que les demanderesses ne se sont pas fondées sur le paragraphe 49(4) des Règles, elles n’ont pas le droit d’invoquer dans le cadre du présent contrôle judiciaire que la représentation inadéquate qu’elles ont reçue a entraîné un manquement à la justice naturelle, car elles n’avaient pas formulé cette observation dans leur demande en réouverture devant la SAR.
[17]
En l’absence d’une conclusion de manquement à la justice naturelle, la SAR n’avait pas besoin de tenir compte des autres facteurs, comme l’intention continue des demanderesses d’interjeter appel.
VI.
Conclusion
[18]
La conclusion de la SAR selon laquelle il n’y a pas eu manquement à la justice naturelle était raisonnable et justifiait, à elle seule, la décision.
VII.
La certification d’une question
[19]
Les parties n’ont proposé aucune question à des fins de certification en vue d’un appel.
JUGEMENT DANS LE DOSSIER IMM-2162-18
LA COUR STATUE que la demande de contrôle judiciaire en l’espèce est rejetée.
« Sandra J. Simpson »
Juge
Traduction certifiée conforme
Ce 6e jour de mars 2019
Maxime Deslippes
Annexe
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COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DoSSIER :
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IMM-2162-18
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INTITULÉ :
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ZAMZAM ALI MASOUD (alias NATALYA MASOUD ALLY) et NURJANNAH MLINDE MABROUK (alias NURJANNAH SALEH) c |
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LIEU DE L’AUDIENCE :
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Toronto (Ontario)
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DATE DE L’AUDIENCE :
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LE 17 JANVIER 2019
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JUGEMENT ET MOTIFS :
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LA JUGE SIMPSON
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DATE DU JUGEMENT
ET DES MOTIFS :
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LE 24 JANVIER 2019
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COMPARUTIONS :
Lina Anani
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POUR LES DEMANDERESSES
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Christopher Crighton
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POUR LE DÉFENDEUR
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AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Lina Anani Law Office
Avocat
Toronto (Ontario)
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POUR LES DEMANDERESSES
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Procureur général du Canada
Toronto (Ontario)
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POUR LE DÉFENDEUR
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