[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]
Ottawa (Ontario), le 28 novembre 2018
En présence de madame la juge McVeigh
demanderesse
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I.
Introduction
[2]
La demanderesse, Michelle Good (Mme Good), qui est membre de la bande de Red Pheasant, vit en Colombie‑Britannique. Elle demande à la Cour de procéder au contrôle judiciaire de l’élection, en application de l’article 30 de la Loi sur les élections au sein de premières nations, LC 2014, c 5 (la LEPN).
[5]
Il est possible de comprendre la teneur des allégations à partir du dernier paragraphe des observations faites par Mme Good dans son mémoire des faits et du droit. Au paragraphe 189, elle affirme ce qui suit :
Les défendeurs de Red Pheasant ont fait tout ce qui était en leur pouvoir pour faire entrave au présent appel par d’infâmes manœuvres. Il est raisonnable de conclure que de tels actes de corruption et d’intimidation sont des gestes désespérés ou arrogants posés par des personnes déterminées à dissimuler leurs manœuvres frauduleuses lors de l’élection de Red Pheasant en 2016.
[6]
Dans l’avis de demande (l’avis), Mme Good ne demande aucun redressement, mais sollicite plutôt neuf jugements déclaratoires différents, ainsi qu’une ordonnance exigeant la tenue d’une nouvelle élection. Dans cet avis, elle demande également que des observateurs électoraux soient engagés, aux frais du ministre, pour s’assurer que l’élection est légalement convoquée et que des observateurs soient présents à tous les bureaux de vote par anticipation afin d’empêcher que des bulletins de vote postaux soient distribués frauduleusement.
[7]
Dans son mémoire des faits et du droit, Mme Good demande les mesures de redressement suivantes :
[traduction]
197. Une conclusion selon laquelle les défendeurs Clinton Wuttunee, Mandy Cuthand, Henry « Boss » Gardipy, Garry Sauve Nicotine, Shawn Wuttunee, Dana Falcon et Lux Benson se sont livrés à des manœuvres frauduleuses, en contravention des alinéas 14b) et c) et 16a), c), d) et e) de la LEPN, ce qui fait d’eux des candidats inadmissibles en vertu de la LEPN et les rend passibles des peines prévues dans cette dernière.
[9]
Je rejette la demande pour les motifs exposés ci‑après.
II.
Le contexte
[10]
Mme Good a interjeté appel lors des trois dernières élections. Il s’agit du premier appel interjeté en vertu de la LEPN.
[12]
Le juge Russell a examiné les allégations selon lesquelles la déléguée et le président d’élection ont tous deux soulevé une crainte raisonnable de partialité et la déléguée a agi d’une manière inéquitable sur le plan procédural. Mme Good a également soutenu que la déléguée a tenté de tromper la Cour en livrant un faux témoignage. Le juge Russell a conclu ce qui suit :
[93] Je tiens toutefois à préciser que ma décision ne signifie pas que je crois le chef Baptiste coupable d’avoir participé à l’achat de votes à l’occasion de l’élection 2014 ni qu’il aurait été déclaré coupable d’avoir participé à une telle manœuvre si l’Unité des élections n’avait pas commis d’erreurs susceptibles de révision. Ma décision signifie simplement que l’Unité des élections n’a pas traité cet aspect de l’appel de la demanderesse adéquatement ni conformément à la Loi et au Règlement.
[14]
En ce qui concerne l’affaire qu’il me faut maintenant trancher, l’appel de cette élection est régi par le régime législatif de la LEPN. La LEPN prévoit un processus législatif, qui permet aux Premières Nations et aux collectivités autochtones d’élire les membres de leur conseil de bande. Le processus prévu par la LEPN fonctionne en parallèle et en complément avec les autres processus établis au paragraphe 74(1) de la Loi sur les Indiens, LRC, 1985, c I5 (la Loi sur les Indiens).
[15]
La LEPN est une loi relativement nouvelle, qui est entrée en vigueur en avril 2015, tout comme le règlement connexe, à savoir le Règlement sur les élections au sein de premières nations, DORS/201586 (le règlement d’application de la LEPN). Pour tomber sous le coup de ces dispositions, une RCB appropriée, qui précise que la bande souhaite voir ses élections régies par la LEPN, doit être soumise au ministre. Le ministre ajoute ensuite le nom de la Première Nation à l’annexe de la LEPN.
[17]
Le 12 avril 2016, après que les résultats de l’élection eurent été dévoilés, Mme Good a présenté à la Cour fédérale une demande de révision de l’élection, en vertu de l’article 30 de la LEPN. Elle a également allégué, dans son mémoire des faits et du droit, que l’élection et le processus électoral contrevenaient à de nombreuses dispositions de la LEPN, notamment aux alinéas 14b), c), d) et e), 16a), b), c), e) et f), 17b) et 19a) ainsi qu’à l’article 18, et a soutenu que le président d’élection n’avait pas respecté le paragraphe 24(1).
[19]
Il convient de souligner que dans son mémoire des faits et du droit (voir le par. 7 ci‑dessus), la demanderesse demande des mesures de redressement différentes de celles sollicitées dans l’avis. Dans son mémoire des faits et du droit, elle sollicite un jugement déclarant que plusieurs défendeurs ont violé les alinéas 14b) et c) et 16a), b), c), d) et e), tandis que dans l’avis de demande, elle prétend en plus que les alinéas 14d) et e), 17b) et 19a) et l’article 18 ont été violés lors de l’élection, mais ne fait pas mention de l’alinéa 16a).
[20]
Les parties ont procédé à ce qui peut seulement être décrit comme une gestion de l’instance, et les pourparlers entre elles se sont poursuivis pendant de nombreux mois, sans grand progrès. Dans l’ensemble, dans le cadre de la procédure de gestion de l’instance, les parties n’ont pas réussi à s’entendre sur un grand nombre de points, et lors de l’audition de la demande de contrôle judiciaire, un certain nombre de questions étaient toujours en litige.
III.
Requêtes préliminaires et questions en litige
[22]
La requête de la demanderesse visant l’autorisation de déposer des affidavits complémentaires, en vertu de l’article 312 des Règles des Cours fédérales, DORS/98106 (les Règles), a été accueillie. Les requêtes déposées par le procureur général (le PG) et la Première Nation de Red Pheasant, à titre de défenderesses, en vertu de l’article 302 des Règles, ont été accueillies. Par conséquent, l’audience a porté uniquement sur l’appel des résultats de l’élection. Lors de l’audience, une décision a été exposée de vive voix en ce qui concerne ces deux requêtes, tel qu’il est résumé ci‑dessous, et une ordonnance a été rendue à cet effet le 3 avril 2018.
A.
L’article 302
[23]
Dans la requête déposée en vertu de l’article 302, les défendeurs ont soutenu que Mme Good, dans sa demande, soulève de multiples questions à l’encontre de plusieurs entités et formule 10 demandes de redressement distinctes. Le 3 janvier 2017, la Première Nation défenderesse a déposé un avis de requête invoquant l’article 302. Le 27 janvier 2017, le PG a présenté un avis de requête en accord avec les observations de la Première Nation défenderesse concernant l’article 302. La Première Nation et le PG ont toutes deux présenté des observations, lors de l’audience, relativement à la requête déposée en vertu de l’article 302.
[25]
Mme Good a soutenu que la décision du PG d’ajouter le nom de la bande à l’annexe de la LEPN, après avoir reçu la RCB, faisait partie intégrante du processus électoral et que la requête déposée en vertu de l’article 302 devrait donc être rejetée. Selon l’argument de Mme Good, en autorisant la Première Nation de Red Pheasant à procéder en vertu de la LEPN, le PG a manqué à son obligation de consulter.
[26]
Le PG a soutenu, à l’inverse, que la décision du ministre concernant l’annexe de la LEPN est entièrement distincte des autres questions en litige dans la demande et que, par conséquent, la partie de la demande portant sur ces dernières devrait être abandonnée.
[27]
Le PG a soutenu que le 15 novembre 2015, le bureau régional de la Saskatchewan d’AANC a reçu une RCB de la Première Nation de Red Pheasant, demandant au ministre d’ajouter le nom de la Première Nation à l’annexe de la LEPN. En ce qui concerne cette requête, Mme Good a contesté la décision du conseil de bande de Red Pheasant d’opter pour la tenue d’une élection en vertu des dispositions de la LEPN.
[29]
La Cour fera une exception à l’article 302 dans les cas où un demandeur conteste une ligne de conduite continue découlant de la décision d’une même instance (Mahmood c Canada, [1998] ACF no 1345, au par. 10; Lessard‑Gauvin c Canada (Procureur général), 2016 CF 227).
[30]
En l’espèce, je conclus que Mme Good conteste de multiples décisions qui ne découlent pas des décisions d’une même instance. Je n’accepte pas l’argument de cette dernière selon lequel il n’y a qu’une seule décision officielle à examiner.
[31]
Il s’agit ici d’une question de fait complètement différente de celle examinée dans la décision Shotclose c Première Nation Stoney, 2011 CF 750 (Shotclose), sur laquelle Mme Good s’est appuyée dans ses observations. Dans Shotclose, les demandeurs ont contesté non pas une décision précise du chef et des conseillers, mais plutôt l’ensemble des décisions et des mesures prises par ces derniers, qui expliquent le défaut de tenir convenablement des élections en 2010. Cette situation se distingue clairement, d’un point de vue factuel, des multiples décisions que Mme Good souhaite voir examiner, dans la mesure où cette dernière a d’abord demandé le contrôle judiciaire de la décision de l’ancien chef, de la décision du ministre d’ajouter le nom de la Première Nation de Red Pheasant à l’annexe de la LEPN, des mesures prises par le président d’élection (demande que Mme Good a par la suite abandonnée), de celles prises par le chef actuel et de la nature entachée de corruption de l’élection proprement dite.
[32]
En outre, la demanderesse a déposé sa demande le 13 avril 2016, bien après le délai réglementaire de 30 jours [Loi sur les Cours fédérales, par. 18.1(2)] imparti pour présenter une demande de contrôle judiciaire à l’égard des autres décisions. Toutefois, j’attire l’attention sur le fait que ce facteur n’est pas déterminant dans la présente décision, étant donné que la demande n’est pas liée à une décision ou à une ordonnance du tribunal [Friends of the Oldman River Society c Canada (Ministre des Transports), [1992] 1 RCS 3].
[33]
Je conclus que la seule décision qui fera l’objet d’un contrôle est celle liée à l’élection du 18 mars 2016, soit la décision mentionnée dans l’avis de demande présenté en vertu de la LEPN et du règlement d’application de la LEPN pertinent. L’avis de demande de Mme Good a été déposé aux termes de l’article 30 de la LEPN, qui ne porte que sur la validité de l’élection tenue sous le régime de cette dernière.
B.
L’article 312
[35]
Mme Good a présenté une requête en vue de déposer les affidavits complémentaires et la transcription des contre‑interrogatoires des personnes suivantes : Sandra Arias, datés du 9 février 2017; Michelle Good no 6, datés du 17 janvier 2017; Elsie Wuttunee no 2, datés du 16 janvier 2017; Eldon Wuttunee, datés du 16 janvier 2017; le chef Clinton Wuttunee, datés du 22 janvier 2018; Dana Falcon, datés du 22 janvier 2018.
C.
Désistement à l’égard des parties
[41]
L’avocat représentant le reste des défendeurs a demandé que l’action soit abandonnée à l’égard des personnes suivantes : Howard McMaster (décédé), Sabrina Baptiste, Larry Wuttunee, l’ancien chef Stewart Baptiste Jr, Shawn Wuttunee, Ryan Buglar et la Première Nation de Red Pheasant. Mme Good a accepté de se désister de son action à l’égard d’Howard McMaster, de Ryan Bugler, de Sabrina Baptiste et de la Première Nation de Red Pheasant.
[43]
Je n’entendrai aucun des arguments ni ne tirerai aucune conclusion au sujet de la preuve déposée contre Howard McMaster (décédé), étant donné que l’action intentée contre lui a été abandonnée.
IV.
La question en litige
[45]
La question en litige est la suivante :
V.
Les règles de droit
[46]
Les dispositions pertinentes de la LEPN sont les suivantes :
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Le but de la LEPN est de permettre aux collectivités autochtones du Canada de disposer d’autres processus électoraux. Comme cette loi n’a été adoptée qu’assez récemment, elle n’a pas fait l’objet jusqu’à maintenant d’une appréciation très poussée de la part des tribunaux.
[49]
Les jugements cités précisent le critère prévu par la loi, qui doit être respecté pour invalider une élection, en vertu de l’article 31 et du paragraphe 35(1) de la LEPN. Pour satisfaire à ce critère, la demanderesse doit démontrer qu’une disposition a été violée et que cette violation a vraisemblablement influé sur le résultat de l’élection. Les contraventions qui ne sont pas susceptibles d’en avoir influencé le résultat n’entraîneront pas l’invalidation de cette dernière. La norme de preuve requise pour remplir ce critère est celle de la prépondérance des probabilités (Papequash, au par. 33; McNabb, au par. 36).
[26] Il ressort clairement des motifs dissidents de la Cour suprême, dans l’arrêt Opitz, que la présomption de régularité se reflète dans le fardeau de la preuve et la charge de présentation qui incombent au demandeur de démontrer qu’une contravention ayant vraisemblablement influé sur le résultat d’une élection a été commise. Reprenant le libellé de la Loi électorale du Canada, la juge en chef McLachlin, s’exprimant au nom de la minorité, a expliqué ce qui suit :
[169] Les résultats électoraux bénéficient d’une « présomption de régularité » : Dewdney Election Case, 1925 CanLII 314 (BC CA), [1925] 3 D.L.R. 770 (C.A.C.‑B.), p. 771. Cette présomption est en accord avec le fait qu’il incombe au requérant d’établir, selon la prépondérance des probabilités, l’existence d’« irrégularité[s] [...] ayant influé sur le résultat de l’élection » : voir Beamish, par. 39.
[23] Le fardeau de la preuve : Pour faciliter l’application du fardeau de la preuve consistant à déterminer si une contravention à la LEPN a vraisemblablement influé sur le résultat de l’élection, le cadre établi par le juge Rothstein, au paragraphe 61 de l’arrêt Opitz, concernant la Loi électorale du Canada est révélateur. Premièrement, le demandeur doit établir une preuve prima facie d’irrégularité (ou, en l’espèce, de « contravention »), laissant au défendeur la possibilité de réfuter l’allégation de contravention ou de démontrer que la contravention n’a vraisemblablement pas influé sur le résultat de l’élection.
[53]
Dans l’arrêt Opitz, les juges majoritaires n’ont examiné que la question des « irrégularités »
. Le type de contravention est donc important et pertinent.
[54]
Ce ne sont pas toutes les contraventions qui justifient de procéder à l’invalidation de l’élection. Tel qu’il a été mentionné au paragraphe 34 du jugement Papequash, dans les causes impliquant des questions procédurales de nature technique, une approche mathématique prudente, comme le critère du « nombre magique inversé »
, peut être adoptée pour établir la probabilité qu’un résultat différent soit obtenu. Par ailleurs, dans les cas où des allégations de fraude ont été formulées, une annulation « peut être justifiée, peu importe le nombre de votes valides prouvé »
. Au paragraphe 34 du jugement Papequash, le juge Barnes a soutenu que cette dernière situation s’avère « particulièrement vrai[e] lorsque des allégations d’achat de votes sont soulevées […] »
.
[55]
Compte tenu de l’examen effectué par le juge Barnes et la Cour d’appel de la Saskatchewan, il convient également de se rappeler que la Cour conserve le pouvoir discrétionnaire d’invalider des élections, même dans les cas entachés de fraude ou d’autres formes de corruption. Dans l’arrêt Opitz, par exemple, les juges majoritaires ont déclaré que l’annulation d’une élection priverait de leur droit de vote non seulement les électeurs dont le vote a été rejeté, mais aussi tous les électeurs ayant voté. Par conséquent, en supposant que le critère à deux volets requis pour démontrer qu’il y a eu contravention à la LEPN ait été rempli, la Cour doit exercer son pouvoir discrétionnaire avec circonspection avant d’invalider une élection.
VI.
Analyse
A.
La preuve
[58]
Malheureusement, les nombreux affidavits produits, qui comprennent des affidavits expurgés, des affidavits complémentaires et des affidavits déposés en retard, augmentent la complexité du dossier dont j’ai été saisie.
[59]
Les documents déposés contiennent, au total, environ 52 affidavits et font mention de 27 contre‑interrogatoires. Au début de l’audience, ce dossier de preuve a été examiné à fond, puisque le protonotaire n’avait pas autorisé un certain nombre d’affidavits et que certains éléments de preuve avaient été retirés. Les 52 affidavits comprennent 2 versions expurgées des affidavits précédents produits par les déposants concernés. Le dossier comprend également de multiples contre‑interrogatoires de plusieurs déposants concernant divers affidavits. Par exemple, il contient 6 affidavits de Michelle Good, qui n’ont pas tous été déposés correctement devant la Cour ou numérotés convenablement. Tout cela rend l’affaire d’autant plus complexe et les faits inutilement difficiles à concilier.
[61]
Une liste des affidavits et de l’état de chacun, qui peut, au mieux, être déterminé, en dépit des difficultés signalées ci‑dessus, est fournie à l’annexe A.
[63]
Je constate également qu’aucune preuve indépendante ou corroborante n’a été présentée à l’appui de l’allégation du demandeur selon laquelle bon nombre des affidavits ont été rédigés à des fins intéressées, avec des intentions malveillantes.
[65]
La juge Schwann appuie plus avant cette façon de faire dans la décision Cyr, au paragraphe 74, où elle indique que le fait de tirer une conclusion négative de l’absence d’un témoin transférerait au défendeur le fardeau de la preuve imposé par la loi. Je conclus qu’en vertu de la loi et de la jurisprudence pertinente, le fardeau de preuve incombe à la demanderesse, conformément à la conclusion tirée au paragraphe 50 de la décision Cyr. J’examinerai la preuve présentée par les déposants qui n’ont pas été contre‑interrogés de la même façon que celle produite par ceux qui l’ont été.
B.
Les allégations
[66]
Dans son mémoire des faits et du droit, Mme Good n’a pas décrit les incidents particuliers ni présenté les éléments de preuve correspondants, qui permettraient d’établir une preuve prima facie répondant au critère selon lequel une contravention « a vraisemblablement influé sur »
le résultat de l’élection. Au lieu de cela, Mme Good a dressé une liste ouverte des faits se rapportant aux « manœuvres frauduleuses »
qui ont été exécutées à Red Pheasant, a présenté des preuves de type « il a dit, elle a dit »
et a porté des accusations générales concernant des actions qui contreviendraient aux dispositions pertinentes de la LEPN. Je vais tâcher de démêler cet imbroglio d’affidavits et de contre‑interrogatoires se rapportant à chaque allégation afin d’en arriver à une conclusion. Cela aussi est inacceptable et a rendu la procédure longue et complexe.
[67]
Conformément à la LEPN et à la jurisprudence pertinente, la question qu’il me faut trancher consiste à déterminer si, selon la prépondérance des probabilités, l’acte prohibé a bel et bien été commis. Si je conclus que ce dernier a bien été perpétré, je dois décider si la contravention a influé sur le résultat de l’élection. Mme Good a retiré les allégations formulées à l’endroit d’Howard McMaster, de sorte que, tel qu’il a été mentionné ci‑dessus, je n’examinerai aucune des allégations le concernant. Je n’examinerai pas, non plus, les éléments de preuve se rapportant à l’une ou l’autre des parties à l’égard desquelles l’action a été abandonnée ni ceux liés à des décisions autres que la décision de 2016.
[68]
Dans l’intérêt de la justice, j’ai schématisé, de façon générale, les allégations particulières que la Cour est appelée à examiner, d’après les observations écrites et orales présentées. Je dois tirer mes conclusions en me fondant sur ces allégations particulières.
C.
Les éléments de preuve particuliers
(1)
Jeffery Tisnic (Meechance)
[70]
Jeffery, né le 5 février 1997, est également connu sous le nom de « Jeffery Meechance »
, « Jeffery Tisnic Meechance »
ou « Jeffery Tisnic »
(Jeffery). Jeffery a déposé un affidavit à l’appui de l’appel. Il a été contre‑interrogé concernant cet affidavit le 10 février 2018.
[71]
Lors du contre‑interrogatoire, il vivait à Edmonton ou dans les environs et assurait la direction de restaurants Tim Hortons depuis environ trois ans. Jeffery a déménagé à Edmonton pour occuper ce poste chez Tim Hortons quelque temps après la tenue de l’élection. Avant de s’établir à Edmonton, il a habité à Saskatoon ou dans les environs, où il a terminé sa 12e année.
[72]
Lors de l’élection, Jeffery a voté au moyen d’un bulletin de vote postal et prétend avoir été payé pour le faire par Gary Nicotine (Gary). Lors du contre‑interrogatoire, il a également affirmé que Gary n’a jamais offert aucun soutien, ni à lui ni à sa famille, que ce soit sous forme de produits alimentaires ou d’une aide financière, mais que le chef Clinton Wuttunee (chef Clinton) l’a fait. Jeffery a toutefois déclaré que le chef Clinton lui a offert une aide financière dans le seul but d’acheter des votes et qu’il ne lui a fourni aucune autre forme de soutien financier. Jeffery a affirmé que Mandy Cuthand (Mandy) lui a versé une somme de 40 $ par transfert électronique pour acheter son vote et que Henry Gardipy (Henry) lui a donné, pour ce faire, entre 60 $ et 100 $.
[73]
À la page 297 de la transcription versée au dossier, Jeffery a déclaré ce qui suit :
R. – Et bien, je suis sorti avec mon bulletin de vote, mais je ne l’ai pas laissé le prendre, et il m’a alors donné entre 60 $ et 100 $. Je ne sais plus trop combien vu que c’était il y a 2 ans, mais – oui. Je ne l’ai pas laissé le prendre. Il essayait de le prendre, mais je ne l’ai pas laissé faire.
R. Oui, parce que je savais que je pourrais en tirer plus d’argent, si j’obtenais plus de « X », en effet.
Q. D’accord. Vous essayiez donc de vendre votre bulletin de vote.
Q. Mme Good – Il a posé la question, avez‑vous envoyé un message texte au chef et à tous les conseillers actuels?
Q. Ce n’était pas si difficile de répondre à la question, n’est‑ce pas?
…
[76]
Sur Facebook, Jeffery a soi‑disant tenté de mettre au jour la corruption présente au sein de la Première Nation de Red Pheasant. Il termine sa publication avec les mots‑clics #IdleNoMore, #NoMoreCorruption, #Decolonize et #SetThemUp, comme le montre la pièce C de son affidavit. Le mot‑clic #SetThemUp semble indiquer le désir potentiel de nuire à la réputation des parties concernées, ce qui est vraiment troublant.
[77]
Même s’il s’agissait là de son premier vote, Jeffery a décidé qu’il essaierait de le vendre pour en tirer de l’argent, et il ne semblait pas regretter son geste. Au cours du contre‑interrogatoire, Jeffery a été invité à indiquer comment il en est venu à adopter cette stratégie, qui l’a amené à communiquer avec les candidats pour leur vendre son vote. Il a répondu ce qui suit :
R. – C’est une façon de faire de l’argent. Nous ne pensions pas que c’était mal. Nous devions survivre. Nous devons nous nourrir et mettre de l’essence dans nos voitures. Les gens ne savaient pas que c’était mal.
[78]
En outre, Jeffery a été interrogé concernant la façon dont Henry a aidé Raelynn (la sœur de Jeffery) et lui à déménager d’une maison à l’autre. Bien que Jeffery ait admis ce fait, il a également déclaré qu’il n’avait aucune idée que ces personnes aidaient sa famille depuis des années.
[79]
Jeffery a également déclaré, lors du contre‑interrogatoire, qu’il s’est fait exploiter parce qu’il votait là pour la première fois.
[81]
Jeffery a également été contre‑interrogé en ce qui concerne un message texte qu’il a envoyé au chef Clinton afin de lui demander de l’argent pour payer les frais funéraires de son père. Mme Good s’est opposée à cette série de questions, étant donné que les messages textes ne faisaient pas partie des pièces jointes à l’affidavit de Jeffery. Je constate que les messages en question ont été ajoutés aux pièces à l’appui de son contre‑interrogatoire. Jeffery a soutenu que les messages auxquels il est fait référence dans le contre‑interrogatoire n’ont jamais été transmis. Je n’ai aucune preuve qu’ils n’ont pas été envoyés et, en fait, les défendeurs les ont produits pour que le tribunal en déduise qu’ils l’ont bel et bien été. Ce manque de cohérence par rapport à la preuve documentaire porte, une fois de plus, atteinte à la crédibilité de Jeffery en tant que témoin.
[82]
Les contradictions importantes relevées dans le témoignage de Jeffery, au cours du contre‑interrogatoire, sont encore plus frappantes lorsqu’elles sont examinées par rapport au témoignage du chef Clinton et à celui livré par Henry lors du contre‑interrogatoire.
[83]
Les témoignages livrés par ces personnes ne peuvent pas aussi facilement être décrits comme étant une preuve intéressée, présentée pour le compte des défendeurs; les témoignages contradictoires livrés par ces deux personnes sont plutôt corroborés par la documentation produite en preuve. Par exemple, Jeffery a envoyé un message texte au chef Clinton le 10 avril 2018, dans lequel il affirme [traduction] « [...] vous aidez réellement les gens. C’est la première fois qu’un chef agit de la sorte. Je vous suis reconnaissant de toute l’aide que vous nous apportez, à moi et à ma famille, de même qu’à mes proches. »
Lorsqu’il a été contre‑interrogé à ce sujet, Jeffery s’est montré évasif et a déclaré n’avoir jamais écrit ce message. Le fait qu’il a donné une telle réponse, alors qu’il était sous serment, met encore plus en doute sa crédibilité.
[84]
Jeffery en a même profité pour faire de fausses déclarations concernant des faits non importants. Par exemple, il a déclaré qu’Henry est un membre de sa famille, mais lorsqu’il a été interrogé à ce sujet dans le cadre du contre‑interrogatoire, il n’a pu expliquer leur lien de parenté.
[85]
Gary a affirmé, dans son témoignage, qu’il est un ami de la mère de Jeffery et qu’il vient en aide à sa famille depuis des décennies. Comme l’a déclaré Gary lorsqu’il a été contre‑interrogé à ce sujet, il leur a offert des ressources financières et d’autres formes d’aide, et il estimait que ces formes d’aide faisaient partie de son travail de conseiller. Gary a affirmé n’avoir jamais donné à Jeffery une liste des candidats pour lesquels voter.
R. Je lui ai donné 100 $ pour l’épicerie et tout ce qu’il voulait pour lui et son petit ami qui était là, à l’époque. Il a dit qu’ils n’avaient pas assez d’argent pour… pour faire l’épicerie. J’aidais Jeffery et sa famille tous les jours; je lui fournissais du tabac, je conduisais sa mère à l’épicerie, je conduisais Jeffery partout où il devait se rendre, peu importe où il habitait, alors j’étais juste… je crois que c’était juste un autre… une autre de ces journées, vous savez, où j’ai aidé... où je suis venu en aide à un jeune homme de 18 ans...
R. Et bien, il voulait de l’aide pour pouvoir assister aux funérailles de son père. Ce dernier était décédé, alors nous lui avons offert une AMB de la part de la bande.
R. Une aide aux membres de la bande. Je crois qu’il a eu droit à un chèque de 400 $ pour se rendre là‑bas et en revenir. Vous savez, nous l’avons aidé en cette période de deuil.
[89]
Jeffery a refusé d’admettre que sa famille ou lui a déjà reçu un quelconque soutien, ce qui est donc contredit par les témoignages de Henry, du chef Clinton et de Gary. La preuve produite en contradiction avec l’exposé des faits de Jeffery est corroborée par des messages textes.
[90]
L’allégation de Jeffery selon laquelle il se faisait à un tel point intimidé qu’il a dû déménager à Edmonton a été contredite par son propre témoignage lors du contre‑interrogatoire, au cours duquel il a reconnu avoir déménagé à Edmonton pour un emploi. Il ne semble assurément pas facile à intimider, d’après le comportement qu’il a manifesté dans ses messages textes, sur Facebook et lors de son contre‑interrogatoire.
[91]
Il y a eu des discussions sur le fait que Jeffery n’a pas été appelé à comparaître pour un contre‑interrogatoire. Rien n’en résulte à ce stade‑ci, étant donné qu’il a finalement été contre‑interrogé, mais je tiens à le mentionner uniquement pour montrer que les problèmes liés à sa crédibilité sont mis en évidence par son manque de respect général pour le processus judiciaire. Les défendeurs soutiennent que, contrairement à ce qu’a affirmé Mme Good, ils n’ont jamais refusé d’interroger Jeffery et que cela défie toute logique que le chef Clinton paie une chambre à ce dernier pour qu’il puisse se présenter à son contre‑interrogatoire et qu’ensuite, il ne le contre‑interroge pas.
Q. M. Stooshinoff : Vous avez dit avoir ri aux éclats, de manière hystérique. N’est‑ce pas là le terme que vous avez utilisé Jeffery? C’était hystérique?
R. – Demandez à Lux de le lire. On verra s’il sait lire… je plaisante.
Mme Good : Restez calme. Tout va bien. Restez calme, d’accord. Faites juste lire…
R. À vrai dire, je vais le lire, la seule personne éduquée dans cette putain de pièce, celle qui a abandonné ses études.
[93]
Plus tard au cours du contre‑interrogatoire, Jeffery a formulé une remarque désobligeante, en faisant allusion à l’épouse de l’avocat des défendeurs, décédée peu de temps auparavant. Mme Good a dû intervenir de nouveau ici, mais un tel comportement est honteux et démontre plus avant que Jeffery est un déposant peu fiable, sans trop de conscience :
Q. Avez‑vous demandé au chef : (tel qu’il a été lu) Pourriez‑vous m’aider en me donnant 40 $, chef?
R. Cela ressemble à une fraude, car tous ces messages sont frauduleux.
Mme Good : Je ne vois aucun numéro de téléphone ou quoi que ce soit du genre, n’est‑ce pas?
Q. Accrochez‑vous à ce maigre espoir. Il vous permettra peut‑être d’éviter de vous parjurer.
R. Il n’est pas question de parjure. Ceci est inexact. Le numéro de téléphone – un courriel est indiqué, pas un numéro de téléphone, Shirpinoff (sic). Je suis tellement désolé, si vous aviez une femme, oh mon Dieu! (dit dans une langue étrangère)
Mme Good : Ne dites pas cela. Ne parlez pas de cela.
R. Ce n’est pas mon problème. Je suis ici pour parler de cet affidavit, pas de lui.
[94]
Au cours du contre‑interrogatoire de Mandy Cuthand, Mandy a déclaré avoir donné 40 $ à Jeffery pour qu’il achète de l’essence. Après cette discussion concernant les 40 $, Jeffery a commencé à parler des bulletins de vote et des « X »
, et Mandy a alors cessé de lui parler. Le message texte indiquait : [traduction] « C’est Jeffery Meechance, l’autre fils d’Adeles. Je me demandais si vous pouviez me prêter 40 $. J’essaie d’obtenir des fonds; on m’a demandé de me rendre à Kamsack pour organiser une cérémonie. Aussi, je vote pour vous. Vous avez mon “X”, d’accord? »
[95]
Selon le témoignage de Mandy, ce dernier a transféré électroniquement le montant de 40 $ à Jeffery le 17 février 2016, et Jeffery lui a ensuite demandé, au cours de cette même journée, de lui verser 50 $ en échange de son vote et de ceux de sa mère et de sa sœur. Mandy a indiqué qu’il n’a pas répondu à cette seconde demande. Je choisis de croire l’explication donnée par Mandy, qui a affirmé avoir donné 40 $ à Jeffery le 17 février 2016 pour qu’il achète de l’essence, et non pour acheter son vote.
[96]
Les messages textes contiennent de nombreuses demandes de Jeffery, qui cherche à obtenir de l’argent pour acheter des manuels scolaires et de l’essence. Bien que la pièce contenant les messages textes ne comporte pas de numéros de téléphone, il est utile de fournir un élément de preuve supplémentaire, qui permet de corroborer ce que le chef et les conseillers ont dit et de conclure que Jeffery n’est pas crédible.
(2)
Nisha Wuttunee
[98]
Nisha Stewart Wuttunee (Nisha), qui a témoigné pour la demanderesse, a déposé quatre affidavits, dont l’un d’eux annule les trois autres. Il a par la suite été contre‑interrogé, en date du 30 octobre 2017.
[99]
À la suite du retrait de ses affidavits, j’ai été saisie de l’affidavit no 6 de Mme Good, qui décrit les circonstances dans lesquelles Nisha a produit ces affidavits. L’affidavit d’Eldon Wuttunee (Eldon), qui se considère comme l’oncle de Nisha [traduction] « selon les coutumes cries »
, permet de corroborer les dires de Mme Good et contraste avec le compte rendu présenté par Nisha dans l’affidavit no 4, ce qui est également le cas de l’affidavit de son épouse, [traduction] « tatie »
Elsie Wuttunee (Elsie).
[101]
D’après le compte rendu présenté par Nisha dans l’affidavit no 4, à la suite de l’élection tenue au sein de la bande en 2016, Elsie l’a contacté au sujet de l’appel des résultats électoraux. Elsie a dit craindre que le chef et les conseillers aient l’intention de déposséder les propriétaires de terres ancestrales de leurs biens. Dans l’affidavit qu’il a produit pour annuler les autres, Nisha a juré avoir été induit en erreur par Elsie et Mme Good au sujet de la politique sur les terres ancestrales proposée par le chef Clinton. Après s’être entretenu avec le chef Clinton le ou vers le 6 septembre 2016, il était plutôt d’avis que le chef et les conseillers orientaient la Première Nation de Red Pheasant dans la [traduction] « bonne direction »
. Il conteste l’affirmation de Mme Good selon laquelle il a retiré ses affidavits précédents parce qu’il a été [traduction] « acheté »
par le chef et les conseillers, et il a produit des messages textes comme preuves à l’appui.
[102]
Nisha vit avec sa grand‑mère, dans la maison de cette dernière dans la réserve, tout comme son oncle et son père. Dans l’affidavit no 1 de Nisha, ce dernier affirme que sa grand‑mère est atteinte de démence et que son oncle souffre d’une grave déficience intellectuelle. Nisha a déclaré qu’ils ne sont à aucun moment restés seuls ce jour‑là; pourtant, le président d’élection a affirmé qu’il s’est présenté chez eux et qu’ils ont voté, ce qui a été confirmé par l’agent responsable de l’effectif de la bande.
[103]
Dans l’affidavit no 2, Nisha a déclaré que 3 semaines avant l’élection, le chef Clinton lui a transféré électroniquement un montant de 100 $ par l’entremise d’un tiers, étant donné qu’il n’a pas accès à des services bancaires en ligne. Nisha a affirmé, dans son affidavit, que le chef Clinton a dit [traduction] « n’oubliez pas de voter pour moi »
. Il a reçu 50 $ de plus quelques jours avant l’élection, se faisant rappeler une fois de plus de voter pour le chef Clinton, puis a touché un autre montant de 50 $, qui lui a été remis en espèces par le frère du chef Clinton, à qui les fonds avaient été transférés électroniquement. Nisha a également ajouté qu’une rumeur circulait selon laquelle le chef Clinton donnerait 100 $ à quiconque prendrait une photographie de son bulletin de vote montrant un vote en sa faveur. Nisha a affirmé qu’il a pris une photo de son bulletin de vote, mais qu’il n’a jamais reçu d’argent du chef Clinton, étant donné qu’il a voté pour son ami Todd Baptiste, qui était candidat pour le poste de chef. La photographie de son bulletin de vote a été jointe comme pièce à son affidavit, et Nisha a souligné qu’aucune sécurité n’était assurée au bureau de vote pour empêcher la prise de photos. Il a ajouté que l’achat de votes a toujours fait partie des élections de la Première Nation de Red Pheasant.
[105]
Mon examen des messages textes me porte à adopter une interprétation différente. Dans les messages textes déposés en preuve, le chef Clinton demande [traduction] « Et bien, avez‑vous déposé cet affidavit? » et
Nisha répond [traduction] « Je vais sombrer avec vous… Non. »
Clinton demande ensuite [traduction] « En signeriez‑vous un disant que vous n’avez jamais fait cet affidavit?
Je suis en route. »
Nisha a plus tard affirmé que la signature [traduction] « y ressemblait un peu »
.
[106]
Les messages textes réellement échangés n’étayent pas les déclarations faites dans l’affidavit. Aucune mention n’est faite d’une quelconque offre pour savoir si Nisha peut modifier ou non son affidavit. Nisha a texté [traduction] « LOL Captain Morgan Spiced. Textez‑moi quand vous arriverez ici »
, ce à quoi le chef Clinton a répondu [traduction] « JNSP parce que… m’apparaît douteux »
(« JNSP » étant la forme abrégée de « je ne sais pas »).
[107]
Dans l’affidavit no 4, Nisha rétracte les déclarations qu’il a faites précédemment sous serment dans le but de [traduction] « rétablir les faits »
et de fournir une explication quant aux raisons justifiant cette rétractation.
[108]
Tel qu’il a été mentionné précédemment, Nisha a déclaré qu’Elsie l’a contacté et lui a dit que le chef et les conseillers avaient l’intention de déposséder les propriétaires de terres ancestrales de leurs biens, et il l’a crue, étant donné qu’elle a de très bons contacts sur la scène politique. Cela l’a mis en colère, puisque sa famille est propriétaire de quelques‑unes de ces terres ancestrales et qu’il ferait n’importe quoi pour protéger les terres de sa famille.
[109]
Elsie lui a donné le numéro de téléphone de Mme Good et il l’a appelée. Mme Good aurait soi‑disant orienté la conversation vers l’achat de votes, et bien qu’il n’ait pas vendu son vote ni été témoin de l’achat de votes lors de cette élection, il était très contrarié à l’idée que le chef ait l’intention de s’emparer des terres ancestrales. Il a déclaré qu’il a menti en affirmant que sa grand‑mère et son oncle n’avaient pas voté et qu’il n’a pas communiqué avec Howard McMaster, le président d’élection, comme il l’avait prétendu. Il a ajouté qu’Elsie lui a donné de l’alcool et de la nourriture, après qu’il eut signé son premier affidavit.
[111]
Dans l’affidavit no 4, Nisha a affirmé que Mme Good et Elsie lui ont dit de se rendre à la GRC et de déposer une plainte, ce qu’il a fait parce qu’il voulait désespérément sauver leurs terres ancestrales. Nisha a juré qu’il n’a pas subi de pressions de la part du chef Clinton, mais que Mme Good a fait pression sur lui pour qu’il signe les affidavits et qu’il rassemble des gens également prêts à le faire afin de destituer le chef et les conseillers. Il a joint des messages textes pour montrer que Mme Good continuait à faire pression sur lui. Lors du contre‑interrogatoire, il est devenu évident, d’après la preuve, que Nisha souffrait de problèmes de toxicomanie lorsqu’il a signé ses affidavits :
R. Non. Je dis tout cela uniquement parce que j’avais besoin d’argent pour m’acheter de la drogue. C’était là tout l’intérêt de l’affaire.
…
Q. Nous en sommes déjà au paragraphe 8, et vous avez convenu que tout est vrai jusque‑là.
R. Oui, mais tout cela… tout cela n’était que des mensonges pour avoir mon… mon argent pour m’acheter du crack. C’était là la seule raison.
[112]
Nisha a plus tard déclaré qu’il a reçu de l’argent du chef et des conseillers et qu’il était pratique courante pour eux de donner de nombreux articles à leurs électeurs, notamment de l’argent pour des voyages, de la nourriture, de l’essence ou des couches pour bébé. Il a demandé de l’argent au chef Clinton pour aller à Regina voir sa petite amie. Il a ensuite affirmé avoir été payé pour le travail qu’il a fait, de même que pour ne pas s’être présenté à l’interrogatoire préalable, après que le chef Clinton l’y eut conduit et lui eut payé une chambre d’hôtel. Plus tard, il s’est avéré que l’argent qui lui a été donné devait servir à payer une amende afin qu’il puisse récupérer son permis et retourner au travail.
[113]
Le contre‑interrogatoire est révélateur, car il est contradictoire et porte à confusion. Au cours de ce dernier, Nisha a admis qu’il était un grand consommateur d’alcool et qu’il souffrait d’une dépendance au crack. Il a indiqué qu’il était prêt à avancer des preuves pour se procurer de la drogue.
[114]
Dans son affidavit, le chef Clinton parle de Nisha et explique exactement quand et pourquoi il lui a fourni de l’argent. En outre, il a confirmé que les problèmes de dépendance à l’alcool et à la cocaïne de Nisha étaient connus. Dans son contre‑interrogatoire, le chef Clinton a admis avoir donné de l’argent à Nisha, à la demande de ce dernier.
[115]
Il convient de souligner qu’Eldon est le cousin de Mme Good et qu’Elsie est sa femme. Dans l’affidavit no 3, Elsie a confirmé que Nisha est vulnérable, qu’il souffre de toxicomanie, qu’il est sans emploi et qu’il vit dans une extrême pauvreté. Eldon a également confirmé dans son affidavit que Nisha a des problèmes de toxicomanie et qu’il a toujours besoin d’argent pour des choses essentielles, comme de la nourriture. À de multiples occasions, Eldon a donné de l’argent à Nisha pour l’aider.
[116]
Lors de son contre‑interrogatoire, Mme Good a affirmé que Nisha lui a dit avoir reçu 2 000 $ pour signer l’affidavit no 4, qui annulait les autres, et qu’elle a accusé Nisha d’avoir accepté un pot‑de‑vin.
[117]
Malheureusement, la preuve démontre clairement que Nisha est prêt à dire et à faire n’importe quoi pour obtenir de l’argent afin d’entretenir ses dépendances. Je n’accorderai aucun poids aux éléments de preuve présentés par Nisha, puisqu’il n’est pas fiable et qu’il souffre de problèmes de toxicomanie, qu’il a lui‑même admis.
(3)
Argent versé pour aider les membres de la bande dans le besoin
[119]
La pratique qui consiste, pour le chef et les conseillers, à donner de l’argent aux membres de la bande transparaît dans l’ensemble de la preuve. Mme Good affirme que cette pratique ne peut pas être considérée comme une façon [traduction] d’« aider les gens »
, étant donné qu’il s’agit plutôt d’une manœuvre électorale frauduleuse, que ce type de preuve revêt un caractère illicite et qu’un tel comportement est malhonnête.
[120]
D’ailleurs, une des principales allégations qui se retrouve dans plusieurs affidavits tourne autour du fait que de l’argent a été fourni aux membres de la bande par le chef et les conseillers lors de l’élection, de même qu’en lien avec l’appel déposé. Mme Good prétend que tout cela est corroboré par les transferts électroniques enregistrés, de même que par les demandes et les réponses des personnes concernées, comme le démontrent les copies imprimées des messages textes échangés et des conversations entretenues sur Facebook.
[124]
Tous les éléments matériels démontrent également que les gens demandent de l’argent au chef et aux conseillers ou leur envoient des messages textes à cette fin; si le chef ou un conseiller juge la demande légitime, il puise généralement l’argent directement dans ses poches ou dans son compte personnel pour le donner à la personne ou le prend, à l’occasion, dans un des comptes de la bande.
[125]
Cette pratique ne cesse pas lors d’une campagne électorale. Ainsi, le fait qu’un conseiller fournit de l’argent à un membre de la bande peut être perçu ou interprété comme une façon d’acheter un vote ou peut effectivement l’être, même si cette pratique a cours régulièrement en dehors de la période électorale.
Q. Et cela se produit 24 h sur 24, 365 jours par année, n’est‑ce pas?
Q. Et peu importe que vous soyez en période électorale ou non, est‑ce exact?
Q. Vous a‑t‑on demandé de l’argent en période électorale, alors que vous étiez candidate aux élections?
…
Q. …Alors que vous étiez candidate au poste de conseiller, avez‑vous déjà donné de l’argent aux gens pour qu’ils achètent de la nourriture, de l’essence, des couches ou des cigarettes?
…
R. Oui, beaucoup de gens m’ont demandé de l’argent, et ma réponse a toujours été qu’il est très dangereux de demander de l’argent à un candidat pour… et de mentionner les élections. Je leur disais toujours que s’ils avaient besoin d’aide pour acheter de l’essence, je pouvais faire le plein pour eux.
Q. Bien sûr. Mais vous serez d’accord avec moi pour dire que ce n’est pas parce que vous aidiez les membres de votre collectivité…
Q. Avez‑vous demandé de l’argent au chef Wuttunee ou à l’un ou l’autre des conseillers élus?
[129]
Le chef Clinton mentionne ce qui suit au paragraphe 8 de son affidavit no 1 :
Jeffery m’a texté plusieurs fois pour me demander de l’aider financièrement, tout comme le font de nombreux membres de la bande à Red Pheasant. Les étudiants, les mères célibataires et les grands‑mères connaissent tous des difficultés financières et luttent parfois au quotidien, et il arrive souvent que le chef et les conseillers reçoivent quotidiennement des demandes d’aide financière des membres de la bande.
[traduction]
[…] J’ai eu affaire à ces deux personnes à maintes reprises dans le passé, car elles demandaient toujours une aide financière dans le cadre de mon programme.
[131]
En réponse à l’affidavit de Marie Baptiste (Marie), le chef Clinton a déclaré ce qui suit :
[traduction]
12. Le 19 janvier 2016, Marie m’a texté pour me demander de l’aider financièrement, précisant qu’elle avait vraiment besoin que je l’aide. Je l’ai informée que le chef Stewart Baptiste avait dépensé tout le budget du programme Grandir ensemble en août 2015.
13. Marie a indiqué qu’elle avait seulement besoin de 60 $ pour se rendre au travail et en revenir.
14. Le 9 février 2016, elle m’a texté de nouveau pour me demander de l’argent pour l’aider à ramener sa conjointe de Cold Lake parce que cette dernière était tombée malade, ne pouvait pas travailler et avait été hospitalisée.
R. Et bien, c’est juste que nous aidons les gens tous les jours, 365 jours par année, vous savez. Comme hier soir, j’ai reçu des messages textes de membres de la bande à 3 h du matin, qui me demandaient un transfert électronique, vous savez, c’est comme ça tous les jours. Il n’est pas rare que nous aidions les gens pour de l’essence ou toute autre affaire urgente, en leur fournissant de l’argent que nous prenons directement dans nos poches. Il y a toutes sortes de situations d’urgence.
Q. D’accord. Alors l’argent qui a été donné pour de l’essence, est‑ce que cela a été fait dans le but d’acheter un vote?
Q. Bien, dans quel contexte alors est‑ce que cet argent a été donné?
R. Et bien, même en période électorale, la situation est la même tous les jours; les gens demandent de l’aide. Et la bande n’est pas très riche; nous n’avons pas, vous savez, de fonds excédentaires pour juste… vous savez, il faut que ce soit prévu au budget, donc nous devons respecter les budgets et, vous savez, bien souvent, nous donnons de l’argent aux gens que nous prenons dans nos propres poches pour les aider à surmonter leurs difficultés quotidiennes… pour répondre à leurs demandes quotidiennes.
[133]
La preuve par affidavit du défendeur Dana Falcon (Dana) est également pertinente à cet égard. Dana a juré ce qui suit :
[traduction]
2. Pour donner suite à l’affidavit de Marie Wuttunee daté du 20 mai 2016, Marie m’a contacté, le 14 mars 2016, pour me demander personnellement de l’aider financièrement afin qu’elle puisse acheter de l’essence pour se rendre au travail. J’étais en mesure de l’aider et je lui ai fait, à sa demande, un transfert électronique d’un montant de 20 $.
[135]
Le témoignage sous serment d’Henry Gardipy corrobore plus avant cet exposé des faits. Henry a déclaré ce qui suit, au paragraphe 6 de son affidavit : [traduction] «
Je répète qu’en ma qualité de conseiller de bande, j’aide de nombreuses personnes de la Première Nation de Red Pheasant. J’ai aidé Marie par le passé et je continuerai à l’aider dans l’avenir. »
[136]
L’affidavit de Mandy Cuthand est également pertinent. La preuve par affidavit jugée à propos est reproduite ci‑dessous :
[traduction]
Q. Maintenant, pourquoi les gens demandent‑ils de l’argent? Dans quel but?
R. Je vais clarifier cela du mieux que je peux. J’ai vécu là‑bas toute ma vie. Je suis un leader au sein de ma collectivité depuis 18 ans maintenant, et je me suis occupé de différents portefeuilles, dont celui du développement social; j’étais responsable de l’aide sociale. Et je sais… le point est que nous ne recevons pas suffisamment de fonds du gouvernement, dans la mesure où les membres de la bande ne reçoivent que 255 $ par mois, alors que certains d’entre eux ont des enfants, comme trois ou quatre enfants, et qu’ils doivent subvenir aux besoins de ces derniers.
R. Avec ces 255 $ par mois, ils doivent acheter des couches, de la nourriture et les quelques vêtements qu’ils sont en mesure de se procurer. C’est tout ce qu’ils achètent au cours du mois, ce qui explique pourquoi ils s’adressent au chef et aux conseillers et pourquoi nous donnons… nous leur donnons de l’argent, par pure gentillesse en… en notre qualité de leaders. Il y a longtemps, à l’époque où nos ancêtres étaient des chasseurs, ce qui était le cas de mon… mon défunt père et de mon grand‑père, ceux qui subvenaient aux besoins de la collectivité devenaient des leaders en raison de l’aide qu’ils offraient. Cela s’applique maintenant à nous, à notre génération. Maintenant, plus personne ne chasse, mais nous essayons de faire tout ce qui est en notre pouvoir pour aider… financièrement parlant. C’est ainsi que nous aidons nos gens parce qu’ils connaissent des difficultés…
[138]
J’estime qu’il existe des éléments de preuve crédibles à l’appui de la pratique selon laquelle le chef et les conseillers pouvaient fournir et fournissaient de l’argent (en espèces ou par transfert électronique) et d’autres formes d’aide aux membres de la bande, au sein de cette nation peu fortunée, en puisant directement dans leurs poches, en plus d’offrir de l’aide à partir des comptes de la bande.
D.
Analyse des questions en litige
La demanderesse s’est‑elle acquittée du fardeau qui lui incombait de prouver, de façon satisfaisante, que la LEPN a été enfreinte? Si tel est le cas, cela a‑t‑il eu une incidence sur le résultat de l’élection?
a)
Allégation no 1 – Obtenir un appui en remplissant des bulletins de vote en blanc et se joindre à la liste de candidats de l’équipe de Wuttunee (manœuvre frauduleuse)
[140]
Dans son affidavit modifié, Sandra indique que Dana l’a contactée deux semaines avant le 11 mars 2016 pour lui dire que [traduction] « l’équipe de Wuttunee allait gagner et qu’ils avaient des candidats partout qui achetaient des votes »
. Aucun prénom n’est mentionné, mais je présume que « Wuttunee »
fait référence ici au chef Clinton, et non à l’un des autres candidats portant le même nom (comme Keith Wuttunee), qui est également mentionné dans l’affidavit modifié.
[141]
Dans son affidavit modifié, Sandra indique également que le terme « équipes »
est utilisé pour désigner les listes de candidats, auxquelles des noms tels que « Team United »
sont souvent attribués. Dana a prétendument contacté Sandra pour lui demander de se joindre à leur équipe, ce à quoi Sandra a répondu d’une manière qui ne l’engageait à rien.
[142]
Sandra a déclaré ce qui suit (par. 1518) :
M. Wuttunee m’a dit qu’il avait besoin de conseillers actifs et que M. Falcon serait son bras droit. Il m’a indiqué qu’il avait 80 bulletins de vote qui n’avaient pas encore été remplis et qu’ils se réunissaient ce soir‑là pour les remplir. M. Wuttunee et M. Falcon m’ont dit que ces bulletins seraient des votes en ma faveur, si j’acceptais de me joindre à leur équipe. Tout ce que j’avais à faire pour obtenir ces bulletins de vote était de convaincre mes supporteurs de voter pour l’équipe de Wuttunee. Encore là, j’ai répondu d’une manière qui ne m’engageait à rien.
…
Au cours de la dernière semaine avant l’élection, l’offre a d’abord été réduite à 50 bulletins de vote, puis à 30, si je réussissais à convaincre mes supporteurs de voter pour l’équipe de Wuttunee.
Je n’ai pas accepté l’offre. Je n’ai pas réussi à me faire élire au conseil et j’ai perdu par un écart de 30 voix.
[144]
Mme Good a créé et produit un résumé des bulletins de vote de type 8C déposés en personne. J’ai autorisé Mme Good à produire ce résumé, malgré le fait que les défendeurs s’y sont opposés. Au cours des plaidoiries, il s’est avéré que le résumé présenté par Mme Good ne correspondait pas avec les bulletins de vote figurant réellement au dossier. Mme Good a alors choisi de retirer ce résumé.
Q. Très bien. Et avez‑vous des preuves que Dana Falcon parlait des bulletins de vote physiques plutôt que de vous donner des votes pour vous appuyer?
Q. Je ne fais que poser la question.
R. J’aurais eu la preuve qu’il fallait si j’étais allée les rencontrer ce soir‑là, plus tard dans la soirée.
Q. J’aurais dû, j’aurais pu, j’aurais eu… mais vous n’avez pas de preuves?
[147]
Lors du réinterrogatoire, Sandra a ajouté que Dana lui a dit qu’il pouvait apporter 80 bulletins de vote en blanc qu’elle pourrait aider à remplir pour soutenir sa campagne.
[150]
Dans son affidavit, Dana a nié avoir jamais discuté avec Sandra de la possibilité de lui remettre 80 bulletins de vote en blanc légaux à remplir, comme cette dernière l’a attesté par déposition. Il a confirmé que Sandra et lui figuraient sur la même liste de candidats lors de la dernière élection et qu’ils ont été élus et qu’il espérait donc qu’ils pourraient encore travailler ensemble.
[151]
Dana a indiqué que l’aîné Gerald Wuttunee, l’oncle de Sandra, voulait que Dana contacte Sandra afin que les deux familles puissent travailler ensemble. Il a déclaré ce qui suit, lors du réinterrogatoire :
Q. Et a‑t‑il été question des soi‑disant 80 bulletins de vote en blanc?
R. Non, il n’a pas été question de tels bulletins de vote ou de quelconques autres bulletins.
[153]
Mme Good prétend que Sandra a été victime d’intimidation de la part de Michael Cote, le beau‑fils du conseiller Gary, qui est maintenant décédé. Il a été allégué que Gary pouvait être accablé par le chagrin, étant donné que son beau‑fils avait été incarcéré pour un incident survenu en 2003, dans lequel Sandra était impliquée.
Q. L’incident dont vous parlez s’est produit vers 2010 ou 2012?
R. 2012.
Q. Mais rien n’avait trait au chef et aux conseillers actuels ni aux parties nommées dans le cadre du présent litige. Personne n’a essayé de vous intimider, Sandra, pour vous empêcher de parler de cette élection, celle qui fait l’objet de la présente action en justice, soit l’élection de 2016?
R. Je ne pense pas que je… que c’est ce à quoi je faisais référence dans mon affidavit.
Q Et bien, c’est là ce à quoi je pensais que vous faisiez allusion. Donc votre réponse à ma question est non, personne n’a essayé de vous intimider et de vous empêcher de parler de cette élection de 2016?
[155]
D’après la preuve dont j’ai été saisie, il est clair que Sandra ne se fait pas intimider; par conséquent, toute allégation concernant l’intimidation dont elle aurait été victime et qui aurait eu une incidence sur l’élection est sans fondement.
[156]
Lors du contre‑interrogatoire, il a été confirmé que Sandra n’avait aucun problème personnel avec Dana. En fait, Sandra a siégé au conseil avec lui en 2012; ils figuraient sur la même liste de candidats cette année‑là et avaient réussi à se faire élire. Au cours du contre‑interrogatoire, Sandra a affirmé : [traduction] « Il est d’un naturel très doux, oui. »
[157]
Sandra a également confirmé ce qui suit lors de son contre‑interrogatoire :
Q. Il insistait donc pour que vous vous joigniez à la liste de candidats dont il faisait partie?
R. Je me présentais déjà, à ce moment‑là, avec un autre groupe de personnes.
Q. Bien, tout cela a du sens, alors. De quel groupe de personnes, équipe ou liste de candidats s’agissait‑il alors?
R. Je me présentais pour le candidat au poste de chef Todd Baptiste et son groupe de supporteurs.
…
…
R. Oh, oui. Effectivement, mon frère, Nathan Arias, avait lui aussi déposé sa candidature.
[158]
Dans son affidavit daté du 20 janvier 2018, le chef Clinton a déclaré ce qui suit :
[traduction]
4. …Je nie le fait que Sandra Arias et moi ayons eu des discussions concernant la possibilité que des bulletins de vote illégaux lui soient fournis, comme le prétend la demanderesse. Je nie lui avoir proposé de lui remettre des bulletins de vote en blanc, à quelque moment que ce soit. Nous avons eu une discussion générale au cours de laquelle il a été proposé que nous travaillions ensemble pour nous adjoindre le soutien dont chacun de nous profitait parmi les membres de la bande.
[159]
Sandra a été réinterrogée à cet égard, mais les questions posées par Mme Good étaient subjectives et à certains moments, Mme Good fournissait directement les réponses. Par exemple, Mme Good a demandé ce qui suit :
Q. Et vous avez déclaré… ou vous avez été invitée à indiquer si Dana Falcon vous avait dit qu’il pouvait s’assurer que vous obteniez des votes, que vous obteniez l’appui des électeurs, en veillant à ce leurs supporteurs votent pour vous. Dans votre affidavit, vous jurez que Dana a dit avoir en sa possession 80 bulletins de vote en blanc, qui allaient être remplis ce soir‑là, et que ceux‑ci serviraient à soutenir votre campagne, qu’ils vous seraient remis; est‑ce exact?
Q. Mais ils ne l’ont pas été… vous avez affirmé que les bulletins de vote devaient être remplis ce soir‑là, n’est‑ce pas?
R. Oui et qu’ils m’avaient invitée à les remplir avec eux pour ainsi m’assurer que mon nom y figure et que…
[161]
J’ai compté les bulletins de vote de type 8C déposés en preuve et je n’ai trouvé que 7 d’entre eux où Dana a solennellement déclaré qu’il avait en main la trousse de vote d’une personne désignée et qu’il l’avait effectivement remise. Même si le décompte des voix s’en trouve légèrement changé, il est loin d’atteindre les 80 prétendus bulletins de vote que Dana était censé avoir en sa possession et avoir remplis et distribués.
[162]
Lors du contre‑interrogatoire, la question de savoir pourquoi elle n’a pas été payée après avoir perturbé la séance du conseil a été examinée. Son manque de franchise à l’égard d’autres questions, ainsi que les preuves corroborantes présentées par Dana et le chef Clinton, me portent à croire qu’il n’y avait pas de bulletins de vote en blanc, qui devaient être remplis.
[164]
J’estime que Sandra et son frère ont bien été invités à se joindre à la liste de candidats de l’équipe de Wuttunee, mais je ne crois pas qu’ils auraient eu 80 bulletins de vote en blanc à remplir en son nom. Lors de la dernière élection (20122014 par intérim) où Sandra a été élue, elle faisait partie de la liste de candidats de l’équipe de Wuttunee.
[165]
Il n’est pas rare de voir des listes ou des équipes de candidats lors d’élections politiques. Sandra l’a elle‑même confirmé :
Q. D’accord. Maintenant…
R. Cela se fait lors de tout type d’élections : municipales, provinciales et fédérales.
Q. Parce que vous êtes consciente qu’en période électorale, les gens diront souvent qu’ils peuvent vous obtenir 100 voix, n’est‑ce pas? Vous avez entendu ce genre de discours, non?
Q. Ce n’est pas la même chose ici que de vous remettre des bulletins de vote officiels non signés, n’est‑ce pas?
[166]
Je ne suis pas d’avis qu’inviter quelqu’un à se joindre à une liste de candidats constitue une violation de la LEPN ou de tout autre principe de common law. D’après la preuve dont j’ai été saisie, je conclus que Dana a tenté, au nom d’une équipe de candidats, d’amener Sandra à se joindre à cette équipe. Cette manœuvre politique semble être courante lors de nombreuses élections et fait partie intégrante du processus politique.
[167]
Cette allégation n’a pas été prouvée, selon la prépondérance des probabilités.
b)
Allégation no 2 – Bulletins de vote déposés en personne
(i)
Jennifer Peyachew et Sam Wuttunee
[171]
Jennifer Peyachew (Jennifer) a déposé un affidavit dans lequel elle indique que le ou vers le 5 mars 2016, Sam Wuttunee (Sam), un candidat au conseil qui travaille avec elle, est venu la chercher. Sam l’a ensuite emmenée chez un autre candidat, soit chez Charles Meechance (Charles). Jennifer a déclaré dans son affidavit que Charles avait chez lui des formulaires 5D non remplis. Elle a affirmé en avoir signé un pour demander des bulletins de vote postaux. Elle a déclaré avoir inscrit sur le formulaire 5D une adresse à Lloydminister qui n’était pas la sienne.
[173]
Jennifer a produit une photographie de la publication de Stayce sur Facebook, ainsi qu’une photo d’une enveloppe sur laquelle il est écrit « Ballots »
. Keeshawn Armstrong (Keeshawn) est identiquetée, et Stayce lui demande sur son mur pourquoi Keeshawn a utilisé son adresse, puisque Stayce venait de recevoir un bulletin de vote avec le nom de Keeshawn inscrit dessus. Lorsque Keeshawn a exprimé sa perplexité face à la situation, Stayce a indiqué [traduction] « Je vais simplement le jeter! Ha! Ha! »
et plus tard, d’autres utilisateurs ont alimenté la chaîne de commentaires sur le mur en disant que Stayce devrait brûler le bulletin de vote et que cela ne valait pas le papier sur lequel il était écrit.
[175]
J’attire l’attention sur le formulaire 8C présenté en preuve, qui démontre que Sam a effectivement déposé en personne la trousse de vote de Jennifer le 18 mars 2016.
[176]
J’estime que la publication Facebook fournie en preuve, à laquelle il est fait allusion, concerne le bulletin de vote de Keeshawn et n’a rien à voir avec celui de Jennifer. L’allégation selon laquelle le bulletin de vote de Keeshawn, qui a été affiché sur Facebook et envoyé à Stayce, a un quelconque rapport avec Jennifer repose sur de simples conjectures. Aucune preuve ne m’a été présentée par Stayce pour prouver qu’elle a bien reçu le bulletin de vote de Jennifer. Je n’ai aucune preuve que Todd Baptiste a ramassé le bulletin de vote en blanc de Jennifer ou qu’il est bien le candidat Baptiste qui s’est présenté pour le poste de chef et qui n’est pas visé par la présente demande.
[179]
La preuve présentée par Jennifer montre que cette dernière a reçu de l’argent et de la drogue de certains candidats et que le formulaire 8C indique que Samuel Wuttunee a déposé en personne son bulletin de vote. J’estime que Samuel est le Sam auquel Jennifer fait allusion. En me fondant sur cette preuve, qui est corroborée par des documents importants, je conclus, selon la prépondérance des probabilités, que Sam a effectivement enfreint l’article 16 de la LEPN.
[180]
La prochaine étape pour moi consiste à déterminer si la contravention a vraisemblablement influé sur le résultat de l’élection.
[181]
À mon avis, il convient de souligner que ni Sam ni aucune des autres personnes concernées ne faisaient partie de la liste des candidats qui, à ma connaissance, se présentaient avec le chef Clinton. En outre, Sam ne fait pas partie des défendeurs dans le cadre du présent appel, et le dossier ne contient aucun affidavit de Sam ou de l’une des autres personnes nommées. Il est également pertinent de mentionner que Sam n’a pas réussi à se faire élire, lors de cette élection, et qu’il n’a jamais été élu auparavant.
(ii)
Marguerite Benson et Crystal Baptiste
[183]
Mme Good soutient que la preuve produite par Marguerite Benson (Marguerite) fournit d’autres preuves d’actes frauduleux commis au moyen de bulletins de vote déposés en personne. Marguerite a affirmé que le 18 mars 2016, elle se trouvait à bord d’un véhicule stationné à l’extérieur d’une salle utilisée comme bureau de vote avec son époux, Dwayne Benson (Dwayne), un des candidats à l’élection. Elle a indiqué avoir vu Nola Wuttunee (Nola) arriver en voiture, se garer, puis marcher jusqu’à la voiture de Benson. Marguerite a également déclaré dans son affidavit que Nola s’est penchée à la fenêtre de la voiture et a sorti une pile d’enveloppes blanches de grand format et qu’elle a elle‑même [traduction] « déduit qu’il s’agissait d’enveloppes de bulletin de vote »
. Nola a ensuite marché jusqu’au bureau de vote.
[184]
Marguerite a affirmé avoir confronté Nola à 7 h 30 (en soirée, je suppose), en lui demandant ce qu’elle manigançait. Marguerite a déclaré ce qui suit : [traduction] « Je lui ai dit que je pensais qu’elle était favorable au changement. Je lui ai dit que je l’ai vue prendre les enveloppes de bulletin de vote que détenait Benson. Elle parlait avec Benson au téléphone à ce moment‑là, mais elle s’est tue en entendant cela et m’a regardée d’un air abasourdi, comme si je l’avais démasquée. »
[188]
Mme Good a soutenu que la preuve produite par Crystal Baptiste, qui a agi à titre d’agente électorale lors de l’élection du 18 mars 2016, étaye plus avant cette allégation. Dans son affidavit, cette dernière décrit certaines conduites observées pendant l’élection qui, selon elle, étaient contraires aux règles électorales. Par exemple, elle affirme que des personnes qui avaient les facultés affaiblies par la drogue ou l’alcool ont été autorisées à voter et qu’elle a vu Cody Benson (le fils de Lux Benson), René Wuttunee (le frère de Dana), Mandy et Nola se présenter, chacun avec des piles d’enveloppes contenant au moins 40 bulletins de vote au total. Elle a aussi vu son père, Michael Baptiste, déposer 2 bulletins de vote pour le conseiller, alors qu’il aurait dû n’en avoir reçu qu’un seul. Elle a remarqué que ces 2 bulletins de vote ont été mis de côté et que Howard McMaster a refusé que son père en obtienne un autre pour voter.
[190]
Je tiendrai compte de la preuve présentée par Marguerite selon laquelle elle a vu Nola se procurer des bulletins de vote dans le véhicule de Benson. Je tiendrai compte également de celle produite par Crystal selon laquelle Nola a déposé en personne un certain nombre de bulletins de vote.
[191]
Les formulaires 8C ‑ Form to Request a Mail‑in Ballot (déclaration de la personne remettant une trousse de vote postale) qui ont été signés démontrent que Nola, qui vit à Calgary, a remis 13 trousses de vote postales. Au total, il y a 209 dossiers contenant des formulaires 8C dans la preuve qui m’a été présentée, laquelle fait également état de plusieurs personnes différentes ayant prêté serment devant le président d’élection ou le président du scrutin. Il est possible que ces données s’écartent quelque peu de la réalité, à un ou deux éléments près, mais cela n’a aucune incidence sur le raisonnement à suivre.
[192]
Je n’en ai trouvé aucune de Mandy ni aucune signée par Cody Benson, mais plusieurs portent le nom de « Benson »
, avec un prénom différent. Après avoir examiné les formulaires 8C, il est clair qu’un certain nombre de personnes ont remis des bulletins de vote à partir de régions géographiques précises, où elles vivent également. Par exemple, Arlysse Wuttunee en a remis plusieurs depuis Edmonton et Henry, qui vit à Saskatoon, en a déposé 10. René Wuttunee, de Saskatoon, a également déposé 21 bulletins de vote en personne. Il n’est pas très étonnant, compte tenu de ce qui a été observé ici, que Nola, de Calgary, ait déposé en personne plusieurs bulletins de vote depuis cet endroit.
[193]
Dans son affidavit, Dana ne fait aucune mention des bulletins de vote déposés en personne, et ce dernier n’a pas été contre‑interrogé à cet égard relativement à son frère Rene Wuttunee. Dana a rempli sept formulaires 8C.
[194]
En réponse à la preuve présentée par Crystal Baptiste, Mandy a juré que le jour de l’élection, il faisait campagne, qu’il n’a jamais quitté son camion, qu’il n’a pas vu Crystal et qu’il ne savait même pas que cette dernière travaillait comme agente électorale. Il a déclaré : [traduction] « Je n’ai à aucun moment pénétré dans l’édifice et je ne me suis pas présenté à l’arrière avec une pile de bulletins de vote.
»
Bien que Mandy ait été contre‑interrogé concernant son affidavit, il n’a pas été contre‑interrogé en qui concerne, plus particulièrement, la question des bulletins de vote déposés en personne.
(iii)
Elsie Wuttunee
[197]
Elsie, dans son rôle d’agente électorale, a déclaré avoir vu Howard McMaster interdire à Morgan Harrison Payne (Morgan) de voter, dans la mesure où Howard McMaster affirmait que Morgan avait déjà exprimé son vote. Morgan a déclaré que quelqu’un avait dû voler son bulletin de vote, car il n’avait pas voté. Elsie a fourni d’autres preuves sous forme d’opinion concernant les intentions de Howard McMaster, qui ne seront pas prises en considération.
[198]
Lors du vote par anticipation tenu le 10 mars 2016, Elsie a déclaré avoir vu et observé plusieurs candidats se présenter au bureau de vote et y remettre un grand nombre de bulletins de vote. Au paragraphe 4 de son affidavit, elle affirme que Ryan Bugler a remis dix bulletins de vote, que Dana et Sam en ont chacun déposé sept et qu’Henry en a remis dix, et elle nomme également d’autres personnes, au paragraphe 5 de son affidavit, qui sont venues au bureau de vote y déposer un grand nombre d’entre eux. Elle a juré qu’en sa qualité d’agente électorale, elle a pris note des bulletins de vote qui ont été déposés en personne et du nom de ceux qui les ont remis.
[199]
En ce qui concerne la preuve documentaire, les formulaires 8C prouvent qui a déposé en personne quel bulletin de vote, contrairement à la preuve imprécise présentée selon laquelle Elsie a été témoin du dépôt [traduction] « ...au bureau de vote d’un grand nombre de bulletins de vote »
(par. 3).
[200]
Les formulaires 8C des personnes nommées au paragraphe 4 de son affidavit confirment que Ryan Bugler a remis 10 bulletins de vote et que Dana, Sam et Henry en ont déposé 7, 28 et 10, respectivement. Tel qu’il a été mentionné précédemment, le dépôt de bulletins de vote en personne est autorisé lors d’une élection, et le nombre de formulaires 8C correspond à ce qu’elle a affirmé, à l’exception du nombre de bulletins déposés par Sam Wuttunee. Le fait que des bulletins de vote ont été déposés en personne et que des formulaires 8C ont été remplis ne constitue pas, en soi, la preuve qu’une fraude a été commise.
c)
Allégation no 3 – Incitation à retirer des affidavits
[203]
Mme Good a déclaré ce qui suit dans son mémoire des faits et du droit :
[traduction]
148. L’intimidation exercée, le refus de fournir des services, les pots‑de‑vin versés directement en espèces et les autres incitatifs offerts aux témoins pour qu’ils se rétractent ou se soustraient aux contre‑interrogatoires démontrent une absence totale de scrupules à s’abaisser à commettre des actes illégaux ou répréhensibles pour en venir à leurs fins.
[204]
Pour prouver les allégations d’achat de votes et d’incitation à retirer des affidavits, Mme Good présente les éléments de preuve produits par Nisha Wuttunee, Marie Baptiste, Langford Wuttunee, Edward Nicotine, Mallory Wuttunee et Chaystin Armstrong, ainsi que la preuve qu’elle a elle‑même déposée. Les allégations d’« achat de votes »
sont omniprésentes, d’une manière ou d’une autre, dans les affidavits présentés ici par Mme Good.
[205]
Je remarque que j’ai déjà conclu qu’il n’était pas approprié de tenir compte de la preuve présentée par Nisha Wuttunee, compte tenu du témoignage incohérent et non crédible qu’il a livré et de ses problèmes de toxicomanie. J’attire également l’attention sur le fait que la preuve présentée par Chaystin Armstrong a été retirée.
[208]
De façon plus précise, Mme Good soutient que Langford Wuttunee s’est vu accorder un incitatif pécuniaire offert par le chef Clinton pour qu’il retire son affidavit et qu’il en signe un faux. Selon les observations de Mme Good, la Première Nation de Red Pheasant n’a pas de politique en matière de logement et vit une crise très importante à cet égard. Comme il n’y a pas de titre en fief simple dans la réserve et que la bande n’a jamais élaboré de code foncier ou de politique de logement, toutes les maisons appartiennent théoriquement à la bande. Dans ces circonstances de fait, Langford Wuttunee s’est vu [traduction] « ...offrir une RCB lui donnant des droits d’utilisation exclusifs à l’égard de la maison qu’il a achetée »
. Mme Good prétend qu’il s’agit manifestement là d’une entente de contrepartie; Langford Wuttunee a même reçu de l’argent comptant, soi‑disant pour acheter de l’essence afin de se rendre chez l’avocat de la bande signer un nouvel affidavit. Toutefois, ce dernier a décidé de ne pas se rétracter et a plutôt signé un affidavit attestant les efforts déployés pour tenter de le soudoyer.
[210]
Dans son affidavit et lors du contre‑interrogatoire, Archie a confirmé qu’il fait partie de [traduction] « l’équipe à l’appui de l’appel »
. Il a affirmé avoir trouvé des personnes prêtes à aider Mme Good et son équipe dans leurs efforts pour faire annuler l’élection.
[211]
Archie a déclaré que les gens dans la réserve feraient n’importe quoi pour de l’argent. Il a affirmé que Langford Wuttunee était favorable à l’appel et qu’il aurait témoigné à l’appui de ce dernier, mais il ne l’a pas fait. Selon Archie, Langford n’a pas témoigné parce qu’il a été soudoyé au moyen d’une RCB lui octroyant un contrat particulier relativement à la possession d’une maison qu’il cherchait à obtenir.
[212]
En outre, Archie a déclaré avoir vu Langford Wuttunee recevoir de l’argent de Lux, mais il n’a pas dit à quoi cet argent devait servir. Archie a affirmé que Langford Wuttunee lui a dit que Mandy lui obtiendrait une RCB pour la maison, s’il modifiait son affidavit. Il ne s’agit pas là de la meilleure preuve puisque Langford Wuttunee a déposé deux affidavits, malgré le fait qu’Archie a déclaré que ce dernier ne voulait pas fournir d’éléments de preuve.
[213]
Lors du contre‑interrogatoire, Archie a convenu que l’argent remis à Langford Wuttunee n’avait pas pu servir à acheter son vote, dans la mesure où l’incident s’est produit huit mois après l’élection. Une bonne partie de l’affidavit repose sur de simples conjectures et se veut une preuve intéressée.
[214]
Dans son deuxième affidavit, Langford Wuttunee a déclaré qu’il souhaitait obtenir une RCB qui le reconnaîtrait en tant que propriétaire de sa maison. Il a affirmé qu’il savait que le chef Clinton ne l’aiderait pas à obtenir cette RCB, mais qu’il avait su que le conseil de bande avait payé Nisha pour qu’il retire son affidavit. Il a découvert que le chef ne l’aiderait pas quand Graham Wuttunee et lui sont allés à la station‑service de North Battleford. Ils ont vu le chef Clinton et se sont approchés de lui. Langford a activé le haut‑parleur de son téléphone pour que le chef Clinton puisse s’entretenir avec l’agent de la GRC à qui il parlait. Lorsqu’il est entré dans la station‑service pour payer, il a donné son téléphone à Graham Wuttunee pour que le chef Clinton puisse parler à la GRC, mais lorsqu’il est revenu, Graham Wuttunee l’a informé que le chef Clinton avait dit à son compagnon [traduction] « allons‑nous‑en d’ici, je ne veux rien avoir à faire avec cela »
. Cette preuve repose sur un ouï‑dire, car il s’agit de propos prétendument tenus lors d’un appel téléphonique et transmis après coup à Langford Wuttunee, et sera donc ignorée.
[215]
Langford Wuttunee a indiqué avoir dit au chef Clinton qu’il retirerait son affidavit à la l’appui de l’appel, si le conseil adoptait une RCB attestant son droit de propriété sur sa maison. Il prétend que le chef Clinton lui a dit au téléphone que s’il voulait signer un nouvel affidavit, il devait rencontrer l’avocat du conseil, et qu’ils [traduction] « avaient obtenu un très bon affidavit de Nisha Wuttunee »
.
[216]
La preuve par affidavit de Langford Wuttunee indique que le ou vers le 22 octobre 2016, ce dernier a appelé le chef Clinton pour savoir si la RCB était prête et a été informé que le chef Clinton était en route pour l’Alberta. Cependant, dans la preuve qu’il a présentée, il prétend s’être fait dire que s’il allait de l’avant et signait l’affidavit, le Conseil signerait alors la résolution. Langford Wuttunee soutient avoir demandé 250 $ au chef Clinton, qui a affirmé qu’il arrangerait le tout avec Cody Benson. Langford Wuttunee a déclaré que lorsqu’il a vu Archie, qui, il le savait, soutenait ardemment l’appel, il s’est senti coupable d’avoir accepté de retirer son affidavit et a donc parlé à ce dernier de son entente concernant la maison et des 250 $. Il a affirmé qu’Archie était présent lorsqu’il a reçu l’argent que lui avait promis le chef Clinton.
[217]
Langford Wuttunee a déclaré que Mandy lui a envoyé un message texte pour savoir s’il avait signé le nouvel affidavit, étant donné qu’il obtiendrait la RCB une fois qu’il aurait signé. Au contraire, dans les messages textes qui ont été joints, Langford Wuttunee affirme avoir besoin d’argent pour acheter de l’essence afin de se rendre à Saskatoon et avoir demandé au chef Clinton de l’argent à cette fin. Il explique le tout en disant qu’il voulait voir la RCB avant d’aller à Saskatoon et qu’il s’est arrangé pour que Mandy remplisse son réservoir d’essence afin qu’il puisse se rendre là‑bas.
[218]
Lors du contre‑interrogatoire de Langford Wuttunee, il a été confirmé que ce dernier s’était présenté pour siéger au conseil et n’avait pas été élu. Il a été invité à dire s’il pouvait être propriétaire de la maison dans la réserve, étant donné que les maisons appartiennent à la bande. Il a précisé qu’il savait qu’il ne pouvait pas l’être, que la maison appartenait à la bande et qu’une RCB ne changerait rien à cela. Langford Wuttunee a confirmé qu’il ne pouvait pas être propriétaire de la maison dans laquelle il habite, dans laquelle son ancien beau‑père a vécu et pour laquelle il a demandé une RCB attestant de sa possession. Il a affirmé avoir versé de l’argent pour la maison le 2 octobre 2016, et lorsqu’il a été interrogé concernant la légalité de ce paiement, il a répondu que comme il n’y a pas de politique de logement dans la réserve, ils procèdent ainsi s’ils veulent se faire quelques dollars, et que la GRC ne peut alors pas venir et mettre quelqu’un dehors. À l’époque, lorsqu’il a acheté la maison, il comptait la démolir pour récupérer le bois. Lors du contre‑interrogatoire, il a déclaré avoir ici acheté la maison de Stan Osecap (Stan) [3 500 $] le 2 octobre 2016 pour que sa fille, Alana Wuttunee, puisse y vivre. Toutefois, des problèmes sont alors survenus, puisque Stan avait conclu une autre entente avec Delphine Nicotine, quelques mois auparavant. Sa position est qu’il était le seul à avoir l’acte de vente, mais qu’un différend a surgi au sujet de qui avait le droit d’utiliser la maison, étant donné qu’il n’avait pas vu les documents de Delphine. Au cours du contre‑interrogatoire, il a admis qu’en raison de ce différend, il a menacé de brûler la maison et que celle‑ci a bel et bien brûlé une semaine plus tard. Langford Wuttunee a affirmé qu’il n’est pas à l’origine de l’incendie. Il a indiqué avoir communiqué avec les agents de la GRC parce qu’il était contrarié, mais que ces derniers ne pouvaient rien faire sans une RCB attestant le changement de possession, étant donné que Delphine Nicotine s’était déjà [traduction] « imposée »
. Il a confirmé que comme la GRC ne pouvait rien faire, il [traduction] « était préférable, je suppose, de procéder ainsi, vous savez, en obtenant une RCB, vous ne croyez pas? »
[219]
Langford Wuttunee a admis qu’il a continué de suivre le chef Clinton et qu’il l’a approché pour lui dire qu’il retirerait son affidavit, s’il obtenait une RCB au sujet de cette maison.
d)
Allégation no 4 – Achat de votes en contravention avec la Loi
[222]
Maintenant que j’ai examiné les allégations concernant le dépôt de bulletins de vote pour joindre la liste de candidats du chef Clinton, les bulletins de vote déposés en personne et les mesures d’incitation à retirer des votes, je me pencherai sur l’allégation de fond [alinéa 16f)] formulée par la demanderesse relativement à l’achat de votes.
[223]
Je constate d’entrée de jeu que Mme Good a également déposé une preuve par affidavit en rapport avec cette allégation. La Cour n’accorde aucun poids aux éléments de cette preuve par affidavit produite par Mme Good. Celle‑ci contient un grand nombre de preuves intéressées, de ouï‑dire et de preuves sous forme d’opinion. Par exemple, Mme Good jure dans son affidavit que l’avocat précédent s’est retiré du dossier lorsqu’il a eu connaissance d’un prétendu pot‑de‑vin. Mme Good ne peut pas prétendre connaître l’état d’esprit de l’avocat, et il est inapproprié de sa part d’invoquer des motifs sans autre preuve que la conjecture.
[224]
De même, Mme Good soutient que les pièces jointes à son affidavit comprennent six publications Facebook qui, selon elle, visaient à vendre des bulletins de vote ou à en dénoncer la vente. Mme Good allègue que ces publications démontrent que l’achat de votes est une pratique normalisée au sein de la Première Nation de Red Pheasant.
[225]
Les publications tirées de Facebook ne sont pas des éléments de preuve dignes de foi, et aucun poids ne leur sera accordé. Elles ne sont pas dignes de foi, puisqu’elles sont, de par leur nature même, suspectes. Tel qu’il a été mentionné précédemment, une personne peut affirmer sur Facebook qu’elle a vendu son vote, et une autre peut « corroborer »
un récit potentiellement faux d’un événement, sans que l’événement repose sur un quelconque fond de vérité. Ces éléments de preuve sont dénués de toute intégrité. Bien qu’il ait été soutenu que les publications Facebook peuvent, à juste titre, donner lieu à des actions en justice (dans le domaine de l’emploi, par exemple), j’estime que cela est très différent de l’affaire dont je suis saisie, où des personnes ont expressément tenté d’en « piéger »
d’autres sur les plates‑formes de médias sociaux pour démontrer la nature frauduleuse des élections au sein de la Première Nation de Red Pheasant.
(i)
Marie Baptiste (alias) Marie Wuttunee; Marie Wuttunee Baptiste
[227]
Marie Baptiste (Marie) a déclaré qu’en échange de son vote, elle a reçu 500 $ du chef Clinton, d’Henry Gardipy, de Mandy Cuthand, de Dana Falcon, de Shawn Wuttunee et de Cody Benson, sous forme de transferts électroniques, entre le 16 février 2016 et le 15 mars 2016. Toutefois, elle a précisé avoir pris l’argent, mais ne pas avoir vendu son vote. Elle a déclaré : [traduction] « Il était clair pour moi qu’ils s’attendaient à ce que je vote pour eux en échange de l’argent qu’ils m’ont envoyé.
»
[232]
Lorsque je mets les pièces en corrélation, celles‑ci révèlent ce qui suit :
a) 2 transferts électroniques de Dana Falcon le 20160315 et le 20160314, mais un seul dépôt de 20 $;
b) 1 transfert électronique de Clinton Wuttunee le 20160229 et 1 dépôt de 50 $;
c) 1 transfert électronique de Mandy Cuthand le 20160225 et 1 dépôt de 60 $;
d) 1 transfert électronique de Shawn Wuttunee le 20160304 et comme l’a mentionné Marie, aucun dépôt correspondant;
e) 4 transferts électroniques d’Henry Gardipy le 20160216, le 20160301 et le 20160315 et des dépôts effectués à 4 occasions.
[234]
Ces éléments de preuve posent problème. Ils ne correspondent pas et n’indiquent assurément pas pourquoi elle a été payée. Elle jure, au paragraphe 5, qu’elle n’a vendu son vote à aucun candidat, mais qu’elle a pris l’argent. Les transferts que montre la pièce A s’étalent sur une longue période, mais ont bel et bien cessé trois jours avant l’élection, comme elle l’a affirmé.
[235]
Pour déterminer ce qui s’est passé, j’ai d’abord examiné l’affidavit no 1 du chef Clinton. Ce dernier affirme que Marie est sa nièce, que sa conjointe et elle cherchaient toujours à obtenir une aide financière de son programme et qu’il a [traduction] « […] découvert qu’elles utilisaient l’argent pour faire la fête et se procurer de l’alcool et de la cocaïne »
(par. 11, p. 3). Il jure que Marie lui a demandé 60 $ pour se rendre au travail et en revenir et qu’elle lui a envoyé un message texte, le 9 février 2016, pour obtenir de l’argent afin d’aider sa femme, Tash Baptiste, à revenir de Cold Lake, étant donné que Tash était hospitalisée et ne pouvait pas travailler. Le 10 février 2016, elle lui a envoyé un message texte dans lequel elle lui demandait de l’argent pour acheter de l’essence afin de se rendre à Edmonton pour une entrevue d’emploi. Lorsqu’elle lui a téléphoné le 10 février 2016, il lui a demandé son appui puisqu’il s’apprêtait à annoncer sa candidature au poste de chef. Elle a affirmé qu’elle l’appuierait; [traduction] « Je lui ai dit que j’accéderais à sa demande, et je lui ai transféré de l’argent par voie électronique pour qu’elle fasse le plein et se rende à Edmonton pour son entrevue. Je croyais vraiment que c’était pour cela qu’elle voulait l’argent »
(par. 15). Le 14 février 2016, Marie a affirmé qu’elle avait été acceptée pour la deuxième série d’entrevues et qu’elle avait encore besoin d’argent pour de l’essence, mais il n’a pas répondu. Le 22 février 2016, elle lui a de nouveau envoyé un message texte pour lui demander 50 $ pour de l’essence afin de se rendre à Saskatoon, et il a répondu qu’il n’avait pas d’argent. Le 29 février 2016, elle l’a de nouveau texté pour lui demander 50 $ afin de faire immatriculer son véhicule, affirmant qu’elle éprouvait certaines difficultés du fait qu’elle était sans emploi et que le chef Clinton devrait l’aider, étant donné que sa femme et sa belle‑fille étaient toutes deux des électrices. Le chef Clinton lui a dit qu’il pouvait seulement se permettre de lui verser 50 $, et il lui a transféré ce montant par voie électronique pour payer son voyage. Le chef Clinton a affirmé qu’il pensait que Tasha et Marie l’appuyaient, que Marie lui a envoyé un message texte au sujet des commentaires formulés et qu’il lui a dit qu’il ne répondait pas sur Facebook, mais qu’il menait sa campagne en faisant du porte‑à‑porte.
[236]
Le chef Clinton n’a produit aucune autre preuve dans son affidavit no 2 ou son contre‑interrogatoire concernant les allégations de Marie.
[237]
L’affidavit no 1 de Dana indique que Marie l’a contacté pour lui demander personnellement de l’aider financièrement afin qu’elle achète de l’essence pour se rendre au travail, et en réponse à sa demande, il lui a transféré 20 $ (par. 2, onglet 2). Il a déclaré qu’il n’a jamais eu de conversation avec elle au sujet de l’achat de votes et que l’argent ne devait servir qu’à l’aider. Lors de son contre‑interrogatoire, il a affirmé avoir vérifié ses relevés bancaires pour essayer de se rappeler pourquoi il a payé Marie le 14 mars 2016, mais il a indiqué qu’il arrive quotidiennement qu’il transfère électroniquement de l’argent à des gens et qu’il ne se souvenait pas précisément pourquoi il l’a fait ce jour‑là. Dana a bel et bien trouvé un transfert électronique fait à Marie sur ses relevés, mais la pièce montre qu’il lui en a fait deux, bien qu’il n’arrive à se souvenir que d’un seul. Dana n’a pas été contre‑interrogé au sujet de cette preuve.
[238]
Benson ne fait pas référence à cette allégation dans son affidavit, mais au cours de son contre‑interrogatoire, il a confirmé qu’il n’a pas l’habitude de faire des transferts électroniques et qu’il n’a jamais demandé à son fils, Cody Benson, d’en faire en son nom. La preuve qu’il a présentée démontre invariablement qu’il donne bel et bien de l’argent aux membres de la bande pour répondre à leurs besoins. Au cours de son contre‑interrogatoire, Mme Good a admis la possibilité d’un chevauchement des transferts électroniques joints (p. 1 043), lorsque ceux‑ci ont été examinés. Toutefois, la preuve la plus intéressante qui ressort de ce contre‑interrogatoire est que Benson a un neveu qui porte le même nom que son fils. Les deux s’appellent Cody Benson; ils ont à peu près le même âge et sont tous deux amis avec Marie. Benson a laissé entendre que Marie a peut‑être reçu de l’argent de l’un ou l’autre de ses amis, puisqu’ils se fréquentent, mais il ne savait pas pour quel motif (p. 1 046); toutefois, tout cela n’est qu’une pure conjecture.
[239]
Henry a déclaré qu’en sa qualité de conseiller de bande, il vient en aide aux membres de la Première Nation de Red Pheasant : [traduction] « J’ai aidé Marie par le passé et je continuerai à l’aider dans l’avenir »
(par. 6). Marie et lui sont parents, ils sont unis par les [traduction] « liens du sang »
, et dans le passé, il l’a aidée à se procurer des [traduction] « cigarettes »
ou de l’essence ou l’a accompagnée dans [traduction] « ses déplacements »
, ce qui s’apparente à ce que la plupart des membres de la bande demandent. Il a indiqué avoir souvent aidé Marie à déménager, mais que depuis le dépôt du présent appel, il ne lui a plus jamais apporté son aide, puisqu’elle lui a bloqué l’accès à son compte Facebook (p. 1 102).
[240]
Enfin, la dernière personne à avoir acheté le vote de Marie, parmi celles qui ont été nommées, est Mandy. Ce dernier affirme qu’il était candidat au poste de conseiller et qu’il aide les gens qui [traduction] « n’ont pas d’argent pour acheter de l’essence ou de la nourriture ou pour payer leurs factures. »
Il ne pouvait pas dire ce qu’il a fait pour aider Marie et pensait que c’était peut‑être pour de l’essence, mais il a clairement précisé ne jamais lui avoir dit de voter pour lui (par. 3).
(ii)
Edward Nicotine
[242]
J’en viens maintenant à l’allégation selon laquelle le vote d’Edward Nicotine (Edward) a été acheté. Le 13 avril 2016, ce dernier a signé un affidavit, au nom de la demanderesse, dans lequel il affirme avoir été payé en échange de son vote par Gary, Mandy et Cody Benson, après que le chef Clinton lui eut dit, une fois qu’il eut voté pour lui, qu’il devrait aller voir ces derniers.
[243]
Le 7 juin 2016, Edward a retiré cet affidavit, au motif qu’il était ivre lorsqu’il l’a signé et qu’en réalité, personne ne lui a versé d’argent en échange de son vote. Il a affirmé qu’Archie et Dwayne Benson lui ont donné une bouteille de Wiser Whiskey et qu’une fois qu’il fut ivre, il a reçu 25 $ pour signer un affidavit.
[244]
La preuve présentée par Dwayne (candidat non élu) montre que le 23 mars 2016, son épouse (Marguerite) et lui ont reçu la visite d’Archie, ainsi que de Dennis et Edward Nicotine. Dwayne a affirmé qu’ils discutaient du résultat de l’élection et de l’appel et qu’Edward lui a dit que plusieurs personnes l’avaient payé en échange de son vote et qu’il voulait apporter son aide dans le cadre de l’appel, mais qu’il avait peur de parler (onglet 8, p. 35). Dwayne a indiqué qu’il n’avait pas revu Edward depuis cette rencontre et qu’il ne savait pas que ce dernier avait signé un affidavit. Dwayne a déclaré qu’il n’était pas avec Edward le 13 avril 2016 et qu’il ne lui avait donc pas donné d’argent ni d’alcool. Son épouse Marguerite n’a pas donné suite à cette allégation et n’a pas été contre‑interrogée à ce sujet.
[245]
La preuve produite par Archie Nicotine montre qu’il n’a pas acheté d’alcool à Edward, lorsque son frère, Dennis Nicotine, et lui ont conduit ce dernier à North Battleford pour qu’il signe son affidavit, et qu’Edward n’était pas ivre ce matin‑là.
[246]
Mme Good a soutenu qu’avant d’aller voter, Edward a reçu 40 $, 20 $ et 140 $ des candidats Gary et Mandy et du chef Clinton. Elle a affirmé que le chef Clinton a dit à M. Nicotine de percevoir la somme de 140 $ auprès de Cody Benson, le fils du candidat Benson. Le chef Clinton a indiqué qu’Edward recevrait 200 $ supplémentaires, après avoir voté. Ce déposant a retiré sa preuve, et Mme Good a indiqué qu’il était alcoolique et vulnérable et qu’il [traduction] « ferait n’importe quoi pour un verre »
(voir p. 1 624, par. 184). Mme Good a déclaré qu’Archie a dit qu’il n’a pas saoulé Edward. Mme Good a soutenu que cela [traduction] « dépasse l’entendement de considérer qu’un commissaire accepterait le serment prêté par un individu dans un état d’ébriété tel qu’il en est complètement inconscient »
.
[248]
Je constate que la preuve présentée par le déposant Edward (qui s’est rétracté et a été contre‑interrogé), par Mandy et par le chef Clinton entre en contradiction directe avec celle produite par Archie, Dwayne et Marguerite.
[249]
Au contraire, Edward a déclaré être allé à la rencontre de ses cousins, Archie et Dennis Nicotine, et de Dwayne (p. 962, onglet 48). Edward a affirmé qu’il s’est rendu au magasin d’alcools pour acheter la bouteille (flasque) de whisky avec l’argent qu’ils lui avaient donné et qu’il l’a bue en entier, assis sur le siège arrière de la voiture, avant de se rendre à l’hôtel de ville signer l’affidavit. Il a indiqué qu’il était à moitié ivre lorsqu’il s’est levé après la nuit qu’il venait de passer, puis après qu’il eut bu le contenu de la flasque. Edward a déclaré que les 25 $ devaient lui être remis après qu’il aurait signé son affidavit. Dennis Nicotine est entré dans l’hôtel de ville avec lui pour qu’il signe, mais il était trop intoxiqué et il se souvient à peine de ce qui s’est passé ce jour‑là (p. 972). Edward a déclaré, dans le dossier, que son alcoolisme montrait qu’il était en état d’ébriété lorsqu’il a signé ses affidavits. Il a affirmé, en terminant : [traduction] « [...] j’aurais dit n’importe quoi en échange d’un verre »
.
[250]
Lors de son réinterrogatoire, Edward a expliqué plus en détail pourquoi il s’est rétracté. Il a affirmé avoir changé d’avis, parce qu’il a dit à sa mère ce qu’il avait fait. Sa mère lui a demandé pourquoi il a fait cela, puisqu’elle savait que c’était un mensonge, étant donné qu’il était avec elle lors de l’élection. Elle lui a dit qu’il ferait mieux d’arranger les choses.
[251]
Lors du contre‑interrogatoire complémentaire, Edward a confirmé qu’il était avec sa mère dans la réserve, le soir de l’élection, et que sur le chemin du retour, il s’est arrêté chez Oliver Wuttunee (le père du chef Clinton) pour y manger en vitesse, car sa mère ne se sentait pas très bien. Il a confirmé la preuve au dossier selon laquelle Archie et lui se trouvaient chez Marguerite et Dwayne, bien qu’il contredise cette preuve en affirmant qu’ils n’ont pas discuté de l’élection.
[252]
Lorsque j’examine le cas de Mandy Cuthand, je constate qu’il nie avoir jamais donné ou promis de l’argent à Edward; en fait, il n’a jamais parlé à Edward ce jour‑là, bien qu’il fût présent et qu’il fît campagne pour sa réélection (p. 18, onglet 7). Lors du contre‑interrogatoire de Mandy (onglet 52, p. 1 119), ce dernier n’a pas été interrogé concernant cette allégation. Il n’y a rien, non plus, à propos d’Edward dans la preuve produite par Benson ou par Gary Sauve.
[253]
Dans l’affidavit no 1 du chef Clinton, daté du 8 juin 2016, ce dernier affirme qu’Edward s’est arrêté chez son père, en compagnie de sa mère et de sa nièce, pour manger avec eux, après l’élection. Il soutient qu’il s’est entretenu avec lui et qu’il ne lui a pas offert d’argent ni ne lui a dit d’aller voir les autres candidats pour en avoir (onglet 1, p. 2). Lors du contre‑interrogatoire, il a confirmé que son père s’appelle bien Oliver Wuttunee et qu’il a invité Edward et sa famille à venir manger, quelque part entre 14 h et 18 h (p. 870‑871, onglet 46). Il a indiqué que des gens allaient et venaient en permanence ce soir‑là, car c’était le soir de l’élection, et que l’endroit était très achalandé. Tout le monde qui passait se voyait offrir à manger. Il a affirmé avoir parlé à Edward et à sa famille de ses plans, s’il était élu chef (voir le par. 247 ci‑dessus).
[254]
Je n’accorde aucun poids à la preuve produite par Edward, pour des raisons semblables à celles qui justifient l’exclusion de la preuve présentée par Nisha, puisqu’il est, lui aussi, une personne vulnérable. Même si je ne peux pas comprendre exactement ce qui s’est passé ce jour‑là, il est clair qu’Edward a de graves problèmes de dépendance.
(iii)
Mallory Wuttunee et Marie Baptiste, salle 317, hôtel Ramada, vote par anticipation
[257]
Mme Good soutient que lors du vote par anticipation tenu au Ramada Inn de Saskatoon, le 10 mars 2016, le chef Clinton a payé des gens afin qu’ils votent pour lui. Mme Good prétend que pour réaliser ce stratagème, le chef Clinton a demandé à Vinny Wuttunee d’escorter les électeurs jusqu’à la salle 317 du Ramada Inn et que Cody Benson, le fils du candidat Benson, payait les gens en échange de leur appui.
[258]
Mallory Wuttunee a déclaré qu’elle a voté pour le chef Clinton. Après avoir voté, elle a été escortée par Vinny jusqu’à la salle 317, où elle a vu Cody Benson sortir une liasse de billets. Elle a affirmé que Cody Benson lui a donné 60 $; bien qu’elle prétende qu’elle savait que ce qu’elle faisait était mal, elle avait besoin d’argent pour de l’essence et les personnes qui s’attirent la faveur du conseil de bande bénéficient du soutien de la bande.
[259]
Marie a déclaré que lors du vote par anticipation au Ramada Inn de Saskatoon, elle a été invitée à se rendre dans une salle de l’hôtel louée par le chef Clinton, où les candidats Gary, Ryan Bugler, Mandy et Dana étaient présents, ainsi que certains membres de leur famille. Elle a juré que de l’alcool était offert et que les gens en consommaient dans la salle. De plus, elle a déclaré ce qui suit :
10. […] Quelqu’un est venu me voir et m’a dit que je recevrais de l’argent si j’allais en bas voter, que je prenais une photo de mon bulletin de vote rempli avec mon téléphone cellulaire et que je rapportais la photo dans cette pièce. Je leur ai dit que j’avais déjà voté. [onglet 6, par. 10, p. 23]
[260]
Comme Marie n’a pas été contre‑interrogée concernant son affidavit, Mme Good soutient qu’il s’agit là d’une preuve non controversée.
[261]
Au paragraphe 11 cité plus haut pour étayer l’allégation formulée, Marie a donné un sens aux propos qui ont été tenus, mais la conclusion à laquelle elle en est venue est sans fondement et aucun poids ne lui sera accordé. J’attire également l’attention sur le fait qu’elle a déclaré avoir été invitée dans la salle et qu’après qu’elle eut dit qu’elle avait déjà voté, elle n’a pas été sommée de partir ni n’a été victime d’intimidation. En outre, je conclus que les allégations formulées par Marie, qui sont présentées aux paragraphes 226 à 240 (ci‑dessus), et les présentes allégations ne concordent pas. Si elle a voté par anticipation et qu’elle a dit aux candidats présents dans la salle qu’elle avait déjà voté, alors pourquoi aurait‑elle de nouveau été poursuivie et payée par les candidats pour son vote?
[262]
Pour ce qui est de la preuve produite par les personnes accusées, je me tournerai d’abord vers le chef Clinton, qui affirme avoir loué une salle de réception au Ramada Inn et y avoir offert de la nourriture et des boissons gazeuses. Il a ajouté : [traduction] « Je n’ai jamais dit à aucun membre de la bande que s’ils ne m’appuyaient pas, je ne les aiderais pas, dans l’avenir, dans les périodes difficiles […] »
[263]
Le chef Clinton ne se rappelle pas avoir vu Mallory Wuttunee dans la salle 317, puisque toute la journée, il allait et venait dans la salle, à la fois pour aller se reposer et pour fournir de la nourriture à sa famille et à ses amis. Lors de son contre‑interrogatoire, il a affirmé que c’était une très longue journée et que les membres de la bande avaient continué de s’attarder dans la salle. Il y avait certains membres de la bande qu’il n’avait jamais rencontrés auparavant. De plus, comme il n’avait pas d’agent électoral, il ne sait pas qui a voté. Il n’y a rien concernant cette allégation dans l’affidavit no 2 du chef Clinton.
[264]
Dans l’affidavit qu’il a produit en réponse à l’allégation de Marie, Mandy a affirmé qu’il faisait campagne au Ramada Inn le 4 mars 2016, mais qu’il n’a pas vu Marie ce jour‑là. Il l’a vue le jour où il est allé voter, puisqu’elle sortait du bureau de vote et lui a dit bonjour. Il a indiqué qu’il n’aurait pas pu lui offrir quoi que ce soit au Ramada Inn, car il ne l’a même pas vue ce jour‑là et qu’il ne l’a croisée, après cela, que le jour de l’élection.
[266]
Sans grande surprise, des éléments de preuve contradictoires ont été présentés pour ce qui est de savoir s’il y a eu consommation d’alcool ou non dans la salle 317 et si les gens se voyaient ou non demander de voter pour l’équipe de Wuttunee, puis de prendre une photo et de revenir dans la salle afin de recevoir de l’argent en échange de leur vote.
[267]
La question de savoir s’il y a eu consommation d’alcool ou non n’est pas pertinente, puisque rien dans l’allégation formulée ne s’y rapporte. La preuve présentée par Marie contredit directement celle du chef Clinton et de Dana sur la question de savoir si Dana l’a même vue au bureau de vote par anticipation ou si le chef Clinton lui a dit qu’il ne l’aiderait pas, si elle ne votait pas pour lui.
[268]
Marie a déclaré qu’en tant que personne invitée, après qu’elle eut voté, elle s’est fait dire qu’elle serait payée en échange de son vote, mais en fait, elle ne l’a pas été, puisqu’elle avait déjà voté. Je ne peux pas accepter ses réflexions comme preuve, étant donné qu’elle a seulement déduit qu’elle serait payée pour son vote et qu’elle ne serait pas bien traitée, si elle ne votait pas pour eux. Elle n’a pas été payée en échange de son vote et n’a pas été menacée ou invitée à partir, après avoir dit qu’elle avait déjà voté.
[269]
La preuve qu’elle a produite a été contredite, étant donné qu’elle affirme qu’elle était dans la salle, alors que Mandy a clairement indiqué qu’il ne l’a pas vue et qu’il savait exactement où et quand il l’avait vue en d’autres occasions. Dana ne se rappelait pas, non plus, l’avoir vue ce jour‑là. D’après la preuve qu’ils ont produite, il est tout à fait possible qu’ils n’aient tout simplement pas vu Marie, mais je choisis de privilégier la preuve selon laquelle ils n’ont pas interagi avec elle et ne lui ont pas offert d’acheter son vote. Compte tenu des questions de crédibilité que j’ai soulevées (aux par. 226 à 240 ci‑dessus) à l’égard de la preuve produite par Marie au sujet d’une allégation antérieure, qui contredit directement la présente allégation, je n’accorde aucun poids à la preuve de cette dernière, dans ces circonstances. Cette preuve ne démontre pas, selon la prépondérance des probabilités, qu’il y a eu violation d’une interdiction.
[271]
Je comprends qu’il n’est pas inhabituel pour des candidats, au sein de toute tribune politique, d’avoir accès à une salle de réception où les gens « vont et viennent »
, et je ne crois pas que ces faits démontrent que la salle de réception ou les événements qui s’y sont produits constituent une incitation à acheter des votes.
[273]
Cette allégation n’a pas été prouvée, selon la prépondérance des probabilités.
e)
Allégation no 5 – Entrer dans l’isoloir avec des bouts de papier
(i)
Bouts de papier
[274]
Mme Good a produit un affidavit de Crystal Baptiste, qui affirme avoir vu des électeurs entrer dans l’isoloir avec des bouts de papier. Cette dernière n’a pas été contre‑interrogée.
f)
Allégation no 6 – Tactiques d’intimidation
[279]
Mme Good indique qu’Henry a menacé Jeffery, après que ce dernier eut décidé d’appuyer l’appel des résultats de l’élection, et que Jeffery a déménagé à Edmonton, car il craignait que du mal ne soit fait à lui et à sa famille. Comme je l’ai déjà dit, je n’accorde aucun poids à la preuve présentée par Jeffery.
[280]
Il n’y a aucune preuve à l’appui de cette allégation, et en fait, une des personnes qui soutient l’appel, en l’occurrence Sandra, a déclaré qu’elle n’était pas victime d’intimidation de la part du chef ou des conseillers actuels.
g)
Allégation no 7 – Diverses violations alléguées
(i)
Langford Wuttunee
[282]
Langford Wuttunee est un des candidats non retenus pour siéger au conseil de bande. Dans son premier affidavit, Langford a déclaré qu’au bureau de vote par anticipation, à Saskatoon, il y avait une grande pancarte indiquant [traduction] « Votez pour Clint »
et que Quinn Moosomin serrait la main des gens dans le hall et distribuait des cartes semblables à des cartes de visite portant la mention [traduction] « Votez Clint »
.
[283]
Langford Wuttunee a également affirmé que le jour de l’élection, des véhicules tapissés d’affiches électorales étaient stationnés à l’extérieur de la salle du conseil de bande, près de l’entrée. Langford Wuttunee a déclaré, dans son affidavit, qu’Howard McMaster est sorti et lui a dit de déplacer son véhicule ou d’enlever les affiches qui s’y trouvaient. Langford Wuttunee a dit à Howard McMaster que lorsque les affiches apposées sur les autres véhicules stationnés plus près de l’entrée seraient enlevées, il retirerait également les siennes. Il s’est fait dire qu’il n’y avait aucun problème avec les autres véhicules et qu’Howard McMaster n’avait pas demandé aux autres de déplacer leurs véhicules.
[284]
Je ne tiendrai pas compte de la preuve sous forme d’opinion qu’il a présentée au paragraphe 12 de son affidavit. Je ferai également abstraction de la preuve produite concernant Howard McMaster.
(ii)
Cecelia Knight
[286]
Dans son affidavit, Cecelia Knight prétend avoir dit à Sandra et à Elsie qu’elle voulait voter, mais que comme elle est âgée, elle leur a demandé de s’informer si un bulletin de vote pouvait lui être apporté chez elle. Une femme lui a bel et bien apporté un bulletin de vote dans une enveloppe non scellée. Cecelia Knight a affirmé qu’elle a rempli son bulletin de vote, mais qu’elle n’a pas signé d’autre document à joindre à ce dernier, puis que la femme est partie avec celui‑ci.
[287]
Cette allégation n’a pas été formulée par la demanderesse dans son mémoire des faits et du droit ni lors de l’audience. Les défendeurs ont donc subi un préjudice, étant donné qu’ils n’ont pas pu présenter une défense pleine et entière en réponse à cette allégation. Pour ce motif, je conclus qu’il n’y a pas eu ici violation de la LEPN.
(iii)
Trousses de vote non récupérées
[288]
Dans son affidavit, Sandra Furrie a déclaré qu’elle a rempli sa trousse de vote et qu’elle l’a retournée, mais qu’Howard McMaster ne l’a jamais récupérée et que son droit de vote lui a donc été refusé. Cette allégation contre Howard McMaster n’a pas été soulevée lors de l’audience et ne sera donc pas prise en considération.
[289]
Trina Kent a formulé une plainte semblable à celle de Sandra Furrie, alléguant que le président d’élection, Howard McMaster, n’a pas réclamé son bulletin de vote rempli. Mme Good n’a pas donné suite à cette allégation lors de l’audience, étant donné que l’action intentée à l’égard d’Howard McMaster a été abandonnée.
(iv)
Matériel agricole
[293]
La présente demande est rejetée.
VII.
Conclusion
[294]
Cette élection présente un tissu complexe d’intrigues. Chaque élection récente tenue au sein de la Première Nation de Red Pheasant a fait l’objet d’un appel. Il est clair que la bande est divisée dans son allégeance, et ce climat nocif ne pourra jamais servir au mieux les intérêts de la bande.
[295]
Cela m’amène à formuler une observation non sollicitée, soit que les défendeurs se sont mis dans des situations qui remettent en question leurs actions, en donnant, pendant la campagne électorale, de l’argent à des gens qui en ont fait la demande, alors qu’ils étaient dans le besoin. Bien que je reconnaisse que les membres de la bande ont toujours besoin de soutien, même en période électorale, de nombreuses solutions peuvent être adoptées. Par exemple, un moratoire sur l’octroi d’une aide financière par les candidats, pendant les élections, pourrait être imposé et compensé par la création d’un fonds distinct et la nomination d’une personne indépendante chargée d’administrer la distribution des fonds lors de telles situations d’urgence.
[296]
Je ne peux pas admettre la pratique démontrée dans la preuve selon laquelle des gens affichent leur désir de vendre leur vote. Cela est désolant, en fait, compte tenu de l’importance de tenir un vote et des élections justes et démocratiques. Cette pratique aussi doit cesser. Je ne peux pas non plus fermer les yeux sur l’opération menée à l’aveuglette pour tenter de vendre des votes afin de recueillir des preuves contre un candidat se présentant comme chef ou comme conseiller. De nombreux incidents sont moralement inacceptables, mais ceux‑ci ne satisfont pas non plus à la norme de preuve qui permettrait de conclure à une violation d’une interdiction.
[299]
Je conclus, selon la prépondérance des probabilités, qu’il n’y a pas eu d’incidence sur le résultat de l’élection de 2018, et je rejette le présent appel.
VIII.
Dépens
[300]
Lors de l’audience, les parties se sont vu accorder jusqu’au 1er mai 2018 pour parvenir à une entente concernant les dépens.
[301]
La PG a renoncé aux dépens que je devais adjuger en lien avec la requête déposée en vertu de la règle 302, puisque Mme Good s’est désistée de la demande déposée à son endroit. La PG demande l’allocation des dépens; par conséquent, je n’adjugerai pas de dépens payables à cette dernière.
JUGEMENT dans la dossier T‑596‑16
- Le procureur général du Canada, Ryan Bugler, Sabrina Baptiste, l’ancien chef Stewart Baptiste Jr, la Première Nation de Red Pheasant, Shawn Wuttunee, Howard McMaster (décédé) et Larry Wuttunee doivent être retirés en tant que parties et leur nom doit être supprimé de l’intitulé;
- La présente demande est rejetée;
- Des dépens d’un montant forfaitaire de 100 000 $, taxes et débours compris, sont adjugés aux défendeurs et payables sans délai.
Traduction certifiée conforme
Ce 30e jour de janvier 2019.
Claude Leclerc, traducteur
SIGNÉ
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DÉCISION DU PROTONOTAIRE
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Autorisation de déposer, mais les paragraphes 8 et 9 ont été retranchés en vertu d’une ordonnance rendue par P. Lafrenière le 2 août 2016.
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RETIRÉ
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2018‑01‑22
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Conformément à l’ordonnance rendue le 3 avril 2018, l’autorisation a été accordée de déposer l’affidavit et la transcription du contre‑interrogatoire.
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2018‑01‑22
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Conformément à l’ordonnance rendue le 3 avril 2018, l’autorisation a été accordée de déposer l’affidavit et la transcription du contre‑interrogatoire.
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Le 31 janvier 2018
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I. *Incohérence : Archie Nicotine a été contre‑interrogé concernant son premier affidavit qui, selon la transcription, est daté du 9 mai 2016. Cependant, la pièce AR contient un premier affidavit daté du 30 mai 2016 et un deuxième affidavit d’une date antérieure, à savoir le 24 mai 2016, ainsi que les affidavits qui ont été déposés par la suite, mais rien en date du 9 mai 2016.
II. *Incohérence : L’autorisation a été accordée de déposer l’affidavit no 2 d’Elsie Wuttunee, daté du 16 janvier 2017. Cette date est mentionnée dans le contre‑interrogatoire, étant donné qu’une des parties avait un affidavit daté du 16 et celui de l’autre partie était daté du 17.
III. *Incohérence : Les affidavits de Michelle Good et leur radiation ou leur retrait subséquent donnent lieu à plusieurs incohérences dans la numérotation et donc dans le renvoi aux documents déposés. L’affidavit no 5, par exemple, est devenu l’affidavit no 6, lequel est vraisemblablement devenu, par le fait même, l’affidavit no 7. De plus, le contre‑interrogatoire de Michelle Good, mené le 5 janvier 2017 par M. Stooshinoff concernant l’affidavit de cette dernière, a porté sur plus d’une déclaration sous serment – des questions ont également été posées concernant l’affidavit no 3.
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MICHELLE GOOD c PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA ET AL
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POUR La DEMANDERESSE
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POUR LE DÉFENDEUR PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA
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POUR LA DÉFENDERESSE,
PREMIÈRE NATION DE RED PHEASANT
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POUR LE DÉFENDEUR,
PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA
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