Date : 20181217
Dossier : T-1816-16
Référence : 2018 CF 1260
Ottawa (Ontario), le 17 décembre 2018
En présence de monsieur le juge Bell
ENTRE :
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ANIKE MÉNARD
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Demanderesse
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et
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LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA
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Défendeur
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JUGEMENT ET MOTIFS
I.
Nature de l’affaire
[1]
La présente est une demande de contrôle judiciaire en vertu de l’article 18(1) de la Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. (1985), ch. F-7, d’une décision rendue par le commissaire de la Gendarmerie royale du Canada [la GRC] le 23 août 2016 [la décision] en vertu du paragraphe 45.25(4) de la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada, L.R.C. (1985), ch. R-10 [la loi]. Dans sa décision, le commissaire avait rejeté l’appel de la partie demanderesse [la gendarme Ménard], déposé en vertu du paragraphe 45.24(1) de la loi. L’appel contestait la recommandation de la Commission de licenciement et de rétrogradation [la Commission], qui avait ordonné le renvoi de la gendarme Ménard pour motif d’inaptitude en vertu du paragraphe 45.23(1) de la loi.
[2]
La gendarme Ménard conteste l’ordonnance de la Commission ainsi que la décision du commissaire de la GRC. Elle prétend que la décision du commissaire est teintée par les vices qui ont eu lieu lors de l’audience devant la Commission.
[3]
Pour les motifs qui suivent, j’accueille la demande de contrôle judiciaire, j’ordonne que l’ordonnance de la Commission et la décision du commissaire soient annulées, et que la question d’aptitude de la gendarme Ménard soit reconsidérée.
II.
Faits pertinents
[4]
La gendarme Ménard fut membre de la GRC entre le 26 mai 2008 et le 23 août 2016. Elle réussit son programme de formation de base à l’académie de la GRC à Régina, en Saskatchewan. Suite à cette formation, elle fut mutée au détachement de Tracadie-Sheila au Nouveau-Brunswick, où elle occupa les fonctions générales d’un gendarme. Elle réussit également son programme de formation pratique de six (6) mois. Suite à une intervention chirurgicale au poignet le 1er août 2009, la gendarme Ménard ne put, temporairement, exercer ses fonctions habituelles de policier-enquêteur. De ce fait, elle a dû travailler en tant que téléphoniste au comptoir de son détachement. Le 31 août 2009, le caporal Germain Léger fut assigné le poste de superviseur au détachement de Tracadie-Sheila. Dans le cadre de son nouveau poste, le caporal Léger devait réviser le travail de la gendarme Ménard, et suite à ceci, aurait noté des lacunes dont il lui aurait fait part.
[5]
Le 16 septembre 2009, la gendarme Ménard reprit ses fonctions de policier-enquêteur. Elle eut, par la suite, plusieurs rencontres avec ses supérieurs concernant son rendement insatisfaisant. Le 27 janvier 2010, la procédure de gestion du rendement fut mise en place. La gendarme Ménard eut, à nouveau, plusieurs rencontres avec ses superviseurs concernant sa performance au travail, laquelle était toujours insatisfaisante selon les représentations de la partie défenderesse. La gendarme Ménard fut informée que si la situation ne s’améliorait pas, la prochaine étape serait de lui donner un avis de faiblesse et de la jumeler avec un partenaire plus expérimenté, pour une durée de trois (3) mois.
[6]
Le 13 juillet 2010, le Sergent-major d’état-major Hudon [s.-m.é.-m. Hudon], sous-officier des normes professionnelles écrit, entre autres, à la chaine de commande au détachement de Tracadie-Sheila :
Mardi le 6 juillet 2010, je suis allé renncontré [sic] l’inspecteur Roch Fortin,chef du district 8, ainsi que le sergent Sylvain Leclair pour discuter de la marche à suivre. J’ai aussi eu une rencontre d’une heure et demie avec la gendarme Ménard, pour discuter de son rendement, et lui donner la chance de s’expliquer / s’exprimer. Il est à noter que la gendarme Ménard est toujours membre stagière[sic](jusqu’en novembre 2010), et que de par ce fait, l’officier compétent pourrait procéder directement à un avis d’intention concernant son licencement[sic]. Malgré ce fait, et suite à la conversation franche que j’ai eu avec elle et le sergent Leclerc, je suis d’avis que la gendarme Ménard a les atouts nécessaires pour réussir, et crois qu’une recommendation [sic] se lui servir un avis de faiblesse, suivie d’une période de jumelage de trois mois avec un partenaire chevronné qui saura l’encadrer efficacement, lui sera bénifique [sic], et qu’elle pourra se sortir de la létargie [sic] dans laquelle est [sic] est présentement.
La gendarme Ménard est agée [sic] de 40 ans. Elle est mère d’un garçon de quatorze ans, et pendant plusieurs années, était serveuse de restaurent [sic], avant de joindre les rangs de la GRC. Elle a aussi deux degrés universitaires, dont un en comptabilité. Durant notre rencontre, elle m’a expliqué avoir fait application pour joindre la police de Montréal quand elle était plus jeune, mais la naissance de son garçon a nécessité des changements de plans. Suite à cela, elle a continué ses études universitaires, et a pu obtenir ses degrés ci-haut mentionnés. Elle a ensuite fait application et joint la GRC. Son dossier de service n’indique aucun problème majeur durant son entrainement de 6 mois à Dépot. Elle se dit être heureuse dans la région de la Péninsule Acadienne, et s’y est assez bien adapté. Elle a fait l’aquisition [sic]d’une maison et d’un camion. Elle dit ne pas avoir de problèmes financiers, mais avoue avoir à faire attention à ses dépenses. Son garçon retournera à Montréal d’ici quelques semaines, pour y vivre avec son père. Quoi que cela la chagrine, elle comprend que ceci sera une opportunité pour elle de se concentrer uniquement sur son travail, pour pouvoir réussie à remonter la pente au niveau de sa performance. Je lui ai expliqué qu’un avis de faiblesse constitue sa dernière chance de se faire valoir, et elle me dit le comprendre très bien.
[Je souligne.]
[7]
Le 26 août 2010, le médecin de la gendarme Ménard lui prescrit un arrêt de travail, lequel fut prolongé de mois en mois, jusqu’au 3 octobre 2011. Le 9 novembre 2010, pendant qu’elle était toujours en arrêt de travail, elle reçut un avis d’intention de renvoi de la part de la GRC. Elle contesta l’avis en question avec succès et la procédure de renvoi fut donc suspendue. Pendant qu’elle travaillait au détachement de Tracadie-Sheila, la gendarme Ménard fut également face à deux allégations de contravention au code de déontologie pour lesquelles des mesures disciplinaires furent prises.
[8]
En juillet 2011, la gendarme Ménard fut mutée au détachement de Campbellton. Un des objectifs de cette mutation était de lui offrir un « nouveau départ »
. Le 4 juillet 2011, elle rencontra son nouveau superviseur, le caporal Benoit Jolette, ainsi que son mentor, le gendarme David Archambault, au détachement de Campbellton. Le gendarme Archambault avait, à l’époque, environ trois (3) années de service, y compris sa période de formation. Lors de cette rencontre, le caporal Jolette remit à la gendarme Ménard un avis de carences. Cet avis énumérait les exigences et les tâches qu’elle devait satisfaire ou améliorer pendant une durée de trois (3) mois, à compter de la date de délivrance de l’avis. Il convient de rappeler qu’elle était toujours en congé de maladie au moment de la réception de cet avis.
[9]
Le 3 octobre 2011, elle retourne au travail, et ce à Campbellton. Entre le 3 et le 30 octobre 2011, pendant ses 11 quarts de travail, elle fut accompagnée de son mentor, le gendarme Archambault. Après ces 11 quarts de travail, la gendarme Ménard a patrouillé seule dans son véhicule de police. Le caporal Jolette, pour sa part, avait été muté au détachement de Saint-Quentin suite à sa première rencontre avec la gendarme Ménard. Saint-Quentin est situé à quelque 100 kilomètres de Campbellton. À cause de cette relocalisation, le caporal Jolette « supervisait »
donc la gendarme Ménard à distance, en révisant son travail par l’entremise d’un système informatique de la GRC.
[10]
Le 18 avril 2011, le s.-m.é.-m. Hudon recommanda de nouveau que la gendarme Ménard soit jumelée avec un membre d’expérience – cette fois-ci, à Campbellton. Ce qui suit sont les propos de sa correspondance :
TRADUCTION
« Martin,
Vous trouverez ci-joint un modèle français d’avis de carences, ainsi qu’une copie de l’avis d’intention de renvoi visant la gendarme Ménard.
Vous trouverez dans l’avis d’intention de renvoi les carences reprochées à la gendarme, qui peuvent maintenant être utilisées dans la rédaction de l’avis de carences.
Les avis de carences sont habituellement préparés par l’office [sic] compétent. L’avis d’intention de renvoi a été préparé par Jean-François Rennou [sic] et il serait certainement d’une grande aide pour la préparation de cet avis de carences. Une fois que l’avis de carences aura été signifié à la gendarme Ménard, on recommande que celle-ci soit jumelée à un membre d’expérience pour tout ou une partie d’une période de trois mois. Ce membre agira comme moniteur auprès de la gendarme et aura un rôle semblable à celui des moniteurs du Programme de formation pratique. S’il est impossible de nommer un moniteur dédié, un collègue compétent devra assumer ce rôle en agissant en tant que mentor auprès de la gendarme Ménard. Ce mentor veillera à ce que la gendarme bénéficie de toute l’aide pratique ainsi que des conseils et de la supervision dont elle aura besoin, dans la mesure du raisonnable. Il ne faut pas confondre ce mentor avec le superviseur. Dans la mesure du possible, il devrait s’agir de deux personnes différentes. Le moniteur ou le mentor aura pour rôle d’aider la gendarme, mais aussi de donner son avis général quant à la réussite ou l’échec de celle-ci à la fin la période déterminée dans l’avis de carences.
Des exemplaires en français et en anglais du guide de gestion des problèmes de rendement seront remis au superviseur ainsi qu’au moniteur ou au mentor. Les parties concernées devront me faire parvenir des copies de tous les rapports de rendement produits par le District 9 en version électronique ou papier, lesquelles seront versées dans un dossier électronique ici au Quartier général de la Division.
Veuillez noter que j’envoie également ce courriel en copie conforme à l’inspecteur Landry, officier responsable, District 9, pour l’informer des affaires antérieures concernant cette membre, ainsi qu’à Me Rannou (secteur de responsabilité), car son aide pourrait être/serait nécessaire pour la préparation de l’avis de carences visant la gendarme Ménard.
Cordialement,
Bert.”
[Je souligne.]
[11]
Il est évident qu’en dépit des deux (2) recommandations de la part du s.-m.é.-m. Hudon, une en 2010 et l’autre en 2011, la gendarme Ménard n’a pas été jumelée avec un(e) gendarme chevronné(e), tel que recommandé. Il importe de mentionner que le gendarme Archambault n’avait que trois (3) années de service, soit seulement six(6) mois de plus que la gendarme Ménard. De surcroît, il n’avait supervisé que 11 quarts de travail de la gendarme Ménard. De plus, avant cette expérience avec la gendarme Ménard, le gendarme Archambault n’avait jamais supervisé ou pris en charge un recru à la GRC. Autrement dit, travailler à titre de mentor d’un autre gendarme était une première et nouvelle expérience pour le gendarme Archambault.
[12]
À la fin du mois d’octobre et début novembre 2011, la gendarme Ménard reçoit la consigne de ne plus faire de patrouille du territoire accompagnée d’un autre policier. Son témoignage à cet égard est confirmé par le témoignage de la gendarme Spacek, cité plus tard dans ces motifs. Cette directive par la gestion de la GRC est diamétralement opposée aux deux recommandations du s.-m.é.-m. Hudon.
A.
Divulgation illégale des renseignements personnels de la gendarme Ménard
[13]
Avant d’aller plus loin dans mon sommaire des faits, il est opportun de noter ici que le gendarme Archambault avait reçu, avant de faire l’évaluation de la gendarme Ménard, des renseignements privés et confidentiels concernant cette dernière. En effet, le contenu intégral du premier avis d’intention de renvoi, incluant, entre autres, des mesures disciplinaires prises contre la gendarme Ménard lors de son affectation à Tracadie-Sheila, fut divulgué au gendarme Archambault, sans autorisation. Cette divulgation illégale a été établie devant la Commission sans contestation. À ce sujet, le commissaire conclu que le gendarme Archambault n’aurait pas dû y avoir accès et que cela ne constituait pas un usage compatible pour lesquelles ces renseignements avaient été recueillis, au sens des articles 7a) et 8 2)a) de la Loi sur la protection des renseignements personnels, L.R.C., 1985, ch. P-21.
[14]
Il convient d’ajouter que cette divulgation fut non seulement illégale, mais qu’elle a causé préjudice à la perception qu’avaient les collègues de la gendarme Ménard envers elle, particulièrement de son mentor, le gendarme Archambault. En effet, dans son rapport final à l’officier en charge du détachement à Campbellton, l’Inspecteur Landry, le gendarme Archambault fait mention d’une situation où il y avait une contradiction entre les propos de la gendarme Ménard et ceux d’un plaignant dans un dossier. Le gendarme Archambault a souligné qu’il s’agissait d’un incident « assez banal où la crédibilité du policier ne devrait pas être mise en question »
. Toutefois, il a ajouté qu’étant donné « les incidents du passé impliquant Cst. Ménard, cela a semé un doute [dans son esprit] sur l’intégrité de Cst. Ménard »
.
[15]
Le commissaire conclut, en suivant l’approche adoptée par la Commission, que la divulgation illégale des renseignements personnels de la gendarme Ménard au gendarme Archambault n’a pas influé sur le résultat. Il dit :
Somme toute, la preuve n’appuie pas les allégations de l’appelante à l’effet que des doutes quant à son intégrité auraient influé négativement le processus d’évaluation de son rendement. La commission a conclu que l’évaluation du rendement de l’appelante avait été effectuée de manière impartiale et avait été empreinte de bonne foi et, ce faisant, la commission n’a commis aucune erreur manifeste ou déterminante. Il n’y a donc pas lieu d’intervenir en appel.
Signification de l’avis de renvoi
[16]
Le 15 février 2012, la gendarme Ménard rencontra l’inspecteur Landry pour discuter de son rendement. Lors de cette rencontre, il l’avise qu’il ne recommanderait pas sa rétention au sein de la GRC et lui signifia un ordre de révocation de ses fonctions. Le 23 mars 2012, la gendarme Ménard reçoit donc un avis d’intention de renvoi en vertu de l’article 45.19 de la loi. Elle demanda une révision de cet avis par la Commission en vertu de l’alinéa 45.19(2)b) de la loi. La Commission tint une audience en décembre 2012 et sa décision, ordonnant le renvoi pour motif d’inaptitude, fut rendue oralement le 12 février 2013 et par écrit en mai 2013. La gendarme Ménard a alors porté appel de cette décision devant le commissaire qui, avant d’étudier le dossier, l’a renvoyé au Comité externe d’examen de la GRC. Celui-ci a recommandé au commissaire de rejeter l’appel. Suite à cette recommandation et après l’étude du dossier en vertu de l’article 45.26 de la loi, le commissaire a, à son tour, rejeté l’appel et a confirmé la décision de la Commission.
Extrait des notes sténographiques de l’audience devant la Commission
[17]
Pendant l’audience devant la Commission, l’inspecteur Landry fut interrogé au sujet de la performance de la gendarme Ménard, en comparaison avec celle de la gendarme Spacek. Au cours de ce témoignage, l’Inspecteur Landry avoua que la gendarme Spacek était considérée comme une des meilleures membres de la GRC à Campbellton. L’échange se lit comme suit :
R. Vous me demandez de faire une comparaison de performance entre les deux ?
Q. Oui.
R. Générale ou juste sur un sujet spécifique ?
Q. Généralement ?
R. Généralement ? J’peux vous dire que le Gend. Spacek c’est – junior, un membre très junior mais c’est probablement un de nos meilleurs membres à Campbellton.
Q. Ah oui ?
R. Absolument.
[18]
Étant donné l’opinion de l’inspecteur Landry sur le fait que la gendarme Spacek était parmi les meilleurs membres de la GRC à Campbellton, je considère utile de reproduire des extraits du témoignage de cette dernière devant la Commission :
TRADUCTION :
À une occasion je me souviens qu’un membre m’avisé de ne pas aider la gend Ménard (page 25, ligne 25, page 26, ligne 1-2)
TRADUCTION:
R. Euh, oui, vous savez, quand on nous envoie répondre à un appel, souvent, nous – vous savez, nous – vous savez, nous allons dire, vous savez, nous disons : « 23, sur place » ou avec nos systèmes de location informatique, aussi, vous pouvez voir, vous savez, où – où sont les autres membres, où les autres véhicules sont– sont stationnés et stationnaires.
Q. D’accord.
Donc, d’après votre expérience de travail cet automne avec Mme Ménard, quelle est votre impression du nombre d’appels auxquels l’agent Ménard a répondu?
Elle a répondu à sa part d’appels comparativement à – à tout le monde.
Q. D’accord.
Qu’en est-il de sa disponibilité pour aider?
Sa disponibilité?
Q. Oui?
R. Euh, elle est venue – m’a accompagné sur des appels. Elle est venue sur des appels avec moi et d’autres membres.
Euh, elle n’est jamais restée plantée là les bras croisés. Elle — vous savez, elle était là — et, vous savez, je me souviens d’avoir répondu à un appel et, euh, la personne était – était suicidaire et j’étais là avec le caporal et elle a pris l’initiative et c’est la première semaine où elle a travaillé avec nous, quand elle a commencé avec nous, et, euh, elle avait parlé avec la mère. Elle avait une conversation avec la mère, juste pour euh, avoir plus d’informations.
Q. D’accord.
Donc, pendant votre intervention précise avec l’agent Ménard, quelle a été votre impression de la façon dont elle a abordé les clients?
OBJ Me J. LAVIGNE : Objection.
« Impression ». On se base sur des faits.
Me CHRÉTIEN : Bien je lui demande son impression sur la façon comment elle approchait les clients, « pendant une intervention précise».
MEMBRE B. TREMBLAY : Voulez-vous qu’elle reformule ?
ME J. LAVIGNE : J’aimerais qu’elle reformule parce que je pense pas qu’on puisse apprendre grand-chose d’impressions
MEMBRE B. TREMBLAY : Vous pouvez peut-être reformuler sans demander une impression ?
Me C. CHRÉTIEN : O.k.
PAR Mme. C. CHRÉTIEN :
Q. Alors pendant votre intervention précise, qu’est-ce que – vous savez – comment a-t-elle abordé les clients?
A. Elle était, euh, elle avait de bonnes aptitudes interpersonnelles, euh, elle posait les bonnes questions pour obtenir les détails de – de pourquoi nous étions là.
Euh, elle avait de bonnes habiletés en communication. Elle est bilingue – plus bilingue que moi. Euh, elle n’hésitait pas en parlant en anglais ou en français. Euh, elle ne rabaissait pas le client.
Euh, elle agissait de façon professionnelle.
Q. D’accord.
Et comment vous sentez-vous en travaillant avec elle pendant le quart de nuit?
C’était mon renfort. Euh, je me sentais – me sentais en sécurité. J’avais déjà travaillé avec elle, pendant des soirs, vous savez.
Pour être clair, je lui faisais assez confiance pour être mon renfort, alors...
Q. Dans l’ensemble, avec votre expérience et vos quelques mois de travail avec elle, que pensiez-vous de sa capacité – ses capacités en tant que policière?
A. Pour être honnête, elle m’a impressionné par la quantité de – de ce que j’avais entendu à son sujet.
Euh, vous savez, avec ce que j’avais entendu, vous savez, je l’ai pris avec un grain de sel, sans la juger dans ce sens, et en voyant comment elle travaillait et comment était son éthique de travail, vous savez, elle aurait peut-être manqué un peu dans certains domaines, euh, mais qui n’y échappe pas quand vous êtes – quand – quand vous commencez comme membre?
Euh, mais, dans l’ensemble, elle m’a impressionné par – compte tenu de ce que j’avais entendu.
Vous savez, euh, quand je l’ai rencontrée pour la première fois, je me méfiais en quelque sorte, je suppose, j’étais un peu prudent dans ce sens, et puis, vous savez, à la voir faire des interventions et – et la voir faire son travail, je me suis dit : Hé! Après tout, elle n’est pas si mauvaise que ça.
Q. Je n’ai pas d’autres questions. J’ai plus de questions. Finalement, Dispositions pertinentes
III.
Dispositions pertinentes
[19]
Les dispositions pertinentes de la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada, L.R.C. (1985), ch. R-10, telles qu’elles étaient avant les modifications du 19 juin 2013, de la Loi sur la protection des renseignements personnels, L.R.C., 1985, ch. P-21 et de la Loi sur l'emploi dans la Fonction publique, S.R.C. 1970, c. P-32 sont énoncées à l’annexe A, B et C.
IV.
Ordonnance de la Commission et décision du commissaire
[20]
Dans sa décision extrêmement détaillée, la Commission explique pourquoi elle a conclu que le motif d’inaptitude avait été établi contre la gendarme Ménard « selon la balance des probabilités »
. La Commission a donc ordonné le renvoi de la gendarme Ménard en vertu de l’article 45.23(2) de la loi.
[21]
Dans son analyse, la Commission devait faire face à deux positions diamétralement opposées concernant la procédure à suivre. L’officier compétent, nommé en vertu du paragraphe 2(3) de la loi, a prétendu que la Commission devait faire preuve de « déférence envers les gens qui ont observé »
la gendarme Ménard pendant l’évaluation. La gendarme Ménard, quant à elle, a plaidé que la Commission n’avait aucun devoir de déférence envers la décision de ses supérieurs. Effectivement, la gendarme Ménard plaidait que la Commission avait la responsabilité d’examiner la preuve, sans préjudice envers elle et sans l’exercice de la déférence envers son mentor et ses superviseurs. La gendarme Ménard prétendait que, dans le cadre de ses fonctions, la Commission jouait le rôle d’un arbitre en décidant si l’inaptitude avait été établie. La gendarme Ménard est également d’avis que la Commission devrait suivre la procédure applicable dans un système accusatoire où toutes les parties commencent sur un pied d’égalité.
[22]
Dans sa décision, la Commission a conclu qu’elle devait faire preuve de déférence envers les superviseurs et évaluateurs de la gendarme Ménard. Tout juste après cette conclusion, la Commission a soutenu qu’elle devait « décider, en tenant compte de la preuve documentaire au dossier et des témoignages entendus à l’audience, si le motif d’inaptitude a été établi […] selon la prépondérance des probabilités »
. De prime à bord, il y a ici une dichotomie problématique puisqu’ il me semble inconcevable de pouvoir, à la fois, faire preuve de déférence envers une décision antérieure et, à la fois, sous-peser équitablement les éléments de preuve pour déterminer si le motif d’inaptitude a été établi. Une telle déférence réduit la valeur du témoignage de la gendarme Ménard, la gendarme Spacek et toutes autres preuves à l’appui de la gendarme Ménard. J’y reviendrai plus tard dans mon analyse.
[23]
Dans sa décision, le commissaire a approuvé de cette approche de déférence envers l’opinion des superviseurs de la gendarme Ménard. Il déclare clairement la question qui se pose. Il note au paragraphe 84 :
Avant de statuer sur le bien-fondé cet appel [sic], il convient de discuter, d’une part, du degré de retenue dont une commission constituée en vertu de la Partie V de la Loi doit faire preuve à l’égard de la décision des gestionnaires de l’appelante, et d’autre part, du degré de retenue qui s’impose dans le cadre d’un appel en vertu de l’article 45.24 de la Loi.
[24]
Le commissaire cite Ahmad c. Canada (comité d’appel), [1974] 2 C.F. 644 pour conclure que la Commission doit faire preuve de retenue à l’égard des opinions des gestionnaires concernant la compétence où l’incompétence d’un employé ou d’une employée. Le commissaire va plus loin et renforce les conclusions du comité externe en soutenant que « le rôle de la Commission n’était pas d’apprécier à nouveau le rendement d’un membre, mais uniquement de s’assurer que la preuve établisse que l’appelante a reçu une assistance raisonnable tel qu’envisagé à l’article 45.18 de la loi »
.
[25]
Pour ce qui est du niveau de retenue qu’il devait exercer en révisant la décision de la Commission, le commissaire cite Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9 et Housen c. Nikolaisen, 2002 CSC 33 pour conclure qu’« une grande déférence s’impose envers la décision de la Commission »
. En effet, le commissaire soutient que puisque les questions litigieuses en l’espèce portent sur l’interprétation des faits par la Commission, il doit exercer une grande retenue face à la décision de la Commission. De surcroît, il ajoute que son intervention n’est justifiée que si la décision de la Commission n’appartient pas « aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit »
. Dunsmuir, para 47.
Jumelage
[26]
Devant le commissaire et la Commission, la gendarme Ménard a expliqué qu’elle n’avait pas été jumelée avec un(e) gendarme chevronné(e) pour la période recommandée. Le commissaire a conclu qu’il était loisible aux superviseurs de la gendarme Ménard de se fier à leur jugement pour déterminer la durée du jumelage. De plus, le commissaire déclare au paragraphe 132 de sa décision que :
Compte tenu de la retenue dont la commission devait faire preuve à l’égard des décisions des gestionnaires de l’appelante, je conclus que la commission n’a commis aucune erreur manifeste ou déterminante dans l’appréciation des jumelages fournis à l’appelante pour déterminer si ses superviseurs lui ont prodigué une assistance raisonnable. Mon intervention n’est donc pas justifiée.
Divulgation des renseignements privés et confidentiels
[27]
Tel que mentionné dans le paragraphe 13 ci-haut, le commissaire conclu, correctement à mon avis, que des renseignements privés et confidentiels concernant la gendarme Ménard fut divulgués au gendarme Archambault contrairement au paragraphe 7a) et à l’alinéa 8 2)a) de la Loi sur la protection des renseignements personnels. Ces renseignements traitaient principalement des lacunes notées dans le travail de la gendarme Ménard ainsi que des mesures disciplinaires prises contre elle lors de son affectation à Tracadie-Sheila. Tel qu’il appert ci-haut, seuls les superviseurs avaient droit à ces renseignements. Par conséquent, le gendarme Archambault, n’étant pas le superviseur de la gendarme Ménard, n’avait pas droit aux renseignements en question. Le commissaire observe, au paragraphe 173 de sa décision, que l’opinion finale du gendarme Archambault reposait, entre autres, sur sa perception du niveau d’intégrité que la gendarme Ménard possédait. L’allégation d’un manquement d’intégrité faisait partie des renseignements privés et confidentiels divulgués au gendarme Archambault.
[28]
En dépit de ce bris, le commissaire soutient qu’il n’appartenait pas au gendarme Archambault de recommander le renvoi de la gendarme Ménard. Au contraire, ce pouvoir appartenait à l’inspecteur Landry et au caporal Jolette. Le commissaire note que ces derniers n’ont pas remis en question l’intégrité ou l’honnêteté de la gendarme Ménard dans leurs rapports finals. De plus, le commissaire note que la Commission « n’a fait nullement mention de la question de l’intégrité ou de l’honnêteté »
de la gendarme Ménard. Autrement dit, le commissaire est d’avis que la divulgation illégale des renseignements privés et confidentiels concernant la gendarme Ménard n’a eu aucune influence sur le processus décisionnel, et ce, même si le gendarme Archambault y fait référence.
V.
Analyse
A.
Norme de contrôle
[29]
En l’espèce, il est question d’une décision de la Commission et de l’appel de cette décision devant le commissaire. Devant les deux instances, l’interprétation de la loi constitutive était l’élément central. À ce sujet, je suis d’avis que la jurisprudence établit clairement que la norme de contrôle applicable est celle de la décision raisonnable (Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 R.C.S. 190; Newfoundland and Labrador Nurses’ Union c. Terre-Neuve-et-Labrador (Conseil du Trésor), 2011 CSC 62, [2011] 3 R.C.S. 708; Alberta (Information and Privacy Commissioner) c. Alberta Teachers’ Association, 2011 CSC 61, [2011] 3 R.C.S. 654; Edmonton (Ville) c. Edmonton East (Capilano) Shopping Centres Ltd., 2016 CSC 47, [2016] 2 R.C.S. 293; Delta Air Lines Inc. c. Lukács, 2018 CSC 2, 416 D.L.R. (4th) 579).
[30]
Le juge siégeant en contrôle judiciaire doit faire preuve de retenue judiciaire à l’égard du décideur administratif. Au paragraphe 47, Dunsmuir nous instruit comme suit : « Le caractère raisonnable tient principalement à la justification de la décision, à la transparence et à l’intelligibilité du processus décisionnel, ainsi qu’à l’appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit »
.
[31]
L’exercice de la déférence ne s’applique pas lorsqu’il existe un bris des principes d’équité procédurale, qui comprend le droit à un décideur impartial. En effet, en cas de manquement aux principes d’équité procédurale, cela constitue une erreur qui permet à la cour, en contrôle judiciaire, de s’ingérer (Établissement de Mission c. Khela, 2014 CSC 24, [2014] 1 R.C.S. 502 au para. 79; Canada (Citoyenneté et Immigration) c. Khosa, 2009 CSC 12, [2009] 1 R.C.S. 339 au para. 43 ; Contrevenant no. 10 c. Canada (Procureur général), 2018 CAF 150 au para. 20). L’exigence d’un décideur impartial est primordiale lorsque celui-ci fait partie d’un régime intégral créé dans l’objectif d’assurer le respect des principes d’équité procédurale. En l’espèce, la partie V de la loi constitue un régime intégral applicable au licenciement et à la rétrogradation des membres de la GRC (Harvey Sinclair c. Canada (Procureur générale), 2006 CF 528 [Sinclair] au para. 13, 291 FTR 182; Anderson v. Canada (Attorney General), 2018 FC 834).
[32]
J’adopte comme le mien le libellé du juge de Montigny, maintenant juge à la Cour d’appel fédérale, aux paragraphes 13, 14 et 15 dans Sinclair, comme suit :
[13] La partie V de la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada, L.R.C. 1985, ch. R-9, dans sa forme modifiée, constitue le régime intégral applicable au licenciement ou à la rétrogradation d’un membre de la GRC. Le paragraphe 45.18(1) dispose qu’un membre peut être renvoyé pour le motif d’inaptitude, c’est-à-dire quand « il a omis, à plusieurs reprises, d’exercer de façon satisfaisante les fonctions que lui impose la présente loi en dépit de l’aide, des conseils et de la surveillance qui lui ont été prodigués pour l’aider à s’amender ».
[14] Avant qu’un membre soit renvoyé, l’officier compétent lui signifie un avis écrit de l’intention de recommander son renvoi. Cet avis renferme le détail des actions et omissions constituant le motif d’inaptitude sur lequel sera fondé le renvoi (Loi sur la GRC, article 45.19). Lorsque le membre concerné a reçu l’avis de l’intention de le renvoyer, il peut demander par écrit à l’officier compétent la révision de sa cause par une commission de licenciement et de rétrogradation (Loi sur la GRC, paragraphe 45.19(4)).
[15] Si un membre demande la révision de sa cause par une commission de licenciement et de rétrogradation, alors trois officiers de la GRC sont nommés et constituent cette commission (Loi sur la GRC, article 452). La commission accorde au membre toute latitude pour comparaître devant elle, y produire une preuve documentaire, y faire des observations et, avec l’autorisation de la Commission, y citer des témoins, soit personnellement, soit par l’intermédiaire d’un avocat ou autre représentant (Loi sur la GRC, paragraphe 45.22(3)). Après l’audience, la Commission décide si le motif d’inaptitude est établi, selon la prépondérance des probabilités. Si le motif d’inaptitude est établi, alors la Commission renvoie le membre (Loi sur la GRC, article 45.23).
B.
Équité procédurale
[33]
La situation devant laquelle se trouve la gendarme Ménard, soit le congédiement, est considérée comme la « peine capitale »
en droit de l’emploi (Bird c. Première Nation de White Bear, 2017 CF 477 au para. 32; Johar v. Best Buy Canada, 2016 ONSC 5287 au para. 11). À la lumière de ce principe, je suis d’avis que la gendarme Ménard était en droit de bénéficier d’une audience juste et équitable. La Commission avait le devoir de faire une évaluation indépendante de la preuve afin de déterminer si l’officier compétent avait prouvé, selon la prépondérance des probabilités, le motif d’inaptitude. La déclaration de la Commission au début de sa décision qu’elle doit faire preuve de déférence face à la décision de l’officier compétent, a eu comme conséquence de défavoriser la position de la gendarme Ménard et de créer une situation de crainte raisonnable de partialité. Ce faisant, la Commission s’est éloignée de son rôle de décideur indépendant.
[34]
Le commissaire se justifie en citant Ahmed c. Comité d’appel, [1974] 2 CF 644, 51 D.L.R. (3e) 470 [Ahmed]. Avec respect, je considère qu’il a tort. La décision dans Ahmed a été prise au début des années 1970 et depuis, la société canadienne a beaucoup évoluée, particulièrement dans le domaine du droit de l’emploi et du travail. D’ailleurs, il y a eu plusieurs modifications quant aux procédures de renvoi et de la rétrogradation au sein de la GRC, qui sont prévues à la partie V de la loi. En effet, dans l’effort de créer un système intégral qui saura répondre aux demandes et aux attentes des membres de la GRC, le Parlement apportait des amendements à la partie V de la loi en 1990, 1993 et en 2002. En juin 2013, la partie V fut finalement abrogée.
[35]
Afin d’illustrer la distinction entre l’arrêt Ahmed et l’affaire en l’espèce, examinons les lois qui ont été traitées dans les deux affaires soit, la Loi sur l'emploi dans la Fonction publique, S.R.C. 1970, c. P-32 et la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada. Les extraits pertinents sont reproduits dans les annexes A et B ci-dessous.
[36]
En l’espèce, les pouvoirs et les responsabilités de la Commission et du commissaire diffèrent de ceux du comité d’appel dans Ahmed, où l’employé n’a pas eu le droit de faire appel à une Commission indépendante, composée des officiers expérimentés et dans le cadre d’un système intégral. De plus, dans Ahmed, le comité d’appel n’avait pas la compétence de considérer l’affaire de novo, il n’a pu bénéficier de la présence de preuve testimoniale, ou de rendre une décision selon la prépondérance des probabilités.
[37]
En faisant preuve de déférence face aux conclusions des gestionnaires et de l’officier compétent, la Commission et le commissaire ont privé la gendarme Ménard de son droit à un décideur impartial. Cette violation d’un principe d’équité procédurale m’amène à conclure que la demande de contrôle judiciaire doit être accueillie.
[38]
Même si j’ai tort et que le principe d’équité procédurale n’a pas été brimé, je suis d’avis que l’interprétation faite par la Commission et le commissaire de leur loi constitutive n’est pas raisonnable. En effet, si l’on suit la logique de leur interprétation, la Commission démontrera de la déférence face à une décision des gestionnaires d’un membre de la GRC, même s’il y a une erreur dans cette décision. Par ricochet, le commissaire accordera également une déférence à cette erreur, en accordant une déférence à la décision de la Commission. Ceci est déraisonnable puisque d’une part, les conséquences d’une telle approche peuvent être irréversibles, et d’autre part, cette approche n’encourage pas la transparence dans un système intégral.
C.
Conclusion déraisonnable sur la question de jumelage et de la divulgation des renseignements privés et confidentiels
[39]
Je considère que la conclusion ainsi que l’analyse du commissaire et de la Commission en ce qui a trait au jumelage et à la divulgation des renseignements privés et confidentiels est déraisonnable. En examinant l’affaire en l’occurrence, il est important de garder à l’esprit que l’avenir d’une policière était en jeu. À deux reprises, le s.-m.é.-m. Hudon a recommandé que la gendarme Ménard soit jumelée avec un(e) gendarme chevronné(e). Malheureusement, ces instructions n’ont pas été suivies. La preuve incontestée montre que le gendarme Archambault n’était pas un gendarme chevronné. De plus, il a été jumelé avec la gendarme Ménard pendant seulement que six(6) semaines sur une période de trois (3) mois. Aussi, la gendarme Ménard a reçu des instructions de ne pas accompagner d’autres policiers pendant sa période d’évaluation et les autres policiers ont été avisés de ne pas travailler avec elle. Finalement, je note que le « superviseur »
de la gendarme Ménard avait été muté au détachement de Saint-Quentin, une distance de 100 km de Campbellton. Je ne considère pas qu’une supervision de la sorte fût anticipée lorsque la décision de muter la gendarme Ménard à Campbellton, pour un « nouveau départ »
, a été prise. Dans ces circonstances, la GRC a créé une situation où l’échec d’un membre était plus probable que son succès. Je considère que les conclusions, y compris le processus décisionnel, de la Commission et du commissaire concernant la question du jumelage manquent de transparence et d’intelligibilité.
[40]
En ce qui concerne la question de la divulgation des renseignements privés et confidentiels de la gendarme Ménard, il est évident que l’inspecteur Landry et le caporal Jolette se sont fiés sur l’opinion du gendarme Archambault pour former les leurs. La preuve documentaire démontre clairement que le gendarme Archambault a reçu des renseignements privés et confidentiels à propos de la gendarme Ménard et qu’il a utilisé ces renseignements pour former, lui aussi, son opinion sur les aptitudes de celle-ci. Le commissaire a conclu que ces renseignements étaient illégalement transmis au gendarme Archambault. Je suis d’accord avec lui sur ce point. Toutefois, je considère que sa conclusion et son analyse en ce qui concerne l’influence de cette divulgation manquent de transparence et d’intelligibilité. Il est évident que la divulgation eu une influence sur l’opinion du gendarme Archambault à propos de la gendarme Ménard, et que son opinion eu beaucoup d’influence sur l’inspecteur Landry et le caporal Jolette.
VI.
Intitulé de la cause
[41]
La partie défenderesse demande à cette Cour de ne pas désigner la GRC comme défendeur dans la présente instance puisque la GRC n’est pas une entité juridique. Je suis d’accord. Effectivement, la GRC est un ministère du gouvernement fédéral et non une entité juridique. Par conséquent, tel qu’établi par la jurisprudence, elle ne peut être désignée comme partie à une cause (Gravel c. Canada (Procureur général), 2011 CF 832 au para. 6, 393 FTR 219; Sauvé c. Canada, 2010 CF 217 au para. 44, 186 ACWS (3e) 66). Par conséquent, le Procureur général du Canada sera le seul défendeur en l’espèce.
VII.
Conclusion
[42]
Pour ces motifs, la demande de contrôle judiciaire est accordée. Les décisions de la Commission et du commissaire sont annulées. J’ordonne que la cause soit reconsidérée. L’intitulé de la cause sera modifié pour rayer le nom de LA GENDARMERIE ROYALE DU CANADA comme défendeur.
JUGEMENT dans le T-1816-16
LA COUR STATUE que :
La demande de contrôle judiciaire est accueillie avec dépens;
L’ordonnance de la Commission et la décision du commissaire sont annulées;
La question de l’aptitude de la gendarme Ménard sera reconsidérée; et
L’intitulé de l’action est modifié pour rayer le nom de LA GENDARMERIE ROYALE DU CANADA comme défendeur.
« B. Richard Bell »
Juge
ANNEXE A
ANNEXE B
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ANNEXE C
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COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER :
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T-1816-16
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INTITULÉ :
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ANIKE MÉNARD c. LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA
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LIEU DE L’AUDIENCE :
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Montréal (Québec)
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DATE DE L’AUDIENCE :
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LE 30 août 2018
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MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT :
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LE JUGE BELL
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DATE DES MOTIFS :
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LE 17 décembre 2018
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COMPARUTIONS :
Me Caroline Chrétien
Me Jean-François Longtin
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Pour la demanderesse
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Me Nadia Hudon
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Pour les défendeurs
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AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Bélanger Longtin
Montréal (Québec)
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Pour la demanderesse
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Procureur générale du Canada
Montréal (Québec)
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Pour les défendeurs
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