Date : 20181119
Dossier : IMM-516-18
Référence : 2018 CF 1139
[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]
Toronto (Ontario), le 19 novembre 2018
En présence de monsieur le juge Diner
ENTRE :
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RYAN NELSON
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demandeur
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et
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LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION
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défendeur
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JUGEMENT ET MOTIFS
I.
Aperçu
[1]
Ryan Nelson (le demandeur) sollicite, en vertu du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 (LIPR), le contrôle judiciaire d’une décision (la décision) du 12 janvier 2018 rendue par une agente d’immigration (l’agente) de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié. L’agente n’était pas convaincue que le demandeur répondait aux exigences de la catégorie des époux ou conjoints de fait au Canada et a rejeté la demande. Pour les motifs qui suivent, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.
II.
Contexte
[2]
Le demandeur est un citoyen de Sainte-Lucie qui est arrivé pour la première fois au Canada le 27 février 2007 et a été admis en qualité de résident temporaire. Le 25 avril 2008, il a été arrêté, mais pas inculpé par le service de police de Toronto et il a été remis en liberté sous caution. Le demandeur a présenté une demande d’examen des risques avant renvoi, qui a été rejetée le 10 novembre 2008, et il a été renvoyé du Canada vers Sainte-Lucie le 18 décembre 2008. Selon la mesure d’exclusion prise à son égard, il était tenu d’obtenir une autorisation de retour au Canada (ARC) s’il souhaitait revenir d’ici un an, aux termes du paragraphe 52(1) de la LIPR.
[3]
Environ un mois après être revenu à Sainte-Lucie, le demandeur a changé son nom pour celui de « Ryehan St. Marthe »
. Il a demandé et obtenu un passeport de Sainte-Lucie avec ce nouveau nom le 2 mars 2009, passeport qu’il a utilisé pour revenir au Canada le 5 avril 2009, sans avoir demandé une ARC, ni avoir communiqué son nom antérieur, ni ses antécédents en matière d’immigration.
[4]
Selon le demandeur, il a rencontré sa femme (la répondante) le 29 juillet 2014. Ils affirment s’être fréquentés pendant plusieurs mois avant que la répondante propose le mariage au demandeur le 29 janvier 2015. Le 24 février 2015, le demandeur a demandé aux autorités de Sainte-Lucie de révoquer son changement de nom et de lui permettre de reprendre son nom antérieur « Ryan Nelson »
. Il a par la suite demandé et obtenu, le 6 mai 2015, un passeport de Sainte-Lucie avec son nom d’origine. Le demandeur et la répondante se sont épousés le 5 septembre 2015.
[5]
Le 15 juin 2016, le demandeur a sollicité le statut de résident permanent dans la catégorie des époux. Citoyenneté et Immigration Canada a convoqué le demandeur et la répondante à une entrevue le 19 décembre 2017 (l’entrevue) afin de déterminer si leur relation matrimoniale était authentique. À la fin de l’entrevue, l’agente a autorisé le demandeur à fournir des documents supplémentaires à l’appui de son dossier, ce qu’il a fait.
[6]
L’agente a rendu sa décision défavorable le 12 janvier 2018. Elle a conclu que le mariage n’était pas authentique, et estimé que le mariage du demandeur visait principalement l’acquisition d’un statut aux termes de la Loi, ce qui ne répondait pas aux exigences de la catégorie des époux. Elle a rédigé un rapport aux termes du paragraphe 44(1) dans lequel elle alléguait que le demandeur était interdit de territoire au Canada en raison de son retour non autorisé en 2009, et du fait qu’il avait omis d’obtenir une ARC.
III.
Question en litige et analyse
[7]
Bien que le demandeur ait soulevé plusieurs questions dans sa demande et ses observations écrites, à l’audience, l’avocate du demandeur a admis qu’elle ne débattrait pas d’autres questions si elle ne réussissait pas à démontrer que la décision de l’agente concernant l’authenticité du mariage était déraisonnable. En fait, l’audience a débouché sur cette conclusion, qui a été transmise aux parties avec les motifs qui suivent.
[8]
La norme de la raisonnabilité s’applique à l’examen de l’authenticité du mariage (Bercasio c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 244, au paragraphe 17). L’article 4 du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227 (le Règlement) se lit ainsi :
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Les parties conviennent qu’il incombe au demandeur d’établir l’authenticité de la relation à l’aide des éléments de preuve produits et que l’agent évalue l’authenticité de la relation en soupesant ces éléments de preuve (Agha Shabbar c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2008 CF 564, au paragraphe 26). Le demandeur conteste toutefois le caractère raisonnable des éléments de preuve pris en considération ainsi que des conclusions qui ont été tirées de ces éléments de preuve.
[10]
Plus précisément, le demandeur affirme tout d’abord que l’agente n’a pas tenu compte d’éléments de preuve essentiels, y compris des lettres, des renseignements bancaires et d’autres documents qui établissent l’authenticité de la relation. Deuxièmement, le demandeur affirme que les prétendues divergences signalées par l’agente entre le témoignage de la répondante et celui du demandeur n’étaient pas vraiment des incohérences, mais reflétaient plutôt une relation authentique. Ces affirmations sont analysées ci-après.
A.
L’agente a-t-elle omis de tenir compte d’éléments de preuve de façon déraisonnable?
[11]
Le demandeur soutient que l’agente n’a pas tenu compte des éléments de preuve qui démontraient que son mariage avec la répondante était authentique et qu’elle s’est plutôt intéressée aux quelques divergences qui existaient entre leurs témoignages. Cet aspect rend, d’après le demandeur, la décision de l’agente déraisonnable. Le demandeur a fourni des éléments de preuve pour démontrer l’authenticité de sa relation, notamment des photographies, des lettres de soutien et des preuves de voyages. En outre, le demandeur affirme que l’agente n’a pas tenu compte des éléments de preuve qui établissaient que lui et la répondante avaient une adresse commune. L’agente a effectivement mentionné dans ses motifs que les [traduction] « documents concernant leur relation [avaient] été pris en compte »
, mais le demandeur allègue qu’elle ne les a pas pris en considération.
[12]
Le défendeur réplique que l’agente a soupesé l’ensemble des éléments de preuve dont elle disposait. Certains des éléments de preuve du demandeur indiquaient que la relation était authentique, mais l’agente a, en fin de compte, estimé que les éléments de preuve indiquant le contraire l’emportaient sur les autres.
[13]
Je conviens avec le défendeur que l’agente a tiré des conclusions tout à fait raisonnables à partir des éléments de preuve, qu’elle a expliqué les divers problèmes et lacunes contenus dans les documents, y compris l’omission d’établir des dates et l’absence d’adresse commune. L’agente n’était pas tenue de mentionner, ni d’expliquer les raisons pour lesquelles elle a rejeté les différents éléments de preuve documentaire présentés. En l’espèce, l’agente a mentionné les éléments de preuve essentiels.
B.
L’agente a-t-elle commis une erreur en estimant que les divergences concernant les fiançailles et la cohabitation étaient incompatibles?
[14]
L’agente a conclu que la relation n’était pas authentique en partie en raison de trois divergences centrales découlant des témoignages livrés par le demandeur et par la répondante en entrevue, ainsi que des éléments de preuve documentaire fournis. Ces divergences concernent a) la première sortie du couple; b) la proposition de mariage; et c) la date de la cohabitation. Le demandeur soutient que les supposées divergences mentionnées par l’agente ont été traitées adéquatement dans les réponses fournies à ses questions et étayées par les éléments de preuve documentaire.
[15]
Encore une fois, j’estime que l’agente a tiré des conclusions tout à fait raisonnables, compte tenu de divergences importantes existant entre les récits de ces trois événements marquants du mariage du demandeur.
[16]
Premièrement, les récits ne concordaient pas quant à ce qu’ils avaient fait lors de leur première sortie. Deuxièmement, leurs versions des fiançailles étaient différentes, y compris au sujet de ce qu’ils faisaient à ce moment-là, de l’endroit où ils se trouvaient dans leur domicile et s’il y avait eu un anneau. Troisièmement, il y avait une divergence dans leurs récits au sujet de la date à laquelle ils avaient commencé à cohabiter. L’agente a estimé, de façon raisonnable, que les explications offertes n’étaient pas satisfaisantes.
[17]
Le défendeur a souligné, et je suis d’accord, que les conclusions que l’agente a tirées de ces trois divergences étaient des observations raisonnables, en particulier, compte tenu des antécédents du demandeur qui, comme cela est mentionné dans la décision :
[traduction]
[…] a montré qu’il avait tendance à ne pas respecter les conditions d’entrée, ni les lois de l’immigration. Il semble vouloir demeurer au Canada et d’après ses diverses activités, je ne suis pas convaincue que sa relation ne visait pas principalement à faciliter le traitement de sa demande de résidence permanente au Canada.
[18]
L’agente avait le droit de tenir compte des antécédents en matière d’immigration du demandeur dans son analyse (Aburime c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 194, au paragraphe 23).
[19]
Il était loisible à l’agente de prendre en compte la motivation initiale à contracter un mariage (Burton c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 345, aux paragraphes 27 et 28). Les circonstances entourant l’origine de la relation et ses buts initiaux relèvent à bon droit du jugement du décideur, compte tenu du libellé de l’article 4 du Règlement, que le mariage soit ou non devenu authentique avec le temps (Vo c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2018 CF 230, au paragraphe 46).
IV.
Conclusion
[20]
Il était raisonnable que l’agente conclue, d’après les éléments de preuve, les contradictions et les antécédents en matière d’immigration du demandeur, que la relation de celui-ci visait principalement des fins d’immigration. La demande est rejetée. Aucune partie n’a proposé de question à certifier et je conviens que la présente affaire n’en soulève aucune.
JUGEMENT dans le dossier IMM-516-18
LA COUR ORDONNE ce qui suit :
La demande de contrôle judiciaire est rejetée.
Aucune question à certifier n’a été proposée et l’affaire n’en a soulevé aucune.
Aucuns dépens ne sont adjugés.
« Alan S. Diner »
Juge
Traduction certifiée conforme
Ce 3e jour de décembre 2018.
Isabelle Mathieu, traductrice
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER :
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IMM-516-18
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INTITULÉ :
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RYAN NELSON c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION
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LIEU DE L’AUDIENCE :
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Toronto (Ontario)
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DATE DE L’AUDIENCE :
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LE 25 OCTOBRE 2018
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JUGEMENT ET MOTIFS :
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LE JUGE DINER
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DATE DES MOTIFS :
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LE 19 NOVEMBRE 2018
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COMPARUTIONS :
Kathryn Lynch
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POUR LE DEMANDEUR
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Michael Butterfield
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POUR LE DÉFENDEUR
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AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
South Etobicoke Community Legal Services
Avocats
Toronto (Ontario)
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POUR LE DEMANDEUR
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Procureur général du Canada
Toronto (Ontario)
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POUR LE DÉFENDEUR
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