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Date : 20181004


Dossier : IMM-1179-18

Référence : 2018 CF 994

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 4 octobre 2018

En présence de monsieur le juge Gleeson

ENTRE :

SHIROMI HETTI ARACHCHILAGE

demanderesse

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ
ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I.  Aperçu

[1]  Mme Arachchilage, la demanderesse, est citoyenne du Sri Lanka. Elle allègue être en danger dans ce pays du fait de son sexe et parce que les autorités sri-lankaises l’ont soupçonnée de soutenir les Tigres de libération de l’Eelam tamoul [TLET]. La Section de la protection des réfugiés [SPR] a rejeté sa demande, concluant qu’elle n’avait ni la qualité de réfugié au sens de la Convention ni celle de personne à protéger. Une décision de la Section d’appel des réfugiés [SAR] qui confirmait la décision de la SPR a été annulée par la Cour à la suite d’un contrôle judiciaire et renvoyée à la SAR en vue d’une nouvelle décision.

[2]  La SAR a confirmé de nouveau la décision de la SPR, et Mme Arachchilage a sollicité de nouveau un contrôle judiciaire, en vertu du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [LIPR]. La SAR, soutient-elle, a commis une erreur dans son évaluation d’un nouveau rapport médical, en omettant de tenir une audience, ainsi que dans la manière de traiter les éléments de preuve qui avaient été soumis à la SPR.

[3]  La demande est accueillie. Pour les motifs qui suivent, j’ai décidé que la SAR a conclu de façon déraisonnable que la nouvelle preuve – un rapport médical – était peu pertinente à l’égard de la demande. Après avoir conclu de façon déraisonnable que la nouvelle preuve était peu pertinente, la SAR a commis une erreur en considérant qu’elle n’avait pas le pouvoir discrétionnaire, au titre du paragraphe 110(6) de la LIPR, de tenir une audience. Je suis par ailleurs d’avis que la SAR a commis une autre erreur dans la manière dont elle a traité les éléments de preuve soumis à la SPR qui corroboraient la demande de Mme Arachchilage.

II.  Le contexte

[4]  L’époux de Mme Arachchilage était caporal suppléant dans l’armée sri-lankaise. Il aurait commencé à soupçonner que Mme Arachchilage fournissait des renseignements aux TLET et qu’elle les soutenait. Elle allègue qu’il a fait part de ses soupçons aux autorités militaires et que, en raison de ces soupçons, son époux et les militaires l’ont maltraitée. Elle signale qu’à des occasions différentes elle a été arrêtée, détenue, battue, enlevée par les forces de sécurité, agressée sexuellement et interrogée sur ses liens avec les TLET.

[5]  La demanderesse a travaillé deux ans en Israël en vertu d’un permis de travail avant d’arriver au Canada, en mai 2013. Elle déclare que son intention, en arrivant au Canada, était de demander la résidence permanente à titre d’aide familiale résidante; à cause de modifications aux règles, il lui a été impossible d’avoir accès à cette option.

[6]  La demande de Mme Arachchilage était étayée par diverses lettres et divers rapports, dont un rapport médical du Sri Lanka indiquant qu’elle avait été soignée pour une agression sexuelle en janvier 2011. La SPR a conclu que ce rapport manquait de valeur probante, car il faisait état de soins pour une agression sexuelle, mais n’établissait pas qu’une agression sexuelle avait eu lieu.

A.  Arachchilage c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2017 CF 433 [Arachchilage]

[7]  Le juge Denis Gascon a conclu que la première décision de la SAR était déraisonnable à cause de la manière dont la SAR avait traité le rapport médical du Sri Lanka.

[8]  Le juge Gascon a conclu que la SAR avait commis un certain nombre d’erreurs. Premièrement, elle a mis l’accent sur ce que le rapport ne disait pas, plutôt que sur ce qu’il disait. Deuxièmement, le juge Gascon a conclu qu’il était déraisonnable de s’attendre à ce que le rapport médical identifie l’auteur de l’agression sexuelle. Enfin, il était illogique de conclure qu’il y a une différence entre le fait d’être agressée sexuellement et celui d’être soignée pour une agression sexuelle, compte tenu surtout de la preuve incontestée de l’agression sexuelle et de l’hospitalisation de Mme Arachchilage. Il a en outre conclu que la SAR avait fait entièrement abstraction des Directives du président intitulées Revendicatrices du statut de réfugié craignant d’être persécutées en raison de leur sexe [les Directives concernant la persécution fondée sur le sexe].

III.  La décision faisant l’objet du présent contrôle

[9]  Après avoir exposé l’historique de la demande et son propre rôle, la SAR a traité de la demande visant à admettre une nouvelle preuve, à savoir un rapport médical canadien qui, d’après Mme Arachchilage, corroborait l’agression sexuelle dont elle avait été victime en 2011, pendant qu’elle était détenue par les autorités militaires sri-lankaises. La SAR a examiné les facteurs énumérés au paragraphe 110(4) de la LIPR et, se fondant sur l’arrêt de la Cour d’appel fédérale Canada (Citoyenneté et Immigration) c Singh, 2016 CAF 96, elle a admis la nouvelle preuve, concluant que celle-ci se rapportait à l’agression, qu’elle prouvait cette dernière et qu’elle n’était pas disponible auparavant.

[10]  Après avoir admis la nouvelle preuve, la SAR a ensuite examiné si elle devait procéder à une audience, conformément au paragraphe 110(6) de la LIPR. Elle a fait remarquer que le rapport médical canadien décrivait des blessures présentes sur trois parties du corps de la demanderesse, des blessures qui, selon le rapport médical, « correspond[aient] à la description des blessures que l’appelante a[vait] fournie ». La SAR a toutefois signalé que le témoignage de Mme Arachchilage devant la SPR au sujet de ses blessures étaient « vague et généra[l] » et elle a conclu que ce témoignage ne correspondait pas à la description des blessures fournie dans le rapport. Sur ce fondement, elle a conclu que la teneur du rapport avait peu de pertinence dans le contexte des allégations d’agression sexuelle; elle a aussi accordé peu de valeur probante à ce document et a jugé qu’il ne fournissait pas une preuve convaincante suffisante pour soutenir les allégations de préjudice.

[11]  Ayant conclu que la nouvelle preuve « n’a[vait] pas le caractère substantiel pour justifier que la demande d’asile soit accueillie ou refusée, selon le cas », la SAR a jugé que les exigences de l’alinéa 110(6)c) de la LIPR n’étaient pas remplies et qu’elle n’avait pas le pouvoir discrétionnaire de tenir une audience.

[12]  La SAR a ensuite traité de la prétention selon laquelle la SPR avait omis d’appliquer les Directives concernant la persécution fondée sur le sexe. Ces dernières, a-t-elle fait remarquer, visent à aider le travail d’évaluation de la SPR et de la SAR en faisant état des difficultés auxquelles sont confrontées les femmes victimes de persécution fondée sur le sexe, mais elles ne soustraient pas la preuve d’une demanderesse à une évaluation ni ne permettent d’accepter cette preuve sans enquête. Elle a conclu qu’en dépit des mesures prises par la SPR pour permettre à Mme Arachchilage de témoigner, celle-ci n’a « produit à peine plus que des détails très élémentaires. L’appelante était vague et évasive dans une grande partie de son témoignage ». Elle a aussi omis de clarifier les incohérences relevées dans son témoignage. La SAR a conclu que la demanderesse avait « appris un certain nombre de réponses ou de faits clés relatifs à son exposé circonstancié et [avait tenté] d’insérer ces faits aux bons endroits dans son témoignage ».

[13]  La SAR a noté l’absence de documents convaincants à l’appui des diverses mentions de mauvais traitements que Mme Arachchilage avait faites et elle a relevé dans son récit un certain nombre d’incohérences qui n’ont pas été expliquées comme il faut. En traitant de l’enlèvement, de l’interrogatoire et de l’hospitalisation qui avaient eu lieu en 2011, la SAR a conclu que le récit n’était pas assez détaillé pour distinguer cet incident des autres. Elle a ensuite indiqué que le témoignage de la demanderesse devant la SPR « n’a pratiquement pas fourni d’informations sur l’interrogatoire que l’armée lui aurait fait subir et sur les traitements qu’elle aurait reçus à l’hôpital ».

[14]  Lors de l’examen des documents justificatifs, la SAR a conclu qu’une lettre du frère de la demanderesse était vague et générale et n’indiquait pas comment ce dernier avait eu connaissance des informations ou s’il avait été témoin des événements. Elle a jugé que le frère devait avoir repris des faits que la demanderesse lui avait relatés et que la lettre n’établissait pas une preuve convaincante et importante du préjudice auquel la demanderesse avait été exposée, ou pouvait l’être, au Sri Lanka. Elle a accordé peu de valeur probante à ce document.

[15]  Pour ce qui est d’une lettre justificative émanant d’un juge de paix, la SPR a fait remarquer que ce document n’étayait pas les allégations de préjudice de la demanderesse ni ne contrebalançait les conclusions défavorables quant à la crédibilité. La SPR a accordé peu de valeur probante à ce document.

[16]  Lors de l’examen d’un rapport médical sri-lankais indiquant que la demanderesse avait été traitée pour une agression sexuelle, la SAR a conclu que la SPR avait commis une erreur en se concentrant sur ce que le rapport ne disait pas. Cependant, même si ce rapport confirmait qu’une agression sexuelle avait été commise, il n’étayait pas les allégations concernant les agents de persécution, et l’erreur de la SPR n’était pas suffisante pour miner l’évaluation générale.

[17]  La SAR a de plus conclu que le défaut de Mme Arachchilage de solliciter une protection en Israël et de présenter immédiatement une demande d’asile à son arrivée au Canada nuisait à sa crainte subjective et minait ses allégations de préjudice. Elle a jugé que les allégations de préjudice de la demanderesse n’étaient pas crédibles et que celle-ci n’avait pas établi qu’elle était une réfugiée au sens de la Convention ou une personne à protéger.

IV.  Les questions en litige

[18]  La demande soulève les questions suivantes :

  1. La SAR a-t-elle commis une erreur dans la manière dont elle a traité la nouvelle preuve, à savoir le rapport médical canadien?

  2. La SAR a-t-elle commis une erreur en omettant de tenir une audience, conformément au paragraphe 110(6) de la LIPR?

  3. La SAR a-t-elle commis une erreur dans la manière dont elle a traité les éléments de preuve qui avaient été soumis à la SPR?

V.  La norme de contrôle applicable

[19]  Lorsqu’on contrôle une décision de la SAR qui met en cause les exigences légales que prévoit la LIPR, c’est la norme de la décision raisonnable qu’il convient d’appliquer, car la SAR interprète et applique sa loi constitutive. La manière dont la SAR évalue les éléments de preuve au moment d’examiner si un demandeur est un réfugié au sens de la Convention ou une personne à protéger est une question mixte de fait et de droit, qui doit être contrôlée elle aussi par rapport à la norme de la décision raisonnable (Arachchilage, aux paragraphes 10 et 11).

VI.  Analyse

A.  La SAR a-t-elle commis une erreur dans la manière dont elle a traité la nouvelle preuve, à savoir le rapport médical canadien? La SAR a-t-elle commis une erreur en omettant de tenir une audience, conformément au paragraphe 110(6) de la LIPR?

[20]  J’analyserai ensemble la manière dont la SAR a traité la nouvelle preuve et sa décision concernant la tenue d’une audience.

[21]  Aux dires du défendeur, la SAR a évalué de manière raisonnable la nouvelle preuve contenue dans le rapport médical canadien. Elle a conclu que le témoignage de la demanderesse ne correspondait pas à la description des blessures fournie dans le rapport et, sur ce fondement, elle a jugé de manière raisonnable que le rapport médical était peu pertinent à l’égard des allégations d’agression sexuelle. La SAR n’avait donc pas le pouvoir discrétionnaire de tenir une audience.

[22]  Je ne suis pas d’accord. L’analyse de la SAR est restreinte et elle n’indique pas de manière transparente et justifiée pourquoi elle a conclu que le témoignage de Mme Arachchilage ne concordait pas avec le rapport médical.

[23]  En analysant le rapport, la SAR a fait remarquer que celui-ci décrivait la nature des blessures et leur emplacement sur le corps de Mme Arachchilage. Elle a ensuite signalé que le médecin ayant établi le rapport avait exprimé l’avis que les blessures constatées correspondaient à celles que la demanderesse lui avait décrites. Ayant pris note de la conclusion du médecin, la SAR a fait remarquer qu’elle ne pouvait pas conclure que les blessures indiquées dans le rapport médical correspondaient bel et bien à celles qui avaient été décrites. Cela est attribuable au fait que la SAR a conclu que le témoignage de Mme Arachchilage et la preuve documentaire que celle-ci avait soumise à la SPR ne décrivaient pas les blessures de manière précise. La SAR a estimé que sa preuve était vague et générale à cet égard. Sur ce fondement, elle a conclu que la preuve de Mme Arachchilage qui figurait dans le dossier « ne correspond[ait] pas » au rapport du médecin.

[24]  Cette conclusion de la SAR, à savoir que la preuve ne concordait pas, est importante. La SAR s’est appuyée sur cette conclusion de base pour ensuite conclure que le rapport médical avait peu de pertinence à l’égard de la demande. Elle a alors déterminé qu’une preuve peu pertinente ne pouvait pas justifier que la demande soit accordée ou refusée. De ce fait, les exigences de l’alinéa 110(6)c) de la LIPR n’étaient pas remplies, et la SAR a conclu qu’elle n’avait pas le pouvoir discrétionnaire de tenir une audience.

[25]  J’en suis réduit à me demander comment, à défaut d’une explication quelconque, une preuve que l’on qualifie de vague et de générale peut amener à conclure que les blessures déclarées de Mme Arachchilage ne correspondent pas à celles décrites dans le rapport. Il aurait été tout aussi possible pour la SAR de conclure que la preuve vague et générale correspondait à la description des blessures fournie dans le rapport médical ou que cette preuve ne permettait pas au tribunal de tirer une conclusion quelconque à cet égard.

[26]  Si la SAR avait adopté l’une de ces autres inférences vraisemblables, elle aurait évalué de manière raisonnable le rapport et considéré que celui-ci était plus pertinent à l’égard de la demande. Une preuve d’une certaine pertinence aurait pu justifier, par ricochet, que l’on admette ou que l’on rejette la demande, ce qui aurait déclenché le pouvoir discrétionnaire de la SAR de tenir une audience. La tenue d’une audience aurait pu fort bien être accordée vu les doutes qu’entretenait la SAR à propos de la preuve vague et générale des blessures qui figurait dans le dossier.

[27]  La demanderesse signale également que la SAR a fait sans cesse référence à des « allégations » d’agression sexuelle, malgré la conclusion qu’a tirée le juge Gascon au paragraphe 20 de la décision Arachchilage, à savoir que le défaut de la SAR, dans le cadre de sa première décision, de reconnaître qu’une agression sexuelle avait eu lieu dépassait tout simplement l’entendement :

[20]  Mais j’irai encore plus loin. Sans égard à l’interprétation de l’attestation médicale, j’estime que de conclure, tel que le fait la SAR, que l’attestation [Traduction] « n’indique pas à la SAR si oui ou non l’appelante avait réellement [...] été agressée, ce qui est largement différent d’avoir été “traitée pour agression sexuelle” » dépasse tout simplement l’entendement. Cette interprétation constitue un affront à la preuve au dossier, ainsi qu’au bon sens le plus élémentaire. Contrairement à l’allusion faite par la SAR dans sa décision, l’attestation médicale va au-delà d’indiquer que Mme Arachchilage a affirmé avoir été victime ou consulté un médecin à la suite d’une agression sexuelle : elle indique qu’elle a été traitée pour agression sexuelle. Lorsqu’un médecin déclare qu’une personne a été traitée pour un traumatisme, il est simplement illogique, en l’absence de preuve à l’appui, de conclure que le traumatisme n’a pas nécessairement été subi. Avoir été traité pour un traumatisme indique nécessairement qu’un traumatisme a été subi. Qu’il s’agisse d’une agression sexuelle, d’une contusion ou de douleur cardiaque, lorsqu’un rapport médical indique qu’un patient a été traité pour un traumatisme, aucune interprétation raisonnable d’une preuve similaire ne peut permettre de conclure que la personne n’a pas souffert de lésion ou de préjudice, ou ne les a pas subis. De surcroît, au présent dossier, aucune preuve ne contredit la déclaration de Mme Arachchilage sur l’agression sexuelle, sans compter que Mme Arachchilage a été hospitalisée pendant quatre jours. [Non souligné dans l’original.]

[28]  Le défendeur soutient qu’en faisant référence à des « allégations » dans la décision faisant l’objet du présent contrôle, la SAR parlait du présumé auteur de l’agression, et non de l’agression elle-même. Même si l’on retient l’explication du défendeur, la référence on ne peut plus ambiguë qui est faite à des « allégations » dans ce contexte montre là encore que l’on fait abstraction des Directives concernant la persécution fondée sur le sexe, qui ont pour objet d’« assurer la considération sensible et bien informée du témoignage des femmes revendiquant le statut de réfugié pour des raisons de violence conjugale » (Arachchilage, au paragraphe 22, citant Griffith c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (1999), 171 FTR 240, au paragraphe 3).

[29]  Je crois que cette indifférence ressort également dans l’examen restreint que la SAR a fait de ce qu’elle appelle le témoignage « vague et généra[l] » de Mme Arachchilage au sujet de ses blessures. L’examen restreint qu’a fait la SAR de la preuve de Mme Arachchilage dans le contexte du rapport médical ne tient pas compte de la note explicite que contiennent les Directives concernant la persécution fondée sur le sexe, à savoir qu’en raison de leur culture ou du traumatisme qu’elles ont subi les victimes de violence fondée sur le sexe peuvent être réticentes à dévoiler ce qu’elles ont vécu.

[30]  La manière dont la SAR a traité la nouvelle preuve est dénuée des éléments requis que sont la justification, la transparence et l’intelligibilité. Le fait d’avoir jugé que la nouvelle preuve n’était pas pertinente est déraisonnable et, par ricochet, cela mine le caractère raisonnable de la décision relative à la tenue d’une audience.

B.  La SAR a-t-elle commis une erreur dans la manière de traiter les éléments de preuve qui avaient été soumis à la SPR?

[31]  En traitant du rapport médical sri-lankais, la SAR a admis que ce document prouvait qu’une agression sexuelle avait eu lieu, mais elle a conclu qu’il « ne fournit pas d’éléments de preuve convaincants qui aident à établir l’identité de l’agresseur ni le type et l’ampleur des blessures subies » et qu’il « ne parvient pas à soutenir les allégations de l’appelante formulées contre les agents de persécution ».

[32]  Pour arriver à cette conclusion, la SAR a omis de considérer le rapport dans le contexte des autres éléments de preuve qu’elle avait en main. Par exemple, le dossier indique que Mme Arachchilage a été arrêtée ou mise en détention le 16 janvier 2011, et qu’elle a été détenue pendant quatre jours. Le rapport indique qu’elle a été admise pour traitement le 20 janvier 2011, le jour même où, selon d’autres éléments de preuve, elle a été libérée à la suite d’une période de détention au cours de laquelle elle a déclaré avoir été agressée physiquement et sexuellement par l’agent de persécution. La proximité temporelle qu’il y a entre la période de détention, les agressions déclarées et la fourniture de soins médicaux sont des facteurs qui, à première vue, corroborent le récit, mais la SAR n’en a pas traité.

[33]  Lors de son examen de la lettre du frère de Mme Arachchilage, la SAR s’est concentrée sur les informations qui ne s’y trouvaient pas ou sur l’imprécision de celles qui y étaient, ainsi que sur le défaut de ce document de dévoiler la source des connaissances du frère.

[34]  Je signale tout d’abord que la lettre du frère concorde avec les autres éléments qui figurent dans le dossier. Elle indique que : 1) l’époux de Mme Arachchilage était membre de l’armée, 2) il avait été violent à son endroit parce qu’il soupçonnait qu’elle soutenait les TLET, 3) elle avait fui le pays, 4) les autorités étaient à sa recherche depuis qu’elle s’était enfuie, et 5) elle avait été gardée en détention par les autorités.

[35]  Il n’incombe pas à la Cour de soupeser de nouveau les éléments de preuve, mais je signale que malgré les préoccupations de la SAR à l’égard du caractère vague des informations que contient la lettre, le frère décrit bel et bien le genre de [traduction] « comportement cruel » qui a été infligé, disant que Mme Arachchilage a été victime de [traduction] « torture et de menaces » et qu’elle a subi une [traduction] « volée de coups ». La SAR conteste également la source des informations du frère, concluant que celui-ci relatait probablement ce que sa sœur lui avait dit. Cependant, d’autres éléments de preuve inclus dans le dossier indiquent que le frère a obtenu des autorités qu’elles libèrent Mme Arachchilage, qu’il l’a aidée à porter plainte au poste de police et qu’il lui a offert un endroit où se réfugier. En bref, il existe des preuves qui indiquent qu’il a participé de très près aux faits qui sous-tendent la demande, et il s’agit là d’une preuve dont la SAR omet de traiter.

[36]  Le fait que la SAR ait cherché des détails manquants et qu’elle se soit concentrée sur des informations que les documents ne contenaient pas l’a empêchée de se livrer à une analyse des faits et des éléments de preuve qu’elle avait en main. Il lui incombait d’évaluer le rapport médical sri-lankais et la lettre du frère en fonction de ce que ces documents disaient (Nagarasa c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2018 CF 313, au paragraphe 23). Si la SAR l’avait fait, l’issue aurait fort bien pu être différente.

VII.  Conclusion

[37]  La demande est accueillie. Les parties n’ont pas proposé de question de portée générale, et il ne s’en pose aucune.


JUGEMENT

LA COUR ORDONNE :

  1. La demande est accueillie.

  2. L’affaire est renvoyée à un décideur différent pour qu’il rende une nouvelle décision.

  3. Aucune question n’est certifiée.

« Patrick Gleeson »

Juge

Traduction certifiée conforme

Ce 19e jour de novembre 2018

Julie Blain McIntosh


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-1179-18

 

INTITULÉ :

SHIROMI HETTI ARACHCHILAGE c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’immigration

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

le 26 Septembre 2018

 

jUGeMENT ET MOTIFs :

le juge GLEESON

 

DATE DES MOTIFS :

le 4 Octobre 2018

 

COMPARUTIONS :

Richard Wazana

 

POUR La demanderesse

 

Procureur général du Canada

pour le défendeur

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Wazana Law

Avocats

Toronto (Ontario)

 

POUR La demanderesse

 

Procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

pour le défendeur

 

 

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