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Date : 20181108


Dossier : T-1563-17

Référence : 2018 CF 1125

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 8 novembre 2018

En présence de monsieur le juge Norris

ENTRE :

DAVID RODRIGUEZ

demandeur

et

SA MAJESTÉ LA REINE

défenderesse

JUGEMENT ET MOTIFS

I.  APERÇU

[1]  Lors des dernières élections fédérales, David Rodriguez n’était pas impressionné par les candidats parmi lesquels il devait choisir. Il aurait voulu inscrire [traduction] « aucun des candidats ». Toutefois, s’il avait déclaré ce choix sur son bulletin de vote, celui‑ci aurait été rejeté en vertu de la Loi électorale du Canada, LC 2000, c 9 [la LEC], au même titre que tous les autres bulletins qui n’ont pas été remplis adéquatement, et aucune trace de son choix de rejeter tous les candidats disponibles n’aurait été conservée. M. Rodriguez soutient qu’il s’agit d’une limite injustifiée à son droit à la liberté d’expression garanti par l’alinéa 2b) de la Charte canadienne des droits et libertés. Il sollicite un jugement déclaratoire en ce sens sur le fondement du paragraphe 24(1) de la Charte. Il ne demande pas une réparation fondée sur le paragraphe 52(1) de la Loi constitutionnelle de 1982 à l’égard de l’une ou l’autre des parties de la LEC.

[2]  La défenderesse, Sa Majesté la Reine, a déposé une requête en jugement sommaire à l’égard de l’action de M. Rodriguez sur le fondement de l’article 213 des Règles des Cours fédérales, DORS/98-106. La défenderesse soutient qu’il n’existe pas de véritable question litigieuse, car l’action repose sur une revendication des droits garantis par l’alinéa 2b) de la Charte fondée sur une obligation positive de la part du gouvernement que M. Rodriguez ne peut établir. Subsidiairement, la défenderesse soutient que, même si la revendication des droits garantis par l’alinéa 2b) de la Charte était fondée sur une obligation négative, il n’existe pas de véritable question litigieuse. Pour sa part, M. Rodriguez convient que sa demande ne peut être accueillie si elle repose sur un droit positif à la liberté d’expression, mais il soutient que cela n’est pas le cas et que, à tout le moins, son action devrait faire l’objet d’un procès sommaire.

[3]  Pour les motifs qui suivent, je conviens avec la défenderesse qu’il n’existe pas de véritable question litigieuse. La question déterminante – la qualification du droit à la liberté d’expression sur lequel la demande est fondée – doit être tranchée en défaveur de M. Rodriguez. En résumé, la LEC n’empêche pas M. Rodriguez d’exprimer son rejet de tous les candidats disponibles sur le bulletin de vote. Bien que la LEC l’empêche de communiquer cette opinion à quiconque au moyen de cette tribune, cet empêchement constituerait une limite à ses droits seulement si l’alinéa 2b) de la Charte obligeait le gouvernement à permettre que cette tribune soit utilisée à cette fin. Il est évident et manifeste que les conditions nécessaires à une telle obligation positive de la part du gouvernement ne peuvent être établies. Par conséquent, la requête de la défenderesse est accueillie et l’action de M. Rodriguez est rejetée.

II.  QUESTION PRÉLIMINAIRE – QUI SONT LES VÉRITABLES DÉFENDEURS?

[4]  Dans sa déclaration modifiée, M. Rodriguez a désigné Sa Majesté la Reine, le président du Conseil privé de la Reine pour le Canada, ainsi que le procureur général du Canada comme défendeurs. En plus de la requête en jugement sommaire, la défenderesse Sa Majesté la Reine a demandé une ordonnance en vertu de l’article 76 des Règles des Cours fédérales en vue d’obtenir le retrait du procureur général du Canada et du président du Conseil privé de la Reine pour le Canada à titre de défendeurs. Bien qu’il se soit initialement opposé à la requête en vue de retirer le procureur général du Canada, M. Rodriguez a finalement accédé à la demande de la défenderesse.

[5]  M. Rodriguez a commencé l’instance par voie d’action. En Cour fédérale, une action contre la Couronne est intentée contre Sa Majesté la Reine. Si l’intention du demandeur n’est pas d’obtenir réparation contre le procureur général en sa qualité personnelle, il est inutile d’inclure le procureur général du Canada à titre de partie (Kealey c La Reine, [1992] 1 CF 195, au paragraphe 64; Mandate Erectors and Welding Ltd c La Reine, 1996 CanLII 3818 (CF); [1996] ACF no 1130). J’applique le même principe au président du Conseil privé de la Reine. Puisque le demandeur, dans le cadre de la présente action, ne demande réparation contre aucun de ces défendeurs en leur qualité personnelle, la seule véritable défenderesse est Sa Majesté la Reine. Pour ces motifs, à l’audition de la présente requête, j’ai ordonné que les deux autres défendeurs soient retirés des procédures. L’intitulé a été modifié en conséquence.

III.  CONTEXTE

[6]  Lorsqu’il a déposé sa déclaration en octobre 2017, M. Rodriguez était âgé de 26 ans et résidait à Gatineau, au Québec. Il étudiait dans le programme anglais de common law à la Faculté de droit de l’Université d’Ottawa.

[7]  M. Rodriguez est un citoyen canadien naturalisé. L’article 3 de la Charte lui garantit, à lui ainsi qu’à tous les autres citoyens canadiens, « le droit de vote et [leur] éligib[ilité] aux élections législatives fédérales ou provinciales ».

[8]  Le 19 octobre 2015, des élections fédérales ont eu lieu pour élire les députés de la Chambre des communes de la 42e législature. Selon sa déclaration modifiée, M. Rodriguez n’a pas voté lors de cette élection [traduction] « en raison de son incapacité à manifester officiellement son insatisfaction à l’égard de tous les candidats disponibles ».

[9]  M. Rodriguez soutient que cette situation résulte de plusieurs dispositions de la LEC. Les dispositions pertinentes sont énoncées en annexe aux présents motifs.

[10]  De façon générale, les votes lors des élections fédérales doivent être inscrits sur des bulletins de vote préparés conformément à l’article 116 de la LEC. Aux termes de l’article 117, le bulletin de vote contient les noms des candidats qui se présentent aux élections dans une circonscription en ordre alphabétique et leur appartenance politique ou leur statut « indépendant » selon le cas.

[11]  Le bulletin de vote correctement rempli enregistre un seul vote exprimé pour l’un des candidats précisés sur le bulletin. Les électeurs peuvent marquer leur bulletin de plusieurs autres façons, mais cela entraînera généralement le rejet du bulletin quand les votes sont compilés. Selon le paragraphe 284(1) de la LEC, le scrutateur doit rejeter le bulletin de vote si, notamment, il ne porte aucune marque dans l’un des cercles qui se trouvent à droite des noms des candidats, s’il porte une marque dans plusieurs des cercles qui se trouvent à droite des noms des candidats, si un vote a été exprimé en faveur d’une personne autre qu’un candidat dans la circonscription (voir l’article 76 de la LEC) ou s’il porte une inscription ou une marque qui pourrait faire reconnaître l’électeur.

[12]  Par conséquent, si M. Rodriguez écrivait, par exemple, le nom de quelqu’un qui n’est pas un candidat, son bulletin de vote serait rejeté. Il en serait de même s’il écrivait la mention « aucun des candidats » sur son bulletin de vote ou s’il n’y inscrivait tout simplement rien pour démontrer ce choix.

[13]  Quand la période pour aller voter à une élection prend fin, selon le paragraphe 287(1) de la LEC, le scrutateur de chaque conscription est responsable de la préparation d’un relevé du scrutin qui énonce le nombre de votes en faveur de chaque candidat et le nombre de bulletins de vote rejetés. La LEC n’oblige pas le scrutateur à signaler la disposition de la Loi qui justifie le rejet d’un bulletin de vote.

[14]  Conformément à l’alinéa 533a) de la LEC, le directeur général des élections est tenu d’établir un rapport pour la Chambre des communes indiquant, par section de vote, le nombre de votes obtenus par chaque candidat, le nombre de bulletins de vote rejetés et le nombre de noms figurant sur la liste électorale définitive. La LEC n’oblige pas le directeur général des élections à signaler la disposition de la Loi qui justifie le rejet d’un bulletin de vote. Tous les bulletins de vote rejetés sont inscrits et publiés comme entrée unique dans les données électorales de chaque section de vote quand le directeur général des élections fait état des résultats à la Chambre des communes.

[15]  Il est intéressant de souligner que le bulletin de vote rejeté est différent du bulletin de vote annulé, même si dans le langage courant, on confond souvent les deux concepts. Selon l’article 2 de la LEC, le bulletin de vote « annulé » est un bulletin qui n’a pas été déposé dans l’urne, mais que le scrutateur a trouvé sali ou imprimé incorrectement (p. ex. du fait d’avoir été manipulé sans précaution par quelqu’un). Contrairement aux bulletins de vote rejetés, les bulletins de vote annulés ne sont pas déclarés dans les résultats officiels des élections.

[16]  La LEC ne prévoit aucune disposition permettant à un électeur de refuser un bulletin de vote.

[17]  En revanche, les lois électorales de l’Ontario, de l’Alberta et du Manitoba permettent aux électeurs ayant reçu un bulletin de vote de le retourner et de refuser formellement de voter. Un registre du nombre d’électeurs qui refusent de voter de cette manière doit être tenu. Voir Loi électorale, LRO 1990, c E.6, article 53; Election Act, RSA 2000, c E.1, article 107.1; et Loi électorale, CPLM, c E30, paragraphe 117(2).

[18]  En 2001, le projet de loi d’initiative parlementaire a été présenté à la Chambre des communes dans lequel on proposait des modifications à la LEC qui autoriseraient un électeur à manifester son insatisfaction à l’égard des parties et des candidats inscrits sur le bulletin de vote en refusant formellement de remplir le bulletin de vote (projet de loi C‑319, Loi modifiant la Loi électorale du Canada (bulletins d’abstention), première lecture, 28 mars 2001). Toutefois, le projet de loi n’a pas obtenu l’appui nécessaire en deuxième lecture le 4 décembre 2001. Il n’a pas été renvoyé au comité et est mort au Feuilleton. Aucune autre modification de cette nature n’a été proposée depuis.

[19]  Nul ne conteste l’application des dispositions de la LEC, y compris le fait que les bulletins de vote qui sont marqués de la mention « aucun des candidats » ne sont pas comptés séparément de tous les autres qui ont été rejetés pour d’autres motifs. Le seul litige concerne la question de savoir si cela restreint la liberté d’expression garantie à M. Rodriguez par l’alinéa 2b) de la Charte.

IV.  CRITÈRE APPLICABLE À UNE REQUÊTE EN JUGEMENT SOMMAIRE

[20]  Le paragraphe 215(1) des Règles des Cours fédérales prévoit que la Cour peut rendre un jugement sommaire si elle « est convaincue qu’il n’existe pas de véritable question litigieuse quant à une déclaration ou à une défense ».

[21]  Le critère à appliquer à une requête en jugement sommaire est bien connu. À supposer que les faits allégués soient avérés, est-il évident et manifeste que la déclaration ne révèle aucune cause d’action raisonnable? Voir, parmi de nombreux autres arrêts, R c Imperial Tobacco Canada Ltée, 2011 CSC 42, au paragraphe 17, et Wenham c Canada (Procureur général), 2018 CAF 199, aux paragraphes 24 à 31.

[22]  Dans l’arrêt Hryniak c Mauldin, 2014 CSC 7 [Hyrniak], la Cour suprême du Canada a expliqué qu’il n’existe pas de véritable question litigieuse nécessitant la tenue d’un procès « lorsque le juge est en mesure de statuer justement et équitablement au fond sur une requête en jugement sommaire. Ce sera le cas lorsque la procédure (1) permet au juge de tirer les conclusions de fait nécessaires, (2) lui permet d’appliquer les règles de droit aux faits et (3) constitue un moyen proportionné, plus expéditif et moins coûteux d’arriver à un résultat juste » (paragraphe 49). Dans le cadre d’une requête en jugement sommaire, la Cour doit se demander si le fait de procéder sans la tenue d’un procès la convainc qu’elle peut établir les faits nécessaires et appliquer les principes juridiques pertinents pour régler le litige (paragraphe 50).

[23]  Bien que l’arrêt Hyrniak repose sur l’article 20 des Règles de procédure civile, RRO 1990, règlement 194 de l’Ontario, et que les Règles des Cours fédérales soient libellées différemment, il nous rappelle les impératifs et les principes que contiennent les règles des Cours fédérales en matière de jugement sommaire (Manitoba c Canada, 2015 CAF 57, aux paragraphes 10 à 17).

[24]  En l’espèce, nul ne conteste réellement la preuve. Le seul litige consiste à savoir comment appliquer les principes juridiques pertinents. Cette question peut être tranchée facilement et équitablement dans le contexte d’une requête en jugement sommaire.

V.  ANALYSE

[25]  M. Rodriguez soutient que les dispositions de la LEC précitées l’empêchent d’exprimer formellement son insatisfaction à l’égard de tous les candidats disponibles aux élections fédérales et qu’il en résulte une limite injustifiée à sa liberté d’expression garantie par l’alinéa 2b) de la Charte. À mon avis, bien que l’action de rejeter tous les candidats disponibles sur le bulletin soit sans aucun doute une forme d’expression, la LEC ne restreint pas cette action d’une manière qui limite la liberté d’expression de M. Rodriguez. La loi empêche M. Rodriguez (comme n’importe qui) de se servir d’un bulletin comme d’une tribune pour exprimer aux autres son insatisfaction à l’égard de tous les candidats disponibles. Il en est ainsi parce que, de la façon dont les bulletins rejetés sont dépouillés, le public ne saura jamais combien de votes, le cas échéant, ont été exprimés en vue de rejeter tous les candidats disponibles. Toutefois, la demande de M. Rodriguez pourrait être accueillie uniquement si l’alinéa 2b) de la Charte obligeait le gouvernement à permettre que les bulletins soient utilisés à cette fin – par exemple, en dépouillant et en rendant public le nombre de bulletins qui reflète ce point de vue, ou en adoptant une procédure pour s’abstenir de voter. Certes, il est toujours loisible au gouvernement de prendre une telle mesure, mais l’alinéa 2b) de la Charte n’impose aucune obligation en ce sens. Par conséquent, l’action de M. Rodriguez doit être rejetée.

[26]  L’article 2 de la Charte garantit à quiconque plusieurs « libertés fondamentales » :

a)  la liberté de conscience et de religion;

b)  la liberté de pensée, de croyance, d’opinion et d’expression, y compris la liberté de la presse et des autres moyens de communication;

c)  la liberté de réunion pacifique;

d)  la liberté d’association.

[27]  La distinction entre un droit et une liberté est fondamentale au débat constitutionnel au Canada, comme ailleurs. En fait, la Charte elle-même garantit à la fois les droits et les libertés. Certes, une distinction claire entre « droits » et « libertés » ne résiste pas à un examen critique, mais historiquement, on jugeait que les termes correspondaient à des distinctions entre droits positifs et négatifs et entre obligations positives et négatives de la part du gouvernement. Prenons l’exemple du droit de vote garanti par l’article 3 de la Charte. Cette garantie serait vide de sens si le gouvernement n’établissait pas et ne maintenait pas les conditions nécessaires à des élections libres et équitables. Autrement dit, le droit garanti par l’article 3 de la Charte impose une obligation positive au gouvernement de créer et de protéger les conditions nécessaires à son exercice. En revanche, la garantie de la liberté de réunion pacifique prévue à l’alinéa 2c) de la Charte est généralement interprétée comme obligeant le gouvernement à s’abstenir d’intervenir dans une activité à laquelle les personnes sont naturellement en mesure de se livrer d’elles‑mêmes, ou de la restreindre. Autrement dit, la garantie donne seulement lieu à une obligation négative – une obligation de la part du gouvernement de ne pas faire certaines choses.

[28]  Dans l’arrêt R c Big M Drug Mart Ltd, [1985] 1 RCS 295, le juge Dickson (tel était alors son titre) a déclaré que « la liberté peut se caractériser essentiellement par l’absence de coercition ou de contrainte » (à la page 336). Comme les autres « libertés fondamentales » garanties par l’article 2 de la Charte, la liberté d’expression est généralement interprétée comme imposant « au gouvernement une obligation négative et non une obligation positive de protection ou d’aide » (Baier c Alberta, 2007 CSC 31, au paragraphe 20 [Baier], citant Haig c Canada, [1993] 2 RCS 995, à la page 1035 [Haig] et Delisle c Canada (Sous-procureur général), [1999] 2 RCS 989, au paragraphe 26). La juge L’Heureux-Dubé a énoncé la distinction en ces termes dans l’arrêt Haig : « Selon le point de vue traditionnel, exprimé dans le langage courant, la garantie de la liberté d’expression énoncée à l’al. 2b) interdit les bâillons mais n’oblige pas à la distribution de porte-voix » (à la page 1035).

[29]  Toutefois, dans le Renvoi relatif à la Public Service Employee Relations Act (Alb.), [1987] 1 RCS 313, le juge Dickson (alors juge en chef) a fait remarquer que, bien qu’une distinction conceptuelle entre les droits et libertés soit couramment établie dans le sens exposé ci-dessus, l’interprétation des libertés garanties par la Charte comme comportant simplement une absence d’intervention ou de contrainte « est peut-être trop étroite étant donné qu’elle ne reconnaît pas l’existence de certains cas où l’absence d’intervention gouvernementale est effectivement susceptible de porter atteinte sensiblement à la jouissance de libertés fondamentales » (à la page 361). Le juge en chef Dickson était dissident, mais son appel à la mise en garde contre l’observation stricte de la distinction entre « droits » et « libertés », au sens traditionnel qu’on leur donne, a été retenu quelques années plus tard par la juge L’Heureux‑Dubé au nom de la majorité dans l’arrêt Haig.

[30]  La juge L’Heureux-Dubé a accepté que « la philosophie de la non-ingérence ne permettra peut-être pas, dans tous les cas, d’assurer le fonctionnement optimal du libre échange des idées » (à la page 1037). Faisant siennes les observations de l’ancien juge en chef, elle a déclaré qu’il « faut se garder de tout dogmatisme dans l’utilisation [du] langage » qui exprime des distinctions entre les droits et les libertés ou entre les droits ou obligations négatifs et positifs. Elle a ensuite poursuivi :

Les distinctions entre « libertés » et « droits » et entre droits positifs et droits négatifs ne sont pas toujours nettes ni utiles. On ne doit pas s’éloigner du contexte de l’approche fondée sur l’objet énoncée par notre Cour dans l’arrêt R. c. Big M Drug Mart Ltd., [1985] 1 R.C.S. 295. Suivant cette approche, il pourrait se présenter une situation dans laquelle il ne suffirait pas d’adopter une attitude de réserve pour donner un sens à une liberté fondamentale, auquel cas une mesure gouvernementale positive s’imposerait peut‑être. Celle-ci pourrait, par exemple, revêtir la forme d’une intervention législative destinée à empêcher la manifestation de certaines conditions ayant pour effet de museler l’expression, ou à assurer l’accès du public à certains types de renseignements (Haig, à la page 1039).

[31]  Cette situation ne s’est pas présentée dans l’arrêt Haig en soi. L’affaire portait sur les référendums qui ont été tenus en 1992 concernant les modifications constitutionnelles proposées dans l’Accord du lac Meech. Deux référendums ont été tenus – un au Québec en vertu de la loi provinciale et un autre dans le reste du Canada en vertu de la loi fédérale. M. Haig avait récemment quitté Ottawa pour s’installer à Hull, au Québec. Puisqu’il habitait au Québec, il n’avait pas le droit de voter au référendum fédéral, mais, selon le droit québécois, il n’avait pas habité dans la province suffisamment longtemps pour avoir le droit de voter au référendum québécois. M. Haig a présenté une demande à la Cour fédérale, Section de première instance, en vue d’obtenir des ordonnances fondées sur la Charte qui lui permettraient (et qui permettraient à d’autres résidants du Québec se trouvant dans une situation semblable) de voter au référendum fédéral. Lorsque l’affaire a finalement été portée à la Cour suprême du Canada, les juges majoritaires ont conclu que la privation de son droit électoral au référendum fédéral ne violait pas les droits qui lui sont garantis par l’article 3, l’alinéa 2b) ou le paragraphe 15(1) de la Charte. S’agissant de la demande fondée sur l’alinéa 2b), les juges majoritaires ont conclu que, bien qu’un référendum soit assurément une tribune pour favoriser l’expression, il s’agit d’une création de la loi et l’alinéa 2b) n’impose à aucun gouvernement une obligation positive de consulter les citoyens par le recours à cette méthode particulière qu’est un référendum. Voir l’arrêt Haig, aux pages 1040 à 1042.

[32]  Dans le même ordre d’idées, au nom de la majorité dans l’arrêt Assoc. des femmes autochtones du Canada c Canada, [1994] 3 RCS 627, une affaire soulevant des oppositions fondées sur la Charte à la décision du gouvernement de financer certains organismes autochtones et de leur permettre de participer aux discussions sur la Constitution, et non à d’autres, le juge Sopinka a déclaré que l’alinéa 2b) de la Charte « ne garantit aucun mode précis d’expression ou n’impose au gouvernement aucune obligation positive de consulter quiconque » (à la page 663).

[33]  Toutefois, la Cour suprême du Canada a finalement accueilli une action dans laquelle une mesure gouvernementale de portée restreinte fondée sur une liberté fondamentale était contestée sur le fondement de la Constitution. Dans l’arrêt Dunmore c Ontario (Procureur général), 2001 CSC 94 [Dunmore], les juges majoritaires de la Cour ont conclu que même une liberté classique comme la liberté d’association exigeait une mesure gouvernementale positive si les critères suivants n’étaient pas respectés. En premier lieu, la demande doit être fondée sur des libertés fondamentales garanties par la Charte et non pas simplement sur un régime légal précis. En deuxième lieu, le demandeur doit démontrer que son exclusion du régime légal en question entraîne une entrave substantielle à l’exercice d’une activité protégée. Le demandeur n’est pas tenu de démontrer que l’exercice d’une liberté est impossible, mais doit rechercher plus d’une voie particulière pour l’exercice des libertés fondamentales. (Si l’objet de la loi est de limiter l’activité protégée, il sera possible d’en tenir compte dans l’analyse.) En troisième lieu, le gouvernement doit être responsable de toute incapacité d’exercer la liberté fondamentale (parce que, par exemple, il est chargé de son régime légal duquel le demandeur est exclu). Voir l’arrêt Dunmore, aux paragraphes 24 à 33. Dans l’arrêt Dunmore, la Cour a jugé que toutes ces conditions étaient remplies, et la loi ontarienne sur les relations de travail qui excluait les travailleurs agricoles a été déclarée inconstitutionnelle.

[34]  Même si l’arrêt Dunmore concernait la liberté d’association, on a estimé que les trois facteurs pour contester avec succès une mesure légale de portée restreinte s’appliquaient à l’article 2 de la Charte en général, y compris évidemment à la liberté d’expression (Baier, au paragraphe 29). Toutefois, l’arrêt Dunmore a seulement établi une exception restreinte à la règle habituelle selon laquelle les « libertés » n’imposent pas d’obligations positives à l’État. Comme l’a plus tard dit la juge Deschamps au nom de la majorité dans l’arrêt Greater Vancouver Transportation Authority c Fédération canadienne des étudiantes et étudiants Section Colombie-Britannique, 2009 CSC 31 [Greater Vancouver], lorsque le gouvernement crée un mode d’expression, « l’État est généralement admis à décider de ceux qui pourront s’en prévaloir. La personne qui n’y a pas accès ne peut invoquer l’alinéa 2b) à l’encontre de cette exclusion que si elle satisfait aux critères de l’arrêt Baier. » (au paragraphe 29)

[35]  En s’inspirant de l’arrêt Dunmore, la Cour a déclaré dans l’arrêt Baier que, dans les cas où est soulevée la question de savoir si un droit positif est revendiqué sur le fondement de l’alinéa 2b) de la Charte, les étapes suivantes doivent être appliquées. Premièrement, la Cour doit se demander si l’activité pour laquelle le demandeur sollicite la protection de l’alinéa 2b) est une forme d’expression. Dans l’affirmative, la Cour doit deuxièmement se demander si le demandeur revendique un droit positif à la protection de l’État, ou simplement le droit d’être protégé contre l’ingérence du gouvernement. Si le demandeur revendique un droit positif, la Cour doit, troisièmement, prendre en considération les trois facteurs susmentionnés de l’arrêt Dunmore. Si le demandeur ne peut satisfaire aux trois critères, la demande fondée sur l’alinéa 2b) sera rejetée. Si les trois facteurs de l’arrêt Dunmore sont respectés, il y a donc eu manquement à l’alinéa 2b) et l’analyse passe à l’article premier de la Charte. Voir l’arrêt Baier, au paragraphe 30.

[36]  Comment ce critère s’applique‑t-il à la demande de M. Rodriguez?

[37]  Je comprends que la première étape de l’analyse est la même que celle qui a été appliquée dans l’arrêt Irwin Toy Ltd c Québec (Procureur général), [1989] 1 RCS 927 [Irwin Toy]. La Cour doit déterminer si l’activité en cause relève du champ protégé de la liberté d’expression. Si l’activité « transmet ou tente de transmettre une signification, elle a un contenu expressif et relève à première vue du champ de la garantie » (Irwin Toy, à la page 969).

[38]  Il ne fait aucun doute que le fait de marquer son bulletin de vote ou même de ne rien y inscrire pour signaler son rejet des candidats disponibles est un acte qui transmet ou tente de transmettre une signification. Cet acte a un contenu expressif et, par conséquent, relève à première vue du champ de la garantie de la liberté d’expression. Par conséquent, nous devons passer à la prochaine étape.

[39]  La deuxième étape consiste à se demander si M. Rodriguez revendique un droit positif. Il s’agit du cœur de la présente requête. Comme je l’ai indiqué au début, M. Rodriguez convient que sa demande ne peut être accueillie si le droit qu’il revendique est positif.

[40]  M. Rodriguez soutient qu’il revendique uniquement un droit négatif, et non un droit positif. Il soutient, à juste titre, qu’il a un droit d’accès à la tribune fournie par la LEC, mais allègue que le contenu qu’il peut exprimer dans cette tribune est trop restreint. M. Rodriguez soutient que, comme dans l’arrêt Greater Vancouver, il ne cherche pas à obtenir un mode d’expression en particulier auquel l’accès lui a été refusé. Il souhaite plutôt avoir la liberté de s’exprimer au moyen d’une tribune existante dont il a le droit de se servir sans ingérence excessive de la part de l’État.

[41]  Je ne suis pas d’accord. Dans la mesure où M. Rodriguez ne peut communiquer les messages qu’il souhaite communiquer sur la tribune établie par la LEC, il en est ainsi parce que l’objectif de la tribune est complètement différent de celui pour lequel il cherche à l’utiliser. La LEC établit une méthode pour déterminer qui siégera à la Chambre des communes en tenant des élections et en déterminant qui sont les candidats élus. Ne pas concevoir cette tribune pour qu’elle puisse aussi être utilisée à des fins différentes – p. ex. pour exprimer « officiellement » son rejet de tous les candidats disponibles – n’est pas une restriction de la liberté d’expression qui peut être contestée par la revendication d’un droit négatif. La situation serait très différente si, par exemple, la LEC obligeait M. Rodriguez à remplir un bulletin d’une façon qui ne lui permettrait pas de rejeter tous les candidats disponibles ou si elle imposait une forme de sanction à quiconque ne respecte pas les règles sur la façon de remplir les bulletins de vote. En termes simples, aucune action gouvernementale en l’espèce ne pourrait déclencher la revendication d’un droit négatif. Or, cela veut-il dire que M. Rodriguez doit, par conséquent, revendiquer un droit positif?

[42]  Les arrêts Baier et Greater Vancouver fournissent des indications utiles pour savoir si le droit revendiqué est positif. Dans l’arrêt Baier, le juge Rothstein a déclaré, au nom de la majorité, que « pour déterminer si le droit invoqué est positif, il faut se demander si les appelants prétendent que le gouvernement devrait légiférer ou prendre d’autres mesures pour appuyer ou permettre une activité expressive » (au paragraphe 35). Dans l’arrêt Greater Vancouver, la Cour a mis en garde contre une interprétation trop large du critère. S’exprimant au nom de la majorité, la juge Deschamps a affirmé ce qui suit (au paragraphe 34) :

Interprétés hors contexte, les mots « mesures pour appuyer ou permettre » pourraient dans bien des cas transformer une affaire de liberté d’expression en une revendication de droit positif. L’expression dans un endroit ou un espace public suppose nécessairement quelque appui ou habilitation de la part du gouvernement. L’existence de rues, de parcs et d’autres lieux publics tient souvent à une loi ou à une mesure gouvernementale. S’il suffisait que l’État appuie ou permette l’activité expressive pour que soit justifié l’examen sous l’angle de la revendication d’un droit positif, on pourrait soutenir que la demande d’accès à un parc public par des manifestants devrait être considérée en fonction du cadre d’analyse de l’arrêt Baier, car pour accéder à la demande, l’État devrait permettre l’expression par la mise à disposition du moyen requis (le lieu). Ce serait mal interpréter l’arrêt Baier.

Au contraire, « le fait d’appuyer ou de permettre l’activité expressive doit être relié à une demande faite à l’État de donner accès à un mode d’expression en particulier » (Greater Vancouver, au paragraphe 35).

[43]  À mon avis, il s’agit précisément de ce que demande M. Rodriguez. Il se plaint du fait que le gouvernement ne lui a pas fourni un mode d’expression en particulier – à savoir que le rejet de tous les candidats disponibles soit compté dans le résultat des élections. Selon M. Rodriguez, ce défaut du gouvernement porte atteinte aux droits qui lui sont garantis par l’alinéa 2b) de la Charte. Cela ne peut être interprété que comme la revendication d’un droit positif. Son argument repose sur la prémisse que le gouvernement a l’obligation positive d’agir d’une certaine façon afin de faciliter l’activité expressive qu’il souhaite exercer. Autrement dit, pour que son argument soit retenu, le gouvernement doit être tenu de permettre qu’une tribune conçue à une fin puisse également servir à une fin complètement différente.

[44]  Comme il le reconnaît, contrairement aux situations examinées dans les arrêts Haig, Dunmore ou Baier, M. Rodriguez n’est pas exclu d’un régime légal en droit. Il était libre de voter aux dernières élections fédérales à sa façon. Après avoir reçu son bulletin de vote, il aurait également été libre de le retourner sans le remplir. M. Rodriguez a choisi de ne pas participer aux élections tenues en application de la LEC parce que, s’il avait exercé l’une de ces actions, celle‑ci n’aurait pas été comptabilisée dans les résultats électoraux ni déclarée publiquement. Sa plainte porte uniquement sur le fait que le gouvernement n’a pas conçu le processus de vote d’une manière qui lui permet d’exprimer une opinion précise par un moyen en particulier. Il s’agit nécessairement d’une revendication d’un droit positif.

[45]  M. Rodriguez ne peut éviter ce résultat en invoquant une demande de jugement déclaratoire. Bien qu’il ne cherche pas à modifier la loi, il doit malgré tout invoquer une obligation positive de la part du gouvernement pour que sa demande de jugement déclaratoire soit accueillie.

[46]  Compte tenu de la position de M. Rodriguez dans la présente requête, cette conclusion suffit pour trancher l’affaire en faveur de la défenderesse. Néanmoins, il peut tout de même être intéressant d’examiner brièvement les facteurs énoncés dans l’arrêt Dunmore.

[47]  Tout d’abord, la défenderesse soutient que la demande de M. Rodriguez [traduction] « repose sur l’application des dispositions du régime légal plutôt que sur les libertés et les droits fondamentaux qui sous-tendent la Charte » (observations écrites de la défenderesse, au paragraphe 46). Je ne suis pas d’accord. La demande de M. Rodriguez repose sur une liberté fondamentale garantie par la Charte. Il souhaite communiquer une opinion politique. Il ne fait aucun doute que la communication d’une opinion politique « représente la forme d’expression la plus importante et la plus protégée » et qu’elle constitue « un aspect fondamental de la liberté d’expression » (Harper c Canada (Procureur général), 2004 CSC 33, au paragraphe 11 (la juge en chef McLachlin et le juge Major, dissidents pour d’autres motifs) et au paragraphe 66 (le juge Bastarache)). Cette liberté existe indépendamment du régime légal en cause en l’espèce.

[48]  Toutefois, la demande de M. Rodriguez ne respecte pas le deuxième facteur. Il est évident et manifeste qu’il ne peut établir une entrave substantielle à l’exercice de l’activité protégée prévue à l’alinéa 2b). Autrement dit, il est évident et manifeste que M. Rodriguez tente simplement d’obtenir une voie en particulier pour exercer sa liberté d’expression fondamentale et, dans l’arrêt Dunmore, la Cour a conclu que cela est insuffisant pour justifier la revendication d’un droit positif (voir Dunmore, au paragraphe 25). Puisque M. Rodriguez disposait de nombreux autres moyens d’exprimer son opinion sur les candidats des dernières élections, le gouvernement n’est pas obligé de lui fournir celui qu’il préfère.

[49]  Dans ses actes de procédure, M. Rodriguez n’aborde pas du tout ces questions. Bien que l’on puisse excuser ce dernier de ne pas avoir anticipé toutes les nuances du cadre d’analyse établi dans l’arrêt Baier lorsqu’il a rédigé ses actes de procédure, la défenderesse a, quant à elle, carrément mis en cause la question du « droit positif » dans sa défense et, d’autant plus, dans ses observations écrites sur la présente requête en jugement sommaire. M. Rodriguez a déployé de vaillants efforts pour établir une distinction entre l’arrêt Baier et l’espèce dans ses observations sur la présente requête, mais, pour les motifs que j’ai exposés, il n’a pas réussi à le faire.

[50]  L’absence d’actes de procédure ou de preuve pouvant démontrer un droit positif est fatale à la présente action. Comme l’a dit la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Canada (Procureur général) c Lameman, 2008 CSC 14, une requête en jugement sommaire « doit être jugée sur la base des actes de procédure et des éléments de preuve dont le juge est véritablement saisi, et non en fonction de suppositions quant à ce qui pourrait être plaidé ou établi plus tard » (paragraphe 19). L’article 214 des Règles des Cours fédérales oblige le requérant dans le cadre d’une requête en jugement sommaire à « énoncer les faits précis et produire les éléments de preuve démontrant l’existence d’une véritable question litigieuse », à supposer qu’une telle question se pose. M. Rodriguez ne l’a pas fait. Il ne fait aucun doute que c’est la raison pour laquelle il était prêt à reconnaître que sa demande ne peut être accueillie si le droit qu’il revendique est positif.

[51]  Puisqu’il faut satisfaire à tous les facteurs de l’arrêt Dunmore pour établir une atteinte à un droit positif garanti par l’alinéa 2b), il n’est pas nécessaire, à proprement parler, d’examiner le dernier facteur. Toutefois, par souci d’exhaustivité, je fais simplement remarquer qu’en l’absence d’une possibilité raisonnable d’établir l’incapacité d’exprimer une opinion sur les candidats disponibles, le gouvernement n’a aucune raison d’être tenu responsable. Le troisième facteur n’a pas non plus été rempli.

[52]  Je reconnais que le critère énoncé dans l’arrêt Baier n’a pas été formulé dans le contexte d’une requête en jugement sommaire et que, dans une certaine mesure, il s’inscrit maladroitement dans le présent contexte (p. ex., il exige de déterminer si un demandeur a démontré certains éléments, vraisemblablement à la fin du procès). Néanmoins, il s’agit du cadre que je dois appliquer et, avec les ajustements nécessaires, il peut être adapté à une requête en jugement sommaire.

[53]  Appliquant ce critère, j’ai conclu qu’il n’existe pas de véritable question litigieuse. La revendication de M. Rodriguez concerne un droit positif et, par conséquent, est vouée à l’échec.

VI.  DÉPENS

[54]  La défenderesse sollicite ses dépens dans la présente requête. Puisqu’elle a obtenu gain de cause, il s’agirait du résultat habituel. À mon avis, toutefois, il ne s’agit pas d’un cas où il conviendrait d’adjuger les dépens. M. Rodriguez se représente lui-même. Il s’est comporté de manière responsable tout au long de l’instance. Ses observations écrites et orales sur la présente requête en jugement sommaire m’ont été utiles. Plus important encore, même si j’ai conclu qu’il n’existe pas de véritable question litigieuse, cela ne veut pas dire que l’affaire n’a pas soulevé de questions d’importance publique. Au contraire, elle a soulevé des questions sérieuses concernant la liberté d’expression garantie par la Charte et la démocratie. Il convient de féliciter M. Rodriguez pour son intérêt pour ces questions.

VII.  CONCLUSION

[55]  Pour ces motifs, la requête en jugement sommaire de la défenderesse est accueillie et l’action du demandeur est rejetée. Aucuns dépens ne sont adjugés.


JUGEMENT dans le dossier T-1563-17

LA COUR STATUE que :

  1. La requête en jugement sommaire est accueillie.

  2. L’action du demandeur est rejetée.

  3. Aucuns dépens ne sont adjugés.

« John Norris »

Juge.


ANNEXE

Loi électorale du Canada, LC 2000, c 9

Définitions

Definitions

2 (1) Les définitions qui suivent s’appliquent à la présente loi.

2 (1) The definitions in this subsection apply in this Act.

annulé S’agissant du bulletin de vote ou du bulletin de vote spécial au sens de l’article 177 :

spoiled, in relation to a ballot or a special ballot as defined in section 177, means

a) le bulletin de vote qui n’a pas été déposé dans l’urne mais que le scrutateur a trouvé sali ou imprimé incorrectement;

(a) one that has not been deposited in the ballot box but has been found by the deputy returning officer to be soiled or improperly printed; or

b) le bulletin de vote annulé dans le cadre des paragraphes 152(1), 171(1) — dans la mesure où il prévoit l’application du paragraphe 152(1) aux bureaux de vote par anticipation — , 213(4), 242(1) ou 258(3).

(b) one that is dealt with under subsection 152(1), including in relation to advance polls by virtue of subsection 171(1), or subsection 213(4), 242(1) or 258(3).

[…]

Nullité des votes en faveur de personnes non présentées

Votes for persons not properly nominated to be void

76 À une élection, tous les votes en faveur d’une personne autre qu’un candidat sont nuls.

76 Any votes given for a person other than a candidate are void.

[…]

Impression des bulletins de vote

Ballot printed in Form 3

116 (1) Dans les meilleurs délais après 14 h le dix-neuvième jour précédant le jour du scrutin, le directeur du scrutin autorise l’impression en quantité suffisante des bulletins de vote selon le formulaire 3 de l’annexe 1.

116 (1) The returning officer shall, as soon as possible after 2:00 p.m. on the 19th day before polling day, authorize the printing of a sufficient number of ballots in Form 3 of Schedule 1.

Forme du bulletin

Form of ballot

(2) Le bulletin de vote comporte un talon et une souche avec ligne perforée entre le bulletin de vote proprement dit et le talon et entre le talon et la souche.

(2) Ballots shall have a counterfoil and a stub, with a line of perforations between the ballot and the counterfoil and between the counterfoil and the stub.

Numérotation

Numbering of ballots

(3) Les bulletins de vote doivent être numérotés au verso de la souche et du talon, le même numéro étant imprimé sur la souche et sur le talon.

(3) The ballots shall be numbered on the back of the stub and the counterfoil, and the same number shall be printed on the stub as on the counterfoil.

Carnets de bulletins de vote

Books of ballots

(4) Les bulletins de vote sont reliés en carnets contenant le nombre approprié de bulletins de vote.

(4) Ballots shall be in books containing an appropriate number of ballots.

Obligation de l’imprimeur

Obligation re: ballots, ballot paper

(5) L’imprimeur est tenu de remettre au directeur du scrutin tous les bulletins de vote qu’il a imprimés ainsi que la partie inutilisée du papier sur lequel ils devaient être imprimés.

(5) Each printer shall return all of the ballots and all of the unused paper on which the ballots were to have been printed, to the returning officer.

Nom de l’imprimeur et affidavit

Printer’s name and affidavit

(6) Les bulletins de vote doivent porter le nom de l’imprimeur qui doit, lorsqu’il les livre au directeur du scrutin, lui remettre une déclaration sous serment, selon le formulaire prescrit, précisant leur description, le nombre qu’il lui livre et le fait qu’il s’est conformé au paragraphe (5).

(6) Ballots shall bear the name of the printer who, on delivering them to the returning officer, shall include an affidavit in the prescribed form that sets out a description of the ballots, the number of ballots delivered to the returning officer and the fact that all ballots were provided, and all paper returned, as required by subsection (5).

Renseignements contenus dans les bulletins

Information on the ballot

117 (1) Les bulletins de vote doivent contenir les noms des candidats, suivant l’ordre alphabétique, tels qu’ils apparaissent sur les actes de candidature des candidats.

117 (1) Ballots shall contain the names of candidates, arranged alphabetically, taken from their nomination papers.

Nom du parti

Name of party

(2) Les bulletins de vote mentionnent, sous le nom du candidat, le nom, dans la forme précisée à l’alinéa 385(2)b), du parti politique qui le soutient si les conditions suivantes sont remplies :

(2) The name, in the form referred to in paragraph 385(2)(b), of the political party that has endorsed the candidate shall be listed on the ballot under the name of the candidate if

a) le candidat l’a mentionné dans son acte de candidature;

(a) the candidate’s nomination paper includes it;

b) l’acte prévu à l’alinéa 67(4)c) a été présenté;

(b) the condition described in paragraph 67(4)(c) is met; and

c) au plus tard dans les quarante-huit heures suivant la clôture des candidatures, le parti est enregistré.

(c) no later than 48 hours after the close of nominations, the party is a registered party.

Mention « indépendant »

Designation of candidate as independent

(3) Le bulletin de vote porte la mention « indépendant » sous le nom du candidat qui l’a demandé conformément au sous-alinéa 66(1)a)(v), et seulement dans ce cas.

(3) The word “independent” shall be listed on the ballot under the name of the candidate who has requested it in accordance with subparagraph 66(1)(a)(v) and may not be so listed in any other case.

Mention de l’adresse ou de la profession

Address or occupation on ballot

(5) Dans les cas où au moins deux candidats ont le même nom et ont indiqué leur intention d’être désignés par la mention « indépendant » ou de n’avoir aucune désignation de parti dans le cadre du sous-alinéa 66(1)a)(v), les bulletins de vote mentionnent l’adresse ou la profession de ces candidats s’ils en font la demande par écrit au directeur du scrutin, au plus tard à 17 h le jour de clôture.

(5) The ballot shall list under the candidate’s name the address or occupation of a candidate who makes a written request to that effect to the returning officer before 5:00 p.m. on the closing day for nominations, if the candidate and another candidate on the ballot have the same name and both candidates have chosen under subparagraph 66(1)(a)(v) to either have the word “independent” or no designation of political affiliation under their names in election documents.

[…]

Bulletins rejetés

Rejection of ballots

284 (1) Lors de l’examen, le scrutateur rejette ceux :

284 (1) In examining the ballots, the deputy returning officer shall reject one

a) qu’il n’a pas fournis;

(a) that has not been supplied by him or her;

b) qui ne portent aucune marque dans l’un des cercles qui se trouvent à droite des noms des candidats;

(b) that has not been marked in a circle at the right of the candidates’ names;

c) qui sont nuls en vertu de l’article 76;

(c) that is void by virtue of section 76;

d) qui portent une marque dans plusieurs des cercles qui se trouvent à droite des noms des candidats;

(d) that has been marked in more than one circle at the right of the candidates’ names; or

e) qui portent une inscription ou une marque qui pourrait faire reconnaître l’électeur

(e) on which there is any writing or mark by which the elector could be identified..

[…]

Relevé du scrutin

Statement of the vote

287 (1) Le scrutateur établit, selon le formulaire prescrit, un relevé du scrutin dans lequel sont indiqués le nombre de votes recueillis par chaque candidat ainsi que le nombre de bulletins de vote rejetés. Il place l’original et une copie dans des enveloppes séparées fournies à cette fin.

287 (1) The deputy returning officer shall prepare a statement of the vote, in the prescribed form, that sets out the number of votes in favour of each candidate and the number of rejected ballots and place the original statement and a copy of it in the separate envelopes supplied for the purpose.

[…]

Rapport — section de vote par section de vote

Polling division reports

533 Sans délai après l’élection générale ou, dans le cas d’une élection partielle, dans les quatre-vingt-dix jours suivant le retour du bref, le directeur général des élections publie, selon les modalités qu’il estime indiquées, un rapport indiquant ce qui suit :

533 The Chief Electoral Officer shall, in the case of a general election, without delay, and, in the case of a by-election, within 90 days after the return of the writ, publish, in the manner and form that he or she considers appropriate, a report that sets out

a) par section de vote, le nombre de votes obtenus par chaque candidat, le nombre de bulletins rejetés et le nombre de noms figurant sur la liste électorale définitive;

(a) by polling division, the number of votes cast for each candidate, the number of rejected ballots and the number of names on the final list of electors;

 


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T-1563-17

 

INTITULÉ :

DAVID RODRIGUEZ c SA MAJESTÉ LA REINE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

OTTAWA (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 10 JUILLET 2018

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE NORRIS

 

DATE DES MOTIFS :

LE 8 NOVEMBRE 2018

 

COMPARUTIONS :

David Rodriguez

 

POUR LE DÉFENDEUR

(POUR SON PROPRE COMPTE)

 

Jyll Hansen

 

POUR LA DÉFENDERESSE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

 

POUR LA DÉFENDERESSE

 

 

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