Date : 20180928
Dossier : T-109-15
Référence : 2018 CF 957
[TRADUCTION FRANÇAISE]
Ottawa (Ontario), le 28 septembre 2018
En présence de monsieur le juge Russell
ENTRE :
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CANPOTEX SHIPPING SERVICES LIMITED, NORR SYSTEMS PTE. LTD., OLDENDORFF CARRIERS GMBH & CO., K.G. ET STAR NAVIGATION CORPORATION S.A.
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demanderesses
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et
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MARINE PETROBULK LTD., O.W. SUPPLY & TRADING A/S, O.W. BUNKERS (UK) LIMITED, ING BANK N.V., IAN DAVID GREEN, ANTHONY VICTOR LOMAS ET PAUL DAVID COPLEY EN LEUR QUALITÉ DE SÉQUESTRES DE CERTAINS BIENS DES DÉFENDERESSES O.W. SUPPLY & TRADING A/S ET O.W. BUNKERS (UK) LIMITED, ET AUTRES
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défendeurs
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JUGEMENT ET MOTIFS
I.
INTRODUCTION
[1]
Les présentes requêtes par voie de nouvelle audition s’accordent avec les directives et les motifs de la Cour d’appel fédérale [CAF] dans sa décision dans l’affaire ING Bank NV c. Canpotex Shipping Services Limited, 2017 CAF 47 [la décision de la CAF] portant sur le jugement et les motifs du 23 septembre 2015 dans l’affaire Canpotex Shipping Services Limited c. Marine Petrobulk Ltd, 2015 CF 1108 [la première décision].
[2]
La Cour est saisie de trois requêtes en procès sommaire en vertu des règles 108 et 216 des Règles des Cours fédérales, DORS/98-106 [les Règles des Cours fédérales]. Conformément à une ordonnance de l’ex-protonotaire Lafrenière datée du 27 mars 2015, Canpotex Shipping Services Limited [Canpotex] a versé 661 050,63 dollars américains en fiducie [les fonds] à titre d’équivalent d’une consignation à la Cour. Canpotex demande un jugement sommaire portant que sa consignation a éteint toute obligation envers elle en ce qui concerne l’achat et la livraison de certains combustibles de soute. L’ING Bank [ING] et Ian David Green, Anthony Victor Lomas et Paul David Copley [les séquestres] recherchent un jugement sommaire portant qu’ING a droit aux fonds. Enfin, Marine Petrobulk Ltd [MP] demande un jugement sommaire portant qu’elle a droit aux fonds, moins une marge bénéficiaire comme il est expliqué en détail plus loin dans les présents motifs.
II.
CONTEXTE
[3]
J’ai exposé le contexte général de ce différend dans ma première décision et je reproduis cet exposé ici par commodité.
[4]
Le 14 février 2014, Canpotex et O.W. Supply & Trading A/S [OW Trading] ont conclu un contrat concernant l’achat occasionnel de combustible de soute par Canpotex auprès d’OW Trading, et ce, pour des navires affrétés par Canpotex [l’accord à prix fixe]. Le contrat n’a été signé qu’à une date indéterminée en juin 2014.
[5]
Le 3 octobre 2014, Canpotex a affrété à temps le navire MV Star Jing. Celui-ci appartient à la demanderesse Oldendorff Carriers GmbH & Co KG, une société constituée en Allemagne et ayant son siège social dans ce pays. Le contrat stipule que Canpotex paiera la totalité du combustible et n’autorisera l’enregistrement d’aucun privilège à l’encontre du navire.
[6]
Le 7 octobre 2014, Canpotex a affrété à temps le navire MV Ken Star, qui appartient à la demanderesse Star Navigation Corporation SA, une société constituée au Liberia et ayant son siège social en Grèce. Le contrat prévoit que Canpotex paiera la totalité du combustible et n’autorisera l’enregistrement d’aucun privilège à l’encontre du navire.
[7]
Le 22 octobre 2014, Canpotex a commandé du combustible de soute à la défenderesse O.W. Bunkers (UK) Limited [OW UK], une filiale d’OW Trading. Ce combustible devait être livré au MV Ken Star.
[8]
Le 22 octobre 2014, Canpotex a également commandé du combustible de soute à OW UK pour qu’il soit livré au MV Star Jing.
[9]
Les deux confirmations de commande montrent que le fournisseur physique du combustible devait être la défenderesse MP, une entreprise d’approvisionnement en combustible de soute de la Colombie-Britannique.
[10]
Les parties ne s’entendaient pas sur la question de savoir si c’est l’accord à prix fixe, les conditions générales d’OW UK ou les conditions standard de MP qui régissaient les achats de combustible de soute. [Cette question a été tranchée par la CAF dans son arrêt.]
[11]
Le 27 octobre 2014, MP a fourni le combustible de soute destiné au MV Ken Star et au MV Star Jing [collectivement, les navires], à Vancouver.
[12]
Le 27 octobre 2014, OW UK a facturé à Canpotex le coût du combustible de soute : 375 525,00 $ US pour le MV Ken Star et 278 968,15 $ US pour le MV Star Jing. Selon les factures, le paiement devait être fait à OW UK avant le 26 novembre 2014.
[13]
Les 28 et 29 octobre 2014, MP a facturé à OW UK le coût du combustible de soute fourni : 372 300 $ US pour le MV Ken Star et 276 617,40 $ US pour le MV Star Jing.
[14]
Conformément à une entente datée du 19 décembre 2013, OW Trading, ainsi que certaines filiales, dont OW UK, ont cédé à ING la totalité des droits, de l’intérêt et du titre de propriété à l’égard de leurs comptes débiteurs intersociétés et de tiers. Les comptes débiteurs liés à la vente du combustible de soute ont été expressément cédés à ING. Canpotex a été informée de la cession en décembre 2013.
[15]
Le 7 novembre 2014, OW Trading a déclaré faillite; OW UK, ainsi que et d’autres filiales liées, ont déclaré faillite peu de temps après.
[16]
Le 12 novembre 2014, ING a nommé les séquestres des comptes débiteurs d’OW Trading et d’OW UK.
[17]
Le 12 décembre 2014, Charles Christopher Macmillen [l’administrateur] a été nommé administrateur d’OW UK.
[18]
Le 22 décembre 2014, l’administrateur, les séquestres et ING ont conclu une entente de coopération aux termes de laquelle les fonds à payer à l’égard des comptes débiteurs d’OW UK seraient versés dans des comptes d’ING.
[19]
OW UK n’a jamais payé les factures de MP.
[20]
Le 22 décembre 2014, MP a exigé que Canpotex paie la somme de 648 917,40 $ US pour le combustible de soute qu’elle avait fourni aux navires. MP soutenait qu’elle détenait un privilège maritime, conformément au contrat qu’elle avait signé avec OW UK, et qu’elle ferait saisir les navires jusqu’à ce que Canpotex paie les factures.
[21]
Le 8 janvier 2015, les séquestres ont exigé que Canpotex paie le montant qui était dû selon les factures d’OW UK, faisant savoir que si le paiement n’était pas fait, ils se réservaient le droit d’exercer tous les pouvoirs dont ils disposaient, dont la saisie des navires.
[22]
Canpotex ne conteste pas qu’elle doit la somme de 654 493,15 $ US selon les factures d’OW UK. Elle dit avoir retenu les fonds parce qu’elle a reçu des demandes concurrentes à leur égard et qu’elle ne veut pas exposer les navires à une obligation ou à des privilèges quelconques.
[23]
Le 2 avril 2015, conformément à l’ordonnance du protonotaire Lafrenière du 27 mars 2015, Canpotex a versé la somme de 661 050,63 $ US (le principal à payer selon les factures d’OW UK, plus les intérêts applicables en matière d’amirauté) [les fonds] au compte en fiducie américain de son procureur. Dans son ordonnance, le protonotaire Lafrenière a considéré que ce dépôt était une consignation à la Cour.
[24]
Le 22 juin 2015, les demanderesses ont déposé une requête en vue d’obtenir une déclaration établissant :
a) lequel des défendeurs a droit à la totalité ou à une partie des fonds;
b) le droit de chaque défendeur de recevoir une partie ou la totalité des fonds;
c) le paiement à effectuer conformément aux alinéas a) et b);
d) l’extinction après le paiement des fonds de toute responsabilité des demanderesses et des navires envers les défendeurs relativement aux combustibles de soute fournis aux navires le 27 octobre 2014 à Vancouver;
e) le recouvrement par les demanderesses des dépens liés à l’action auprès d’un des défendeurs ou à partir des fonds.
[25]
Le 22 juin 2015, ING et les séquestres ont déposé une requête en vue d’obtenir :
a) une déclaration portant que les fonds soient payés à ING en règlement de la créance de Canpotex envers OW UK;
b) les dépens de l’instance.
[26]
Le 22 juin 2015, MP a déposé une requête en vue d’obtenir :
a) un jugement relatif à l’équivalent canadien des factures établies par MP pour la fourniture du combustible de soute, à savoir 372 300 $US pour le MV Ken Star et 276 617,40 $US pour le MV Star Jing;
b) une déclaration portant que MP a droit aux fonds;
c) les intérêts sur les fonds aux taux applicables en matière d’amirauté;
d) les dépens de l’instance.
III.
LA PREMIÈRE DÉCISION
[27]
Ma première décision se présente ainsi :
1. Canpotex est tenue de payer à la défenderesse Marine Petrobulk Ltd la somme de 648 917,40 $US, de pair avec les intérêts, applicables en matière d’amirauté, connexes;
2. La défenderesse Marine Petrobulk Ltd recevra la somme susmentionnée à partir des fonds actuellement détenus en fiducie, conformément à l’ordonnance du 27 mars 2015;
3. Canpotex est tenue de payer (sous réserve des dépens à payer, conformément au paragraphe 5 ci‑dessous) aux défendeurs, ING Bank N.V., Ian David Green, Anthony Victor Lomas et Paul David Copley, en leur qualité de séquestres de certains biens des défenderesses O.W. Supply & Trading A/S et O.W. Bunkers (U.K.) Limited, et autres, une somme égale à la marge bénéficiaire à payer à O.W. Bunkers (U.K.) Limited pour la fourniture, par Marine Petrobulk Ltd, de combustible de soute aux navires, de pair avec les intérêts, applicables en matière d’amirauté, connexes. Le solde des fonds détenus en fiducie servira à régler cette somme après que Marine Petrobulk Ltd aura été intégralement payée, conformément aux paragraphes 1 et 2 qui précèdent;
4. Une fois que les paiements indiqués aux paragraphes 1, 2 et 3 qui précèdent auront été faits, la responsabilité des demanderesses et des navires envers les défendeurs, relativement au combustible de soute fourni aux navires le 27 octobre 2014, ou aux environs de cette date, à Vancouver (Colombie-Britannique), de pair avec tous les privilèges qui s’y rattachent, sera entièrement éteinte;
5. Les défendeurs, ING Bank N.V., Ian David Green, Anthony Victor Lomas et Paul David Copley, en leur qualité de séquestres de certains biens des défenderesses O.W. Supply & Trading A/S et O.W. Bunkers (U.K.) Limited, et autres, sont tenus de payer les dépens des demanderesses et de la défenderesse Marine Petrobulk Ltd qui sont liés à la présente action et requête, et ces dépens peuvent être payés à partir du montant à verser à ING Bank N.V., Ian David Green, Anthony Victor Lomas et Paul David Copley en leur qualité de séquestres de certains biens des défenderesses O.W. Supply & Trading A/S et O.W. Bunkers (U.K.) Limited, et autres, sur les fonds détenus en fiducie, conformément au paragraphe 3 qui précède;
6. Le solde des fonds détenus en fiducie, après que les paiements et les dépens mentionnés ci‑dessus auront été réglés, doit être remis à Canpotex.
IV.
LA DÉCISION DE LA CAF
[28]
Dans sa décision du 10 mars 2017, la CAF a accueilli l’appel et m’a renvoyé l’affaire pour nouvel examen conformément aux motifs qu’elle a énoncés.
[29]
Voici les principales constatations et conclusions de la CAF qui, à mon avis, régissent ce réexamen :
(1)
Revendication en vertu de l’article 139
[60] Gardant cela à l’esprit, il me semble que les seules réclamations qui sont « contradictoires » et qui peuvent donc donner lieu à une procédure d’interplaidoirie aux termes de la Règle 108 des Règles sont les réclamations contractuelles avancées par OW UK et Petrobulk. À mon avis, la revendication par Petrobulk d’un privilège maritime, aux termes de l’article 139 de la LRMM, n’est pas une réclamation contradictoire au sens de la Règle 108, puisque cette réclamation est une réclamation contre les navires, et donc contre les armateurs, et non contre Canpotex. En d’autres termes, l’obligation des armateurs envers Petrobulk au titre de l’article 139 de la LRMM constitue une cause d’action distincte. Le fait que les armateurs puissent finalement avoir une réclamation contre Canpotex, en vertu des conditions des chartes-parties, ne fait pas de la réclamation selon l’article 139 une réclamation contradictoire.
[…]
[63] D’après ma lecture de l’ordonnance du protonotaire, je suis d’avis qu’il faudrait que les fonds en fiducie soient payés soit à OW UK, en raison de son accord conclu avec Canpotex pour la fourniture de combustible aux navires, soit à Petrobulk, pour qui, indépendamment de sa revendication d’un privilège maritime, tant OW UK que Canpotex lui étaient contractuellement redevables des sommes dues au titre de sa livraison du combustible. Ces réclamations, j’en suis persuadé, tombaient sous le coup de l’ordonnance du protonotaire puisque OW UK et Petrobulk réclamaient en fait la même somme aux termes du même contrat. C’est là, à mon humble avis, la portée de l’ordonnance du protonotaire. Par conséquent, conformément à son ordonnance, soit OW UK, soit Petrobulk avait droit aux fonds en fiducie en raison de ses réclamations contractuelles, à l’exception de la petite portion représentant la marge bénéficiaire de OW UK qui, sans aucun doute, était due à OW UK, et donc payable à ING.
[64] Si j’ai raison de voir les choses ainsi, alors Canpotex a droit à l’extinction de son obligation uniquement pour les réclamations contractuelles. Si, comme l’a conclu le juge, Petrobulk a droit par contrat d’être payée sur les fonds en fiducie, l’obligation contractuelle de Canpotex envers Petrobulk et envers OW UK sera éteinte dès le versement des fonds en fiducie à Petrobulk. En conséquence, il n’y aura aucune raison pour Petrobulk de poursuivre sa réclamation aux termes de l’article 139 de la LRMM.
[65] Si, cependant, cette conclusion est fautive et qu’il est déterminé qu’OW UK est la partie fondée par contrat au versement des fonds en fiducie, l’obligation contractuelle de Canpotex sera éteinte, mais la réclamation de Petrobulk aux termes de l’article 139 demeurera actuelle. Comme je l’ai indiqué plus haut, la réclamation selon l’article 139, si elle est fondée, donne à Petrobulk le droit de saisir les navires appartenant aux armateurs et de faire procéder à leur vente s’il n’est pas fait droit à sa réclamation. Dans ce cas, les armateurs sont les parties qui seraient tenues de payer à Petrobulk la somme due pour le combustible, afin d’empêcher la vente de leurs biens. Canpotex n’est pas propriétaire des navires et n’est pas non plus directement redevable à Petrobulk pour ce qui concerne le privilège maritime prévu à l’article 139. Le fait que Canpotex puisse devoir indemniser les armateurs en raison de ses obligations aux termes des chartes-parties ne transforme pas la revendication d’un privilège maritime par Petrobulk en une réclamation contradictoire selon la Règle 108 à l’égard de laquelle l’obligation de Canpotex puisse être éteinte.
[66] Par conséquent, à mon humble avis, le point que le juge devait décider, et qu’il a décidé, était de savoir qui, de OW UK ou de Petrobulk, avait droit, par contrat, aux fonds en fiducie aux termes des ententes contractuelles conclues avec Canpotex.
[…]
[71] Cependant, comme la créance fondée sur l’article 139 n’était pas une réclamation contradictoire selon la Règle 108 des Règles, elle n’aurait pas dû, à mon humble avis, être traitée dans le contexte d’une procédure d’interplaidoirie. En d’autres termes, cette créance aurait dû soit suivre son cours séparément, soit attendre la conclusion du juge sur les réclamations contractuelles à l’encontre de Canpotex.
[72] Bien qu’il ne le dise pas en termes explicites, le juge semble avoir reconnu que la créance de Petrobulk fondée sur l’article 139 ne conférait à Petrobulk aucun droit sur les fonds en fiducie. Au paragraphe 142 de ses motifs, où il conclut que Petrobulk a un privilège maritime valide aux termes de l’article 139 de la LRMM, il s’exprime ainsi :
Mais cela ne veut pas forcément dire que le privilège maritime au sens de l’article 139 peut s’étendre aux fonds dont il est question en l’espèce. Ces fonds ont été déposés par Canpotex de façon à ce que ni MP ni OW UK n’enregistrent un privilège sur les biens et saisissent les navires. Cela ne veut pas dire qu’ils remplacent la res.
Il a précisé sa pensée sur ce point au paragraphe 144, où il a déclaré : « Il n’est nul besoin, selon moi, de décider si MP détient un privilège contractuel ou un privilège maritime au sens de l’article 139 à l’égard des fonds consignés. »
[73]Il ne peut faire de doute que les fonds en fiducie ne remplaçaient pas la res, puisque la créance fondée sur l’article 139 n’était pas une réclamation contradictoire; elle constituait une cause d’action distincte contre les navires et les armateurs. Je suis donc d’avis que, dans la mesure où le juge pouvait rendre toute décision concernant la créance fondée sur l’article 139, il ne pouvait pas éteindre l’obligation des armateurs. Il ne le pouvait pas non plus concernant la revendication par Petrobulk d’un privilège contractuel contre les armateurs. En tout état de cause, il ressort clairement du paragraphe 144 des motifs du juge qu’il n’a pas décidé si Petrobulk avait, contre les fonds en fiducie, un privilège contractuel ou un privilège maritime au sens de l’article 139.
[74]À mon humble avis, le juge a donc commis une erreur en éteignant l’obligation de Canpotex et des armateurs se rapportant à la créance fondée sur l’article 139. Tout ce qu’il pouvait faire, c’était éteindre l’obligation de Canpotex pour les réclamations contractuelles avancées par OW UK et Petrobulk.
[75]Il va sans dire qu’il s’ensuit nécessairement que, si la conclusion du juge concernant les réclamations contractuelles est juste, alors Petrobulk, ayant été payée sur les fonds en fiducie, ne poursuivra pas sa créance fondée sur l’article 139 à l’encontre des navires et des armateurs. En d’autres termes, la réclamation de Petrobulk ayant été acquittée à même les fonds en fiducie, Petrobulk n’aura plus de raison de vouloir recouvrer cette créance. Il n’y aura pas de question restante à trancher.
[76]Cependant, pour que l’on me comprenne bien, il n’était pas loisible au juge, concernant la demande d’interplaidoirie, d’éteindre l’obligation des armateurs ni celle de Canpotex découlant de ses obligations aux termes des chartes‑parties. Je passe maintenant à la deuxième question soulevée dans le présent appel.
[…]
(2)
Différend contractuel
[96] À mon humble avis, le juge a eu tort de conclure que l’annexe 3 du contrat à prix fixe et, plus particulièrement sa clause L.4, s’appliquait au combustible livré aux navires le 27 octobre 2014.
[97] Je commence par dire que je ne doute guère que, n’eût été le témoignage de M. Ball, le juge aurait nécessairement conclu que l’annexe 3 du contrat à prix fixe ne s’appliquait pas aux achats de combustible en cause dans la présente instance. Il aurait plutôt conclu, à mon humble avis, que c’étaient les conditions générales du Groupe OW qui s’appliquaient aux achats de combustible. Un bref examen des documents pertinents, et plus particulièrement des dispositions applicables figurant dans ces documents, montrera que cette conclusion s’impose.
[…]
[120] À mon humble avis, le juge n’aurait pas dû tenir compte du témoignage de M. Ball. Plus particulièrement, son témoignage ne pouvait pas remplacer les mots employés par les parties. Autrement dit, pour reprendre les termes du juge Rothstein au paragraphe 57 de ses motifs dans l’arrêt Sattva, le témoignage de M. Ball ne pouvait servir à « supplanter » les termes du contrat à prix fixe ou ceux des contrats au comptant, ni n’autorisait le juge à faire « une lecture du texte qui s’écarte de ce dernier au point de créer, dans les faits, une nouvelle entente ».
[…]
[127] J’arrive donc à la conclusion que l’annexe 3 du contrat à prix fixe ne s’applique pas aux achats de combustible du 22 octobre 2014. Par conséquent, les conditions applicables sont celles qui figurent dans les conditions générales du Groupe OW. Par conséquent, la clause L.4 de ces conditions générales est la clause L.4 pertinente, et non celle qui figure dans l’annexe 3.
[128] En raison de sa conclusion selon laquelle l’annexe 3 s’appliquait aux achats de combustible en cause, le juge n’a pas considéré les conditions générales du Groupe OW et n’a donc pas examiné la clause L.4 de ces conditions. Les parties s’accordent à dire que la clause L.4 des conditions générales du Groupe OW diffère de la clause L.4 de l’annexe 3, parce qu’elle requiert que la tierce partie « insiste ». Le juge ne s’est pas arrêté au sens du mot « insister » et il n’a tiré aucune conclusion quant à savoir si Petrobulk avait insisté pour que Canpotex soit liée par ses conditions.
[129] Les parties n’ont signalé aucune autre différence entre les deux clauses L.4, mais j’en vois deux qui pourraient être de quelque importance. Il est utile de reproduire, encore une fois, les deux clauses L.4, que l’on peut déjà trouver au paragraphe 38 des présents motifs :
Contrat à prix fixe, annexe 3
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Conditions générales du Groupe OW
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L.4 a) Les présentes conditions sont sujettes à modification dans les cas où la fourniture physique du combustible est entreprise par une tierce partie. Dans un tel cas, les présentes conditions seront modifiées en conséquence, et l’acheteur sera réputé avoir lu et accepté les conditions imposées au vendeur par ladite tierce partie.
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L.4 a) Les présentes conditions sont sujettes à modification dans les cas où la fourniture physique du combustible est entreprise par une tierce partie qui insiste pour que l’acheteur soit également lié par ses propres conditions. Dans un tel cas, les présentes conditions seront modifiées en conséquence, et l’acheteur sera réputé avoir lu et accepté les conditions imposées par ladite tierce partie.
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[non souligné dans l’original]
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[non souligné dans l’original]
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[130] La première différence additionnelle que je constate entre les deux clauses se trouve à la cinquième ligne et à la sixième ligne de la clause L.4 des conditions générales du Groupe OW, où apparaissent les mots « pour que l’acheteur soit également lié par ses propres conditions ». Ces mots n’apparaissent pas dans la clause L.4 de l’annexe 3. L’autre différence se trouve dans la clause L.4 de l’annexe 3, où les mots « au vendeur » apparaissent à la fin de la clause. Ces mots sont absents de la clause L.4 des conditions générales du Groupe OW. La question de savoir si ces différences ont ou non une incidence sur le résultat ultime n’est pas une question à laquelle j’ai l’intention de répondre, car je suis persuadé que la solution qui s’impose dans les circonstances de la présente affaire est de renvoyer l’affaire au juge pour nouvel examen.
[131] Puisque le juge ne s’est pas prononcé sur les conditions générales du Groupe OW, et en particulier sur sa clause L.4, l’appel dont nous sommes saisis a été plaidé exclusivement sur le fondement de la clause L.4 de l’annexe 3. Les parties n’ont pas présenté d’arguments sur le sens de la clause L.4 des conditions générales, hormis une brève observation de Petrobulk selon laquelle Petrobulk avait insisté pour que Canpotex soit liée par ses conditions générales. Par conséquent, je suis d’avis qu’il ne serait pas sage pour nous de rendre la décision qui devrait être rendue par le juge. Si l’affaire devait nous revenir dans un appel ultérieur, il va sans dire que nous bénéficierions aussi de son opinion sur le sens de la clause L.4 des conditions générales du Groupe OW et concernant l’effet de cette clause sur la relation entre OW UK, Canpotex et Petrobulk.
[30]
Je crois devoir présumer que la CAF n’a pas trouvé d’objections au reste de mon analyse ou de me conclusions.
V.
LES QUESTIONS
[31]
Dans la présente instance, ma tâche est d’examiner la question à la lumière des motifs de la CAF.
[32]
Les parties ne sont pas entièrement d’accord sur ce que cela implique.
[33]
MP dit que les points en litige sont les suivants :
[traduction]
a) Comme il a été mentionné plus haut, la principale question à trancher est de savoir s’il existe ou non une différence importante entre la clause L.4 sur laquelle vous vous êtes fondé dans votre décision et la clause L.4 que la CAF juge s’appliquer dans sa conclusion.
b) Si pour une raison quelconque, Marine Petrobulk n’a pas droit au paiement des fonds en fiducie, son privilège maritime relatif à la fourniture des combustibles de soute peut-il être éteint?
[34]
Les autres défendeurs disent que je suis saisi d’une seule question :
[traduction]
26. La seule question à trancher dans cette instance est de savoir qui de OW (et donc ING) ou MP a droit aux fonds par contrat, c’est‑à-dire à la somme due selon les factures d’OW. Dans la mesure où Canpotex recherche aussi une décision quant à la réclamation sur privilège de MP en vertu de l’article 139, le jugement de la Cour d’appel empêche cette décision en l’espèce.
[35]
Voici comment Canpotex caractérise les questions qui me sont soumises :
[traduction]
A. Y a‑t-il une différence importante entre les conditions générales (CG) et les conditions générales négociées que vous avez auparavant considérées?
B. Lequel des défendeurs a‑t‑il droit en tout ou en partie aux fonds versés au compte de fiducie américain d’Alexander Holburn Beaudin + Lang LLP conformément à l’ordonnance du 27 mars 2015?
C. Quel est le droit particulier de chaque défendeur à recevoir les fonds en tout ou en partie?
D. Qu’en est‑il d’une ordonnance de paiement conformément aux sous-alinéas (B) et (C) qui précèdent?
E. Après le paiement des fonds conformément au sous-alinéa D qui précède, toute obligation des demanderesses et des navires envers les défendeurs à l’égard des combustibles de soute fournis aux navires le ou vers le 27 octobre 2014 à Vancouver (Colombie-Britannique) est-elle éteinte?
F. S’il est conclu qu’OW UK a le droit contractuel de recevoir le paiement de sa facture, MP a‑t‑il droit à un privilège maritime en vertu de l’article 139 de la Loi sur la responsabilité en matière maritime (LRMM)?
[36]
À mon avis, les motifs de la CAF sont clairs : la question du privilège maritime en vertu de l’article 139 ne peut faire partie du redressement en interplaidoirie dont je peux traiter dans cette nouvelle audition.
[37]
Cela signifie à mon avis que je ne peux rien faire d’autre que de tenir compte des réclamations contractuelles contradictoires sur les fonds qu’avancent OW UK et MP. Je dois me limiter à la question de savoir « [q]ui, de OW UK ou de Petrobulk, avait droit, par contrat, aux fonds en fiducie aux termes des ententes contractuelles conclues avec Canpotex »
(paragraphe 66, décision de la CAF).
[38]
MP dit que le libellé du paragraphe 71 de cette décision me permet de réexaminer et de trancher la question contractuelle, puis de régler séparément la revendication en vertu de l’article 139. Je ne pense pas que la décision de la CAF puisse s’interpréter de cette façon. Le privilège de l’article 139 ne saurait maintenant être considéré comme faisant partie du processus d’interplaidoirie ordonné par l’ex-protonotaire Lafrenière et ne relève donc pas de la question d’interplaidoirie qui m’est soumise.
VI.
LES REVENDICATIONS CONTRACTUELLES – PORTÉE
[39]
Il existe un autre désaccord entre les parties quant à la portée de mon réexamen des revendications contractuelles. Canpotex et MP sont d’avis que la CAF n’a pas sinon rejeté du moins remis en question nombre de mes conclusions au sujet des obligations contractuelles respectives des parties et qu’elle n’a pas dit non plus que je devais limiter mon réexamen à la conclusion formée par elle que la clause L.4 des conditions générales d’OW est celle qui s’applique, et non la L.4 de l’annexe 3.
[40]
Dans ses observations écrites, MP me soumet ainsi la question :
[traduction]
11. Remarque importante dans nos observations, la CAF n’a pas rejeté vos conclusions aux paragraphes 130 à 134 de vos motifs et jugement au sujet des conditions de fourniture des combustibles de soute (conditions standard de MP), ni vos conclusions à propos des conséquences contractuelles des conditions standard aux paragraphes 134 et 137 de vos motifs (où vous établissez que Canpotex et OW ont une responsabilité solidaire envers Marine Petrobulk).
12. Nombre de vos conclusions ne dépendent pas, faisons-nous observer, d’une interprétation particulière de la clause L.4, bien que vous fassiez référence de temps à autre à la clause L.4 attaquée. Comme vous le dites aux paragraphes 130 et 131 :
[130] MP a fourni le combustible directement aux navires conformément aux conditions standards de MP, révisées en mai 2013. C’est ce qu’indiquent clairement les confirmations que MP a fournies à OW le 22 octobre 2014. Les deux confirmations sont claires sur la question et précisent ce qui suit :
[traduction] La présente vente est assujettie aux conditions standards de Marine Petrobulk, révisées en mai 2013, lesquelles sont par la présente incorporées intégralement à la présente confirmation. L’acceptation de la présente confirmation ainsi que des conditions standards de Marine Petrobulk est considérée comme finale sauf si l’acheteur s’y oppose dans les trois jours ouvrables suivant la réception de la présente confirmation.
[131] Les conditions standards de MP sont reproduites à l’alinéa 121 c) qui précède.
[132] Le dossier dont je dispose montre qu’OW UK a fourni des confirmations de commande pour la livraison du combustible aux deux navires. Aucune objection n’a été soulevée à l’égard des conditions standards, et aucune ne l’a jamais été. Il est donc clair qu’OW UK comprenait et acceptait que MP fournirait le combustible aux navires conformément aux conditions standards de MP. Il ressort clairement aussi de l’annexe 3 des conditions générales conclues entre Canpotex et OW UK que ces deux dernières comprenaient et acceptaient que leurs ententes contractuelles changeraient si la fourniture physique du combustible était effectuée par une tierce partie comme MP, et que l’acheteur était réputé avoir lu et accepté les conditions imposées par cette tierce partie. Je conclus donc que Canpotex et OW UK étaient toutes deux liées par les conditions générales de MP pour ce qui était de la fourniture du combustible aux navires qui font l’objet du présent litige.
[133] Vu l’importance évidente des documents échangés entre MP et OW UK, je ne puis souscrire à l’argument d’ING selon lequel OW UK a conclu un contrat avec MP selon les conditions standards d’OW.
[Soulignement ajouté]
13. Vous avez nettement conclu que Marine Petrobulk avait voulu passer contrat de fourniture de combustible de soute à ses propres conditions standard, et non aux conditions d’OW. Foncièrement, la clause L.4 n’est pas déterminante à cet égard. Ce qui l’est plutôt, c’est l’exigence formulée par Marine Petrobulk de passer contrat à ses propres conditions, d’autant que ces conditions allaient bel et bien être acceptées par OW.
[41]
Pour sa part, ING est d’avis que je dois examiner de novo toutes les questions contractuelles sans m’en remettre à mes conclusions antérieures.
[42]
Je suis d’avis que, si la CAF s’en était prise à mon analyse contractuelle pour des motifs autres que mon défaut d’appliquer la règle des preuves verbales et l’emploi de la mauvaise clause L.4, elle l’aurait dit clairement. Si elle avait accepté d’autres aspects de l’analyse contractuelle d’ING, il n’y aurait pas lieu pour elle d’exiger que je réexamine les conséquences de l’application de la bonne clause L.4. Elle aurait tout simplement écarté mon jugement en entier. Je pense que, dans ses motifs, le juge Nadon indique précisément ce que la CAF veut que je réexamine. Voir les paragraphes 127 à 131 déjà cités de la décision de la CAF.
[43]
Il est aussi révélateur selon moi que la CAF cite clairement une de mes principales conclusions au paragraphe 41 de sa décision : « Et le juge de conclure que Canpotex et OK UK étaient liées par les conditions générales de Petrobulk pour ce qui concernait la livraison du combustible aux navires le 27 octobre 2014. »
La CAF ne dresse pas la liste des autres questions contractuelles que soulève ING à nouveau dans ce réexamen comme étant des questions dont la CAF devait traiter en appel. Voir le paragraphe 4 de la décision de la CAF. Si celle‑ci avait jugé que Canpotex n’était pas liée par les conditions standard de MP, cela aurait alors eu pour effet de régler les questions contractuelles entre les parties et je n’aurais pas eu à réexaminer le sens et les conséquences de la clause L.4 des conditions générales d’OW UK.
VII.
ARGUMENTS
A.
Canpotex
(1)
Questions contractuelles
[44]
Canpotex dit que la seule expression dans la clause L.4 applicable qui, pourrait‑on alléguer, est susceptible de marquer une différence d’avec mon analyse contractuelle antérieure est [traduction] « qui insiste pour que l’acheteur soit également lié par ses propres conditions »
, d’où l’obligation pour la Cour de trancher la question de savoir si MP a insisté pour que Canpotex soit liée par ses conditions standard.
[45]
Canpotex renvoie la Cour à la décision du juge Haight dans NCL (Bahamas) Ltd c. OW Bunker USA Inc et al, 3:17-CV-01327 aux p. 25 à 32 [NCL], où il est proposé d’assimiler « insister » à « demander » ou « requérir » et précisé que, en cas d’ambiguïté dans les termes, on doit adopter l’interprétation qui favorise le plus l’acheteur (Canpotex en l’occurrence) suivant la règle contra proferentem.
[46]
Il est également dit dans NCL comme dans la présente affaire que le fournisseur physique, EKO, et l’entité d’OW Trading présente dans cette affaire avaient connaissance des conditions de ce fournisseur parce qu’ayant déjà traité avec lui. Le juge Haight a dit :
[traduction]
8. Je conclus que, en tant qu’acheteur des combustibles de soute du NORWEGIAN SPIRIT en vertu de son contrat avec EKO, O.W. Malta savait être liée par les conditions standard d’EKO et l’acceptait, tout comme les différences de dispositions applicables de choix de lois et de juridiction par rapport aux conditions d’OWB. O.W. Malta a acheté les combustibles à EKO en vue de l’exécution de son contrat de vente de la même quantité de combustible à O.W. USA. Cette dernière avait formé le premier maillon de la chaîne en passant contrat pour vendre la même quantité à NCL, de sorte que le NORWEGIAN SPIRIT puisse être réapprovisionné au Pirée le 18 octobre 2014. Rien dans ces autres contrats ne modifiait les conditions types d’EKO ni ne faisait qu’O.W. Malta n’avait plus connaissance en les acceptant des conditions d’EKO. Dans cette chaîne contractuelle, O.W. USA comme acheteur auprès de O.W. Malta et NCL comme acheteur auprès d’O.W. USA connaissaient implicitement en les acceptant les conditions d’EKO. Cela suffit à remplir les conditions préalables du contrat en litige pour l’application de l’article L.4.
[47]
Dans la présente affaire, Canpotex fait observer que les conditions standard s’incorporent clairement les lois du Canada et de la Colombie-Britannique à la clause L.4(b)(ii) et que la preuve indique qu’OW UK connaissait bien les conditions types de MP pour la vente et la livraison de combustible de soute, puisqu’on comptait déjà 49 confirmations de commande reçues par Canpotex d’OW UK entre le 10 janvier et le 30 septembre 2014 dans le cas de combustibles commandés par la première à la seconde et fournis par MP. Voir l’affidavit sous serment du 26 juillet 2018 de Keith J. Ball, directeur au transport océanique de Canpotex Shipping Services Limited. M. Ball affirme sous serment qu’il y a eu par le passé « 50 »
confirmations de commande, mais l’avocat de Canpotex a confirmé dans un argument verbal qu’une de ses confirmations concernait d’autres parties et n’avait rien à voir avec les présentes requêtes. Ce témoignage n’a pas été contesté par les autres parties.
[48]
Canpotex fait aussi remarquer que mes motifs antérieurs étaient clairs (par. 132 à 134) : « Comme l’indiquent clairement les conditions standards de MP, les « clients » sont liés et l’entente
[TRADUCTION]
« aura préséance, indépendamment de toute modification des conditions ou de toute reconnaissance ou de tout autre document transmis par le client » (au paragraphe 16). »
J’ai aussi pu lire (paragraphe 134) que « [l]a définition du mot « client » [dans la présente affaire] englobe clairement Canpotex à titre d’« affréteur » ou de « partie tirant avantage de la consommation du combustible de soute »
. Je relève enfin à ce même paragraphe que rien ne prouve « que les conditions standards de MP ont été complétées, modifiées, remplacées ou par ailleurs changées de quelque façon soit par OW UK soit par Canpotex… »
[49]
Ainsi, Canpotex est d’avis que l’« insistance » nécessaire dans la question de la clause L.4 applicable venait du contrat entre MP et OW UK selon la teneur des conditions standard de MP et par suite du maintien de leur application ensuite. Canpotex ajoute que, dans le même sens, on peut constater que, depuis la lettre de demande initiale du 22 décembre 2014 de l’avocat de Marine Petrobulk Ltd, MP a continuellement insisté sur le fait que ses conditions standard étaient les modalités contractuelles applicables et qu’elles liaient Canpotex. Voir l’affidavit de K. Ball (no 1), pièce H.
[50]
Canpotex allègue également qu’on ne peut invoquer la doctrine de la relativité contractuelle (sur laquelle s’appuie lourdement OW UK) pour invalider les intentions claires des trois parties concernées :
[traduction]
37. Ce n’est pas une situation où un tiers bénéficiaire (MP) tente de tirer avantage d’un contrat auquel il n’est pas partie. Dans les conditions générales négociées, Canpotex et OW UK ont consenti à être liées par les conditions du fournisseur physique MP. Dans le contrat entre OW UK et MP, il était convenu que l’affréteur du navire (Canpotex) serait lié par les conditions fixées par MP. Il y a un clair consensus et consentement à la même chose chez les trois parties et il ne conviendrait pas d’appliquer la notion de relativité contractuelle pour invalider des intentions convergentes des parties contractantes.
[…]
43. On a fait valoir que, là où le libellé d’un contrat est exempt de toute ambiguïté, les tribunaux ne devraient pas lui prêter une signification différente de celle qu’expriment ses dispositions claires à moins que ce contrat ne soit déraisonnable ou ne produise un effet contraire aux intentions des parties. Dans la présente instance, la clause L.4 des conditions générales négociées exprime clairement l’intention d’y incorporer les conditions du fournisseur physique. L’intention de la clause est claire, surtout si on considère les alinéas b) et c) où il est clairement dit que les droits et responsabilités entre les trois parties seront identiques et décidés par la même juridiction sous le régime des mêmes lois. Cette disposition est sans ambiguïté et, selon votre décision antérieure, elle doit s’appliquer dans les circonstances.
[Renvois omis.]
(2)
Réclamation en vertu de l’article 139
[51]
Nonobstant les conclusions de la CAF à cet égard, Canpotex continue à faire valoir devant moi que, si OW UK (et donc ING) est jugée avoir le droit contractuel de recevoir le plein paiement de sa facture, je devrais traiter de la question du privilège maritime en vertu de l’article 139 dans le cadre de la procédure d’interplaidoirie et éteindre cette réclamation de MP :
[traduction]
62. Comme vous l’avez noté dans votre jugement antérieur, la question se pose au Canada de savoir si, pour qu’un privilège soit exécutable en vertu de l’article 139 de la Loi sur la responsabilité en matière maritime, le fournisseur physique doit avoir passé contrat avec l’armateur. On obtiendrait ainsi le résultat voulu de mettre un fournisseur canadien de combustible de soute sur un pied d’égalité avec un homologue américain si la Cour posait comme condition préalable pour un privilège maritime de l’article 139 que le fournisseur passe directement contrat avec l’armateur, l’affréteur ou le mandataire de ces parties.
63. Il importe de comprendre l’effet pratique de la décision de la CAF en ce qu’elle diffère des décisions en appel aux États-Unis et dans la conclusion tirée qu’un privilège maritime en vertu de l’article 139 ne peut relever d’une procédure d’interplaidoirie. Un exemple en est l’affaire « Elliott Bay » citée dans l’affidavit no 4 de M. Ball où le combustible a été fourni à un navire affrété par Canpotex en Colombie et où cette dernière a dû faire face à une réclamation réelle avec saisie conservatoire et a été tenue de remettre une sûreté au Chili au fournisseur physique et où, par la suite, elle a dû dans une autre saisie en Italie doubler la sûreté pour une réclamation d’ING et se soumettre à un arbitrage en personne à Londres sur requête d’ING. Une décision qui amène ainsi à doubler la procédure et où l’intéressé encourt inutilement des frais juridiques et des pertes de temps en justice ou en arbitrage crée une grave injustice et devrait être évitée. Il est respectueusement soumis que, comme les créances viennent de la même fourniture, de suggérer que la différence procédurale d’une réclamation réelle fait de la réclamation sur privilège maritime une réclamation autre est faire prévaloir la forme contre le fond.
64. Si la Cour devait conclure sur la question de l’interplaidoirie qu’OW UK et non MP a un droit contractuel au paiement, la réclamation de MP sur privilège maritime en vertu de l’article 139 devrait être rejetée.
[Renvois omis.]
B.
MP
(1)
Questions contractuelles
[52]
MP dit que la seule question qui m’est soumise est de savoir s’il existe une différence importante entre la clause L.4 sur laquelle je me suis appuyé dans ma première décision et la clause L.4 que la CAF a jugé s’appliquer à la présente situation.
[53]
MP dit qu’il est à noter que la CAF n’a pas infirmé mes conclusions au sujet des conditions de fourniture des combustibles de soute (selon les conditions standard de MP) ni des conséquences contractuelles de ces mêmes conditions types selon les paragraphes 134 à 137 de la première décision (où il est dit que Canpotex et OW UK ont une responsabilité solidaire envers MP).
[54]
MP fait observer que nombre de mes conclusions antérieures ne dépendent pas d’une interprétation particulière de la clause L.4 et, le plus important, que j’ai clairement conclu que MP avait accepté de passer contrat pour la fourniture de combustible à ses propres conditions types, et non aux conditions générales d’OW UK. La question de la clause L.4 n’est pas déterminante à cet égard.
[55]
MP souscrit et adhère en majeure partie aux observations de Canpotex sur la question. Elle fait aussi valoir les points suivants :
[traduction]
16. En dehors de ce qui précède, il convient d’examiner les circonstances à l’origine de la fourniture de combustibles de soute aux deux navires sous pavillon étranger dans le port de Vancouver. Comme l’indiquent nos observations initiales :
6. Le 22 octobre 2014, Giorgia, de O.W. Bunkers, a pris contact avec Marine Petrobulk, apparemment au nom d’OW UK, pour demander si MP pourrait fournir en combustibles de soute deux navires, le M/V « Ken Star » (no OMI 9619593) et le MN « Star Jing » (no OMI 9644823) (collectivement, les « navires ») devant mouiller dans le port de Vancouver vers la fin d’octobre 2014.
7. Marine Petrobulk a répondu le même jour à Giorgia, d’O.W. Bunkers, en confirmant les détails de l’approvisionnement prévu, dont les quantités et les prix. Les deux confirmations disaient expressément que la vente se faisait aux conditions standard de MP comme elles avaient été révisées en mai 2013 (les conditions standard). Plus précisément, chaque confirmation disait expressément :
La présente vente est assujettie aux conditions standards de Marine Petrobulk, révisées en mai 2013, lesquelles sont par la présente incorporées intégralement à la présente confirmation. L’acceptation de la présente confirmation ainsi que des conditions standards de Marine Petrobulk est considérée comme finale sauf si l’acheteur s’y oppose dans les trois jours ouvrables suivant la réception de la présente confirmation.
[…]
9. OW UK a donné confirmation de la commande et réitéré l’acceptation de l’approvisionnement prévu des deux navires. Dans les confirmations de commande, on ne faisait aucune objection à l’application des conditions standard comme dans la confirmation déjà citée.
10. En fait, aucune opposition à cette application n’a jamais été marquée par les soins ou au nom du Groupe OW.
11. En application de l’entente (sur la fourniture de combustible de soute aux conditions standard), Marine Petrobulk a livré les combustibles en question aux navires dans le port de Vancouver le ou vers le 27 octobre 2014.
17. Du point de vue des modalités de base en droit des contrats, il ressort des confirmations envoyées à OW que Marine Petrobulk a offert de fournir les combustibles de soute aux navires en question à ses propres conditions standard. Il ressort tout autant des confirmations de commande envoyées par OW à Marine Petrobulk que l’offre a été acceptée sans réserve par elle et sans aucune tentative de sa part d’imposer des conditions différentes. Il est également clair que le contrat a été exécuté comme prévu. Bref, il y a eu offre, acceptation et exécution sans quelque référence que ce soit aux conditions d’OW.
18. Dans nos observations, on ne peut guère douter que Marine Petrobulk a « insisté » sur l’application de ses conditions standard à la vente de combustible de soute par référence à la clause L.4 des conditions générales du Groupe OW. C’est ce que confirme le paragraphe de conclusion des confirmations précitées ayant reçu une acceptation sans réserve d’OW. Il est fort évident que, si OW était revenue à Marine Petrobulk pour marquer son opposition à l’application de ses conditions standard, de nouvelles discussions auraient eu lieu. Tel n’a pas été le cas et les conditions ont été acceptées, si bien que Marine Petrobulk n’avait pas à insister davantage sur l’applicabilité de ses modalités. Tout simplement, elle a insisté sur ses propres conditions et OW les a acceptées. Il n’y avait rien de plus à faire.
[56]
Pour ce qui est du sens du mot « insister », MP fait en outre valoir les points suivants qu’il est bon de reprendre en entier :
[traduction]
20. Comme l’a fait remarquer Canpotex au paragraphe 34 de ses observations, le juge Haight de la Cour des États-Unis pour le district du Connecticut traite de l’utilisation du mot « insister » dans la clause L.4 en ce qui concerne l’affaire NCL (Bahamas) Ltd. c. O. W. Bunker USA Inc. et al. 3:17-CV-01327. Dans cette cause, le juge Haight devait déterminer si le fournisseur de combustible de soute avait insisté pour que ses conditions habituelles s’appliquent à cet approvisionnement particulier en combustible de soute au sein d’une chaîne de fournisseurs assez semblable à celle de la présente affaire. La question était de savoir si la clause d’arbitrage à Londres dans les conditions d’OW était applicable ou encore la clause de juridiction (tribunaux du Pirée en l’occurrence) dans les conditions du fournisseur physique.
21. Le juge Haight a traité de la question selon le droit anglais et a reçu les avis de deux avocats anglais hautement respectés. Il a fini par accepter l’avis avancé au nom de NCL (l’armateur) et qui assimile simplement « insister » dans le contexte de la clause L.4 à « requérir » ou « demander » (voir les p. 24 à 26). Il a en outre conclu que, s’il devait y avoir quelque ambiguïté du sens de « insister » dans ce même contexte, il appliquerait la règle contra proferentem d’interprétation contractuelle contre OW à l’égard du contrat entre NCL et OW (p. 32).
22. En conclusion, le juge Haight a dit :
[traduction]
1. Dans son interprétation selon le droit anglais, l’article L.4 du contrat d’approvisionnement en combustible de soute du M/V NORWEGIAN SPIRIT entre O.W. USA comme vendeur et NCL comme acheteur vient modifier et remplacer les dispositions de l’article PI pour le choix des lois anglaises et l’arbitrage des différends entre les parties à Londres, là où certaines conditions préalables énoncées dans cet article paraissent réunies.2. J’accepte comme plus convaincante l’interprétation de M. Karia dans la mesure où elle diffère de celle de M. Mander, et ce, principalement parce que, à mon avis, la première colle davantage au sens ordinaire des mots employés par les parties dans le contrat.
3. Par ailleurs, si les opinions de M. Karia et de M. Mander sont toutes deux considérées comme bien fondées, mais que leurs conclusions sont inconciliables, ces avis accuseront alors une véritable ambiguïté de sens et d’effet de l’article L.4, auquel cas la règle contra proferentem sera applicable en droit anglais et l’interprétation du contrat favorisera NCL.
23. Il convient également de noter dans nos observations que, comme vous monsieur le juge, le juge Haight a conclu que [traduction] « O.W. Malta, en sa qualité d’acheteur des combustibles de soute du NORWEGIAN SPIRIT par contrat avec EKO [le fournisseur physique], savait qu’elle serait assujettie aux conditions standard d’EKO et elle l’acceptait… » (p. 39). Il ne fait aucun doute dans nos observations que, dans le cas qui nous occupe, OW savait en l’acceptant être liée par les conditions types de Marine Petrobulk. Rien dans les rapports d’OW et de Canpotex ne pouvait, au regard des principes de base en droit des contrats, venir changer ou modifier les conditions de la fourniture de combustible de soute par Marine Petrobulk, d’autant que des modalités modifiées en l’espèce n’ont jamais été proposées à MP.
[…]
33. Dans la présente affaire, les termes employés par Marine Petrobulk sont clairs, affirmatifs et contraignants :
La présente vente est assujettie aux conditions standards de Marine Petrobulk, révisées en mai 2013, lesquelles sont par la présente incorporées intégralement à la présente confirmation. L’acceptation de la présente confirmation ainsi que des conditions standards de Marine Petrobulk est considérée comme finale sauf si l’acheteur s’y oppose dans les trois jours ouvrables suivant la réception de la présente confirmation.
34. À les considérer objectivement, on ne peut douter que ces termes marquent une insistance sur l’application à la vente des conditions standard de Marine Petrobulk. L’expression [traduction] « L’acceptation de la présente confirmation ainsi que des conditions standards de Marine Petrobulk est considérée comme finale » manifeste nettement une insistance, faisons-nous observer. Cet emploi du mot « est » rend l’application des conditions obligatoire sans rien de facultatif. En fait, la clause mentionne ensuite un seul mécanisme pour vaincre cette insistance, une mesure à prendre (une opposition), et aucune n’a été prise par OW dans ce cas.
35. Comme le fait observer le juge Haight, le sens de « insister » est assez clair et englobe le terme « demander » ou « requérir ». Il est conforme à la définition du dictionnaire Oxford en ligne avec les exemples cités en annexe (annexe A). Nul doute que la confirmation envoyée par Marine Petrobulk énonçait une exigence et faisait plus que demander ou requérir.
36. Dans le même sens, le thesaurus Dictionary.com à www.thesaurus.com donne les synonymes suivants de « insister » : affirmer, prétendre, requérir, tenir, maintenir, appuyer, réitérer, répéter, demander, souligner, prier instamment, exhorter à, affirmer solennellement, déclarer, imposer, persister à, exiger, jurer, tenir ferme à, décréter. Là encore, si on remplace « insister » par un grand nombre de ces mots, on voit bien que, dans sa confirmation, Marine Petrobulk a insisté sur l’application de ses propres conditions à la vente de combustible de soute.
37. En dernière analyse et comme l’a conclu le juge Haight, s’il est impossible de trancher la question du sens à prêter au terme « insister » dans le contexte de la clause L.4, la position de repli doit être que cette signification est obscure dans ce contexte et que l’interprétation doit alors défavoriser OW. La chose est claire en droit anglais (comme l’a fait remarquer ce juge), et elle est tout aussi claire en droit canadien. En fait, la Cour suprême du Canada a elle-même appliqué la règle contra proferentem dans l’affaire Hillis Oil & Sales c. Wynn’s Canada, [1986] l R.C.S. 57 :
En raison de cette ambiguïté, savoir si les contrats de distribution peuvent être résiliés en vertu de l’article 23 avec effet immédiat ou si cette résiliation ne peut entrer en vigueur qu’après un avis suffisant, je partage aussi l’avis du juge Richard qu’il faut la résoudre à l’encontre de Wynn’s et en faveur de Hillis par application de la règle d’interprétation contra proferentem. Il est vrai que cette règle a été le plus souvent invoquée à l’occasion de l’interprétation de contrats d’assurance, notamment les articles de ces contrats qui tendent à limiter ou à exclure la responsabilité de l’assureur. On peut trouver des énoncés de la règle et des exemples de son application dans ce domaine dans les arrêts de cette Cour Consolidated-Bathurst et McClelland and Stewart, précités. La règle a cependant une application générale toutes les fois que, comme en l’espèce, il y a ambiguïté dans le sens d’un contrat que l’un des parties a rédigé et présenté à l’autre sans que cette dernière ait la possibilité d’en modifier le texte. La règle est ainsi énoncée de façon générale dans Anson’s Law of Contract (25th ed. 1979), à la p. 151 :
[traduction] Le texte des documents écrits s’interprète plus strictement à l’encontre de la partie qui les emploie. La règle est fondée sur le principe qu’une personne est responsable des ambiguïtés de sa propre rédaction et n’a pas le droit d’amener quelqu’un à contracter avec elle en donnant à son texte un sens alors qu’elle espère que la cour leur en donnera un autre qui lui est plus favorable.
Le juge Estey énonce aussi la règle en termes généraux dans l’arrêt McClelland and Stewart, précité, à la p. 15 :
Ce principe d’interprétation s’applique aux contrats et aux autres documents à partir du simple principe qu’une ambiguïté dans une condition d’un contrat doit être résolue au détriment de l’auteur s’il faut choisir entre lui et l’autre partie au contrat qui n’a pas pris part à sa rédaction.
38. Comme nous l’apprend la décision de la CAF, les modalités négociées par OW et Canpotex comme elles sont énoncées dans le contrat à prix fixe n’interviennent pas entre les deux. Ce sont plutôt les conditions générales d’OW – non négociées – qui s’appliqueraient entre OW et Canpotex. Ainsi, toute ambiguïté des modalités non négociées doit s’interpréter contre OW, et non contre Canpotex, en application de la règle contra proferentem et à la lumière de la position affirmée par Canpotex.
39. Ajoutons qu’une condition d’un contrat entre OW et Canpotex ne peut selon nous venir modifier unilatéralement sans avis ni concertation les conditions convenues par OW et Marine Petrobulk pour la fourniture de combustible de soute...
[…]
42. De toute manière, il est à noter que votre conclusion quant à l’application des conditions standard de Marine Petrobulk à la vente de combustible n’a pas été rejetée par la CAF. Ainsi, non seulement il y a insistance ayant pour effet de faire régir la fourniture de combustible de soute par les conditions de Marine Petrobulk, mais il y a aussi consensus et consentement de toutes les parties à la même chose, c’est‑à-dire à l’applicabilité de ces conditions précises.
[Soulignement dans l’original, renvois omis.]
(2)
Réclamation en vertu de l’article 139
[57]
MP se dit fermement d’avis que cette question ne m’est pas soumise :
[traduction]
Si une conclusion dans cette affaire a pour effet d’éteindre toute réclamation contractuelle d’OW et de Marine Petrobulk contre Canpotex, aucune décision semblable ne peut se prendre relativement aux droits sur privilège maritime affirmés par Marine Petrobulk contre les navires (et par implication, contre leurs armateurs). Pour l’exprimer plus simplement, la CAF a clairement dit que la présente instance ne peut avoir pour effet d’éteindre le privilège maritime de MP en vertu de l’article 139. Il n’y a donc pas lieu de traiter plus avant de cette question.
C.
ING
(1)
Questions contractuelles
[58]
ING reconnaît dans ses observations écrites que la CAF [traduction] a expressément invité le juge à se prononcer « sur le sens de la clause L.4 des conditions générales du Groupe OW et concernant l’effet de cette clause sur la relation entre OW UK, Canpotex et Petrobulk »
.
[59]
ING rappelle à la Cour les règles de base de l’interprétation contractuelle :
[traduction]
29. Dans l’interprétation de la clause L.4, la Cour doit établir quelles sont les intentions objectives des parties comme elles sont exprimées dans le libellé du contrat. Elle doit lire le contrat dans son ensemble en prêtant aux mots leur sens ordinaire et grammatical et en tenant compte des circonstances connues des parties.
30. Un précepte fondamental est qu’un sens doit être prêté à tous les mots d’un contrat. On présume que tout mot employé dans la clause L.4 a un sens. Une interprétation qui fait fi de l’expression [traduction] « insiste pour que l’acheteur soit également lié » ou qui tente de récrire cette clause doit être rejetée.
(Voir à cet égard Sattva Capital Corp c. Creston Moly Corp, 2014 CSC 53 aux par. 47 et 57 [Sattva]; la décision de la CAF aux par. 104 à 106; Geoff R. Hall, Canadian Contractual Interpretation Law, 3e éd. (LexisNexis, 2016) à la p. 16; Golden Capital Securities Ltd c. Organisme canadien de réglementation du commerce des valeurs mobilières, 2010 BCCA 359 aux par. 44 et 52).
[60]
Appliquant ces principes, ING dit que la clause L.4 n’est pas en cause dans cette affaire, puisque MP n’a pas insisté, suivant le libellé de cette disposition, pour que l’acheteur d’OW UK soit lié par ses propres conditions.
[61]
ING affirme que le mot « insister » fait obligation à un fournisseur de prendre des [traduction] « mesures actives »
qui ne l’ont pas été dans cette affaire pour exiger qu’OW UK modifie ses conditions avec Canpotex de sorte qu’elles concordent avec les conditions de MP. Selon ING, cette interprétation de la clause L.4 s’appuie sur le sens ordinaire de cette disposition si on la compare à la clause L.4 du contrat à prix fixe, ainsi qu’aux décisions antérieures.
[62]
Sur cette question d’importance, les arguments d’ING intéressent directement les préoccupations exprimées par la CAF aux paragraphes 127 à 131 de sa décision et méritent d’être cités en entier, étant nuancés et importants pour la tâche qui est la mienne :
32. L’expression [traduction] « insister pour que l’acheteur soit également lié » devrait recevoir son sens ordinaire et grammatical. L’utilisation de cette locution donne à entendre qu’il serait impossible de facilement modifier la clause en question. L’Oxford English Dictionary (en ligne) définit ainsi le mot « insister » :
[traduction] Prier instamment; se montrer persistant ou péremptoire à l’égard d’une stipulation, d’une réclamation, d’une exigence, d’une proposition, etc.
33. En comparaison, la clause L.4 du contrat à prix fixe entrait en jeu automatiquement chaque fois qu’un tiers fournissait du combustible. Voici son libellé ici inapplicable :
a) Les présentes conditions sont sujettes à modification dans les cas où la fourniture physique du combustible est entreprise par une tierce partie. Dans de tels cas, les présentes conditions seront modifiées en conséquence, et l’acheteur sera réputé avoir lu et accepté les conditions imposées au vendeur par ladite partie.
34. Si on avait voulu que la clause L.4 des conditions d’OW s’applique chaque fois qu’un tiers fournisseur employait ses propres conditions types, on l’aurait rédigée pour qu’elle entre en jeu à un seuil de déclenchement bien plus bas. Dans sa formulation simple, la clause L.4 des conditions d’OW s’applique uniquement lorsqu’une condition préalable stricte est remplie et que le fournisseur d’OW non seulement désire que l’acheteur soit lié par ses propres modalités avec OW, mais insiste aussi pour qu’OW donne effet à ce désir.
35. Le sens ordinaire de la clause L.4 des conditions d’OW indique qu’il ne suffit pas que le fournisseur demande que l’acheteur soit lié par ses propres conditions et bien moins encore qu’il se contente d’imposer celles‑ci à OW. Si le fournisseur d’OW a insisté pour que l’acheteur d’OW soit également lié par ses propres conditions, il doit faire obligation à OW devant la loi de modifier les modalités de sa relation avec l’acheteur ou, dans tout autre cas, prendre des mesures actives pour s’assurer qu’OW obtient ce résultat. Une telle interprétation prête un sens à tous les mots de la clause L.4 et, plus particulièrement, au terme « insister ».
36. Cette interprétation est conforme au poids des décisions d’interprétation de la clause L.4. Dans l’instance arbitrale tenue à la suite de la faillite d’OW (« MV PIGI »’), le Tribunal d’arbitrage a été prié d’examiner le sens de la clause L.4 des conditions d’OW. Dans cette affaire, l’acheteur a essayé de s’en remettre à la clause de juridiction d’un tiers fournisseur en faisant valoir que ce dernier avait « insisté » simplement en passant contrat avec OW à ses propres conditions types qui n’obligeaient pas OW à veiller à ce que ses modalités s’accordent avec celles du tiers.
37. Le Tribunal d’arbitrage a fait observer que « insister » était un terme inhabituel à employer dans un contexte commercial. La formulation de la classe L.4 laissait entendre que les parties n’avaient pas l’intention d’y permettre facilement des modifications. Le Tribunal a conclu que « insister » voulait dire que le fournisseur devait faire quelque chose [traduction] « au‑delà de la pratique normale ou encore de la procédure ou des rapports d’affaires habituels, c’est-à-dire prendre plus que des mesures passives ».
38. En formant cette conclusion, il a rejeté expressément les observations de l’acheteur selon lesquelles « insister » devrait s’interpréter comme « imposer » et que la clause L.4 était déclenchée du seul fait que le fournisseur physique imposait ses conditions types à OW :
[traduction] Nous avons conclu qu’il n’était pas particulièrement juste d’interpréter le terme insister en y substituant le terme imposer, parce qu’il pourrait s’agir, dirait‑on, d’une imposition passive. Et cela ne suffirait pas à nos yeux à répondre à l’exigence que [le tiers fournisseur] insiste pour que ses propres conditions lient l’[acheteur]. Nous avons été guidés dans notre approche par l’adoption du principe juridique selon lequel les mots utilisés dans les contrats doivent autant que possible revêtir leur sens ordinaire et naturel. On ne voit pas pourquoi le terme « insister » devrait être remplacé par un autre ou recevoir un sens particulier, simplement parce qu’il est inhabituel de le trouver dans un contrat commercial. En fait, c’est parce que la chose est si inhabituelle que nous avons supposé que son emploi était délibéré et que, si nous minimisions sa signification, nous ne donnerions pas effet aux intentions des parties.
39. Le Tribunal d’arbitrage a conclu que la preuve dans cette affaire, qui reposait simplement sur l’emploi par le fournisseur de ses propres conditions types (comme les conditions de MP), était loin de respecter ce qui était exigé, c’est‑à-dire que le tiers ait insisté pour que l’acheteur soit lié par ses propres modalités. Par conséquent, la clause L.4 n’entrait pas en jeu.
40. Cette vue de la clause L.4 dans les conditions d’OW s’accorde aussi avec l’interprétation de « insister » par la Cour de district de New York dans l’affaire ING Bank N.V. c. M/V Temara :
[traduction] [L’]exigence que le tiers « insiste [sic] pour que l’acheteur soit également lié par ses propres conditions » indique que, pour que L.4 soit applicable, le fournisseur doit avoir fait cette mention expresse et créé une obligation à l’acheteur…
41. Comme dans MV PIGI, le fournisseur dans Temara n’avait pas fait cette mention expresse ni créé une obligation à l’acheteur. La clause L.4 n’entrait donc pas en jeu.
42. Canpotex cherche à s’appuyer sur l’affaire MV (Bahamas) pour faire accréditer son interprétation de la clause L.4. Dans cette affaire, le tribunal a conclu que la connaissance familière des conditions types du fournisseur suffisait. Une telle interprétation ne tient pas compte de ce que le langage doive être ordinaire dans la clause L.4 et elle est donc erronée en droit canadien. En revanche, la décision dans l’affaire MV PIGI livre une analyse plus approfondie et convaincante des intentions objectives des parties comme les exprime le libellé du contrat, ce qui est la question principale ici.
43. Comme la décision dans MV PIGI le dit clairement, la clause L.4 doit exiger dans sa formulation et son contexte que le fournisseur d’OW prenne des mesures actives pour s’assurer que l’acheteur d’OW sera lié par ses propres conditions. Si le fournisseur n’agit pas en ce sens en obligeant OW, par exemple, à modifier ses conditions avec l’acheteur par souci de concordance avec ses propres modalités, la clause L.4 ne s’applique pas.
(ii) MP n’a pas insisté pour que Canpotex soit liée par ses propres conditions
44. Rien ne prouve que MP a insisté pour que Canpotex soit liée par ses propres conditions.
45. Avant la faillite d’OW, MP et Canpotex ne traitaient ni ne communiquaient directement en matière d’achats de combustible de soute pour les navires. MP n’a envoyé les confirmations de commande qu’à OW. Ces confirmations faisaient simplement référence à ses conditions types. Dans ses confirmations et ses factures, MP n’exigeait pas que Canpotex soit liée par ses modalités. Ces documents ne parlaient même pas de Canpotex. Rien ne prouve que, à un moment quelconque avant la faillite d’OW, des représentants de MP aient jamais soulevé auprès de qui que ce soit la question de l’assujettissement de Canpotex à ses propres conditions.
46. Canpotex s’appuie sur deux documents pour étayer son allégation d’une « insistance » de MP comme l’exige la clause L.4 des conditions d’OW.
47. D’abord, Canpotex affirme que les conditions de MP et, en particulier, leur définition générale du terme « client » suffisent à montrer que MP a insisté pour que Canpotex soit liée. Ces modalités n’exigent toutefois pas d’OW qu’elle modifie le libellé pour s’assurer que l’acheteur d’OW soit aussi lié par elles. Elles ne déclenchent donc pas la clause L.4. En se contentant d’utiliser ses conditions standard, MP n’a pas pris les mesures actives nécessaires à une « insistance ».
48. Selon Canpotex, la clause L.4 s’appliquerait chaque fois qu’un fournisseur d’OW utiliserait ses propres conditions types, bien que ne créant aucune obligation expresse à OW de modifier les modalités des rapports avec ses acheteurs. Une telle application de routine de L.4 est contraire au libellé de la disposition et aux intentions objectives des parties. Que MP utilise sans plus ses modalités types ne saurait satisfaire à l’exigence d’une insistance de sa part pour que Canpotex soit liée par ses conditions.
49. En second lieu, Canpotex s’appuie sur la lettre de demande que l’avocat de MP lui a envoyée. Celui‑ci lui a fait parvenir le document le 22 décembre 2014, soit des mois après qu’OW et MP ont passé leur contrat et après la faillite d’OW. Cet envoi ne saurait constituer l’insistance que prescrit la clause L.4; ni le libellé ni le contexte de cette clause ne vont dans le sens de la proposition extraordinaire selon laquelle la conduite postcontractuelle de MP pourrait présenter de l’intérêt à cet égard. Ajoutons que la lettre de demande ne fait même pas référence à la clause L.4 ni ne laisse entendre que MP avait une réclamation contractuelle directe contre Canpotex pour l’argent dû selon les factures de MP. Elle affirme simplement plutôt que MP avait des privilèges contractuels et maritimes.
50. En l’espèce et comme dans les affaires MV PIGI et Temara, rien n’indique que MP ait fait quoi ce soit qui aille au‑delà de sa pratique normale ou ait dérogé à ses rapports d’affaires habituelles en passant contrat avec OW. En fait, les confirmations de MP renvoyaient simplement à ses conditions standard sans jamais mentionner Canpotex. Cela ne répond vraiment pas à l’exigence d’une insistance de MP pour que Canpotex soit liée par ses propres conditions.
51. Comme MP n’a pas pris de mesures actives et insisté pour que Canpotex soit liée, la clause L.4 n’entre pas en jeu. Ainsi, ING est la seule partie ayant un droit contractuel de recevoir les fonds.
[Soulignement dans l’original, renvois omis.]
[63]
ING fait valoir non seulement que la clause L.4 n’entre simplement pas en jeu dans les faits de cette affaire puisque MP n’a pas insisté pour que Canpotex [traduction] « soit également liée par ses propres conditions »
, mais aussi que, même si la clause L.4 s’appliquait, MP n’aurait aucun droit contractuel à faire valoir sur les fonds en fiducie, et encore moins une réclamation dont l’effet serait d’exclure la réclamation d’OW UK sur ces fonds.
[64]
À cet égard, ING fait fond sur des arguments d’interprétation et de relativité contractuelle qui, là aussi, sont forts subtils et doivent être compris en détail :
[traduction]
54. Pour avoir gain de cause en la matière, Canpotex et MP doivent établir que cette dernière avait un droit contractuel contre Canpotex de demander le paiement des fonds et que le droit correspondant d’OW selon les conditions de celle‑ci était effacé.
55. En soi, les conditions de MP ne lui confèrent pas un droit au paiement des fonds à faire valoir contre Canpotex. Quelque large que puisse être la définition que donnent les conditions de MP du terme « client », Canpotex n’était pas partie au contrat entre OW et MP. Elle ne traitait même pas avec MP. Il n’y a que les parties à un contrat qui puissent poursuivre ou être poursuivies en vertu de ce contrat. MP ne peut donc faire valoir aucun droit sur les fonds contre Canpotex en se fondant seulement sur ses propres conditions.
56. Canpotex allègue plutôt que la clause L.4 des conditions d’OW donne à MP contre elle un droit contractuel au paiement des fonds. Elle affirme que cette clause a en quelque sorte pour effet de remplacer les conditions d’OW par les conditions de MP et d’accorder à cette dernière le droit de demander paiement à Canpotex à l’exclusion d’OW. Cette interprétation est néanmoins contraire au langage simple de la disposition, au contexte du contrat et aux circonstances.
57. Si la clause L.4 était déclenchée, elle modifierait seulement les modalités du contrat entre OW et Canpotex dans la mesure nécessaire pour qu’il y ait concordance avec le contrat entre OW et MP. Elle ne créerait pas de relation contractuelle entre Canpotex et MP ni n’effacerait les droits que peut faire valoir OW contre Canpotex. Les exceptions restreintes à la relativité contractuelle qui sont reconnues en common law ne jouent pas comme facteur, elles sont inapplicables ici et ne pourraient de toute manière servir à donner un droit contractuel à MP contre Canpotex.
(i) La clause L.4 ne modifierait que les conditions d’OW entre Canpotex et OW
58. Pour interpréter la clause L.4, la Cour doit établir les intentions objectives des parties comme les exprime le libellé du contrat. Elle doit se demander en particulier ce qu’une personne raisonnable dans la situation des parties aurait compris du libellé du document lu dans son ensemble, ainsi que de la matrice des faits connue des deux parties au moment de passer contrat.
59. Lorsqu’elle entre en jeu, la clause L.4 prévoit que les modalités des rapports d’OW avec son acheteur seront modifiées conformément aux conditions de son fournisseur :
a) Les présentes conditions sont sujettes à modification dans les cas où la fourniture physique du combustible est entreprise par une tierce partie qui insiste pour que l’acheteur soit également lié par ses propres conditions. Dans un tel cas, les présentes conditions seront modifiées en conséquence, et l’acheteur sera réputé avoir lu et accepté les conditions imposées par ladite tierce partie.
60. À première vue, la clause L.4 aurait simplement pour effet de modifier (sans les supplanter ni les remplacer) les conditions régissant le contrat entre OW et Canpotex afin de les harmoniser avec les modalités du contrat entre OW et MP. Canpotex ne deviendrait pas responsable envers MP — qui n’est pas partie au contrat entre OW et Canpotex — du prix demandé par OW. Si les parties avaient voulu faire quelque chose d’aussi radical que le prétendent Canpotex et MP — c’est-à-dire de rendre Canpotex responsable envers MP et effacer les droits d’OW envers Canpotex —, elles auraient pu adopter un langage explicite à cette fin et elles l’auraient fait.
61. Cette interprétation de la clause L.4a) est conforme à son contexte. Les sous-alinéas L.4b) et c) donnent des exemples de la façon dont cette disposition est censée fonctionner. Elle a pour effet de modifier les droits et obligations entre Canpotex et OW :
[traduction]
b) Sans préjudice ni limitation de la généralité de ce qui précède, dans les cas où les modalités de la tierce partie comprennent ce qui suit :
(i) Un délai plus court pour l’exécution d’un acte ou la présentation d’une réclamation, auquel cas il doit être intégré aux présentes modalités.
(ii) Toute clause supplémentaire d’exclusion de responsabilité, auquel cas elle sera intégrée mutatis mutandis à ces modalités.
(iii) Le choix de lois ou d’une juridiction différentes pour le règlement des différends, auquel cas il sera intégré à ces modalités.
c) Il est reconnu et convenu que l’acheteur ne jouira d’aucun droit envers le vendeur qui soit plus grand ou plus vaste que les droits du fournisseur envers la tierce partie précitée.
62. Comme ces dispositions l’indiquent, là où la clause L.4 entre en jeu, les conditions du fournisseur d’OW viennent modifier les droits et obligations qui existent entre OW et son acheteur. Dans l’affaire MV PIGI par exemple, si la clause L.4 était entrée en jeu, la clause de la juridiction dans les conditions d’OW aurait été modifiée en fonction du choix de juridiction dans les conditions du fournisseur. Les modalités d’OW ne sont pas supplantées ni remplacées au complet, mais demeurent plutôt en vigueur après modification, s’il y a lieu, de manière à s’harmoniser avec les propres conditions du fournisseur d’OW.
63. Le contexte contractuel général va dans le sens de l’interprétation que fait ING de la clause L.4. Ainsi, les clauses 1.1 et 1.2 prévoient que Canpotex paiera les combustibles de soute selon les directives d’OW dans le délai convenu par écrit. De plus, le paiement [traduction] « doit se faire en entier sans compensation, demande en contrepartie, déduction ni remise et sans frais bancaires au compte de banque indiqué par le vendeur sur ses factures respectives ». Rien n’indique dans les modalités d’OW en matière de paiement ou autres que les parties aient envisagé une situation où ces conditions seraient remplacées en entier par les propres conditions du fournisseur ou que l’obligation pour Canpotex de payer OW serait remplacée par une obligation de payer le fournisseur.
64. En vérité, un tel résultat serait renversant. Ce serait contraire au bon sens et à la rationalité commerciale. Si les modalités d’OW étaient remplacées par les modalités de MP, OW perdrait son droit d’être payée de ses services lorsqu’elle organise la fourniture de combustibles de soute. Il est inconcevable qu’une personne raisonnable connaissant les circonstances et le libellé de la clause L.4 ait interprété cette disposition comme ayant pour effet d’effacer les droits d’OW envers Canpotex. Une personne raisonnable ne parviendrait pas plus à la conclusion que cette clause rend Canpotex responsable envers un tiers, MP, avec lequel elle n’a pas eu de rapports directs — et selon des modalités que Canpotex n’aurait même jamais vues avant décembre 2014.
65. À certains moments, MP et Canpotex laissent entendre que la clause L.4 pourrait rendre la seconde responsable envers la première seulement à l’égard du montant que MP a demandé à OW, et non pas du montant qu’OW a demandé à Canpotex. Cela laisserait Canpotex avec la responsabilité envers OW de la marge bénéficiaire demandée par celle‑ci. Cette suggestion n’a aucun fondement juridique ni logique. Rien n’explique en principe en quoi la clause L.4, qui lie seulement OW et Canpotex, pourrait conférer à une non-partie, MP, le droit de poursuivre Canpotex pour une somme qui était inconnue de celle‑ci au moment de passer contrat. On ne voit pas non plus en principe comment le paiement de cette somme par Canpotex à MP pourrait réduire la somme que doit Canpotex à OW et qui est mentionnée expressément dans le contrat effectif entre les deux.
66. En comparaison, l’interprétation que fait ING de la clause L.4 est conforme au langage simple de cette disposition, au contexte plus général des conditions d’OW et aux circonstances. La clause n’accorde pas à MP un droit contractuel direct sur les fonds.
(ii) La définition de « client » de MP ne joue pas dans l’interprétation de la clause L.4
67. Canpotex s’appuie également sur la définition générale du terme « client » dans les conditions de MP pour appuyer son argument selon lequel MP a un droit contractuel direct à faire valoir envers Canpotex en vertu de ces modalités.
68. Quelque large que puisse être la définition du terme « client » dans les conditions de MP, seules les parties effectives au contrat peuvent y avoir des droits ou des obligations. Pour être partie à un contrat, on doit à sa formation se concerter avec chacune des autres parties au contrat pour consentir à la même chose. Lorsque le contrat a été formé entre OW et MP, Canpotex n’avait pas connaissance de ses modalités et ne pourrait donc pas avoir formé l’intention d’y adhérer avec OW et MP. La définition de « client » ne vient pas changer les règles normales de la relativité contractuelle.
69. De même, on ne peut se servir des conditions de MP pour étendre l’effet de la clause L.4 des conditions d’OW. Canpotex n’a pas vu les conditions de MP avant d’en recevoir copie de l’avocat de celle‑ci en décembre 2014. Par conséquent, cet élément n’entre pas dans les circonstances susceptibles de servir à l’interprétation du contrat entre Canpotex et OW. Il n’entre pas comme facteur dans l’interprétation des conditions d’OW.
(iii) Les exceptions à la relativité contractuelle sont inapplicables et n’aident ni Canpotex ni MP
70. Canpotex et MP tablent aussi sur un certain nombre d’exceptions à la relativité contractuelle pour faire valoir que, en raison de la clause L.4, la première est liée par le contrat entre MP et OW et que MP a envers Canpotex un droit direct à faire valoir qui efface les droits d’OW. Ces exceptions sont toutefois limitées et spécifiques. Elles n’aident pas Canpotex ni MP à obtenir ce résultat extrême.
71. Plus particulièrement, elles permettent seulement à une non-partie de compter sur un avantage (comme une limitation de responsabilité) énoncé dans un contrat. Elles ne créent pas de droits contractuels entre une partie et une non-partie.
72. Dans l’affaire Fraser River Pile & Dredge Ltd. c. Can-Dive Services Ltd. par exemple, la Cour suprême du Canada a conclu qu’une non-partie pouvait exploiter un avantage dans un contrat si les parties entendaient conférer cet avantage à la non-partie et que cette dernière exerçait les activités prévues par le contrat. De même, les tribunaux ont permis à des non-parties d’exploiter un moyen de défense figurant dans l’affaire Himalaya, soit des dispositions de transport ou de dépôt, là où les parties entendent accorder un tel avantage à des non-parties.
73. Dans tous ces cas, l’exception de la relativité contractuelle permet à une non-partie de s’appuyer sur une modalité contractuelle uniquement comme moyen de défense dans une action. Aucun droit contractuel n’est créé par ces exceptions et une non-partie n’est pas autorisée à poursuivre une partie en vertu du contrat.
74. La clause L.4 est d’une nature très différente de celle de ce genre de dispositions. Elle a simplement pour effet de modifier les droits et les obligations entre Canpotex et OW. Les exceptions à la relativité contractuelle ne confèrent pas à MP le droit contractuel de poursuivre Canpotex.
(iv) OW n’était pas mandataire de Canpotex
75. MP a aussi allégué qu’OW était mandataire de Canpotex au moment de la passation de son contrat avec OW. Une relation de mandat existe seulement si le mandataire a le pouvoir de changer la situation juridique du mandant et que celui‑ci a à assumer la responsabilité d’une telle modification. Faute d’un tel pouvoir et d’un tel rapport de responsabilité, il ne peut y avoir mandat.
76. Dans la présente affaire, rien ne prouve que Canpotex ait jamais eu l’intention qu’OW agisse comme son mandataire ou qu’elle ait accepté un tel rapport. Rien dans les modalités du contrat entre Canpotex et OW ne crée une relation de mandat. De même, les confirmations et les conditions d’OW ne contiennent aucune référence au fait qu’OW puisse être mandataire de Canpotex ni qu’elle n’ait le pouvoir de lier celle‑ci à quelque entente que ce soit. Les confirmations d’OW disent plutôt clairement que celle‑ci agissait de son propre chef, et non pour le compte de quiconque.
77. Il n’y a pas d’autres éléments de preuve au dossier qui démontrent ou même suggèrent que Canpotex ait accepté d’être liée par les actions d’OW en son nom. Comme OW n’avait pas le pouvoir de conclure des contrats pour Canpotex, il n’y a pas de relation de mandat.
[Soulignement dans l’original, renvois omis.]
(2)
Revendication en vertu de l’article 139
[65]
ING est d’avis que la décision exécutoire de la CAF quant à la portée de la présente instance m’empêche expressément d’examiner la revendication de Canpotex en vertu de l’article 139.
VIII.
ANALYSE
A.
Portée
[66]
Comme je l’ai déjà mentionné (au paragraphe 37), je considère que la portée de cette requête en réexamen a été strictement prescrite par la CAF dans ses motifs et son jugement du 10 mars 2017.
[67]
Ma première décision a été écartée et l’affaire m’a été renvoyée « pour nouvel examen à la lumière des présents motifs »
. Si je lis ces motifs, je vois que la CAF me demande expressément de me prononcer « sur le sens de la clause L.4 des conditions générales du Groupe OW et concernant l’effet de cette clause sur la relation entre OW UK, Canpotex et Petrobulk »
. J’ai cité plus haut au paragraphe 29 tout le contexte donné par la CAF pour ce réexamen.
[68]
MP prétend que je peux seulement m’attacher aux conséquences de la clause L.4 des conditions générales d’OW UK et à l’effet de cet article sur la relation entre MP, Canpotex et OW UK. À mes yeux, cela s’accorde avec la décision de la CAF, mais Canpotex et ING me pressent d’aller plus loin.
[69]
Canpotex dit qu’une fois tranchée la question de la clause L.4, je pourrais et devrais m’attacher à la question du privilège maritime en vertu de l’article 139. Je ne crois pas pouvoir le faire, puisque la CAF a clairement dit que cette question ne peut faire partie du processus d’interplaidoirie qui a amené les parties devant la Cour et que la question des navires ne m’est pas soumise.
[70]
ING dit que, en plus de la question L.4, je pourrais et devrais réexaminer mes conclusions contractuelles antérieures qui ne dépendent pas de l’interprétation de cette clause. Elle désirerait, par exemple, que je renonce à mes conclusions sur la relation contractuelle entre les parties. ING fait notamment valoir que, même si je tranche la question L.4 en faveur de MP, cette dernière ne peut faire valoir aucun droit sur les fonds en fiducie en raison du principe de la relativité contractuelle. À mes yeux, la question de cette relativité est totalement indépendante de l’interprétation de la clause L.4 et ne relève pas du mandat que m’assigne la CAF.
[71]
En fait, si la CAF avait jugé que cette même question et les autres questions contractuelles soulevées par ING en dehors de l’interprétation de la clause L.4 posaient un problème dans cette affaire, elle n’aurait eu aucune raison de me renvoyer l’affaire pour nouvel examen. Elle a expressément distingué les problèmes de règle des preuves verbales au dossier et annulé ma première décision quant aux conditions devant s’appliquer entre les parties. S’il s’était agi de problèmes de relativité contractuelle, ils se seraient immédiatement imposés à la CAF, et celle‑ci aurait agi en conséquence. ING fait valoir en matière de relativité contractuelle que, en soi, l’absence de cette relativité entre MP et Canpotex empêche la première de faire valoir quelque droit que ce soit sur les fonds en fiducie. S’il en était ainsi, la CAF n’aurait pas eu besoin d’aborder la question du sens de la clause L.4 ni de me la renvoyer pour que je réexamine les conséquences de cette clause, car cela ne servirait à rien. C’est pourquoi il m’est impossible d’accepter la position d’ING selon laquelle j’aurais maintenant l’obligation de revoir toutes mes conclusions sur la relation contractuelle entre les parties. Je crois être uniquement autorisé à me pencher à nouveau sur les conséquences de la clause L.4 vu son importance dans une entente contractuelle que la CAF juge établie selon la preuve et eu égard au fait que MP ne puisse être privée d’un droit à faire valoir sur les fonds en fiducie pour tout autre motif – comme la relativité contractuelle – que la CAF n’a pas fait intervenir dans sa décision.
B.
Les différences
[72]
Dans la décision de la CAF, le juge Nadon a bien dit que le terme « insister » dans la clause L.4 des conditions générales d’OW UK différait manifestement du terme de la clause L.4 à l’annexe 3 du contrat à prix fixe sur laquelle j’ai insisté. Il a également parlé de « deux [différences] qui pourraient être de quelque importance
»
:
[130] La première différence additionnelle que je constate entre les deux clauses se trouve à la cinquième ligne et à la sixième ligne de la clause L.4 des conditions générales du Groupe OW, où apparaissent les mots « pour que l’acheteur soit également lié par ses propres conditions ». Ces mots n’apparaissent pas dans la clause L.4 de l’annexe 3. L’autre différence se trouve dans la clause L.4 de l’annexe 3, où les mots « au vendeur » apparaissent à la fin de la clause. Ces mots sont absents de la clause L.4 des conditions générales du Groupe OW. La question de savoir si ces différences ont ou non une incidence sur le résultat ultime n’est pas une question à laquelle j’ai l’intention de répondre, car je suis persuadé que la solution qui s’impose dans les circonstances de la présente affaire est de renvoyer l’affaire au juge pour nouvel examen.
[73]
En dehors des différences constatées par le juge Nadon, je dois traiter de toute différence par moi constatable de manière à pouvoir livrer, selon l’expression de la CAF, mon « opinion sur le sens de la clause L.4 des conditions générales du Groupe OW et concernant l’effet de cette clause sur la relation entre OW UK, Canpotex et Petrobulk »
.
[74]
Les deux clauses en question sont les suivantes :
[TRADUCTION]
Contrat à prix fixe, annexe 3
|
Conditions générales du Groupe OW
|
L.4 a) Les présentes conditions sont sujettes à modification dans les cas où la fourniture physique du combustible est entreprise par une tierce partie. Dans un tel cas, les présentes conditions seront modifiées en conséquence, et l’acheteur sera réputé avoir lu et accepté les conditions imposées au vendeur par ladite tierce partie.
|
L.4 a) Les présentes conditions sont sujettes à modification dans les cas où la fourniture physique du combustible est entreprise par une tierce partie qui insiste pour que l’acheteur soit également lié par ses propres conditions. Dans un tel cas, les présentes conditions seront modifiées en conséquence, et l’acheteur sera réputé avoir lu et accepté les conditions imposées par ladite tierce partie.
|
[75]
Voici ce que seraient pour moi les différences entre ces deux clauses :
a) Dans la version anglaise, il y a
« fuel »
dans le premier cas et « Bunkers » dans le second, ces deux termes étant rendus par [traduction] « combustible » en français;b) L’expression [traduction]
« au vendeur »
dans le premier texte est absente dans le second;c) L’expression [traduction]
« qui insiste pour que l’acheteur soit également lié par ses propres conditions »
s’ajoute dans le second texte.
[76]
Dans les observations qu’elles me soumettent, les parties conviennent que le remplacement de « fuel »
par « Bunkers » en anglais dans le second texte est sans incidence importante dans ce différend, et il en va de même de l’expression [traduction] « au vendeur »
. Dans le cas qui nous occupe, OW UK est le vendeur, Canpotex l’acheteur et MP le tiers.
[77]
Je ne vois aucun désaccord entre les parties au sujet des principes généraux d’interprétation des contrats qui s’appliquent en l’espèce. Je dois déterminer l’intention objective des parties exprimée par le libellé du contrat. Cela m’oblige à lire le contrat dans son ensemble et à prêter aux mots leur sens grammatical et ordinaire en fonction des circonstances connues des parties. Voir Sattva aux paragraphes 47 et 57 avec les explications dans la décision de la CAF aux paragraphes 104 à 106.
[78]
Un autre principe général est que tous les mots d’un contrat doivent avoir un sens. Voir Geoff R. Hall, Canadian Contractual Interpretation Law, 3e éd. (LexisNexis, 2016) à la p. 16, ainsi que Golden Capital Securities Ltd v Organisme canadien de réglementation du commerce des valeurs mobilières, 2010 BCCA 359 aux paragraphes 44 et 52.
[79]
Je conviens avec les parties que, si on applique ces principes généraux aux contrats et aux circonstances, le passage en anglais de « fuel »
à « Bunkers » n’a pas d’importance dans ce différend.
[80]
Il m’apparaît cependant que l’omission de la locution [traduction] « au vendeur »
dans la clause L.4 des conditions générales a un certain intérêt. Il est clair que l’expression [traduction] « imposées par ladite tierce partie »
doit comprendre toute partie à laquelle le tiers (MP en l’occurrence) crée une obligation dans ses conditions. Il s’agit, bien sûr, du vendeur (OW UK), mais aussi à mon avis de Canpotex qui a accepté d’assumer une responsabilité contractuelle envers MP. Dans mon premier jugement aux paragraphes 130 à 137, je me prononce sur la façon dont Canpotex s’est liée solidairement à OW UK pour l’acquittement du prix entier d’achat des combustibles de soute livrés aux navires selon les conditions standard de MP. À mes yeux, l’omission de l’expression [traduction] « au vendeur »
dans la clause L.4 des conditions générales m’autorise d’autant à conclure que l’intention aussi bien de OW UK que de Canpotex était de lier non seulement le vendeur, mais aussi toute autre partie qui, conformément aux conditions types de MP, avait consenti avec OW UK ou MP à se porter responsable de l’acquittement du prix d’achat du combustible, Canpotex entre autres.
[81]
Je ne vois pas que la décision de la CAF remette en question mes conclusions là‑dessus. Si la CAF avait pensé que Canpotex n’avait pas consenti à assumer des obligations envers MP, elle l’aurait dit selon moi, si on considère, comme je l’ai déjà indiqué, qu’il serait devenu inutile de me renvoyer l’affaire pour que je me prononce sur le sens et l’effet de la clause L.4 des conditions générales.
[82]
Quoi qu’il en soit, la différence la plus marquante à mon avis est la disposition de déclenchement à la clause L.4a) des conditions générales d’OW UK et avec la mention [traduction] « qui insiste pour que l’acheteur soit également lié par ses propres conditions »
. La question devient la suivante à considérer les faits de l’affaire : MP a‑t-elle « insisté » pour que Canpotex soit liée par ses propres conditions pour la vente et la livraison de combustible de soute aux navires?
[83]
J’ai exposé au long les arguments d’ING sur ce point au paragraphe 62. Le tout peut ainsi se résumer :
(i) La clause L.4 exige de MP qu’elle prenne des mesures actives pour lier Canpotex
[…]
35. Le sens ordinaire de la clause L.4 des conditions d’OW indique qu’il ne suffit pas que le fournisseur demande que l’acheteur soit lié par ses propres conditions et bien moins encore qu’il se contente d’imposer celles‑ci à OW. Si le fournisseur d’OW a insisté pour que l’acheteur d’OW soit lié par ses propres conditions, il doit créer à OW l’obligation devant la loi de modifier les modalités de sa relation avec l’acheteur ou, dans tout autre cas, prendre des mesures actives pour s’assurer qu’OW obtient ce résultat. Une telle interprétation prête un sens à tous les mots de la clause L.4 et, plus particulièrement, au terme « insister ».
[Soulignement dans l’original.]
[84]
Par ailleurs, Canpotex dit que le terme « insister » est analogue à « demander » ou « requérir » et que, s’il subsiste une quelconque ambiguïté dans ce terme, il doit être interprété de la manière la plus favorable à Canpotex en sa qualité d’acheteur, et ce, conformément à la règle du contra proferentem. En outre, Canpotex affirme que, comme elle-même et MP ont eu une longue suite de rapports antérieurs à ces mêmes conditions standard (49 contrats), il est clair que MP a insisté pour que l’opération se fasse selon ses propres modalités et qu’OW UK et Canpotex ont toutes deux accepté d’être liées par elles.
[85]
MP accepte et fait siennes les observations de Canpotex à ce sujet, mais en faisant valoir les points supplémentaires que j’ai exposés plus haut au paragraphe 55.
[86]
Les parties citent et examinent aussi les sources qu’elles estiment appuyer leurs positions respectives. Je traiterai de ces sources en temps utile.
[87]
Généralement parlant, je ne peux accepter l’affirmation d’ING selon laquelle la clause L.4 des conditions générales exigeait de MP qu’elle traite directement avec Canpotex et insiste pour que celle‑ci accepte ses conditions standard. C’est là une ramification de l’argument d’ING en matière de relativité contractuelle qui aurait apporté une réponse complète à ce différend contractuel et aurait évité à la CAF de me renvoyer l’affaire pour un nouvel examen. J’ajoute que l’aspect présomptif de la clause L.4 [traduction] « l’acheteur sera réputé avoir lu et accepté les conditions imposées […] par ladite tierce partie »
deviendrait vain si MP avait à s’adresser directement à Canpotex pour « insister » sur l’acceptation de ses conditions standard. Le caractère constant des rapports (49 opérations antérieures) entre Canpotex, OW UK et MP montre bien que les trois parties comprenaient et convenaient que les combustibles de soute seraient livrés par MP et que celle‑ci insisterait auprès d’OW UK pour que Canpotex soit contractuellement liée. Canpotex n’a pas exigé de négociations directes avec MP et a accepté et assumé la responsabilité quant à des obligations que MP avait insisté auprès de OW UK pour incorporer à la vente et à l’achat de ces combustibles destinés aux navires.
[88]
Deuxièmement, je pense que les faits de cette affaire montrent que MP, pour citer ING, [traduction] « s’est montrée persistante ou péremptoire à l’égard d’une stipulation, d’une revendication, d’une exigence, d’une proposition, etc. »
et a insisté sur l’application de ses propres modalités dans une importante suite d’opérations. Dans ses confirmations à OW UK pour la livraison de combustible aux navires, MP a clairement dit que ses conditions standard y étaient [traduction] « incorporées intégralement à la présente confirmation »
et que [traduction] « [l’]acceptation de la présente confirmation ainsi que des conditions standards de Marine Petrobulk est considérée comme finale sauf si l’acheteur s’y oppose dans les trois jours ouvrables suivant la réception de la présente confirmation »
. OW UK a produit les confirmations et n’a fait aucune objection à l’application des conditions standard. En fait, rien ne prouve dans l’importante chaîne des opérations entre les parties qu’OW UK ou Canpotex ait marqué ou envisagé quelque opposition que ce soit à ces conditions. Même ING ne dit pas qu’OW UK avait quelque objection aux conditions standard, et il est certain que Canpotex n’est à l’origine d’aucune opposition, ni maintenant ni au moment où ont eu lieu les opérations en question. Et rien n’indique ici que, en cas d’opposition, MP aurait été disposée à négocier ou à livrer le combustible selon des modalités autres que ses conditions types. Il est clair à mes yeux qu’OW UK pensait que les conditions standard de MP étaient acceptables et qu’il n’y avait pas lieu de même alerter Canpotex qui avait accepté d’être liée par elles. Pour en revenir à l’argument d’ING, disons que MP ne « désirait » pas seulement que l’acheteur d’OW UK soit lié par ses conditions types, puisqu’elle a insisté pour que la fourniture se fasse selon ses modalités.
[89]
Troisièmement, je pense que le poids de quelque source que nous ayons sur ce point favorise la position adoptée par MP et Canpotex qu’il y avait eu insistance là‑dessus.
[90]
ING me presse d’adopter le raisonnement dans une procédure d’arbitrage anglaise à la suite de la faillite d’OW Trading. Il s’agit de l’affaire OW Bunkers (UK) Limited, ING Bank NV c. X (MV « PIGI ») dans sa première décision arbitrale du 6 avril 2017 [MV PIGI].
[91]
Dans MV PIGI, l’acheteur a voulu faire fond sur la clause de juridiction du tiers fournisseur en faisant valoir que celui‑ci avait insisté, en passant contrat avec OW UK, sur l’application de ses propres conditions types. Le Tribunal d’arbitrage a conclu qu’« insister » signifie que le fournisseur doit [traduction] « aller au‑delà de la pratique normale ou de la procédure ou des rapports d’affaires habituels, c’est‑à-dire prendre plus que des mesures passives »
(paragraphe 62).
[92]
ING admet que, étant une cause en arbitrage, MV PIGI ne me lie en aucune manière, mais en faisant aussi voir que le raisonnement du Tribunal est convaincant dans cette affaire et en me pressant de me ranger à son avis dans la présente affaire. Selon moi, c’est l’argument le plus solide d’ING, et je pense qu’il est utile d’examiner les motifs du Tribunal sur ce point dans leur intégralité :
« Insister »
[traduction] 59. « insister » est un terme très inhabituel à utiliser dans un contrat commercial. Comme nous l’avons dit, les défendeurs ont soutenu qu’il était sensé d’un point de vue commercial que les conditions de tiers fournisseurs s’appliquent, de sorte que des parties se trouvant dans les chaussures des entités d’OW en tirent avantage, « en matière d’exposition », quand elles font face à leurs contreparties. Cela m’a semblé discutable, parce que, si OWB l’avait souhaité, elle aurait pu rédiger un article déclenchable à un seuil bien plus bas que dans le cas qui nous occupe. En fait, une clause comme les conditions types des défendeurs entrait en jeu automatiquement, ainsi que nous l’avons vu. Mais les premiers demandeurs n’avaient pas une telle clause et, à la place, la clause L.4 exigeait que Sinopec insiste pour que ses conditions lient les acheteurs avant qu’elles ne puissent avoir pour effet de modifier les conditions d’OWB. Cela donne à penser que les premiers demandeurs ne voulaient pas que des modifications puissent être facilement apportées.
60. Nous avons considéré en le rejetant le point soulevé par les défendeurs que les modalités de Sinopec étaient « imposées » et que l’exigence d’une insistance sur ces modalités était remplie. Il était concevable qu’on puisse décrire les modalités comme ayant été imposées, non pas qu’elles avaient été négociées, discutées et imposées de force, mais simplement parce qu’elles faisaient partie de la documentation normale du commerce et que la contrepartie ne s’y opposait pas ou les acceptait en l’état. En fait, c’était là le point des défendeurs : les modalités des BDN [Bunker Delivery Notes] n’étaient pas négociées, et on ne s’attendait pas à ce que les fournisseurs physiques de combustibles de soute exercent une quelconque pression commerciale pour que leurs conditions soient appliquées.
61. Nous avons conclu qu’il n’était pas utile ni particulièrement exact d’interpréter le terme insister en y substituant le terme imposer, puisque des modalités, pourrait‑on dire, étaient susceptibles d’être imposées passivement; à nos yeux, cela ne suffirait pas à répondre à l’exigence d’une insistance de Sinopec pour que ses modalités lient les défendeurs. Nous avons été guidés dans notre approche par l’adoption du principe juridique disant que les mots employés dans les contrats devraient autant que possible recevoir leur sens ordinaire et naturel. Il n’y avait aucune raison de remplacer le terme « insister » par un autre terme ni d’y prêter un sens particulier simplement parce qu’il est inhabituel de le trouver dans un contrat commercial. En fait, c’est parce que c’est tellement inhabituel que nous avons supposé que son emploi était délibéré et que minimiser sa signification serait ne pas donner effet aux intentions des parties.
62. « Insister » impliquait que Sinopec devait aller au‑delà de la pratique normale ou de la procédure ou des relations d’affaires habituelles, c’est‑à-dire prendre plus que des mesures passives. Ce n’est pas ce qu’on nous a démontré. La BDN était un formulaire imprimé type. La mention imprimée qui intégrait les conditions de Sinopec faisait partie de la documentation standard. Même si elle pouvait lier les défendeurs, une mention imprimée d’un document commercial type était bien loin de l’exigence d’une insistance de Sinopec pour que les défendeurs soient liés par ses propres conditions. Rien ne prouvait que Sinopec était allée au‑delà de sa pratique normale en affaires pour tenter de lier les défendeurs directement ou indirectement.
63. Pour toutes ces raisons, nous concluons que la clause L.4 n’entrait pas en jeu.
[Soulignement dans l’original.]
[93]
La clause dont traite le Tribunal dans MV PIGI figure au paragraphe 45 de la décision arbitrale :
[traduction]
45. Attendu que les conditions d’OWB à la clause L.4 prévoient ce qui suit :
« Les présentes conditions sont sujettes à modification dans les cas où la fourniture physique du combustible est entreprise par une tierce partie qui insiste pour que l’acheteur soit également lié par ses propres conditions. »
[Soulignement dans l’original.]
[94]
Ce qui est d’abord à noter, c’est que le Tribunal n’examine pas toute la clause L.4 que j’étudie dans la présente affaire :
[traduction]
Conditions générales du Groupe OW
L.4 a) Les présentes conditions sont sujettes à modification dans les cas où la fourniture physique du combustible est entreprise par une tierce partie qui insiste pour que l’acheteur soit également lié par ses propres conditions. Dans un tel cas, les présentes conditions seront modifiées en conséquence, et l’acheteur sera réputé avoir lu et accepté les conditions imposées par ladite tierce partie.
[95]
Pour moi, le paragraphe 62 de MV PIGI est ce qui, dans la décision du Tribunal, éclaire le plus notre propos. Il est à remarquer, je pense, que, si le Tribunal dit que Sinopec avait à [traduction] « aller au‑delà de la pratique normale ou de la procédure ou des rapports d’affaires habituels, c’est‑à-dire prendre plus que des mesures passives »
, il n’a jamais donné d’exemple de ce que ce geste pourrait être. Il nous dit ce qui ne suffira pas, non ce qui suffira.
[96]
Pour moi, le Tribunal a tort d’insister sur ce que le terme « insister » doive être quelque chose de plus et aller au‑delà de la [traduction] « pratique normale en affaires »
. L’insistance peut constituer une partie ordinaire ou normale des rapports d’affaires; le principe fondamental selon lequel les mots doivent recevoir leur sens ordinaire et grammatical en fonction des circonstances connues des parties (voir Sattva, précitée) signifie que nous devons voir ce qu’il faut entendre par insistance dans le contexte des rapports d’affaires habituels qui est caractéristique de la présente affaire.
[97]
Le traitement et la comparaison du terme « imposer »
par le Tribunal n’aide pas non plus, puisque dans la clause L.4 qui m’est soumise, les deux termes sont interchangeables. ING insiste sur le fait [traduction] « qu’un sens doit être donné à tous les mots d’un contrat »
, mais dit qu’« insister » n’a pas le même sens qu’« imposer ».
[98]
À mes yeux, « insister » et « imposer » à la clause L.4 dans cette affaire s’emploient de façon interchangeable. Rien dans la syntaxe ni dans le contexte n’indiquerait que le rédacteur de cet article prêtait un sens quelque peu différent aux deux termes. Ainsi, « insister » dans le présent contexte pourrait ne pas signifier plus qu’« imposer », auquel cas l’affaire MV PIGI n’aiderait pas ING; autre possibilité, « imposer » se serait voulu un synonyme d’« insister ». Cette ambiguïté à mes yeux introduit la règle contra proferentem et, dans ce cas, Canpotex et MP ont le droit de s’en remettre à l’interprétation dans ce contexte d’une stricte égalité de sens entre « insister » et « imposer ». ING s’étant appuyée sur l’affaire MV PIGI, cela voudrait dire qu’elle aurait à admettre que [traduction] « on puisse décrire des modalités comme ayant été imposées, non pas qu’elles aient été négociées, discutées et imposées de force, mais simplement parce qu’elles faisaient partie de la documentation normale du commerce et que la contrepartie ne s’y est pas opposée ou les acceptait en l’état »
(paragraphe 60).
[99]
En réalité, c’est par ces mots que nous nous approchons le plus dans MV PIGI d’une compréhension de ce que le Tribunal entendait par sa définition de « insister ». Il entendrait par là une clause qui, dans un contrat, est [traduction] « négociée, discutée et imposée de force… »
.
[100]
L’emploi de ces mots indique que le Tribunal avait à l’esprit un modèle particulier de négociations contractuelles et qu’il ne pouvait y avoir insistance que si ce modèle était adopté.
[101]
Il me semble par ailleurs que, implicitement dans le raisonnement du Tribunal, il y aurait insistance seulement là où il y aurait résistance aux conditions énoncées, ce qui exigerait qu’on y mette plus de force, si bien qu’il n’y aurait pas d’insistance sans résistance. Il reste que, à mes yeux, il est possible – et non inhabituel – qu’une partie contractante trouve acceptable une modalité sur laquelle on insiste sans qu’interviennent nécessairement une résistance et une poursuite de la négociation. Rien dans le contexte actuel ne laisse croire que MP aurait fourni les combustibles de soute aux navires à des conditions autres que ses propres conditions standard ou encore que ces modalités types étaient négociables d’une façon ou d’une autre. S’appuyant sur MV PIGI, ING suggère que, comme il n’y avait pas résistance, il n’y avait pas insistance. À mon avis, cet argument ne tient pas. Une modalité contractuelle sur laquelle on insiste peut être acceptée en tout temps sans qu’une résistance ait à se manifester.
[102]
Il y a d’autres raisons pour lesquelles je ne peux accepter l’affirmation d’ING selon laquelle l’affaire MV PIGI devrait être mon guide dans l’appréciation de la présente affaire. Certaines sont énumérées par Canpotex dans son mémoire des faits et du droit en réponse :
a) Les décisions arbitrales n’ont aucune valeur de précédent.
▪ Seidel c. Telus Communications Inc., 2011 CSC 15 au par. 38;
▪ Murphy c. Amway Canada Corporation, 2013 CAF 38 au par. 56;
▪ Brewer c. Insurance Corp. of British Columbia, 1991 CarswellBC 213;
▪ Driscoll c. Hautz, 2017 ABQB 168 au par. 22 où le juge du procès déclare que [traduction] « comparativement au jugement d’un tribunal, une décision émanant d’un arbitre n’a pas valeur de précédent et serait sans doute difficilement accessible au public ».
b) En fait, la décision arbitrale n’aurait aucun effet jurisprudentiel même dans un autre arbitrage de la LMAA portant sur des faits identiques. Le site Web de la LMAA dit dans une foire aux questions [traduction] : « Les arbitres suivent-ils les autres décisions arbitrales? Ils reçoivent parfois d’autres décisions, mais celles‑ci ne créent pas de précédents et aucun tribunal n’est tenu de suivre l’avis d’un autre tribunal, même dans le rare cas d’une affaire identique. »
c) Dans l’affaire MV PIGI, les défendeurs – la chose n’est pas claire dans la version caviardée – n’étaient pas détenteurs d’intérêts dans les navires qui avaient effectivement consommé le combustible, mais des intermédiaires qui revendaient celui‑ci aux premiers (voir les par. 16, 35, 36, 40, 44 et 58). Les arbitres ont fait remarquer que les défendeurs [traduction] « ne répondaient pas à la définition d’« acheteur » dans les conditions de Sinopec et qu’ils n’étaient pas non plus des utilisateurs finals ». Dans le cas qui nous occupe, Canpotex répond nettement à la définition de « client ».
d) Contrairement à ce qui est dit au paragraphe 39 des observations d’ING, les conditions types du fournisseur physique dans la décision MV PIGI n’étaient pas du tout pareilles aux conditions standard de MP. On notera ce qui suit :
(i) Dans les conditions standard de Sinopec, les acheteurs étaient définis comme [traduction] « partie passant contrat d’achat, de livraison et de paiement des combustibles de soute » (par. 31), O.W. China en l’occurrence, laquelle était séparée par plusieurs intermédiaires des détenteurs d’intérêts dans les navires en question. Dans les conditions standard de MP, les clients sont d’une définition bien plus large qui embrasse le navire, son capitaine, les armateurs, les exploitants, les affréteurs et toute partie qui tire avantage de la consommation du combustible de soute.
(ii) De plus, les conditions standard de MP comportent une attestation expresse d’autorité, OW UK déclarant ayant le pouvoir de lier les détenteurs des intérêts dans les navires. On ne retrouve pas de modalités semblables dans les conditions types de Sinopec.
(iii) Les conditions standard de MP disent : [traduction] « Le client atteste qu’il a donné ou donnera avis de la présentation de cette clause à l’armateur. » Une telle modalité ne figure pas dans les conditions types de Sinopec.
(iv) En fait, il n’y a pas de sources citées où un Tribunal ait traité une affaire où le fournisseur avait exigé d’OW qu’elle atteste avoir le pouvoir, au nom de l’armateur ou de l’affréteur du navire, d’adhérer à son entente et déclare en outre avoir donné avis à l’armateur de cette entente.
[Soulignement dans l’original.]
[103]
À l’audition de cette question par voie orale, ING n’a pas cherché à répondre, se contentant de dire qu’elle convenait que l’affaire MV PIGI n’avait aucun effet jurisprudentiel ni contraignant sur la présente situation. Je n’ai donc aucune raison de remettre en question les distinctions faites par Canpotex. ING s’est dite plutôt d’avis que MV PIGI livrait une analyse du sens du terme « insister » que je devrais trouver convaincante dans l’affaire qui m’est soumise. Pour les motifs ici énoncés, je ne peux faire mienne cette position.
[104]
ING me renvoie aussi à ING Bank NV c. M/V Temara et al, 16-CV-95 (SDNY 20) aux pp. 18 et 19 [Temara] et à l’indication fournie par la Cour de district de New York selon laquelle [traduction] « pour que L.4 s’applique, le fournisseur doit en avoir fait une mention expresse et créé une obligation à l’acheteur »
. Je ne vois pas en quoi cette affaire jette quelque lumière sur la signification de « insister » dans la présente affaire. Elle a plus à voir avec les arguments d’ING en matière de relativité contractuelle et, dans l’affaire Temara, le juge Forrest fait valoir des points qui, à mon avis, sont inapplicables aux faits qui me sont soumis :
[traduction] Le libellé de l’article L.4 doit se lire au regard de la structure d’ensemble et des dispositions contraires bien précises dans les conditions d’OW Bunker. L.4 crée une exception en disant [traduction] « dans les cas où la fourniture physique du combustible est entreprise par une tierce partie » et en parlant de [traduction] « conditions imposées au vendeur par ladite tierce partie ». La structure générale des conditions et, en particulier, l’exigence à l’alinéa A que les conditions commerciales d’autres parties ne s’appliquent que si elles sont [traduction] « expressément acceptées par écrit » indiquent que la condition d’« imposition » des modalités exige plus que la simple mention de celles‑ci comme étant applicables. De même, l’exigence selon laquelle le tiers [traduction] « insiste » [sic] pour que l’acheteur soit également lié par ses propres conditions » indique que, pour que L.4 soit applicable, le fournisseur doit en avoir fait mention expresse et créé une obligation à l’acheteur, Copenship en l’espèce. Comme nous l’avons indiqué, les contrats et les modalités de la CEPSA ne faisaient pas référence à Copenship ni à quelque entité que ce soit dans sa situation. Disons enfin que l’article L.4 réunit au plus des conditions découlant d’une entente entre le vendeur, OW Bunker et une tierce partie. Ainsi que nous l’avons analysé, il n’y a pas d’entente qui intervienne directement entre OW Bunker et la CEPSA, puisque tous les arrangements pris par cette dernière l’étaient avec OW USA.
[105]
Dans le présent cas, je pense que le modèle de négociations contractuelles posé dans MV PIGI n’a rien à voir avec les circonstances où les contrats en question d’approvisionnement de soute ont été conclus et exécutés.
[106]
Si la clause L.4 est incluse dans le contrat, c’est comme résultat des confirmations entre MP et OW UK. Pour commodité, je citerai à nouveau le libellé :
[traduction] La présente vente est assujettie aux conditions standards de Marine Petrobulk, révisées en mai 2013, lesquelles sont par la présente incorporées intégralement à la présente confirmation. L’acceptation de la présente confirmation ainsi que des conditions standards de Marine Petrobulk est considérée comme finale sauf si l’acheteur s’y oppose dans les trois jours ouvrables suivant la réception de la confirmation.
[107]
La preuve nous apprend que ni OW UK ni Canpotex n’ont manifesté quelque opposition que ce soit à l’inclusion des conditions standard de MP pour la fourniture et la livraison des combustibles de soute. En fait, la vaste suite d’opérations aux mêmes conditions (49 contrats) témoigne éloquemment de ce que les trois parties se soient entièrement satisfaites de ces conditions types et aient été disposées à faire des affaires en fonction de ces modalités. Et rien ne prouve qu’elles n’auraient pas été prêtes à continuer à le faire si OW Trading n’avait pas fait faillite.
[108]
La seule raison pour laquelle les modalités contractuelles sont maintenant remises en question devant moi est qu’ING désire écarter l’intention claire des parties contractantes et imposer d’autres modalités qui n’ont pas été retenues dans une vaste chaîne d’opérations antérieures, le but étant qu’ING puisse réclamer toute la somme au contrat plutôt que la marge bénéficiaire à laquelle OW UK avait droit.
[109]
En d’autres termes, ING dit que ce que les parties en question entendaient par « insister » – objectivement parlant – dans le présente contexte, ce n’est pas ce dont elles étaient convenues ou ce que la répétition de ces opérations démontrait comme étant entièrement acceptable comme façon pour toutes les trois de vouloir faire des affaires à ce moment‑là. ING affirme que l’intention contractuelle — objectivement vérifiée — ne peut servir à l’interprétation du contrat en l’espèce. Son but est d’amener la Cour à passer outre à cette intention et à faire cadeau à ING d’une aubaine fondée sur l’interprétation du terme « insister » qui ne respecte pas le contexte de la présente affaire.
[110]
C’est dire que, à mon avis, le degré et la forme d’une insistance varieront nécessairement selon les situations. S’il n’y a pas résistance, le fournisseur ne peut être astreint à insister pour que des négociations aient lieu et pour que soient ensuite [traduction] « imposées de force » des modalités contractuelles qu’accepte déjà l’autre partie. Et s’il n’y a pas opposition d’une partie comme dans la présente affaire, celle‑ci ne peut alors dire ne pas être liée par une modalité contractuelle, le fournisseur n’ayant pas négocié et employé la force dans la mesure que le Tribunal dit avoir été nécessaire dans MV PIGI. On se doit d’examiner l’ensemble du contexte pour déterminer quels étaient le type et le degré d’insistance nécessaires dans les circonstances de chaque affaire.
[111]
Les faits de la présente affaire indiquent clairement qu’OW UK ou Canpotex n’a jamais donné signe de vie selon la condition présomptive du délai de trois jours des confirmations et que, cela étant, MP ne pouvait entamer de négociations et [traduction] « imposer de force » des modalités qu’elle insistait pour intégrer au contrat. Il me semble que la force, au sens envisagé par le Tribunal dans MV PIGI, n’était ni possible ni requise dans les circonstances de cette affaire.
[112]
Pour moi, un examen bien plus utile et éclairant du sens du terme « insister » figure dans l’affaire NCL où le juge Haight, magistrat doyen de la Cour de district des États-Unis (Connecticut), devait établir si le fournisseur de combustible de soute en question avait insisté pour que ses conditions habituelles s’appliquent à un approvisionnement de soute particulier dans un contexte de chaîne de fournisseurs. La question était de savoir si une clause d’arbitrage à Londres selon les conditions d’OW était applicable ou si la clause de juridiction selon les conditions du fournisseur (compétence des tribunaux du Pirée) régissait cette situation.
[113]
Le juge Haight avait à traiter de la question suivant le droit anglais acceptable et il a reçu des opinions à ce sujet de deux avocats anglais hautement respectés. Il va sans dire que les intéressés avaient des avis nettement divergents. En raison des similitudes de cette affaire avec la présente affaire, je pense qu’il convient de citer abondamment le juge Haight sur ce point :
[traduction] C’est dans ces circonstances que se pose la première question de l’interprétation du contrat entre O.W. USA et NCL. Les événements visés au Pirée établissent-ils une situation [traduction] « où la fourniture physique du combustible est entreprise par une tierce partie qui insiste pour que l’acheteur soit également lié par ses propres conditions » selon le libellé de l’article L.4 dans le contrat? EKO est manifestement une tierce partie qui entreprend de fournir le combustible. Personne ne prétend le contraire. La question déterminante est de savoir si EKO a manifesté l’insistance voulue quant à l’application de ses propres modalités pour la valeur des combustibles livrés par elle au NORWEGIAN SPIRIT, de sorte que soit modifiée, annulée et remplacée la clause d’arbitrage à Londres dans le contrat entre O.W. USA et NCL. M. Karia et M. Mander sont là tous deux pour appliquer le droit anglais à la réponse à apporter à cette question. M. Karia répond par l’affirmative et M. Mander, par la négative. Leurs déclarations donnent une voix de conviction et de lucidité à l’argumentation.
[…]
Le passage apparent du verbe d’une forme [traduction] « inhabituelle » à une forme [traduction] « ordinaire » peut éveiller l’intérêt des étymologistes, mais pour ma part je pense que le sens à prêter au verbe « insister » est assez clair. Mon attention ne se porte pas sur une décision des tribunaux anglais qui définit le terme. On m’excusera aisément dans une affaire régie par le droit anglais de me tourner vers une source favorite d’information, l’Oxford English Dictionary (l’« OED »). Voici la quatrième acception que donne l’OED du terme « insister » : [traduction] « prier instamment; se montrer persistant ou péremptoire à l’égard d’une stipulation, d’une revendication, d’une exigence, d’une proposition, etc. », Oxford English Dictionary (édition condensée, 23e impression, 1984). L’OED note l’emploi que fait le Dr Johnson du terme en 1778 : [traduction] « Nul homme bon et digne n’insistera pour qu’un autre boive du vin. » Le Dr Johnson n’avait pas l’heur d’être diplômé en droit — il laissait cette dignité à Boswell —, mais sa maîtrise de la langue anglaise est légendaire. Ces passages de l’OED concordent avec la compréhension de M. Karia qui assimile « insister » à « demander » ou « requérir ».
[…]
Dans ses déclarations, M. Mander me semble rechercher un sens ou un effet qui jure ou est incompatible avec le sens ordinaire des mots employés dans l’article L.4 des conditions d’OWB. Au fond, le point pour O.W. USA est que, lorsque les dispositions de la clause L.4 sont considérées dans l’optique du contrat tout entier, l’interprétation que défend M. Karia est si mauvaise qu’elle ne saurait se révéler juste — relevant d’une « loterie juridique » pour reprendre l’expression lapidaire de M. Mander — et ne pouvant avoir été voulue par les parties au moment de passer contrat. C’est un argument à l’emporte-pièce, mais je pense qu’il va à l’encontre d’une décision récente de la Cour suprême du Royaume-Uni que les deux avocats citent comme déclarant l’état actuel du droit anglais.
[…]
Je crois que, dans la mesure où l’intention contractuelle des parties peut être devinée en ce qui concerne le règlement d’une facture d’approvisionnement de soute en cas d’insolvabilité subite de O.W. Bunker, la réponse se trouve dans la disposition de la clause L.4 des conditions d’OWB qui porte que le choix des lois et d’une juridiction par un fournisseur physique devient prépondérant là où le fournisseur [traduction] « insiste pour que l’acheteur [NCL en l’occurrence] soit également lié par ses propres conditions ». Cette disposition n’est limitée en aucune manière; le libellé en est assez étendu pour rendre compte d’une situation où le fournisseur n’est pas payé à cause de la faillite d’une entité du Groupe O.W. Bunker; on peut enfin supposer que le Groupe (qui a rédigé les conditions applicables) jugeait au mieux de ses intérêts d’assurer un traitement uniforme pour les fournisseurs physiques de combustibles de soute qui insistaient sur l’adhésion à leurs propres modalités.
Les déclarations de MM. Karia et Mander citent et annexent un certain nombre de décisions des cours d’appel anglaises. Je les ai lues. Elles énoncent les principes généraux d’une application spécifique aux faits. L’arrêt de la Cour suprême dans Arnold c. Britton est à mon avis le plus instructif, et j’ai cité assez longuement le jugement de Lord Neuberger. Vu les motifs dans Arnold et le libellé du contrat entre O.W. USA et NCL, je conclus que M. Karia a agi au mieux en interprétant à la lumière du droit anglais la signification du contrat et, en particulier, de son article L.4. Le fait est que le libellé naturel de cet article, s’il est applicable à la présente affaire, a pour effet de modifier, annuler et remplacer la clause d’arbitrage à Londres dans le contrat visé. La tentative d’O.W. USA de se soustraire à l’effet de l’article L.4 en faisant appel à d’autres dispositions du contrat, au sens commun perçu en matière de commerce ou à d’autres facteurs semblables est inadmissible en droit anglais, comme on le dit bien dans une affaire comme Arnold.
Si je me trompe dans cette conclusion, nous nous retrouvons dans une situation où M. Karia et M. Mander, tous deux éminents avocats anglais, y vont d’opinions différentes et inconciliables sur le sens et l’effet de la clause L.4 dans ce contrat. Je me range à l’avis de M. Karia que, si ces opinions étaient soumises à un tribunal anglais, [traduction] « il est possible que celui‑ci conclue à l’existence d’une ambiguïté dans la signification de la clause L.4 » (déclaration du 14 septembre au paragraphe 16). En fait, je crois qu’il n’est pas seulement possible mais presque sûr qu’un juge anglais tirerait cette conclusion et, comme précité, MM. Mander et Karia conviennent que la règle contra proferentem entre en jeu en cas de véritable ambiguïté dans le sens à prêter à une disposition contractuelle. C’est ainsi que, comme solution de rechange à ce qui serait une décision en l’espèce, j’applique le principe contra proferentem, accepte l’interprétation du contrat de NCL et rejette celle d’O.W. USA.
[…]
La preuve appuie la déduction raisonnable qui est la mienne devant la présente requête que la livraison par EKO de combustibles de soute au NORWEGIAN SPIRIT, en exécution de son contrat avec O.W. Malta en l’espèce, a été précédée de livraisons par EKO à différents navires en vertu d’autres contrats intervenus entre EKO et O.W. Malta et que, dans chaque cas, EKO a insisté sur l’application des conditions que M. Voskos reconnaît comme faisant partie des pratiques normales en affaires de cette dernière. De la vraisemblable ubiquité des modalités d’EKO témoigne leur forme illustrée par une pièce déposée en preuve [doc. 2 à 6]. Ces modalités sont formulées en anglais juridique qui est la lingua franca du commerce contemporain.
[Soulignement dans l’original.]
[114]
En lisant NCL, le juge Haight conclut que, dans le contexte qui est le sien, le terme « insister » est analogue à « demander » ou « requérir » et que, en cas d’ambiguïté, la règle contra proferentem jouera en faveur de l’acheteur.
[115]
Le juge Haight s’est également fondé sur les rapports antérieurs entre les parties pour conclure ce qui suit [traduction] «
Vu cette chaîne de contrats, O.W. USA comme acheteur auprès d’O.W. Malta et NCL comme acheteur auprès d’O.W. USA connaissaient implicitement en les acceptant les conditions d’EKO, ce qui suffit à remplir les conditions préalables dans le contrat en litige pour l’application de l’article L.4. »
Dans la présente affaire, les rapports antérieurs des parties selon les mêmes modalités contractuelles étaient encore plus nombreux (49 contrats) que dans l’affaire NCL.
[116]
Dans la mesure où les préoccupations en matière de relativité contractuelle peuvent subsister dans la présente affaire, je note que le juge Haight dit clairement que [traduction] « NCL en tant qu’acheteur auprès d’O.W. USA connaissait implicitement en les acceptant les conditions d’EKO »
. Dans le présent cas, j’ai déjà conclu que, dans les conditions générales négociées, Canpotex et OW UK acceptaient d’être liées par les conditions du fournisseur physique (MP). Dans le contrat entre OW UK et MP, il était également convenu que Canpotex comme affréteur des navires serait liée par les conditions de MP. Je suis donc d’avis qu’il y a consentement entier à la même chose par les trois parties et je ne vois pas la CAF remettre en question mes conclusions sur ce point ni m’obliger à me prononcer plus avant.
[117]
En un sens général, je me range, par conséquent, à l’avis du juge Haight. Dans le contexte qui est le nôtre, « insister » ne peut signifier plus que « requérir » ou « demander » et, si quelque ambiguïté demeure quant au sens d’« insister » dans le contexte de la clause L.4, la règle contra proferentem doit s’appliquer à l’encontre d’OW UK et en faveur de MP. MP a demandé et requis qu’OW UK et Canpotex passent contrat selon ses conditions standard et cette demande ou cette exigence ne s’est heurtée à aucune résistance et a été acceptée. MP n’avait pas à aller plus loin et à insister pour poursuivre les négociations ou à user de plus de force avec OW UK ou Canpotex.
[118]
Bref, je pense que le « sens ordinaire et grammatical » du terme « insister » dans ce contexte est la signification figurant dans l’Oxford Dictionary of English, troisième édition. Le verbe « insister » signifie [traduction] « exiger quelque chose avec force, ne pas accepter de refus »
.
[119]
Dans le cadre d’un contrat commercial, ces mots signifient pour moi qu’il y a insistance lorsqu’une des parties contractantes dit que l’opération envisagée doit se faire à certaines conditions, si bien que l’affaire ne peut se conclure sans que ces modalités soient respectées.
[120]
Dans la présente affaire, MP a clairement dit à OW UK que les combustibles de soute devaient être vendus et livrés aux navires à ses propres conditions types et que la chose était impérative et définitive [traduction] « sauf si l’acheteur s’y oppose dans les trois jours ouvrables suivant la réception de la présente confirmation »
.
[121]
Rien ne démontre que MP aurait vendu et livré le combustible selon des modalités autres que ses propres conditions types. Il m’apparaît donc clairement que, s’il y avait eu opposition, l’affaire ne se serait pas faite. Et la suite importante et ininterrompue d’opérations semblables est clairement l’indice qu’il n’y avait pas opposition à ce que les combustibles de soute soient vendus et livrés aux conditions standard de MP.
[122]
Que ces modalités soient les conditions types de MP ne veut pas dire qu’elles n’étaient pas exigées avec force et sans possibilité de refus. Une insistance habituelle et constante est toujours de l’insistance.
[123]
À mes yeux, le sens du terme « insister » sera toujours défini ou modifié par référence au contexte de son emploi et à la façon dont traitent les parties. Dans le présent cas, comme OW UK et Canpotex ont accepté les conditions standard de MP, cette dernière n’avait pas pour insister à négocier plus avant et à imposer de force ses modalités types à OW UK ni à Canpotex. C’est simplement une autre façon de dire que le sens d’« insister » sera chaque fois une question de dosage inévitablement et que le degré d’insistance à prévoir sera toujours proportionnel au degré de résistance manifesté en opposition. Dans la présente affaire, MP a demandé avec insistance, requis ou exigé que ses modalités s’appliquent aux livraisons de combustible de soute. À la considérer objectivement, la formulation des confirmations manifeste une nette insistance sur l’application des conditions standard de MP à la vente de combustible. Ce libellé était le suivant :
[traduction] L’acceptation de la présente confirmation ainsi que des conditions standards de Marine Petrobulk est considérée comme finale sauf si l’acheteur s’y oppose dans les trois jours ouvrables suivant la réception de la présente confirmation.
[Soulignement ajouté.]
[124]
L’insistance est franche ici. Qu’une opposition puisse être exprimée n’en fait pas une offre de négocier et, par action ou inaction, tant OW UK que Canpotex ont démontré entièrement le comprendre et l’accepter. Aucune opposition n’a été marquée dans la présente affaire. L’insistance était toujours là et OW UK et Canpotex ont accepté de passer contrat selon les modalités de MP. Cette dernière ne devait ni ne pouvait rien faire de plus dans les circonstances, puisqu’il n’y avait aucune résistance à ce que MP demandait ou requérait avec insistance, c’est‑à-dire que ses conditions standard soient [traduction] « finales ».
[125]
Du fait de ces conclusions de ma part, mon jugement sur le paiement à partir des fonds et l’extinction des responsabilités demeure en gros le même que dans ma première décision pour ce qui est des questions contractuelles.
IX.
DÉPENS
[126]
En tant que parties aux intérêts opposés, Canpotex et MP devraient se voir l’une et l’autre adjuger leurs dépens à ING. Il reste que, comme l’étendue et le montant des dépens peuvent être complexes en l’espèce, je traiterai de cette portée et de ce montant, en cas de désaccord des parties, au moyen d’une ordonnance distincte à la suite d’observations écrites des parties et, au besoin, de nouveaux arguments de vive voix sur la question des frais de justice.
JUGEMENT DANS T-109-15
LA COUR STATUE que :
Canpotex est tenue de payer à la défenderesse Marine Petrobulk Ltd la somme de 648 917,40 $US, de pair avec les intérêts, applicables en matière d’amirauté, connexes;
La défenderesse Marine Petrobulk Ltd recevra la somme susmentionnée à partir des fonds actuellement détenus en fiducie, conformément à l’ordonnance du 27 mars 2015;
Canpotex est tenue de payer aux défendeurs, ING Bank N.V., Ian David Green, Anthony Victor Lomas et Paul David Copley, en leur qualité de séquestres de certains biens des défenderesses O.W. Supply & Trading A/S et O.W. Bunkers (U.K.) Limited, et autres, une somme égale à la marge bénéficiaire à payer à O.W. Bunkers (U.K.) Limited pour la fourniture, par Marine Petrobulk Ltd, de combustible de soute aux navires, de pair avec les intérêts, applicables en matière d’amirauté, connexes. Le solde des fonds détenus en fiducie servira à régler cette somme après que Marine Petrobulk Ltd aura été intégralement payée, conformément aux paragraphes 1 et 2 qui précèdent;
Une fois que les paiements indiqués aux paragraphes 1, 2 et 3 qui précèdent auront été faits, la responsabilité des demanderesses et des navires envers les défendeurs, relativement au combustible de soute fourni aux navires le 27 octobre 2014, ou aux environs de cette date, à Vancouver (Colombie-Britannique), sera entièrement éteinte;
Les défendeurs, ING Bank N.V., Ian David Green, Anthony Victor Lomas et Paul David Copley en leur qualité de séquestres de certains biens des défenderesses O.W. Supply & Trading A/S et O.W. Bunkers (U.K.) Limited, et autres, sont tenus de payer les dépens des demanderesses et de la défenderesse Marine Petrobulk Ltd qui sont liés à la présente instance. Si les parties ne peuvent s’entendre sur l’étendue et le montant des dépens, la Cour en traitera dans une ordonnance distincte à la suite des observations écrites des parties et, au besoin, de nouveaux arguments de vive voix.
Le solde des fonds détenus en fiducie, après que les paiements mentionnés ci‑dessus auront été réglés, doit être remis à Canpotex.
« James Russell »
Juge
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER :
|
T-109-15
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INTITULÉ DE LA CAUSE :
|
CANPOTEX SHIPPING SERVICES LIMITED ET AL c. MARINE PETROBULK LTD. ET AL
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LIEU DE L’AUDIENCE :
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Vancouver (COLOMBIE-bRITANNIQUE)
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DATE DE l’AUDIENCE :
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LE 6 SEPTEMBRE 2018
|
JUGEMENT ET MOTIFS :
|
LE JUGE RUSSELL
|
DATE DES MOTIFS :
|
LE 28 SEPTEMBRE 2018
|
COMPARUTIONS :
David F. McEwen
Mathew Crowe
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POUR LES DEMANDERESSES
|
H. Peter Swanson
Ryan Bernard
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POUR LA DÉFENDERESSE
MARINE PETROBULK LTD.
|
Michael Feder
Robyn Gifford
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POUR LES DÉFENDEURS,
ING BANK N.V., IAN DAVID GREEN, ANTHONY VICTOR LOMAS ET PAUL DAVID COPLEY EN LEUR QUALITÉ DE SÉQUESTRES DE CERTAINS BIENS DES DÉFENDERESSES O.W. SUPPLY & TRADING A/S ET O.W. BUNKERS (UK) LIMITED, ET AUTRES
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AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Alexander Holburn Beaudin + Lang LLP
Barristers & Solicitors
Vancouver (Colombie-Britannique)
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pour les demanderesses
|
Bernard LLP
Barristers & Solicitors
Vancouver (Colombie-Britannique)
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pour la défenderesse
MARINE PETROBULK LTD.
|
McCarthy Tetrault LLP
Vancouver (Colombie-Britannique)
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pour les défendeurs,
ING BANK N.V., IAN DAVID GREEN, ANTHONY VICTOR LOMAS et PAUL DAVID COPLEY en leur qualité de séquestreS de certains biens des défenderesses O.W. SUPPLY & TRADING A/S et O.W. BUNKERS (UK) LIMITED, et autres
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