Date : 20190204
Dossier : T‑1664‑16
Référence : 2019 CF 144
[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]
Ottawa (Ontario), le 4 février 2019
En présence de madame la juge Heneghan
ENTRE :
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L’ADMINISTRATEUR DE LA CAISSE D’INDEMNISATION DES DOMMAGES DUS À LA POLLUTION PAR LES HYDROCARBURES CAUSÉE PAR LES NAVIRES
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demandeur
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et
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TRACY DONALD DODDS
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défendeur
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JUGEMENT ET MOTIFS
I.
INTRODUCTION
[1]
L’administrateur (l’« administratrice »
, en l’occurrence) de la Caisse d’indemnisation des dommages dus à la pollution par les hydrocarbures causée par les navires (la « Caisse »
ou le « demandeur »
) sollicite un jugement sommaire, conformément aux Règles des Cours fédérales, DORS/98‑106 (les « Règles »
), à l’encontre de Tracy Donald Dodds (le « défendeur »
).
[2]
Par une déclaration produite le 4 octobre 2016, le demandeur a intenté une action contre le défendeur, sollicitant un jugement d’un montant de 382 353,33 $, ainsi que des intérêts au taux applicable en matière d’amirauté et les dépens. Cette déclaration est liée au coût des mesures visant à réparer, contrer, réduire au minimum et prévenir les dommages dus à la pollution causée par le naufrage du navire RYAN ATLANTIC II, anciennement le CAPE ROUGE (le navire en cause), et le rejet d’hydrocarbures qui en a résulté.
II.
LE CONTEXTE
[3]
Dans la déclaration, le demandeur allègue que le navire en cause a coulé à son poste d’amarrage situé à Bridgewater, en Nouvelle‑Écosse, entre le 10 et le 12 mars 2014. Il affirme que des hydrocarbures ont été rejetés dans l’eau et que des travaux de nettoyage et d’atténuation de la pollution ont été effectués vers le 7 avril 2014.
[4]
La déclaration décrit le défendeur comme étant le [traduction] « propriétaire inscrit »
du navire en cause.
[5]
Dans une défense produite le 28 novembre 2016, le défendeur a rejeté la totalité des allégations formulées dans la déclaration. Le paragraphe 4 de la défense indique ce qui suit :
[traduction]
4. Le défendeur affirme que les allégations énoncées aux paragraphes 3 et 10 sont fausses, parce qu’il n’était plus le propriétaire du navire Ryan Atlantic II depuis le paiement effectué le 25 janvier 2010 et qu’il ne s’est plus occupé du navire après le 30 janvier 2010. Le navire a été vendu à Earl Bisson Enfield N É [sic] le 25 janvier 2010, et M. Bisson en a pris possession immédiatement. Le défendeur possède une preuve du paiement, qui a été effectué à partir du compte en fiducie de ses avocats au moyen d’une traite bancaire, à la demande des acheteurs [sic].
[6]
Le dossier de requête déposé par le demandeur à l’appui de la requête en jugement sommaire comprend l’affidavit d’Anne Legars, qui exerce actuellement les fonctions d’administratrice de la Caisse. Ce document expose le fondement probatoire de la demande. L’affidavit se trouve de la page 3 à la page 478 et il comprend 23 pièces, qui décrivent les travaux de nettoyage et les travaux connexes que la Garde côtière canadienne (la « GCC »
) a effectués, de même que les factures liées à ces travaux.
[7]
Le demandeur a également déposé un mémoire des faits et du droit dans lequel il présente ses arguments juridiques par rapport à la Loi sur la responsabilité en matière maritime, LC 2001, c 6 (la « Loi »
) et la Convention internationale sur la responsabilité civile pour les dommages dus à la pollution par les hydrocarbures de soute (la « Convention »
). La Convention a force de loi au Canada aux termes des articles 69 et 70 de la Loi.
[8]
Le défendeur a pris part à l’audition de la requête en jugement sommaire du demandeur et il a présenté des observations orales. Il n’a toutefois déposé aucune preuve par voie d’affidavit.
III.
LES OBSERVATIONS
[9]
Le demandeur se fonde sur les renseignements concernant l’immatriculation des bâtiments publiés sur le site Web du ministère des Transports du Canada pour faire valoir que le défendeur est le propriétaire du navire en cause. Deux versions de la transcription sont jointes à l’affidavit de Mme Legars à titre de pièce. La première est datée du 4 novembre 2014 et indique que le propriétaire est « Tracey Donald Dobbs »
, et la deuxième est datée du 1er décembre 2016 et indique que le propriétaire est « Tracey Donald Dodds »
.
[10]
Le demandeur soutient que la Cour devrait reconnaître que le premier document contient une faute d’orthographe et que le défendeur est le propriétaire inscrit puisque l’adresse postale est la même sur les deux transcriptions.
[11]
Le demandeur mentionne que l’article 105 de la Loi autorise la Caisse à indemniser une partie pour les frais « raisonnables »
engagés pour le nettoyage des dommages dus à la pollution par les hydrocarbures. Il réclame le remboursement des frais de nettoyage et des dépenses connexes, qui s’élèvent au total à 382 353,33 $, ainsi que des intérêts au taux applicable en matière d’amirauté, des intérêts avant jugement et les dépens.
[12]
Conformément à l’affidavit de l’administratrice, les comptes que la GCC a présentés ont été examinés avec soin, notamment par un tiers, à savoir M. M.J. Fegan, évaluateur au service de Fulcrum Marine Consultancy Ltd. engagé par la Caisse afin d’évaluer le caractère raisonnable des montants réclamés.
[13]
Le paiement d’une réclamation par la Caisse donne lieu à une demande d’indemnisation subrogatoire au titre du paragraphe 106(3) de la Loi.
[14]
Par une lettre datée du 19 mars 2015, l’administratrice a approuvé le paiement d’une somme de 358 117,79 $ et a offert de payer ce montant à la GCC. L’offre a été acceptée dans une lettre datée du 24 avril 2015.
[15]
Dans sa défense, le défendeur nie de façon générale la totalité des allégations formulées dans la déclaration.
[16]
Dans les observations orales qu’il a faites lors de l’audition de la requête, le défendeur a déclaré qu’il avait vendu le navire en cause en 2010 à un certain M. Bisson. Il a fait mention d’un acte de vente et d’une traite bancaire. Il a ajouté que la vente n’était pas enregistrée parce que M. Bisson avait fait une erreur en remplissant les documents.
IV.
LES QUESTIONS EN LITIGE
[17]
Le demandeur sollicite un jugement sommaire. La Cour peut statuer sommairement sur une action s’il « n’existe pas de véritable question litigieuse »
, aux termes de l’article 215 des Règles.
[18]
En l’espèce, il s’agit de savoir s’il existe une véritable question litigieuse concernant le statut du défendeur à titre de « propriétaire »
du navire en cause et sa responsabilité à l’égard du montant que réclame le demandeur.
V.
ANALYSE
[19]
Devant la Cour fédérale, une requête en jugement sommaire est régie par les articles 213 à 218 des Règles. L’article 214 est important et il indique ce qui suit :
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[20]
L’article 215 énonce les circonstances dans lesquelles la Cour rend un jugement sommaire :
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Selon la décision Moroccanoil Israel Ltd. c Lipton, 2013 CF 667, dans une requête en jugement sommaire il incombe à chaque partie de « présenter ses meilleurs arguments »
.
[22]
En l’espèce, la seule preuve dont la Cour dispose est celle que le demandeur a déposée. Dans le cadre d’une requête, une preuve ne peut être présentée que par la voie d’un affidavit; voir l’article 363 des Règles, qui prévoit ce qui suit :
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[23]
La défense que le défendeur a présentée est un acte de procédure; il ne s’agit pas d’un élément de preuve. Ses observations orales constituent une argumentation orale et non une preuve. Le défendeur a déposé un acte de vente non signé (formulaire de Transports Canada), un autre acte de vente daté du 30 janvier 2010 et un relevé d’opération de la Banque de Montréal daté du 25 janvier 2010.
[24]
Ces documents ne sont pas joints à un affidavit et n’ont donc aucune valeur probante. Dans les circonstances, la seule preuve dont dispose la Cour est la preuve déposée au nom du demandeur.
[25]
En l’espèce, le fardeau de preuve est le fardeau de preuve civil selon la prépondérance des probabilités.
[26]
La première question est celle de savoir s’il existe une véritable question litigieuse concernant la propriété, par le défendeur, du navire en cause.
[27]
Le défendeur n’a présenté aucune preuve afin de répondre à la prétention selon laquelle il est le propriétaire du navire en cause, soit sous le régime de la Loi, soit sous celui de la Convention.
[28]
L’article 91 de la Loi défini le terme « propriétaire »
ainsi :
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Le défendeur a fait valoir qu’il n’était pas le propriétaire du navire en cause au moment du déversement et du nettoyage.
[30]
Comme il a été mentionné, le demandeur se fonde sur les transcriptions du registre pour affirmer que le défendeur est le « propriétaire »
du navire en cause aux fins de la présente requête. Il s’agit donc de savoir s’il existe une véritable question litigieuse concernant la propriété du RYAN ATLANTIC II.
[31]
Le Registre canadien d’immatriculation des bâtiments existe au titre de l’article 43 de la Loi de 2001 sur la marine marchande, LC 2001, c 26, qui prévoit ceci :
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[32]
Malgré la faute d’orthographe dans le nom qui figure sur la transcription du registre datée du 4 novembre 2014, je suis convaincue que le demandeur a démontré que le défendeur est le propriétaire du navire en cause grâce aux transcriptions du registre datées du 1er décembre 2016. Il s’ensuit qu’il n’y a pas de véritable question litigieuse concernant la propriété du navire en cause.
[33]
La question suivante est celle de savoir s’il existe une véritable question litigieuse concernant le montant que réclame le demandeur.
[34]
La Caisse est créée en vertu de la partie 7 de la Loi. Celle‑ci autorise la GCC à intervenir en cas d’incident de pollution réel ou potentiel et à présenter une demande d’indemnisation à la Caisse pour recouvrer les frais engagés.
[35]
Les alinéas 77(1)a) et b) et le paragraphe 77(2) de la Loi sont pertinents, et ils prévoient ce qui suit :
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Les alinéas 71a) et 71b) de la Loi sont eux aussi pertinents et prévoient ce qui suit :
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[37]
Le défendeur n’a pas répondu à la demande. Dans ses observations orales, il n’a pas contesté le montant réclamé. Il a simplement affirmé qu’il n’était pas le propriétaire du navire en cause.
[38]
La Loi autorise la Caisse à recouvrer les frais « raisonnables »
qu’elle a engagés dans le cadre d’incidents de pollution par les hydrocarbures. Selon la preuve dont je dispose, l’administratrice a jugé que la somme de 358 117,79 $ était raisonnable relativement à l’incident survenu en mars 2014, en plus des intérêts de 24 235,54 $.
[39]
La Loi prescrit à la Cour d’évaluer le caractère raisonnable des montants que paie le demandeur.
[40]
Le défendeur n’a présenté aucune preuve pour contester les montants que le demandeur réclame. Il n’a pas contre‑interrogé Mme Legars, ni mis en doute l’une quelconque des pièces jointes à son affidavit, dont les factures.
[41]
Dans les circonstances, je suis convaincue que le demandeur a démontré qu’il n’y a pas de véritable question litigieuse concernant le montant réclamé, et un jugement sera prononcé en conséquence.
JUGEMENT dans le dossier T‑1664‑16
LA COUR STATUE :
Un jugement sommaire est rendu en faveur du demandeur, l’administrateur de la Caisse d’indemnisation des dommages dus à la pollution par les hydrocarbures causée par les navires, à l’encontre du défendeur, Tracy Donald Dodds.
Le défendeur, Tracy Donald Dodds, est tenu de payer sans délai au demandeur, l’administrateur de la Caisse d’indemnisation des dommages dus à la pollution par les hydrocarbures causée par les navires, des dommages‑intérêts d’un montant de 382 353,33 $, plus des intérêts avant jugement d’un montant de 12 426,48 $, soit un montant total de 394 779,81 $.
Le demandeur pourra présenter de brèves observations sur les dépens d’ici le 28 février 2019.
« E. Heneghan »
Juge
Traduction certifiée conforme
Ce 11e jour de mars 2019
Mélanie Vézina
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER :
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t‑1664‑16
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INTITULÉ :
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L’ADMINISTRATEUR DE LA CAISSE D’INDEMNISATION DES DOMMAGES DUS À LA POLLUTION PAR LES HYDROCARBURES CAUSÉE PAR LES NAVIRES c. TRACY DONALD DODDS
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LIEU DE L’AUDIENCE :
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Vancouver (COLOMBIE‑BRITANNIQUE)
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DATE DE L’AUDIENCE :
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LE 20 DÉCEMBRE 2017
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JUGEMENT ET MOTIFS :
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LA JUGE HENEGHAN
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DATE DES MOTIFS :
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LE 4 FÉVRIER 2019
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COMPARUTIONS :
A. William Moreira
Michael J.E. MacIssac
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POUR LE DEMANDEUR
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Tracey Donald Dodds
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POUR LE DÉFENDEUR
(POUR SON PROPRE COMPTE)
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AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Stewart McKelvey
Halifax (Nouvelle‑Écosse)
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POUR LE DEMANDEUR
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