[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]
SECTIONS :
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[1] - [8]
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[9]
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[9] - [21]
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[22] - [29]
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[30]
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[30] - [33]
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[34] - [41]
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[42] - [43]
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[44] - [52]
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[53] - [66]
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[67] - [69]
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[70]
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[70] - [81]
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[82] - [87]
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[88] - [94]
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[95] - [113]
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E. Pertinence de l’entente de règlement à l’égard du droit d’auteur sur les dessins
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[114] - [118]
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[119]
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[120] - [123]
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[124] - [131]
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[132] - [147]
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[148] - [154]
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[155] - [156]
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F. Paragraphe 13 de l’entente de règlement – Présentation commerciale de Pyrrha
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[157] - [163]
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[164] - [166]
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I.
Aperçu
[1]
Voici les motifs du jugement rejetant l’action en violation du droit d’auteur de la demanderesse relativement à neuf (9) bijoux. Les neuf bijoux sont illustrés à l’annexe A de la nouvelle déclaration modifiée et sont reproduits à la fin des présents motifs.
[2]
La demanderesse soutient que les neuf dessins des défenderesses [dessins de Plum and Posey] sont des contrefaçons des neuf dessins de bijoux créés à partir de sceaux de cire de la demanderesse [dessins de Pyrrha] en violation du paragraphe 3(1) et de l’article 27 de la Loi sur le droit d’auteur, LRC 1985, c C-42 [la Loi].
[3]
Les dispositions législatives applicables sont les suivantes :
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[Caractères gras ajoutés]
[4]
Dans sa nouvelle déclaration modifiée, la demanderesse a sollicité les réparations suivantes :
1) un jugement déclaratoire portant que, en ce qui concerne les parties, la demanderesse est la titulaire du droit d’auteur sur les neuf dessins de Pyrrha :
«
3 Graces
»
,«
Heart Lock
»
,«
I Am Ready
»
,«
Sweetness
»
,«
Faithful
»
,«
Crown
»
,«
Bond of Friendship
»
,«
Boars Head
»
et«
Full of Spirit
»
;9) toute autre réparation que la Cour estime juste d’accorder.
Bien que la demanderesse ait sollicité comme réparation des dommages-intérêts punitifs et exemplaires ainsi que des intérêts avant et après jugement, elle n’a présenté aucune observation à cet égard. La demanderesse a également précisé dans ses conclusions finales qu’elle sollicitait des dommages-intérêts préétablis d’un montant de 5 000 $ par œuvre ainsi qu’une injonction permanente.
a) Pyrrha Design Inc. [Pyrrha] est-elle titulaire du droit d’auteur à l’égard des dessins de Pyrrha?
b) Les défenderesses ont-elles violé le droit d’auteur sur les dessins de Pyrrha?
[6]
La demanderesse, Pyrrha, est une société de la Colombie-Britannique dont les deux administrateurs et dirigeants sont Danielle Wilmore [Mme Wilmore] et Wade Papin [M. Papin]. M. Papin et Mme Wilmore sont des employés de la demanderesse, qui compte 30 employés.
[7]
Les défenderesses sont Plum and Posey Inc. [Plum and Posey], société albertaine établie en Nouvelle-Écosse, et Adrinna Hardy [Mme Hardy], l’unique administratrice et la principale actionnaire et employée de Plum and Posey.
[8]
Pour les motifs qui suivent, la Cour a conclu que même si la demanderesse est titulaire d’un droit d’auteur sur les dessins de Pyrrha, aucune des défenderesses n’a violé ce droit. Par conséquent, aucun jugement déclaratoire ne sera rendu et la demande de dommages-intérêts et d’injonction est rejetée avec dépens.
II.
Témoins
A.
Les témoins de la demanderesse
[9]
La demanderesse a convoqué cinq (5) témoins profanes et un expert.
[10]
M. Papin a fourni des preuves de l’histoire et de la structure de l’entreprise Pyrrha, de la conception et de la finition des bijoux de Pyrrha, ainsi que des dates de création et de vente des dessins de Pyrrha. Il a rendu un témoignage au sujet de la réputation et du profil de Pyrrha sur le marché. Il a exposé le point de vue de Pyrrha sur Plum and Posey, la contrefaçon alléguée et les autres acteurs du marché. Il a également traité de l’entente de règlement de 2013, d’autres litiges ainsi que des nombreuses mesures prises par Pyrrha pour contrer la présumée contrefaçon de Plum and Posey. Son témoignage portait davantage sur la commercialisation des dessins de Pyrrha que sur la façon dont les dessins de Pyrrha ont été créés sur le plan opérationnel ou artistique. Il avait tendance à exagérer les choses et à éviter de répondre aux questions sur des sujets délicats, de sorte que son témoignage a été interprété avec beaucoup de prudence.
[11]
Mme Wilmore était un témoin à la fois honnête et crédible. Elle a parlé de la qualité artistique et de la sophistication de la création, de la conception et de la production des bijoux de Pyrrha. Elle était passionnée par son travail et a décrit la part de jugement et de talent nécessaire à la création des dessins de Pyrrha. Elle a également abordé les nombreux aspects techniques de la fabrication de bijoux de Pyrrha, l’équipement et les procédés utilisés ainsi que l’embauche et la formation du personnel.
[12]
Erica Somer [Mme Somer] est étudiante à l’Université de Victoria, mannequin à temps partiel, acheteuse des bijoux de Pyrrha et abonnée au compte de Pyrrha sur les médias sociaux. Son témoignage portait sur le fait d’avoir vu des bijoux dans un magasin et d’avoir confondu les bijoux de Plum and Posey avec ceux de Pyrrha. Elle a fait une vidéo des bijoux et l’a publiée sur Instagram en faisant l’éloge des bijoux de Pyrrha, pour plus tard publier une correction expliquant qu’il s’agissait plutôt des bijoux de Plum and Posey.
[13]
Bien que Mme Somer ait sans doute été sincère, j’ai accordé peu d’importance à son témoignage. Elle était une amatrice si manifeste des bijoux de Pyrrha qu’elle était favorable à la position de Pyrrha. Son témoignage paraissait trop préparé pour que je la croie sur parole. Son pouvoir d’observation était discutable puisque sa vidéo montrait clairement un signe indiquant que les bijoux étaient ceux de Plum and Posey, et son message sur Instagram à l’intention de Pyrrha semblait plutôt vouloir attirer l’attention de Pyrrha en ligne. En outre, comme il en sera question plus loin, le point de vue du profane ne constitue qu’une faible partie de l’analyse de la contrefaçon.
[14]
Lea Weir [Mme Weir] est copropriétaire d’une boutique située également à Victoria. Elle a parlé du caractère unique des bijoux de Pyrrha. Son témoignage a confirmé ce que l’on pouvait voir sur les différentes photos de bijoux en ligne – à savoir que le nom du bijou et la [traduction] « carte de signification »
qui l’accompagne (indiquant la signification du bijou) font partie de l’attrait de ce type de bijoux.
[15]
En plus de son témoignage sur le caractère unique, Mme Weir a décrit sa propre confusion en voyant certains bijoux de Plum and Posey. Toutefois, l’importance de son témoignage est minée par son entente de vente exclusive avec Pyrrha et son intérêt en matière de ventes et de profits, qui l’incite à défendre le caractère unique des bijoux de Pyrrha et ainsi dévaloriser les bijoux de Plum and Posey. Son enthousiasme pour Pyrrha était évident dans son témoignage.
[16]
Le dernier témoin profane de la demanderesse, qui a témoigné par vidéoconférence depuis la Nouvelle-Écosse, était Samantha Downey [Mme Downey]. Mme Downey travaille à temps partiel pour Plum and Posey et est la seule employée autre que Mme Hardy. Elle a brossé un tableau des opérations du bureau d’Amherst. Elle a décrit ce qu’elle fait avec les pièces brutes, y compris le polissage et l’oxydation. Elle a mentionné des aspects de la fabrication d’un moule à partir d’un sceau de cire ou de l’estampage à l’aide d’un outil à cacheter qui ne lui étaient pas familiers, et a indiqué qu’elle savait peu de choses sur la façon dont Mme Hardy fabriquait un bijou avant l’étape du coulage.
[17]
Mme Downey a témoigné de manière franche et semblait essayer de répondre honnêtement aux questions posées. Les limites du témoignage par vidéoconférence semblent avoir eu une incidence sur la qualité de son témoignage.
[19]
Le témoin expert de la demanderesse, Karin Jones, est chargée de cours et directrice du département de l’art et de la conception de bijoux (Jewellery Art and Design) au Collège communautaire de Vancouver. Elle a été reconnue à titre d’experte en « art et conception de bijoux »
.
[20]
Appliquant la définition d’« originalité »
énoncée dans l’arrêt CCH Canadienne Ltée c Barreau du Haut-Canada, 2004 CSC 13, au paragraphe 16, [2004] 1 RCS 339 [CCH], elle était d’avis que les bijoux de Pyrrha exigeaient un talent et un jugement considérables dans le choix et la conception des bijoux faits à partir de sceaux de cire, ainsi que des compétences pour la production, notamment pour ajouter et retirer des matériaux et déterminer l’épaisseur, la symétrie et la forme des pendentifs. C’est au début et à la fin du processus que l’exercice du talent et du jugement est le plus nécessaire : le choix de la forme, de la taille et de l’image au début et les étapes finales du polissage et de l’oxydation. Cependant, elle a reconnu que l’oxydation et le polissage étaient des techniques couramment utilisées dans la fabrication de bijoux qui n’avaient pas été développées par la demanderesse.
[21]
Le témoignage de Mme Jones était sincère, mais en tant qu’experte, elle manquait d’objectivité. Elle était une admiratrice si enthousiaste de Mme Wilmore et M. Papin, si élogieuse quant à leur contribution à la joaillerie, qu’elle a volontiers accepté de rédiger son rapport en se fondant sur des hypothèses générales qui lui avaient été fournies par la demanderesse, notamment celles voulant que Mme Wilmore et M. Papin avaient pris des décisions artistiques. La Cour est très réticente à admettre son témoignage au sujet de l’originalité.
B.
Les témoins des défenderesses
[23]
Mme Hardy a témoigné sur la structure de l’entreprise Plum and Posey ainsi que sur la conception et la finition des bijoux fabriqués à partir de sceaux de cire. Elle a également parlé de l’entente de règlement de 2013 et d’autres procédures intentées par la demanderesse pour mettre fin à ses ventes de bijoux fabriqués à partir de sceaux de cire.
[24]
Elle a dressé un état financier pour montrer le profit versé à Plum and Posey à partir des dessins de Plum and Posey. Cependant, il s’agissait davantage d’un état approximatif des flux de trésorerie qui contenait des erreurs flagrantes que d’un élément sur lequel la Cour pourrait s’appuyer autrement que pour établir l’évidence – que le drainage des frais juridiques pour se défendre contre les nombreuses attaques de la demanderesse a épuisé les ressources limitées de Plum and Posey.
[25]
Mme Hardy a admis connaître les bijoux de Pyrrha et avoir suivi la commercialisation de divers bijoux par Pyrrha. Sans surprise, elle a nié avoir copié ou tenté de copier le travail ou les processus de Pyrrha. Plum and Posey et Pyrrha commercialisent leurs produits par l’intermédiaire des mêmes canaux de distribution, en particulier en ligne sur des sites tels que « Etsy »
.
[26]
La demanderesse a demandé à la Cour d’accorder peu ou pas de crédit à Mme Hardy en raison des nombreuses erreurs dans sa preuve, de ses réponses incomplètes aux engagements et de la production de renseignements financiers douteux. J’ai trouvé Mme Hardy généralement crédible, dépassée par les nombreux litiges, mais honnête quant aux faits. Elle a minimisé le talent et le jugement requis pour la fabrication de ce type de bijoux, une position raisonnable compte tenu de son point de vue sur ce qui devait être fait pour fabriquer ses bijoux. J’admets son témoignage quant à l’absence d’intention de copier les dessins de Pyrrha.
[27]
Robyn Cornelius a été reconnue à titre d’experte en matière de confection de bijoux. Elle est diplômée du Collège d’art et de design de l’Alberta et est titulaire d’un baccalauréat en beaux-arts en joaillerie et en arts métalliques. Elle travaille dans le domaine depuis plusieurs années et donne des cours de joaillerie.
[29]
Malgré le fait que Mme Cornelius connaissait Mme Hardy avant le présent litige et qu’elle a exposé ses propres bijoux avec ceux de Plum and Posey, elle n’a pas perdu son objectivité, a maintenu l’approche qu’il convient à l’expert d’adopter et n’a pas montré un enthousiasme excessif envers le travail des défenderesses. Je l’ai trouvée crédible et, même si je n’admets pas toutes ses conclusions sur les bijoux de Pyrrha, j’attache une grande importance à son témoignage, en particulier en ce qui concerne les diverses compétences requises. Elle a placé ces compétences et le jugement dans un contexte utile, particulièrement en ce qui concerne les processus de finition que sont l’oxydation et le polissage.
III.
Contexte factuel
A.
Création de bijoux à partir de sceaux de cire
[30]
Les bijoux fabriqués à partir de sceaux de cire, ceux qui font l’objet du présent litige, ne sont pas une invention de Pyrrha. Ce type de bijoux est fabriqué depuis au moins les années 1960. Pyrrha ne revendique pas le droit d’auteur sur le procédé de fabrication des bijoux fait à partir de sceaux de cire, mais sur l’expression de ce procédé que l’on retrouve dans les dessins.
[32]
Il existe deux méthodes de fabrication des bijoux à partir de sceaux de cire qui sont pertinentes en l’espèce : la pâte à métaux précieux, ou pâte d’argent, et la fonte à la cire perdue. Ces deux méthodes sont couramment utilisées pour fabriquer des bijoux à partir d’objets « trouvés »
tels que des sceaux de cire et des outils à cacheter. Le témoignage des parties principales et de l’experte Cornelius l’a établi.
[33]
Voici les étapes de la création de bijoux à partir de sceaux de cire :
- Pour la méthode utilisant la pâte d’argent, le joaillier peut soit presser un outil à cacheter directement sur une boule de pâte, soit réaliser un moule en silicone ou en caoutchouc du sceau de cire, puis prendre une empreinte du moule à l’aide de la pâte d’argent. Le joaillier peut modifier ou lisser les bords de l’empreinte réalisée en pâte d’argent.
- Pour la méthode de fonte à la cire perdue, le joaillier crée une matrice en cire. Si le joaillier travaille à partir d’un outil à cacheter, il estampe l’outil dans de la cire à sceller ou dans un mélange de cire jusqu’à ce qu’il obtienne une empreinte à son goût dans la cire. Si le joaillier travaille à partir d’une ancienne empreinte de sceau de cire, il peut modifier l’empreinte de cire en rapetissant ou en agrandissant la bordure, en ajoutant des fissures, en lissant les bords ou en les rendant rugueux.
- S’il utilise la méthode de fonte à la cire perdue, le joaillier fabrique un moule en silicone ou en caoutchouc de la matrice en cire. Ensuite, le joaillier crée des copies en cire du moule. Ces copies en cire sont ensuite recouvertes de plâtre, ce qu’on appelle un moule. La cire est ensuite fondue en laissant une empreinte de la copie en cire dans le plâtre. La cavité du plâtre est remplie de métal fondu qu’on laisse ensuite refroidir. Le métal prend ainsi la forme de la copie en cire.
4. Finition du bijou : Le joaillier termine le bijou fabriqué à partir d’un sceau de cire par un processus de polissage, souvent combiné à l’oxydation. Il existe un vaste éventail d’options de finition pour les bijoux en argent. Cependant, le polissage et l’oxydation sont des méthodes courantes pour la finition des bijoux en argent. L’oxydation est un processus qui consiste à ajouter des produits chimiques aux bijoux pour créer un aspect terni. Il existe de nombreux produits chimiques d’oxydation qui produisent une variété de couleurs. L’oxydation et le polissage créent un contraste à des degrés divers entre la partie oxydée foncée du bijou et celle polie plus claire.
B.
Création des dessins de Pyrrha
[34]
Mme Wilmore et M. Papin ont commencé à fabriquer des bijoux à partir de sceaux de cire entre 2004 et 2005. Les dessins de Pyrrha ont été créés entre 2004 et 2012.
[35]
Ils ont procédé à des expérimentations pour fabriquer des bijoux à partir de sceaux de cire anciens. Mme Wilmore a fait la majorité du travail de conception et de création des dessins de Pyrrha et des autres dessins de bijoux faits à partir de sceaux de cire de la demanderesse, tandis que M. Papin a participé activement à la commercialisation des produits de Pyrrha.
[36]
La demanderesse produit de 300 à 400 dessins de bijoux à partir de sceaux de cire. Pour fabriquer les bijoux, Mme Wilmore et M. Papin ont utilisé des sceaux de cire et des outils à cacheter anciens datant principalement des XVIIIe et XIXe siècles. Ils ont choisi les sceaux de cire et les outils à cacheter dans leur collection comptant des milliers de sceaux de cire et des douzaines d’outils à cacheter.
[37]
Huit des neuf bijoux ont été créés à l’aide de sceaux de cire anciens qui ont été modifiés avant le moulage et la fonte. Les modifications comprenaient l’ajout et le retrait de cire sur les bords, le craquelage de la cire et le lissage ou l’ajout de rugosité sur les bordures, bien que la plupart des sceaux de cire anciens comportent déjà une certaine forme de bordure.
[38]
Le neuvième bijou, appelé «
Full of Spirit
»
, a été fabriqué à l’aide d’un outil à cacheter. Après avoir fait plusieurs empreintes de l’outil à cacheter, ils en ont choisi une à partir de laquelle fabriquer le bijou.
[39]
Mme Wilmore et M. Papin n’ont ni créé ni modifié l’image des sceaux de cire utilisés pour créer leurs bijoux. Ils ont utilisé la méthode relativement courante de la fonte à la cire perdue pour fabriquer leurs bijoux, laquelle ne demandait pas un travail créatif important dans le coulage de leurs bijoux.
[40]
Après avoir coulé les bijoux métalliques arborant l’empreinte des sceaux de cire, Pyrrha a effectué la finition en oxydant et en polissant les pendentifs. Généralement, la finition consistait à noircir les cavités par oxydation et à polir les points surélevés pour produire le contraste mentionné précédemment.
C.
Vente des dessins de Pyrrha
[42]
Les dessins de Pyrrha étaient accessibles au public sur le site Web de Pyrrha, par l’entremise de ses catalogues ainsi que dans les magasins. Les bijoux arborant les dessins de Pyrrha sont apparus sur le site Web de Pyrrha au moins 4 à 6 semaines après la date de la première vente. En l’espèce, les dessins de Pyrrha et la date de leur première vente sont les suivants :
·
« Three Graces
»
– 21 janvier 2009;·
« Heart Lock
»
– 31 janvier 2007;·
« I Am Ready
»
– 21 août 2012;·
« Sweetness
»
– 6 février 2007;·
« Full of Spirit
»
, auparavant appelé«
Rooster
»
– 7 février 2005;·
«
Faithful Friend
»
, auparavant appelé«
Tiger
»
– 7 février 2009;·
« Crown
»
– 28 août 2009;·
« Bond of Friendship »
, auparavant appelé« Friends Forever »
– 10 août 2010;·
« Boar’s Head
»
– 25 mars 2005.
[43]
Le prix de ces bijoux variait de 48 $ (Boar’s Head) à 262 $ (Three Graces).
D.
Bijoux de Plum and Posey
[44]
Les dessins Plum and Posey ont été créés de 2009 à 2013 environ. Pour fabriquer ses bijoux – plus particulièrement les bijoux visés par le litige – Mme Hardy a utilisé ses propres sceaux de cire et outils à cacheter anciens issus de sa propre collection comptant de 6 000 à 6 200 sceaux de cire et 500 outils à cacheter. Plum and Posey vend de 250 à 260 dessins de sceaux de cire différents.
[45]
Rien n’indiquait ou ne laissait entendre que Mme Hardy avait copié directement les bijoux de Pyrrha en travaillant à partir d’un bijou arborant les dessins de Pyrrha, en faisant le moulage et la finition à partir d’une réplique des bijoux arborant les dessins de Pyrrha Designs. La plainte de Pyrrha porte sur le produit fini de Plum and Posey – ce qu’elle a d’abord appelé [traduction] « la présentation et l’aspect »
des bijoux.
[46]
Depuis le début de ses activités, en 2009, jusqu’à 2015, Mme Hardy a utilisé la méthode de la pâte d’argent pour créer ses bijoux. Après avoir fait une impression de l’outil à cacheter ou du sceau de cire dans la pâte d’argent, Mme Hardy ajoutait une boucle sur le dessus, apposait sa marque au dos du bijou et lissait les bords de celui-ci.
[47]
En août 2015, Mme Hardy est passée à la méthode de fonte à la cire perdue. C’est une façon moins chère et plus efficace de faire des copies identiques de bijoux. C’est aussi la façon dont Pyrrha coule ses bijoux faits à partir de sceaux de cire. Bien que la méthode de fabrication des bijoux ait changé, la source – la propre collection de sceaux de cire et d’outils à cacheter de Mme Hardy – est restée la même.
[49]
Pour fabriquer ses bijoux en utilisant la méthode de fonte à la cire perdue, Mme Hardy presse un outil à cacheter ancien dans son propre mélange de cire jusqu’à ce qu’elle obtienne une empreinte qui présente l’image désirée et une bordure pleine. Comme auparavant, elle ajoute une boucle sur le dessus et estampille sa marque au dos. Un composé de silicone est utilisé pour fabriquer un moule, de la cire est versée dans le moule pour créer une copie de cire, laquelle est ensuite recouverte de plâtre qui durcira. La cire est ensuite fondue, puis du métal en fusion est versé dans la cavité du moule en plâtre, ce qui crée une réplique du sceau de cire ancien ou de l’empreinte de l’outil à cacheter ancien. Le métal utilisé est généralement l’argent, l’or ou le bronze.
[50]
La finition des bijoux se fait à l’atelier de Plum and Posey en Nouvelle-Écosse, d’abord par le polissage dans un tonneau d’ébavurage puis par l’oxydation au moyen de l’application de produits chimiques. Ensuite, les bijoux sont polis à la main par Mme Hardy pour leur donner l’aspect désiré.
[51]
Plum and Posey vend ses bijoux en ligne sur le site Etsy et ses propres sites Web, de même que par l’entremise de détaillants et d’autres sites Web. Même si le prix des dessins de Plum and Posey et le prix le plus bas des dessins de Pyrrha étaient comparables, les prix de Plum and Posey étaient sensiblement moindres à mesure que l’on montait dans l’échelle, atteignant 109 $ pour le bijou présumément contrefait («
Gratiae – The 3 Graces
»
) comparativement à 262 $ pour le bijou comparable de Pyrrha («
3 Graces
»
).
[52]
Comme il est indiqué précédemment, Mme Hardy a présenté en preuve une certaine forme de calcul financier pour démontrer une marge bénéficiaire de 4,82 %, et pour démontrer que les honoraires professionnels (surtout les frais juridiques) représentaient 23,65 % des dépenses de Plum and Posey. La Cour ne peut tirer de conclusions très poussées à partir de cet exercice comptable parce qu’il s’agissait au mieux d’un calcul approximatif. Compte tenu de l’issue de la présente affaire, l’information était peu pertinente.
E.
Relation judiciarisée
[54]
Le 25 mai 2012, Pyrrha a intenté sa première action en violation de marque de commerce et de droit d’auteur devant la Cour fédérale (dossier de la Cour no T-1035-12) contre Plum and Posey relativement à 18 dessins de bijoux. Aucun des dessins de Pyrrha visés par le présent litige ne faisait partie des 18 dessins de bijoux en cause dans le litige de 2012.
[55]
Les parties ont conclu une entente de règlement le 3 octobre 2013, qui a été sanctionnée par une ordonnance du juge de Montigny [l’ordonnance visant l’entente de règlement]. L’entente de règlement portait notamment sur les éléments suivants, qui sont les plus pertinents dans le cadre du présent litige :
· Plum and Posey a également accepté de ne pas fabriquer, vendre ou distribuer de bijoux faits à partir de sceaux de cire arborant des fissures dans l’image, une bordure incomplète ou rugueuse ou plus d’une seule fissure dans la bordure. Plum and Posey devait payer 2 000 $ par bijou si elle ne respectait pas cette disposition.
· Pyrrha a dégagé Plum and Posey de toute action ou cause d’action découlant de la violation alléguée de la présentation commerciale de Pyrrha et/ou des droits d’auteur de Pyrrha pour l’ensemble des 18 dessins, et ce, avant le 4 juillet 2013. La
« présentation commerciale »
de Pyrrha n’est pas définie.
[56]
Depuis l’entente de règlement, Pyrrha a intenté quatre (4) actions devant trois (3) tribunaux différents contre les défenderesses – deux en Alberta, une en Colombie-Britannique (qui est toujours en cours) et la présente instance devant la Cour fédérale. En outre, en 2017, M. Papin a envoyé cinq (5) avis d’atteinte aux droits de propriété intellectuelle au siège social d’Etsy situé aux États-Unis, conformément à la législation américaine, ce qui a eu pour effet de suspendre les ventes en ligne de Plum and Posey sur Etsy pendant 10 jours ouvrables pour chaque avis déposé.
[57]
Pyrrha a intenté la présente action devant la Cour fédérale le 6 décembre 2013 (deux mois après l’ordonnance visant l’entente de règlement), alléguant que 37 des dessins de Plum and Posey étaient des contrefaçons des siens. La déclaration a été modifiée à deux reprises – d’abord pour faire passer de 37 à 41 le nombre de dessins contrefaits, et ensuite (cinq semaines avant le procès) pour ramener le nombre de dessins contrefaits aux neuf en cause.
[59]
En décembre 2013, Pyrrha a allégué devant la Cour du Banc de la Reine de l’Alberta que Plum and Posey avait violé l’entente de règlement. La juge Sheilah Martin (maintenant juge de la Cour suprême du Canada) a rejeté l’affaire sommairement et sa décision a été confirmée par la Cour d’appel. Aucune action n’a été intentée devant la Cour alléguant une violation de l’ordonnance visant l’entente de règlement.
[63]
Puis, en novembre 2017, Pyrrha a intenté la deuxième action en Alberta, alléguant la violation de la clause de renonciation de l’entente de règlement. Cette action a été radiée sur le principe de l’autorité de la chose jugée et de l’abus de procédure. Dans cette action, la juge Hughes a constaté le désir apparent de Pyrrha d’intimider et de mettre en faillite les défenderesses.
[64]
En plus de ces procédures judiciaires, Pyrrha, de juin à décembre 2017, a déposé cinq avis d’atteinte aux droits de propriété intellectuelle auprès d’Etsy. Cumulativement, ces avis couvraient les neuf dessins de Plum and Posey visés par le présent litige. Chacun de ces avis a eu pour effet d’empêcher les ventes de Plum and Posey sur Etsy pendant 10 jours. Même après que Mme Hardy eut déposé un avis auprès d’Etsy contestant la prétention, l’avis de Pyrrha a eu pour effet de retirer de la vente les produits pendant 10 jours; ensuite, Pyrrha devait déposer une preuve d’injonction interlocutoire, faute de quoi les dessins seraient remis en vente.
[65]
Pyrrha n’a jamais déposé de preuve d’injonction, n’a jamais cherché à obtenir une telle injonction et a pourtant continué à soumettre ces avis. La seule explication raisonnable que la Cour peut en tirer est que chaque avis agissant à titre d’injonction de 10 jours visait à punir Plum and Posey d’une manière qu’un tribunal canadien n’aurait pas sanctionnée.
[66]
Finalement, le protonotaire responsable de la gestion de l’instance a refusé aux défenderesses une modification à cette action visant à ajouter les questions de l’autorité de la chose jugée et de l’abus de procédure contre la demanderesse.
IV.
Questions en litige
[67]
Les trois questions principales dans le présent procès sont les suivantes :
[68]
Le rôle de l’entente de règlement et des autres instances judiciaires est visé, dans une certaine mesure, par les questions a) et b). Outre l’entente de règlement et le rôle des autres instances judiciaires, les questions principales comportent un certain nombre de sous-questions.
[69]
La présente affaire porte, en réalité, sur la question de la contrefaçon. S’il n’y a pas de contrefaçon, la question de l’existence du droit d’auteur est largement théorique.
V.
Analyse
A.
Conclusions dans les instances antérieures
[70]
Les deux parties, à des degrés divers et pour des questions et des fins différentes, ont fait référence aux conclusions et aux commentaires formulés dans d’autres instances. Toutefois, la demanderesse soutient essentiellement que ces conclusions et commentaires ne sont pas pertinents. Elle s’est opposée à la présentation d’une grande partie de la preuve issue de ces instances; cependant, la Cour les a admises dans le but limité invoqué par les défenderesses pour lequel elles avaient besoin de cette preuve devant la Cour.
[71]
Les défenderesses ont soutenu que la preuve et les conclusions tirées des instances antérieures – particulièrement celle qui s’est déroulée devant la juge Martin – constituaient un élément important de leur défense et étaient nécessaires au contre-interrogatoire. Les conclusions des instances introduites en Alberta ont été jugées pertinentes quant à la crédibilité de M. Papin et à l’interprétation de l’entente de règlement, car celles-ci pourraient avoir une incidence sur le présent procès.
[72]
Le paragraphe 23(1) de la Loi sur la preuve au Canada, LRC 1985, c C-5, permet généralement à toute partie de déposer une preuve d’une procédure ou pièce d’un tribunal provincial. De plus, la portée du contre-interrogatoire est assez large et laisse une grande latitude quant à ce qui peut être soumis à un témoin, particulièrement en ce qui concerne les questions de crédibilité.
[73]
Bien que cette preuve puisse être admissible, aux fins décrites dans la décision de la Cour, sa pertinence et son importance peuvent être évaluées par rapport à l’ensemble du dossier du procès. Il revient au juge du procès de séparer « le bon grain de l’ivraie »
.
[75]
Étant donné que M. Papin a été témoin dans le présent procès, les conclusions ne sont pas nécessaires. La Cour peut et doit faire sa propre évaluation de la crédibilité. Les défenderesses ont utilisé les conclusions pour appuyer leur argument selon lequel le témoignage de M. Papin était intéressé et peu fiable. Les défenderesses ont également utilisé les conclusions de la juge Hughes dans la deuxième action intentée en Alberta comme preuve de malveillance à l’endroit de Mme Hardy, à savoir que la demanderesse avait l’intention de l’acculer au mur en lui imposant un lourd fardeau judiciaire.
[76]
La mauvaise foi ou l’intention malveillante du titulaire du droit d’auteur ne constitue pas un moyen de défense à la contrefaçon ni une entrave à la reconnaissance des droits d’auteur. La vigueur avec laquelle la demanderesse a poursuivi Mme Hardy peut également être attribuée à une croyance sincère que cette dernière violait les droits de la demanderesse, ce qui écarte la mauvaise foi ou la malveillance. Les antécédents de la demanderesse à cet égard sont mitigés compte tenu de sa position changeante sur les dessins contrefaits et du fait qu’elle a eu recours à des avis afin que les produits de Plum and Posey soient retirés de la vente pendant 10 jours. Tout bien soupesé, je conclus que la demanderesse était motivée par une croyance raisonnable dans le cadre de son litige contre les défenderesses. Certains de ces éléments peuvent influencer le niveau des dépens adjugés, mais non les questions fondamentales du présent litige.
[78]
Fait important, les défenderesses n’ont pas présenté aux témoins la déclaration de la juge Martin ou de la juge Hughes. Cela contrevient à la règle énoncée dans Browne c Dunn (1893), 6 R 67 (HL), laquelle se veut plutôt une règle d’équité qu’une règle de preuve.
[79]
En outre, les tribunaux doivent faire preuve de prudence lorsqu’ils acceptent de leur propre chef les conclusions d’autres juges, en particulier celles qui sont fondées sur des faits, des lois et un contexte différents. La Cour s’appuie sur ses propres observations et sur les documents dont elle est saisie dans le contexte de la présente affaire pour conclure que le témoignage de M. Papin doit être abordé avec prudence – il était plus de nature commerciale que de nature strictement factuelle.
[80]
Je n’adopte pas non plus les conclusions de la juge Martin concernant l’entente de règlement. Ses conclusions doivent être replacées dans le contexte d’une requête en jugement sommaire dont le dossier est beaucoup moins complet que celui dont dispose la Cour. Certaines de ses conclusions étaient également fondées sur l’examen des photos des bijoux – elle n’avait pas l’avantage que la Cour a de disposer des bijoux devant elle. Certaines de ses observations étaient fondées sur des faits qui se sont révélés inexacts. Voilà le risque que pose toujours une procédure sommaire devant un tribunal.
[81]
Bien que l’entente de règlement puisse avoir une incidence sur les conclusions de la Cour, c’est à la Cour que revient de tirer ces conclusions. Comme pour les questions fondamentales en l’espèce, elles doivent être examinées au regard du droit et de la preuve présentée à la Cour. Les conclusions d’autres tribunaux, bien qu’elles soient intéressantes et dignes de respect, ne peuvent déterminer la décision finale de la Cour.
B.
Existence du droit d’auteur
[82]
L’alinéa 5(1)a) de la Loi prévoit les conditions devant être réunies pour que prenne naissance le droit d’auteur dans une œuvre :
|
|
|
|
[83]
Pyrrha est titulaire de tout droit d’auteur sur les dessins de Pyrrha en vertu du paragraphe 13(3) de la Loi puisque Mme Wilmore et M. Papin ont créé les dessins de Pyrrha dans le cadre de leur emploi chez Pyrrha. Mme Wilmore et M. Papin sont tous deux citoyens canadiens.
[84]
Les dessins de Pyrrha sont des œuvres artistiques et s’apparentent à des gravures qui, comme les gravures à l’eau-forte, les lithographies, les gravures sur bois et les estampes, sont des reproductions d’images créées antérieurement, mais sur un support différent. Les dessins de Pyrrha s’apparentent dans une certaine mesure à une sculpture créée à l’aide d’un moule ou d’un modèle.
C.
Protection – Idée ou expression
[89]
Comme il est établi dans les arrêts Théberge c Galerie d’Art du Petit Champlain Inc, 2002 CSC 34, au paragraphe 5, [2002] 2 RCS 336, et Bishop c Stevens, [1990] 2 RCS 467, à la page 477, 22 ACWS (3d) 568, au Canada, le droit d’auteur tire son origine de la loi, et les droits et recours que celle-ci prévoit sont exhaustifs.
[90]
Pour que le droit d’auteur existe sur une œuvre, celle-ci doit être l’expression fixe d’une idée (CCH, paragraphe 8). Pour déterminer si une œuvre est fixe, comme il a été établi dans Canadian Admiral Corp c Rediffusion, Inc. [1954] EX C 382, page 394, 20 CPR 75, celle-ci doit être exprimée [traduction] « de manière identifiable et avoir une forme matérielle plus ou moins permanente »
.
[93]
L’arrêt Cinar est particulièrement pertinent dans le cadre du présent litige, tant sur le plan du droit d’auteur que sur celui de la contrefaçon. La Cour a conclu que le droit d’auteur existait dans les personnages et l’environnement d’une émission de télévision en raison de la combinaison particulière des aspects visuels et des traits de personnalité distincts des personnages de l’émission. L’expression distinctive d’une idée est nécessaire parce que le droit d’auteur ne peut exister dans une idée ou une méthode générique.
[94]
J’ai conclu que les dessins de Pyrrha sont une expression fixe puisque la demanderesse revendique le droit d’auteur sur chacun des dessins de Pyrrha, lesquels sont des expressions particulières d’une certaine image issue d’un sceau de cire estampée dans du métal, avec une finition particulière. La prétention de la demanderesse dans sa nouvelle déclaration modifiée, selon laquelle elle a conçu l’idée et mis au point la méthode pour créer des bijoux à partir de sceau de cire, ne peut être admise. La demanderesse ne peut revendiquer le droit d’auteur sur la méthode de fonte à la cire perdue ni sur l’idée de créer des bijoux à partir de certains sceaux de cire. La méthode et l’idée sont du domaine public.
D.
Dessins – Œuvres originales
[95]
La demanderesse prétend que chacun des dessins de Pyrrha constitue une œuvre « originale »
, au sens où ce terme est défini dans l’arrêt CCH au paragraphe 16. La demanderesse soutient que la Cour supérieure de justice de l’Ontario, dans la décision Beach c Toronto Real Estate Board (2009), [2009] OJ No 5227, au paragraphe 101, 183 ACWS (3d) 570 (C. sup. j. Ont.) [Beach], a confirmé qu’une œuvre fondée sur une œuvre antérieure peut tout de même être « originale »
si la nouvelle œuvre est le résultat du talent et du jugement, et non simplement une copie. Les défenderesses adoptent le point de vue tout à fait opposé; ce talent et ce jugement exercés dans la copie d’une autre œuvre ne peuvent conférer de l’originalité.
[96]
Bien que le paragraphe 5(1) de la Loi exige qu’une œuvre soit originale pour que le droit d’auteur existe, la Loi ne définit pas ce qu’est une œuvre « originale »
. Toutefois, au paragraphe 28 de l’arrêt CCH, la Cour suprême énonce les trois (3) éléments requis pour qualifier une œuvre d’originale :
[98]
Ainsi, il n’est pas nécessaire qu’une œuvre soit créative, nouvelle ou unique pour être originale, mais l’effort de création ne doit pas être un exercice négligeable au point de pouvoir être assimilé à une entreprise purement mécanique. L’affaire CCH illustre cette tension entre l’originalité non créative et l’effort de création dans la conclusion selon laquelle les sommaires, le résumé jurisprudentiel, l’index analytique et la compilation de décisions judiciaires publiées sont tous des œuvres originales, alors que les jugements réels qui figurent dans ces sommaires et autres sont du domaine public et ne peuvent être protégés par le droit d’auteur.
[100]
Il convient également de tenir compte du fait que dans la définition d’« œuvre artistique »
la Loi inclut une gravure. Comme indiqué dans John S McKeown, Fox on Canadian Law of Copyright and Industrial Designs, 4e édition, Toronto, Thomson Reuters, 2003 (feuilles mobiles, mis à jour en 2018), ch 10, p. 10-11(d) [Fox on Copyright], [traduction]« le fait qu’une gravure s’inspire d’une autre œuvre n’exclut pas le droit d’auteur sur la gravure »
.
[102]
Ce qui permet de placer le bijou inspiré d’une autre œuvre sous la protection du droit d’auteur c’est le talent et le jugement exercés pour fabriquer un bijou qui dépassent la simple reproduction de l’image. Selon la décision Interlego AG c Tyco Industries Inc, [1988] 3 All ER 949, à la page 971, [1989] AC 217 (CP), une modification ou un embellissement mineur, mais important, peut transformer une œuvre substantiellement copiée en une œuvre originale.
[104]
Le premier facteur, la question de savoir si les dessins émanent de Mme Wilmore et M. Papin, n’est pas mis en doute – il est clair que c’est le cas. Le deuxième facteur, la question de savoir si l’œuvre est une copie, s’inscrit mieux dans l’analyse du talent et du jugement puisque, si suffisamment de talent et de jugement sont exercés pour parvenir à dépasser la simple reproduction de l’image, l’œuvre ne constitue pas une copie.
[105]
Compte tenu de l’ensemble de la preuve, plus particulièrement du témoignage de Mme Wilmore, j’ai conclu que la création des dessins de Pyrrha exigeait suffisamment de talent et de jugement. J’écarte dans une large mesure l’exagération de M. Papin et de Mme Jones quant au niveau de modifications apportées et au jugement exercé. Cependant, les dessins résultent de l’exercice non négligeable de talent et de jugement.
[106]
Les dessins de Pyrrha ne sont pas simplement une copie d’un sceau de cire ancien. Bien que l’image soit reproduite à partir d’un sceau ancien, l’expression de l’image du sceau dans le métal est différente de la simple copie d’un dessin ou d’une photographie à partir d’un autre dessin ou d’une autre photographie. Les dessins dépassent la simple réplique du sceau de cire ou la simple reproduction. Talent et jugement ont été exercés pour présenter l’image dans le métal.
[107]
En particulier, Mme Wilmore a fait preuve de talent par sa connaissance du travail de la cire pour modifier les bordures des empreintes de sceaux de cire et a exercé du jugement dans la conception des bordures. Elle a fait preuve de talent et de jugement dans ces décisions relatives à la finition des bijoux en les oxydant avec des produits chimiques noircissants et en les polissant. Le fait que les employés doivent être formés pendant des mois pour effectuer ces tâches (tant chez Pyrrha que chez Plum and Posey) donne à penser qu’un certain niveau de talent est nécessaire.
[108]
Cependant, je ne suis pas d’accord pour dire que le choix des sceaux de cire a exigé de Mme Wilmore et M. Papin l’exercice d’un niveau suffisant de talent et de jugement. Plus particulièrement, il y a peu de preuves pour montrer comment ces neuf sceaux ont été choisis parmi les 300 à 400 sceaux anciens que Pyrrha produit ni comment, parmi toute la collection de sceaux de Pyrrha, ces sceaux ont été choisis. En outre, le processus de sélection est trop étroitement lié à la tentative de protéger les droits d’auteur d’une idée.
[110]
Comme il a été reconnu dans la décision Rains c Molea, 2013 ONSC 5016, aux paragraphes 13 à 16, 231 ACWS (3d) 787 [Rains], l’utilisation de techniques et de méthodes courantes peut encore donner lieu à une œuvre originale. Mme Cornelius, l’experte des défenderesses, a reconnu qu’il existe une variété d’options de finition pour les bijoux en argent et que l’oxydation et le polissage sont des techniques très courantes.
[111]
Mme Cornelius était d’avis que le talent et le jugement qu’ont exercé Mme Wilmore et M. Papin seraient les mêmes que pour les autres joailliers, et elle a donc reconnu qu’il y a eu un certain exercice de talent et de jugement. La loi ne mentionne pas que le talent et le jugement du créateur doivent être différents ou supérieurs à ceux d’autres personnes compétentes. C’est l’expression ultime du bijou qui est protégée, et non le caractère unique du talent et du jugement.
[112]
La barre à franchir pour établir l’originalité est peu élevée. Comme il est résumé dans la décision Lainco, au paragraphe 95, les tribunaux canadiens ont reconnu le statut d’œuvre originale à des œuvres relativement simples. Compte tenu de cette norme, Pyrrha a établi que les dessins de Pyrrha sont des œuvres originales. Le corollaire de ce critère peu exigeant se reflète dans la norme plus exigeante applicable à une conclusion de contrefaçon de l’œuvre originale.
[113]
Contrairement à la position des défenderesses, les dessins de Pyrrha n’ont pas besoin d’être nouveaux, uniques ou créés au moyen de méthodes novatrices pour être considérés comme des œuvres originales. Les expressions finales des dessins de Pyrrha sont originales parce que Mme Wilmore et M. Papin ont exercé suffisamment de talent et de jugement en choisissant de créer les bordures et les finitions particulières pour exprimer une image spécifique dans le métal.
E.
Pertinence de l’entente de règlement à l’égard du droit d’auteur sur les dessins
[114]
Les deux parties ont beaucoup insisté sur l’importance de l’entente de règlement ainsi que sur sa portée et son incidence au regard des questions dont la Cour est saisie. Le recours à l’entente de règlement pour les besoins de l’espèce est injustifié.
[115]
La demanderesse s’appuie sur l’entente de règlement pour faire valoir que les défenderesses ont déjà reconnu le droit d’auteur sur les bijoux de Pyrrha de manière générale. L’entente de règlement reconnaissait, entre les parties, le droit d’auteur sur 18 dessins qui ne sont pas en cause en l’espèce.
[116]
À mon avis, la reconnaissance de l’existence d’un droit d’auteur entre les parties en vertu de l’entente de règlement ne peut conférer un droit d’auteur en vertu de la Loi. Tout au plus, elle peut servir de fin de non-recevoir à l’encontre de la partie qui admet l’infraction. En outre, l’admission ne porte que sur les 18 pièces en cause dans ce litige; elle ne concerne pas les 9 pièces visées en l’espèce. Les défenderesses n’ont pas admis de manière générale le droit d’auteur de Pyrrha sur ses bijoux, et elles ont toujours rejeté une telle notion.
[118]
Néanmoins, j’ai conclu que Pyrrha détient le droit d’auteur sur les dessins de Pyrrha.
VI.
Violation
A.
Cadre juridique
[120]
Aux termes du paragraphe 27(1) de la Loi, constitue une violation du droit d’auteur l’accomplissement d’un acte que seul ce titulaire a la faculté d’accomplir. Un de ces droits est le droit exclusif de produire ou reproduire la totalité ou une partie importante de l’œuvre (paragraphe 3(1)). La contrefaçon existe également lorsqu’il y a une imitation déguisée de l’œuvre (article 2).
1. Similitude – l’œuvre contrefaite et l’œuvre protégée, ou une partie importante de celle‑ci, doivent être suffisamment similaires;
2. Accès – preuve d’un accès à l’œuvre ou d’un lien entre les deux œuvres démontrant que l’œuvre protégée est la source dont découle l’œuvre contrefaite.
[122]
La preuve, par la demanderesse, d’une similitude suffisante et d’un accès à l’œuvre constituerait une preuve prima facie de contrefaçon. Toutefois, si les défenderesses démontrent que l’œuvre contrefaite est le fruit d’un travail inspiré d’une source commune ou qu’il s’agit d’une création indépendante, on ne peut pas conclure à la contrefaçon (Phillip Morris, paragraphe 320).
[123]
Comme il a été mentionné précédemment et confirmé dans la décision DRG, à la page 548, l’œuvre contrefaite doit copier une partie importante de l’œuvre protégée par le droit d’auteur, et plus l’œuvre protégée est simple, plus il est nécessaire d’établir la copie exacte afin d’établir la contrefaçon.
B.
Similitude importante
[124]
L’arrêt Cinar nous donne la principale orientation de la Cour suprême du Canada sur la question de la similitude importante. Les défenderesses ont tort de se fonder sur l’arrêt Delrina Corp c Triolet Systems Inc (2002), 58 OR (3d) 339, 112 ACWS (3d) 141 [Delrina] de la la Cour d’appel de l’Ontario puisque l’arrêt Cinar a renversé la jurisprudence antérieure.
[126]
Selon l’arrêt Cinar (paragraphes 26 à 43), la question de la reproduction d’une « partie importante »
est évaluée au moyen d’un examen qualitatif et global de l’œuvre protégée et de l’œuvre prétendument contrefaite. La Cour suprême du Canada a établi les étapes analytiques à suivre par le juge du procès :
[127]
Dans des décisions comme Delrina et Rains, une approche moins globale a été adoptée. Dans l’arrêt Cinar, au paragraphe 36, contrairement à ce qui s’est passé dans la décision Delrina, la Cour a affirmé que le juge du procès ne devrait pas exclure les éléments non protégés des œuvres puis comparer les similitudes qui restent. Le tribunal devrait plutôt faire une comparaison globale et déterminer si les similitudes représentent une partie importante de l’originalité de l’œuvre protégée dans son ensemble.
[130]
Contrairement aux cas de confusion en matière de marques de commerce, l’analyse d’une similitude importante est fondée sur la question de savoir si une partie importante de l’œuvre a été reproduite – pas nécessairement sur celle de savoir si un profane pourrait relever les similitudes. Il ne s’agit pas d’une situation de « consommateur pressé »
souvent évoquée dans les cas de confusion en matière de marques de commerce.
[131]
Il faut évaluer la similitude importante du point de vue d’une personne qui peut évaluer et apprécier pleinement tous les aspects pertinents de l’œuvre (Cinar, paragraphe 51). Cette tâche incombe au juge de première instance, possiblement éclairé par le témoignage d’experts sur l’art dont il est question, mais le juge doit tenir compte de la preuve dont il dispose concernant les aspects pertinents de l’œuvre.
C.
Application du cadre juridique
[132]
Comme il est établi dans l’arrêt Cinar au paragraphe 26, le critère est celui de savoir si les similitudes entre les œuvres représentent « une part importante du talent et du jugement de l’auteur »
. La question n’est pas de savoir si les similitudes représentent visuellement une partie importante de l’œuvre (éléments non originaux et originaux), mais plutôt si les défenderesses ont copié une part importante de l’originalité des dessins de Pyrrha.
[133]
L’originalité des dessins de Pyrrha réside dans la combinaison particulière de l’image du sceau de cire avec la bordure et la finition particulières utilisées pour chacun des dessins de Pyrrha. Comme il a été mentionné précédemment, le fait que ces œuvres sont relativement simples et protégées par le droit d’auteur signifie qu’une copie plus exacte est nécessaire pour atteindre le seuil de la contrefaçon.
[134]
Même s’il peut être utile de connaître le point de vue du profane, il n’est pas suffisant. La vraie question est celle de savoir s’il y a des similitudes importantes d’après les parties pertinentes des œuvres, y compris les similitudes latentes qui ne sont pas nécessairement évidentes pour le profane, mais qui peuvent influencer son expérience en tant que spectateur de l’œuvre (Cinar, paragraphes 51-52).
[135]
En l’absence de témoignage d’expert sur la contrefaçon, la demanderesse a reconnu que le juge du procès, ayant une certaine connaissance de l’objet du litige, doit faire l’évaluation. La demanderesse soutient que l’examen des œuvres devrait être effectué à une distance de 2 à 3 pieds, car c’est probablement à cette distance qu’un acheteur se ferait une idée de l’œuvre.
[136]
Ce n’est qu’un point de vue parmi d’autres pour examiner les bijoux. Afin d’effectuer une analyse globale plutôt qu’impressionniste, il a été utile pour la Cour d’avoir devant elle les bijoux proprement dits.
[138]
Si l’on considère les dessins de Pyrrha et les œuvres de Plum and Posey dans leur ensemble, aucune des œuvres de Plum and Posey n’a reproduit une part importante du talent et du jugement que l’on retrouve dans les dessins de Pyrrha. En conclusion, j’ai appliqué un seuil de similitude relativement plus élevé étant donné la simplicité des œuvres, notamment pour éviter de limiter l’utilisation des dessins et techniques qui relèvent du domaine public.
[139]
Limiter le recours à l’oxydation de façon générale dans la fabrication de bijoux en argent serait incompatible avec l’un des objets de la Loi – encourager la créativité dans l’utilisation d’éléments relevant du domaine public. Cela reviendrait à évoquer le droit d’auteur sur une méthode couramment employée dans la fabrication de bijoux. Par conséquent, seule la façon particulière dont l’oxydation est utilisée dans chaque dessin de Pyrrha, combinée aux autres caractéristiques du bijou en question, peut être protégée.
[140]
Il en va de même pour le polissage, qui est un procédé courant en joaillerie, en particulier dans la fabrication de bijoux à partir de sceaux de cire. Le polissage, en surface ou en profondeur, est une méthode courante et relève du domaine public.
[141]
Les produits finis des dessins de Pyrrha et des dessins de Plum and Posey ont été déposés à la Cour à titre de pièces. Des images des bijoux seuls et en comparaison les uns avec les autres ont également été présentées en preuve.
[142]
La Cour a observé des différences notables entre les bijoux réels et même entre les photographies de ceux-ci. En raison des limites des photographies, dans lesquelles les détails et les nuances sont plus difficiles à percevoir qu’à l’examen physique, la Cour a préféré comparer les véritables objets déposés comme pièces.
[143]
La preuve comprenait également de nombreuses copies de l’exposition en ligne de bijoux sur des sites Web comme Etsy – apparemment un canal clé de distribution et de vente pour ces types de produits. La nature et la qualité des photographies en ligne ont une incidence sur les comparaisons; les différences entre les dessins de Pyrrha et ceux de Plum and Posey étaient tout de même observables.
[144]
En comparant les objets déposés comme pièces, ces différences étaient plus perceptibles.
[145]
Le tableau suivant présente l’évaluation que la Cour a faite des bijoux visés par le présent litige. L’évaluation est fondée sur l’examen des bijoux réels plutôt que sur l’examen de photographies ou d’impressions depuis les sites Web. L’évaluation porte sur les dessins de Plum and Posey qui ont été réalisés avec la méthode de fonte à la cire perdue à compter de 2015, étant donné que Pyrrha a soutenu que ces dessins étaient plus similaires aux dessins Pyrrha que les bijoux fabriqués par Plum and Posey en 2013 au moyen de la pâte d’argent. Seuls les véritables bijoux de Plum and Posey produits au moyen de la fonte à la cire perdue ont été déposés en preuve.
[146]
Pour réaliser cette évaluation, j’ai adopté l’approche qualitative globale énoncée dans l’arrêt Cinar. J’ai examiné toutes les similitudes pour ensuite déterminer si elles représentaient une part importante du talent et du jugement de l’auteur. Dans cette deuxième étape, les similitudes dans les images ne constituaient pas une part importante du talent et du jugement de l’auteur étant donné que les images sont du domaine public (voir aussi l’exposé sur le choix des images au paragraphe 109). Les images ne sont prises en compte que pour déterminer si l’expression globale de l’image du sceau de cire, combinée aux bordures et à la finition, est essentiellement similaire.
[147]
En outre, je n’ai pas trouvé que les dessins de Plum and Posey constituaient une « imitation déguisée »
des dessins de Pyrrha. Les différences ne semblent pas avoir été ajoutées superficiellement ou d’une manière qui donne à penser que Mme Hardy dissimulait l’imitation présumée. Les différences sont plus vraisemblablement le résultat de l’utilisation d’images similaires (mais non identiques) provenant de sources distinctes (la propre collection de chaque partie), et du choix de modifier et de finir les bijoux d’une manière légèrement différente.
D.
Accès aux dessins de Pyrrha
[148]
Comme Plum and Posey avait accès aux dessins de Pyrrha et vu les similitudes alléguées, la demanderesse soutient qu’il existe une preuve prima facie de contrefaçon de la part des défenderesses. Cette allégation serait plus importante si la Cour avait conclu que les défenderesses avaient violé le droit d’auteur sur les dessins de Pyrrha, mais étant donné que la Cour a conclu à l’absence de contrefaçon, la question de l’accès est secondaire.
[149]
Les défenderesses ont été étrangement muettes dans leurs observations écrites.
[150]
Les dessins des bijoux de Pyrrha sont, de façon générale, accessibles depuis 2005 dans des magasins, sur son site Web, ainsi que dans des catalogues, magazines, médias, films et émissions de télévision. Mme Hardy a admis suivre le site Web et les médias sociaux de Pyrrha depuis 2010, lorsqu’elle a reçu la première [traduction] « lettre de mise en demeure »
de l’avocat de Pyrrha.
[151]
De toute évidence, la lettre de mise en demeure de l’avocat en 2010 et la poursuite ont attiré l’attention des défenderesses sur les dessins de Pyrrha. La demanderesse ajoute que le nouveau site Web et la nouvelle publicité de Plum and Posey montrent qu’il y a reproduction des dessins de Pyrrha. Le changement apporté au site Web en 2015 pour présenter les bijoux de Plum and Posey sur fond blanc serait similaire à celui de Pyrrha, tout comme le premier catalogue de vente de Plum and Posey parce qu’il présentait des photos similaires de femmes portant des pendentifs sur une toile de fond, semblable à ce qui était présenté dans le catalogue 2015 de Pyrrha.
[152]
Je conclus que Pyrrha a établi que Mme Hardy avait accès aux dessins de Pyrrha avant de créer ses propres dessins (à l’exception du dessin «
I Am Ready
»
). Les dessins de Pyrrha ont été créés et vendus avant la date de création des bijoux de Plum and Posey. Pyrrha n’a pas démontré que le dessin «
I Am Ready
»
avait clairement été créé avant le dessin «
Stags Crest – I Am Ready
»
de Plum and Posey.
[153]
Toutefois, l’accès ne permet pas en soi d’établir la contrefaçon. Il ne fait aucun doute que Pyrrha a montré à Plum and Posey, et potentiellement à d’autres, ce qu’il est possible de faire à partir de sceaux de cire. En fait, Pyrrha a peut-être inspiré Mme Hardy à fabriquer des bijoux à partir de sceaux de cire, mais Pyrrha n’a pas de droit d’auteur sur l’idée des bijoux faits à partir de sceaux de cire ni sur le processus utilisé pour créer de tels bijoux – seulement sur l’expression que l’on trouve dans chaque bijou.
[154]
Il n’y a pas suffisamment de preuves pour me convaincre que les modifications apportées au site Web de Plum and Posey en 2015 et au catalogue en 2017 constituent de la copie, comme l’allègue la demanderesse. Sans preuve du contraire, l’utilisation d’un fond blanc pour présenter les bijoux semble être une façon de faire moderne courante sur les sites Web. L’utilisation d’images de femmes dans un décor extérieur dans un catalogue de vente de bijoux visant principalement les femmes est courante et ne peut être protégée. De plus, les mannequins sont exposées, posées et habillées différemment.
E.
Défense de la source commune
[155]
Étant donné que la Cour a conclu à l’absence de contrefaçon, la défense relative à la question de source commune n’est pas pertinente. Cette défense peut être invoquée lorsque la similitude entre les dessins découle de l’utilisation d’idées conventionnelles comme source commune (voir Phillip Morris, paragraphe 320).
[156]
Cependant, en l’espèce, les éléments graphiques des bijoux en métal – l’apparence particulière des bordures et l’oxydation – ne proviennent pas d’une source commune. S’il y avait eu copie d’une part importante de l’originalité du dessin, la défense de la source commune n’aurait pas empêché de conclure à une violation du droit d’auteur.
F.
Paragraphe 13 de l’entente de règlement – Présentation commerciale de Pyrrha
[159]
Le paragraphe 13 est rédigé comme suit :
[traduction]
[162]
L’une des caractéristiques clés de la disposition est l’expression [traduction] « présentation commerciale de Pyrrha »
, laquelle n’est pas définie dans l’entente de règlement. En l’absence de preuve appropriée en ce qui concerne l’utilisation de termes, leur signification et la portée de la renonciation, il n’est ni nécessaire, ni sage, ni possible pour la Cour de se prononcer sur les questions découlant du paragraphe 13.
VII.
Réparations
[165]
La propriété a été établie sur la base du dossier et la demanderesse cherche à obtenir un jugement déclaratoire portant que, en ce qui concerne les parties, elle est titulaire d’un droit d’auteur, mais elle n’a pas expliqué l’utilité pratique d’une telle déclaration en l’absence d’un constat de contrefaçon. Par conséquent, aucun jugement déclaratoire ne sera rendu à cet égard.
[166]
Les défenderesses ont droit à ce que la présente action soit rejetée avec dépens. Les parties auront 30 jours pour présenter des observations au sujet des dépens.
Traduction certifiée conforme
Ce 27e jour de mars 2019
Sandra de Azevedo, LL.B.