Date : 20190211
Dossier : IMM-2019-18
Référence : 2019 CF 171
[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]
Ottawa (Ontario), le 11 février 2019
En présence de monsieur le juge Ahmed
ENTRE :
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TANVEER AKRAM
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demandeur
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et
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LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET
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défendeur
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JUGEMENT ET MOTIFS
I.
Aperçu
[1]
Le 11 avril 2018, la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada (le tribunal saisi de la demande d’annulation) a conclu que le demandeur avait obtenu le statut de réfugié en 2007 en faisant une présentation erronée sur un fait important, ou une réticence sur ce fait. Par conséquent, le tribunal saisi de la demande d’annulation a annulé le statut de réfugié du demandeur, en application des paragraphes 109(1) et (2) de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, chap. 27 (la LIPR). La demande d’asile du demandeur est maintenant légalement nulle, conformément au paragraphe 109(3) de la LIPR.
[2]
Le 30 avril 2018, le demandeur a présenté une demande de contrôle judiciaire. Pour les motifs qui suivent, je fais droit à la demande.
II.
Faits
A.
L’audience relative à la demande d’asile de 2007
[3]
M. Tanveer Akram (demandeur) affirme être citoyen du Pakistan. L’audience relative à sa demande d’asile devant la Section de la protection des réfugiés (premier tribunal) a eu lieu le 31 octobre 2007, et il a obtenu le statut de réfugié au sens de la Convention, le 6 novembre 2007. Outre la lettre de décision accordant le statut de réfugié et le dossier certifié du tribunal (le DCT), il n’y a aucun élément de preuve lié à l’audience relative à la demande d’asile de 2007. En termes clairs, il n’y pas de transcription, pas d’enregistrement audio et pas de motifs à l’appui de cette décision favorable.
[4]
Le DCT contient un Formulaire de renseignements personnels (le FRP) signé par le demandeur, le 15 janvier 2007. Le FRP contient une petite note manuscrite au sujet d’une correction apportée durant l’audience relative à la demande d’asile. Le FRP n’est pas autrement modifié.
[5]
Le FRP du demandeur décrit sa vie politique active au Pakistan. Par exemple, le demandeur a joint le Parti du peuple pakistanais (PPP) le 14 août 1988; il a joué un rôle actif durant les élections de 1993; en janvier 1997, il est devenu président de la section 12 du PPP, poste qu’il a occupé pendant deux ans; et en 1999, il a été promu président du PPP pour la ville de Wazirabad.
[6]
Dans son FRP, le demandeur allègue en outre avoir été arrêté et détenu en 2002, après avoir pris la parole lors d’un rassemblement du PPP. Il ajoute que la police a refusé d’agir lorsqu’il a été menacé et agressé par des membres de l’opposition, ou encore lorsque sa maison et sa famille ont été attaquées. Il aurait aussi pris la parole lors d’un rassemblement à Wazirabad, le 20 septembre 2006. Après cet événement, la police et des gangsters auraient attaqué la foule à coup de lathi et de gaz lacrymogènes, mais le demandeur se serait enfui chez un ami, selon ses dires. Au cours des jours suivants, la police serait allée chez lui à maintes reprises dans le but de l’arrêter.
[7]
De plus, d’après le FRP, le demandeur a quitté le Pakistan, le 8 octobre 2006, et il est venu au Canada muni d’un faux passeport. Un fois au Canada, il a demandé l’asile. Plus tard, il a été interrogé par l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC). Le DCT contient les notes d’entrevue de l’ASFC datées du 11 janvier 2007. D'après ces notes, le demandeur a dit à l’agent chargé de l’entrevue que sa carte d’identité était authentique. Nous savons maintenant qu'un agent de l’ASFC (agent) a conclu que la carte d’identité du demandeur avait probablement été altérée. L’audience relative à la demande d’asile du demandeur n’a eu lieu que le 31 octobre 2007. Pour des raisons inconnues, personne n’a dit au premier tribunal que l’agent doutait de l’authenticité de la carte d’identité, bien qu’il soit arrivé à cette conclusion dix mois avant l’audience relative à la demande d’asile.
[8]
L'avis de décision du premier tribunal, daté du 6 novembre 2007, a été établi sans que la conclusion de non-authenticité tirée par l’agent ne soit prise en compte, et le premier tribunal a accordé la demande d’asile du demandeur.
[9]
Le 26 novembre 2007, le demandeur a présenté une demande en vue d’obtenir le statut de résident permanent au Canada. Selon le mémoire produit par le demandeur dans le cadre du présent contrôle judiciaire, la demande a été rejetée. D’après les motifs du tribunal saisi de la demande d’annulation, la demande a été suspendue. Le DCT ne contient pas d’autres documents pertinents par rapport à cette demande.
[10]
Après que le demandeur eut obtenu le statut de réfugié au sens de la Convention, le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration (le ministre) a enquêté sur lui pendant 10 ans. Ce fut une longue enquête dont les activités ont été ponctuées d’écarts inexpliqués. L’enquête a permis de conclure que la demande d’asile initiale du demandeur reposait sur une présentation erronée sur un fait important, ou une réticence sur ce fait.
B.
L’avis de demande d’annulation
[11]
Il appert des résultats de l’enquête qu’en septembre 2016, le ministre a déposé, en application de l’article 109 de la LIPR, un avis de demande d’annulation du statut de réfugié au sens de la Convention accordé au demandeur. L’article 109 est ainsi libellé :
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La preuve soumise par le ministre est abondante. Elle comprend une analyse de la reconnaissance faciale et des empreintes digitales, qui indique que le demandeur est connu aux États-Unis sous un certain nombre d’autres noms. D’après les documents soumis par le ministre, le demandeur est aussi connu sous les noms suivants : Tanveir A. Cheema, Tanveer Cheema, Tanveir Akram, Mohammad Shoukat, Tanveir Choudhry et Tanveer A. Choudhry.
[13]
Le ministre a également présenté des éléments de preuve selon lesquels le demandeur a des antécédents en matière d’immigration aux États-Unis. Par exemple, il a déjà demandé l’asile aux États-Unis le 26 août 1994. Cette demande d’asile serait fondée sur des croyances religieuses. La preuve indique que le demandeur a été autorisé à entrer de nouveau aux États‑Unis en 1996, ainsi qu’en 1997, pour des motifs d’ordre humanitaire, et que pendant son séjour aux États-Unis, il a été reconnu coupable de certaines infractions. Il a aussi déjà présenté une demande de résidence permanente aux États-Unis au motif qu’il est l’époux d’une citoyenne américaine.
[14]
Le ministre a présenté d’autres éléments de preuve afin de démontrer que le demandeur a également des antécédents en matière d’immigration au Canada. Par exemple, il a déjà eu trois visas canadiens.
[15]
Une copie de l’avis de demande d’annulation a été envoyée au demandeur. Après avoir reçu l’avis, le demandeur a tenté de faire citer à comparaître l’agent qui, en 2007, avait tiré la conclusion relative à l’authenticité de la carte d’identité, notamment dans le but d’obtenir le nom des autres agents ayant participé à l’enquête ainsi que des détails qui pourraient révéler que celle‑ci avait été menée de mauvaise foi. Toutefois, l’agent s’est opposé à la demande de citation à comparaître, affirmant que son rôle s’était limité à la carte d’identité et qu’il ne savait rien d’autre au sujet du contexte, des circonstances ou des délais de l’enquête. Le demandeur a en outre fait valoir que la longueur de l’enquête constituait un abus de procédure.
C.
Conférence préparatoire
[16]
Une conférence préparatoire s’est tenue le jour de l’audience d’annulation afin qu’il soit statué sur la demande de citation à comparaître du demandeur. Le tribunal saisi de la demande d’annulation a examiné l’article 45 des Règles de la Section de la protection des réfugiés (les Règles de la SPR), DORS 2012-256, selon lequel la Section prend en considération tout élément pertinent pour décider si elle délivre une citation à comparaître :
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[17]
Après avoir pris en considération les éléments énoncés à l’article 45, le tribunal saisi de la demande d’annulation a rejeté la demande de citation à comparaître. Il a conclu que le rôle de l’agent était en soi ponctuel et limité et qu’il était peu probable que celui-ci ait participé à l’enquête subséquente qui s’est déroulée sur une période de dix ans. Le tribunal saisi de la demande d’annulation a aussi expliqué que, puisque la décision sur l’authenticité de la carte d’identité avait été prise plus de un an et demi avant la tenue de l’audience relative à la demande d’asile, le rôle de l’agent avait pris fin avant qu’une demande d’annulation puisse être envisagée. Par conséquent, le tribunal saisi de la demande d’annulation a rejeté la demande de citation à comparaître du demandeur et a poursuivi l’audience relative à la demande d’annulation.
D.
L’audience relative à la demande d’annulation
(1)
Le délai
[18]
Le tribunal saisi de la demande d’annulation a d’abord expliqué que le critère relatif à l’abus de procédure a été énoncé par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Blencoe c. Colombie-Britannique (Human Rights Commission), 2000 CSC 44 [Blencoe] de la manière suivante : il faut se demander « 1) si le délai est déraisonnable et excessif, et 2) le cas échant, s’il a entraîné un préjudice important. »
[19]
Alors qu’il examinait le premier volet du critère, le tribunal saisi de la demande d’annulation a déclaré qu’il est raisonnable de procéder avec prudence avant d’annuler le statut de réfugié en vertu de l’article 109 de la LIPR. Il a cependant observé que, en l’espèce, le ministre n’a fourni aucune explication au sujet de la durée de l’enquête et des longues pauses qui avaient entrecoupé celle‑ci. En outre, il a jugé que l’audience aurait pu avoir lieu en 2011 compte tenu de la preuve relative aux empreintes digitales. Par conséquent, le tribunal saisi de la demande d’annulation a conclu qu’« il y a eu un délai excessif avant que la demande d’annulation soit présentée »
.
[20]
Le tribunal saisi de la demande d’annulation s’est ensuite penché sur le deuxième volet du critère et a conclu que l’argument avancé par le demandeur ne tenait pas, celui‑ci n’ayant fourni aucun élément de preuve du préjudice qu’il aurait subi. Le demandeur a fait valoir qu’il avait subi un préjudice en raison de l’absence de motifs écrits, de transcription ou d’enregistrement audio (qui, selon ses dires, ont été détruits compte tenu de l’expiration de la période de conservation), mais le tribunal saisi de la demande d’annulation a jugé que la destruction des documents relevait de l’hypothèse, d’autant plus que le reste du DCT était intact. De plus, le tribunal saisi de la demande d’annulation a expliqué que, en 2007, la SPR ne rédigeait pas systématiquement des motifs écrits, et dans sa décision, il a donné l’exemple de la décision Chahil c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2007 CF 1214. Le tribunal saisi de la demande d’annulation a également conclu que, si le premier tribunal avait noté une correction mineure sur le FRP durant l’audience initiale relative à la demande d’asile, il était raisonnable de penser qu’il aurait pris des notes si le demandeur avait divulgué des renseignements concernant les autres identités sous lesquelles il a pu se présenter.
[21]
Un autre exemple de préjudice que le demandeur a soutenu avoir subi est que le rejet de sa demande de résidence permanente aurait eu, selon lui, une incidence sur ses choix de vie. Cependant, le tribunal saisi de la demande d’annulation a souligné que le dossier contenait des éléments de preuve démontrant l’existence de deux épouses — une épouse américaine, et une épouse et des enfants pakistanais — et que rien ne lui permettait de savoir avec quels membres de sa famille le demandeur souhaitait être réuni ni même où se trouve sa famille aujourd'hui. Le tribunal saisi de la demande d’annulation a expliqué qu’il incombait au demandeur d’établir l’existence d’un préjudice, mais que ce dernier avait choisi de ne pas témoigner ou de ne pas présenter d’éléments de preuve. Comme il n'avait pas établi l’existence d’un préjudice, le tribunal saisi de la demande d’annulation a rejeté l’argument du demandeur concernant l’abus de procédure.
(2)
Le bien‑fondé de la demande
[22]
Le tribunal saisi de la demande d’annulation s’est ensuite penché sur le fond de la demande d’annulation. Il a examiné la demande d’asile du demandeur, où il était indiqué qu’il s’appelait Tanveer Akram et qu’il avait fourni une carte d’identité pour établir son identité. Le tribunal saisi de la demande d’annulation a ensuite tenu compte de la preuve présentée par le ministre selon laquelle la carte d’identité était probablement altérée, ainsi que des empreintes digitales et de la reconnaissance faciale qui établissaient que le demandeur détenait d’autres identités. Le tribunal saisi de la demande d’annulation a fait remarquer que les formulaires de demande d’asile du demandeur ne renfermaient aucun de ces renseignements. Il a ensuite souligné que le demandeur n’avait jamais présenté aucun élément de preuve pour appuyer l’argument selon lequel il avait divulgué au premier tribunal ses fausses déclarations ou les faits importants qu’il avait omis.
[23]
Tel que le prévoit le paragraphe 109(2) de la LIPR, le tribunal saisi de la demande d’annulation a ensuite tenu compte des éléments de preuve relatifs à l’identité dont disposait le premier tribunal : un certificat de mariage et un certificat d’études. Le tribunal saisi de la demande d’annulation a conclu que ces documents ne permettaient pas d’établir l’identité du demandeur.
[24]
L’identité du demandeur n’ayant pas été établie, le tribunal saisi de la demande d’annulation a accueilli la demande d’annulation du statut de réfugié qui avait été accordé au demandeur. Par conséquent, la décision ayant accueilli la demande d’asile du demandeur est devenue nulle en application de l’article 109(3) de la LIPR. Le 2 mai 2018, le demandeur a présenté une demande de contrôle judiciaire à l’encontre de cette décision.
III.
Question en litige
[25]
La principale question à trancher dans le cadre du présent contrôle judiciaire est celle de savoir si la décision par laquelle le tribunal saisi de la demande d’annulation a rejeté la demande présentée par le demandeur afin que l’agent de l’ASFC soit cité à comparaître est raisonnable.
IV.
Analyse
A.
La décision par laquelle le tribunal saisi de la demande d’annulation a rejeté la demande présentée par le demandeur afin que l’agent de l’ASFC soit cité à comparaître est-elle raisonnable?
[26]
Le demandeur fait valoir qu’il y eu manquement à son droit à l’équité procédurale, parce que le tribunal saisi de la demande d’annulation a rejeté sa demande de citation à comparaître. Plus particulièrement, il affirme que le tribunal saisi de la demande d’annulation a commis une erreur en se demandant simplement si l’agent avait une connaissance personnelle de l’affaire, sans tenir compte des autres raisons pour lesquelles il avait présenté la demande de citation à comparaître. En fait, il dit que le tribunal saisi de la demande d’annulation ne s’est pas demandé si l’agent pouvait fournir des renseignements sur les autres personnes concernées.
[27]
Le défendeur soutient que le tribunal saisi de la demande d’annulation a eu raison de conclure qu’un agent régional du renseignement chargé de confirmer la validité de documents n’est pas la personne qu’il convient de contre‑interroger sur les motifs d’une citation à comparaître, et que la citation à comparaître en question constitue une recherche à l’aveuglette. Le défendeur soutient aussi que la norme de contrôle applicable est celle de la décision raisonnable, mais que peu importe la norme appliquée, il n’était pas déraisonnable ou erroné pour le tribunal saisi de la demande d’annulation de rejeter la demande de citation à comparaître pour ce motif.
[28]
Quant à l’argument selon lequel la demande de citation à comparaître est une recherche à l’aveuglette, le défendeur a souligné à l’audience relative au contrôle judiciaire que les motifs du tribunal saisi de la demande d’annulation ne permettent pas de croire que celui‑ci a considéré la demande du demandeur comme une recherche à l’aveuglette. Au contraire, le tribunal a examiné la demande de citation à comparaître en tenant compte des éléments énoncés à l’article 45 des Règles de la SPR.
[29]
Comme la décision du tribunal saisi de la demande d’annulation est discrétionnaire et requiert l’application des éléments prévus à l’article 45 des Règles de la SPR, je suis d’accord avec le défendeur pour dire que la norme de contrôle appropriée est celle de la décision raisonnable. La Cour examine les décisions discrétionnaires du ministre avec déférence (Dunsmuir c Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, aux paragraphes 51 et 53).
[30]
Je conclus que le tribunal saisi de la demande d’annulation a exercé son pouvoir discrétionnaire de manière déraisonnable en l’espèce, parce qu’il n’a pas tenu compte de l’article 45 des Règles de la SPR concernant le motif de la demande de citation à comparaître du demandeur. Le demandeur a demandé que l’agent soit cité à comparaître, non pas parce que ce dernier a participé à l’enquête, mais bien dans le but d’obtenir des renseignements sur d’autres agents qui avaient pris part à l’enquête. Or, le tribunal saisi de la demande d’annulation n’a pas tenu compte de l’objectif de la citation à comparaître et a plutôt rejeté la demande au motif que l’agent lui-même n’avait pas pris part à l’enquête :
[25] […] Je reconnais que, en tant qu’agent du renseignement, contrairement à un agent d’audience, par exemple, il n’a vraisemblablement pas participé à l’enquête relative à l’annulation et, par conséquent, il ne pouvait vraisemblablement pas témoigner au sujet de l’enquête qui s’est déroulée après qu’il eut examiné la carte d’identité en janvier 2007. L’agent a examiné la carte d’identité neuf mois avant que la SPR accueille la demande d’asile du [demandeur]. Par conséquent, sa tâche a pris fin avant même qu’une demande d’annulation puisse être envisagée. Rien ne porte à croire qu’il a eu un rôle à jouer par la suite et, effectivement, il affirme que ce n’est pas le cas. Il n'a pas été clairement établi comment cet agent pourrait divulguer des éléments de preuve démontrant la mauvaise foi, compte tenu de son rôle isolé.
[…]
Dans l’ensemble, le témoignage de l’agent n’est pas nécessaire pour l’instruction approfondie de l’affaire, et l’agent n’aurait pas la capacité de se prononcer sur des questions autres que les conclusions qu’il a tirées concernant la carte d’identité.
[31]
Le défendeur fait valoir que le demandeur aurait pu [traduction] « tenter de citer à comparaître d’autres agents ayant participé à la demande d’annulation, mais il a choisi de ne pas le faire »
. Or, c’est exactement ce que le demandeur tentait de faire. C’est pourquoi le demandeur a aussi avisé le tribunal saisi de la demande d’annulation qu’il pourrait devoir présenter d’autres demandes de citation à comparaître. Dans ses observations présentées à la Cour, le demandeur a expliqué les répercussions de cette décision déraisonnable sur son audience :
[traduction]
Le fait est que la décision du commissaire de la SPR d’empêcher le demandeur d’interroger l’agent a fait en sorte que le demandeur n'a pas pu obtenir les renseignements qui lui auraient permis d’établir le bien‑fondé de sa demande. Encore une fois, si le commissaire de la SPR avait autorisé le demandeur à interroger l’agent, le témoignage de celui-ci aurait pu permettre au demandeur de demander que d’autres personnes ayant eu connaissance des délais de l’enquête et de renseignements permettant de déterminer si la demande d’annulation était faite de mauvaise foi soient citées à comparaître. Par conséquent, la décision du commissaire de la SPR a violé le droit du demandeur à l’équité procédurale, ce qui justifie l’annulation de la décision.
[32]
Je conviens avec le demandeur que le tribunal saisi de la demande d’annulation n’a pas déterminé si l’agent pouvait fournir des renseignements sur d’autres personnes ayant participé à l’enquête. Par conséquent, le tribunal saisi de la demande d’annulation n'a pas exercé son pouvoir discrétionnaire de façon raisonnable.
[33]
L’audience relative à une demande d’annulation doit être complète et régulière. Bien que le premier tribunal n’ait jamais été informé de la conclusion de non‑authenticité tirée par l’agent et que de toute évidence, il s’agit là d’un manquement grave, il en va de même pour la décision d’annuler le statut de réfugié au sens de la Convention d’une personne sans tenir compte des motifs d’une demande de citation à comparaître. Compte tenu de ces faits, le tribunal saisi de la demande d’annulation a exercé de manière déraisonnable son pouvoir discrétionnaire en refusant d’accueillir la demande de citation à comparaître du demandeur, et sa décision doit être annulée.
V.
Certification
[34]
On a demandé aux avocats des deux parties s’il y avait des questions à certifier. Chacun a affirmé qu’il n’y en avait pas, et je suis d’accord avec eux.
VI.
Conclusion
[35]
Le tribunal saisi de la demande d’annulation n’a pas exercé de façon raisonnable son pouvoir discrétionnaire lorsqu’il a refusé d’accueillir la demande de citation à comparaître du demandeur. Par conséquent, je fais droit à la demande de contrôle judiciaire.
JUGEMENT dans le dossier IMM‑2019‑18
LA COUR STATUE que :
La décision d’annuler le statut de réfugié est annulée, et l’affaire est renvoyée à un tribunal différemment constitué pour nouvelle décision.
Il n’y a aucune question à certifier.
« Shirzad A. »
Juge
Traduction certifiée conforme
Ce 15e jour d’avril 2019.
Édith Malo, LL.B.
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER :
|
IMM-2019-18
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INTITULÉ :
|
TANVEER AKRAM c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION
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LIEU DE L’AUDIENCE :
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CALGARY (Alberta)
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DATE DE L’AUDIENCE :
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lE 9 octobre 2018
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jugement et motifs :
|
le juge AHMED
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DATE DES MOTIFS :
|
LE 11 FÉVRIER 2019
|
COMPARUTIONS :
Raj Sharma
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POUR LE DEMANDEUR
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Maria Green
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POUR LE DÉFENDEUR
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AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
Stewart Sharma Harsanyi
Avocats
Calgary (Alberta)
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pour le demandeur
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Procureur général du Canada
Edmonton (Alberta)
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POUR LE DÉFENDEUR
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