Date : 20181016
Dossier : IMM-1848-18
Référence : 2018 CF 1035
[TRADUCTION FRANÇAISE]
Ottawa (Ontario), le 16 octobre 2018
En présence de monsieur le juge Favel
ENTRE :
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ADEKOYA, UKEME ABAYOMI
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demanderesse
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et
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LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ DE L’IMMIGRATION
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défendeur
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JUGEMENT ET MOTIFS
I.
Nature de l’affaire
[1]
Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire en vertu du paragraphe 7(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, ch. 27 [la LIPR] de la décision du 10 avril 2018 d’un agent d’immigration [l’agent] du Centre de traitement des demandes de Mississauga, laquelle conclut que la demanderesse n’est pas une répondante admissible, puisqu’elle n’a pas rempli l’exigence relative au revenu vital minimum [RVM] aux termes du sous-alinéa 133(1)j)(i)(B) du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227 [le RIPR].
II.
Contexte
[2]
La demanderesse vit à Calgary, en Alberta. En 2017, la demanderesse a rempli une demande de parrainage de ses parents afin qu’ils deviennent des résidents permanents au titre de la catégorie du regroupement familial. Dans une lettre datée du 10 avril 2018, l’agent a informé la demanderesse qu’elle n’était pas admissible à parrainer ses parents, parce qu’elle ne satisfaisait pas à l’exigence relative au RVM, conformément au sous-alinéa 133(1)j)(i) du RIPR. L’agent a déclaré ce qui suit :
[TRADUCTION]
Nous avons examiné votre demande et regrettons de vous informer que vous n’êtes pas un répondant admissible pour la raison suivante :
En vertu du sous-alinéa 133(1)j)(i), vous ne répondez pas à l’exigence relatif au revenu vital minimum. Veuillez consulter le Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés ci‑dessous pour plus de détails.
Vous avez indiqué dans votre demande de parrainage que vous souhaitez retirer votre demande si elle est jugée irrecevable. Par conséquent, votre demande de parrainage a été officiellement retirée et aucune autre mesure ne sera prise. Il n’y a pas de droit d’appel de cette décision.
(Dossier de la demanderesse [DD], décision datée du 10 avril 2018, p. 4)
[3]
Dans une autre lettre datée du 10 avril 2018, l’agent a inclus une évaluation financière qui comprenait les calculs du revenu admissible total de la demanderesse et de son cosignataire :
[TRADUCTION]
[4]
À la lumière de ces calculs, l’agent a conclu que la demanderesse n’avait pas satisfait à l’exigence relative au RVM pour l’année d’imposition 2016. L’agent a calculé que le revenu admissible de la demanderesse était de 41 386 $, comme l’indique la ligne 150 (Revenu total) de l’avis de cotisation de la demanderesse (DD, p. 47). L’agent a donc conclu que le revenu admissible total de 40 737 $ de la demanderesse et de son époux était inférieur au revenu vital minimum de 66 653 $.
[5]
Dans la présente demande de contrôle judiciaire, la demanderesse sollicite une ordonnance d’annulation de la décision de l’agent ainsi qu’une ordonnance visant à faire exclure son revenu de 2016 de l’exigence relative au RVM, étant donné que le montant de 41 386 $ se basait sur les prestations d’assurance-emploi qu’elle avait reçues lors de son congé de maternité en 2016.
[6]
La demanderesse soutient que la décision de l’agent constitue un acte discriminatoire fondé sur le sexe en vertu du paragraphe 3(2) de la Loi canadienne sur les droits de la personne, LRC, 1985, ch. H-6, comme les calculs pour le revenu de 2016 n’auraient pas dû inclure « les sommes, autres les prestations spéciales, reçues au titre de la Loi sur l’assurance-emploi »
.
[7]
Le défendeur, pour sa part, a déposé une requête en vertu de l’article 369 des Règles des Cours fédérales, DORS/98-106, en vue d’obtenir une ordonnance de contrôle judiciaire et de renvoyer l’affaire à un autre agent, annulant ainsi la décision du 10 avril 2018. Le défendeur a envoyé une lettre à la demanderesse pour l’informer qu’il consent à la demande de contrôle judiciaire. La demanderesse s’est toutefois opposée à la requête du défendeur parce que celui-ci ne voulait pas consentir à l’ordonnance de la demanderesse déclarant que son revenu de 2016 serait exclu de l’exigence relative au RVM.
III.
Questions en litige
[8]
À titre de question préliminaire, et avec le consentement des parties, l’intitulé dans la présente demande est modifié afin de refléter le bon défendeur, soit le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration.
[9]
À titre d’une autre question préliminaire, la demanderesse a demandé à déposer auprès de la Cour une déclaration sous serment concernant ses tentatives de recours auprès de la Commission canadienne des droits de la personne dans les jours précédant l’audience. Le défendeur s’y est opposé en soutenant qu’il y aurait préjudice et que, de toute façon, le temps dont disposait la demanderesse pour parfaire son dossier et présenter ses arguments était écoulé. La Cour est d’accord avec le défendeur et l’affidavit ne sera pas accepté.
[10]
Après avoir examiné les observations des parties, la Cour conclut que les deux parties demandent à la Cour de rendre une ordonnance autorisant la demande de contrôle judiciaire. Toutefois, cette affaire soulève les questions suivantes :
Était-il raisonnable pour l’agent de conclure que la demanderesse n’était pas une répondante admissible, conformément au sous-alinéa 133(1)j)(i) du RIPR?
Était-il discriminatoire pour l’agent de considérer le revenu de 2016 de la demanderesse en fonction du congé de maternité dans son revenu total, conformément au paragraphe 3(2) de la Loi canadienne sur les droits de la personne?
[11]
La présente affaire devrait être examinée selon la norme de la décision raisonnable.
La question de savoir si un demandeur répond aux exigences financières du parrainage prévues par la LIPR et son Règlement porte sur des conclusions de faits; par conséquent, elle est contrôlée en fonction de la norme de la décision raisonnable (Pospelova c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2013 CF 555 au paragraphe 12, [2013] ACF no 623; Dokaj c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2009 CF 847 au paragraphe 18, 180 ACWS (3d) 483).
(Tosic-Kravic c Canada (Citoyenneté and Immigration), 2017 CF 452, au paragraphe 8)
IV.
Dispositions pertinentes
[12]
Les dispositions suivantes du RIPR sont pertinentes en l’espèce :
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Les dispositions suivantes de la Loi sur l’assurance-emploi, LC 1996, ch. 23 sont également pertinentes :
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V.
Analyse
[14]
Pour les motifs qui suivent, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.
[15]
La Cour conclut que la demande de contrôle judiciaire doit être rejetée, car il était raisonnable pour l’agent de conclure que la demanderesse n’était pas admissible à parrainer ses parents. L’agent a appliqué les bonnes dispositions du RIPR afin de conclure que le revenu de 2016 de la demanderesse était considéré comme une « prestation spéciale »
aux termes de la Loi sur l’assurance-emploi, incluant ainsi le montant de 41 386 $ de son revenu admissible. La Cour est d’avis que la demanderesse semble simplement avoir mal interprété le sous-alinéa 134(1.1)b)(iv) du RIPR, lequel est ainsi libellé :
son revenu équivaut alors à la somme indiquée sur les documents visés à l’alinéa a), exclusion faite de ce qui suit :
les sommes, autres que les prestations spéciales, reçues au titre de la Loi sur l’assurance-emploi[.] [Le soulignement est de la Cour.]
[16]
Le terme « prestations spéciales »
, comme il est défini au paragraphe 2(1) de la Loi sur l’assurance-emploi, renvoie aux paragraphes 12(3) et 152.14(1), qui renvoient tous deux aux prestations versées en raison d’une grossesse. L’agent n’a commis aucune erreur en interprétant la loi.
[17]
La Cour conclut également qu’elle n’a pas compétence en l’espèce pour trancher la question de la discrimination fondée sur le sexe en vertu de l’alinéa 18.1(3)b) de la Loi sur les Cours fédérales, LRC, 1985, ch. F-7, compte tenu du fait qu’il était prématuré pour la demanderesse de demander à ce qu’on tranche la question dans la présente affaire en l’absence d’un avis sur une question constitutionnelle signifié au Procureur général du Canada, comme le prévoit le paragraphe 57(1) de la Loi sur les Cours fédérales.
VI.
Conclusion
[18]
La demande de contrôle judiciaire est rejetée. Aucune question de portée générale n’est certifiée.
JUGEMENT DANS LE DOSSIER IMM-1848-18
LA COUR statue que la demande de contrôle judiciaire est rejetée. Il n’y a aucune question de portée générale à certifier. Aucuns dépens ne sont octroyés.
« Paul Favel »
Juge
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
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DOSSIER :
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IMM-1848-18
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INTITULÉ :
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ADEKOYA, UKEME ABAYOMI c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION
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LIEU DE L’AUDIENCE :
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Calgary (Alberta)
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DATE DE L’AUDIENCE :
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le 11 septembre 2018
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jugement et motifs :
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le juge FAVEL
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DATE DES MOTIFS :
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le 16 octobre 2018
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COMPARUTIONS :
Ukeme Abayomi Adekoya
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pour lA demanderESSE
(POUR SON PROPRE COMPTE)
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Galina Bining
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POUR LE DÉFENDEUR
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AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Procureur général du Canada
Calgary (Alberta)
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POUR LE DÉFENDEUR
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