Date : 20180928
Dossier : IMM-4063-17
Référence : 2018 CF 970
St. John’s (Terre-Neuve-et-Labrador), le 28 septembre 2018
En présence de madame la juge Heneghan
ENTRE :
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AMINA OGHENERHO OMOKRI
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demanderesse
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et
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LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ
ET DE L’IMMIGRATION
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défendeur
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JUGEMENT ET MOTIFS
[1]
Mme Amina Oghenerho Omokri (la « demanderesse »
) demande le contrôle judiciaire d’une décision rendue par la Section d’appel des réfugiés (la « SAR »
) de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada. Dans cette décision, qui est datée du 1er septembre 2017, la SAR a rejeté la demande de la demanderesse de réouverture de son appel devant la SAR.
[2]
La demanderesse est citoyenne du Nigéria. Elle est arrivée au Canada le 3 janvier 2016 et a présenté une demande d’asile au sens de la Convention sur la base d’une menace à sa vie en raison de son orientation bisexuelle. La Section de la protection des réfugiés (la « SPR »
) a rejeté sa demande en concluant qu’elle n’avait pas démontré son orientation sexuelle de femme bisexuelle. La décision de la SPR a été rendue le 24 janvier 2017.
[3]
La demanderesse a interjeté appel aux alentours du 2 février 2017. Le 10 mars 2017, elle a produit une demande de prorogation afin de mettre son appel en état.
[4]
La demanderesse n’a pas déposé un dossier d’appel en état, accompagné d’une demande de prorogation. Sa demande de prorogation a été refusée et son appel rejeté dans une décision de la SAR datée du 21 juin 2017. Selon cette décision, la demanderesse a été informée par téléphone, le 22 mars 2017, que sa demande de prorogation ne serait pas examinée tant que cette demande n’était pas conforme aux Règles de la Section d’appel des réfugiés, DORS/2012-257 (les « Règles de la SAR »
).
[5]
La décision du 21 juin 2017 a également indiqué que des messages ont été laissés à l’avocat de la demanderesse les 6 et 9 juin 2017. Cependant, le dossier d’appel de la demanderesse n’était pas au point.
[6]
Dans sa décision du 21 juin 2017, la SAR a rejeté l’appel de la demanderesse « pour défaut de mise en état »
.
[7]
Par l’entremise d’une lettre datée du 26 juillet 2017, la demanderesse a déposé une requête pour rouvrir son appel.
[8]
La demanderesse a sollicité une prorogation du délai pour mettre son appel en état. Cette requête était accompagnée de copies de la « demande de prorogation de délai pour interjeter ou mettre en état un appel »
, de copies de l’avis d’appel et de deux copies du dossier mis en état de la demanderesse. La lettre d’accompagnement faisait mention du critère à quatre volets pour accorder une prorogation décrit dans l’arrêt Canada (Procureur général) c. Hennelly, (1999) 244 N.R. 399 (CAF).
[9]
Dans sa décision du 1er septembre 2017, la SAR a mentionné l’article 49 des Règles de la SAR, qui prévoit ce qui suit :
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En rejetant la demande de la demanderesse pour la réouverture de son appel, la SAR a souligné que Mme Amina Oghenerho Omokr n’avait pas respecté les Règles de la SAR puisqu’elle n’a pas indiqué qu’elle avait demandé un contrôle judiciaire ou démontré qu’elle avait remis des copies de sa demande à l’ancien avocat qui, selon elle, ne l’aurait pas adéquatement représentée.
[11]
La SAR a ensuite mentionné que la demande ne pouvait être rouverte à moins que la demanderesse établisse qu’il y a eu un manquement au principe de justice naturelle au moment du rejet initial de son appel. Elle a conclu que la demanderesse n’avait pas démontré qu’un tel manquement s’était produit.
[12]
Dans sa demande de contrôle judiciaire de la décision de la SAR, la demanderesse fait valoir, entre autres, que la SAR n’avait pas abordé la question de justice naturelle. Elle soutient que cette question a été soulevée concernant sa demande initiale de prorogation et sa demande de réouverture de son appel, de concert avec sa requête de prorogation pour la mise en état de son appel.
[13]
Le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration (le « défendeur »
) fait valoir que le manquement au principe de justice naturelle allégué est lié à l’incompétence de l’ancien avocat et que cette incompétence n’a pas été établie.
[14]
En outre, le défendeur soutient que la demanderesse conteste le caractère raisonnable de la décision de la SAR en alléguant un manquement au principe de justice naturelle.
[15]
Les questions d’équité procédurale, y compris celles de manquement au principe de justice naturelle, sont sujettes à révision en regard de la norme de la décision correcte; voir la décision rendue dans l’arrêt Canada (Citoyenneté et Immigration) c. Khosa, [2009] 1 R.C.S. 339.
[16]
Les questions de fait ou les questions mixtes de fait et de droit sont susceptibles de révision selon la norme de la décision raisonnable; voir la décision dans Dunsmuir c Nouveau-Brunswick, [2008] 1 R.C.S. 190, au paragraphe 53.
[17]
Selon l’arrêt Dunsmuir, précité, la norme de la décision raisonnable exige que la décision soit transparente, justifiable et intelligible et qu’elle appartienne aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit.
[18]
Le nœud du problème est de déterminer si la demanderesse a démontré qu’il y a eu un manquement au principe de justice naturelle lorsque le tribunal initial de la SAR a rejeté sa demande de prorogation puis son appel dans la décision datée du 21 juin 2017. Cette question doit être examinée en regard de la norme de la décision correcte.
[19]
Je ne suis pas convaincue qu’il y a eu un manquement au principe de justice naturelle en lien avec la décision du premier tribunal de la SAR.
[20]
Ce tribunal a examiné les observations de la demanderesse en rapport avec la prorogation et a conclu qu’il n’y avait aucun fondement pour accorder la prorogation demandée. Sans prorogation, la demanderesse ne pouvait pas mettre son appel en état.
[21]
Dans sa demande ultérieure pour rouvrir son appel, la demanderesse a, par l’entremise de son avocat, présenté des observations alléguant qu’elle a respecté le critère à quatre volets de l’arrêt Hennelly, précité, pour obtenir une prorogation. Les facteurs pertinents sont les suivants :
une intention constante de poursuivre sa demande;
que la demande est bien-fondée;
que le défendeur ne subit pas de préjudice en raison du délai;
qu’il existe une explication raisonnable justifiant le délai.
[22]
Le tribunal de la SAR qui a rendu la décision faisant l’objet de la demande de contrôle judiciaire a formulé des commentaires sur l’incapacité de la demanderesse de démontrer son intention constante de poursuivre l’appel, ainsi que de justifier chaque jour du délai. Je me rapporte au paragraphe 14 de cette décision, qui indique ce qui suit :
[traduction] La SAR détermine que la demanderesse n’a pas démontré une intention constante de poursuivre l’appel ou justifié chaque jour du délai demandé. Il n’y a pas eu de manquement au principe de justice naturelle lorsque la SAR a décidé de rejeter cet appel pour défaut de mise en état.
[23]
Il n’est pas clair pour moi si le deuxième tribunal de la SAR fait des observations sur l’incapacité de la demanderesse de démontrer son intention constante de poursuivre l’appel et de justifier le délai de prorogation pour mettre l’appel en état, dans la demande de prorogation soumise au premier ou au deuxième tribunal de la SAR.
[24]
Cependant, je remarque que le premier tribunal de la SAR a fait des observations similaires au paragraphe 10 de sa décision, comme suit :
[traduction] Je conclus que la demanderesse n’a pas démontré une intention constante d’interjeter appel de la décision de la SPR ou offert une justification raisonnable expliquant ce fait.
[25]
Le deuxième tribunal de la SAR semble confondre l’incapacité de la demanderesse de respecter le critère de l’arrêt Hennelly avec son incapacité de démontrer un manquement au principe de justice naturelle.
[26]
Je ne peux conclure qu’une telle conclusion est correcte. Cependant, cette erreur n’est pas importante parce que je suis convaincue que la SAR a correctement déterminé qu’il n’y avait pas eu de manquement au principe de justice naturelle relativement aux procédures devant le tribunal initial de la SAR.
[27]
Dans sa demande initiale de prorogation, la demanderesse a soumis, comme fondement de sa requête, qu’elle avait besoin de plus de temps pour être en mesure de recevoir des documents lui permettant de mettre son dossier en état. Elle n’a soulevé aucune allégation d’inefficacité ou d’incompétence de son avocat à ce moment.
[28]
La demanderesse ne peut pas maintenant se plaindre en affirmant que le premier tribunal de la SAR n’a pas abordé la question de compétence de l’avocat alors qu’elle-même n’a pas soulevé cette question.
[29]
Les Règles de la SAR sont claires en indiquant qu’une demande de réouverture d’un appel devant la SAR doit démontrer qu’il y a eu un manquement au principe de justice naturelle dans la décision de rejet d’un appel. Le manquement au principe de justice naturelle doit être établi par rapport au tribunal de la SAR qui a rejeté l’appel de la demanderesse.
[30]
Je suis d’avis que le tribunal de la SAR qui a rejeté la demande de réouverture de l’appel de la demanderesse a correctement décidé qu’il n’y avait pas eu de manquement au principe de justice naturelle de la part du tribunal de la SAR qui a rejeté son appel par sa décision du 21 juin 2017.
[31]
Cela signifie que la demanderesse n’a pas démontré une erreur susceptible de contrôle du tribunal de la SAR, lequel a rejeté la demande de réouverture de l’appel de la demanderesse, et qu’il n’y a aucun motif pour une intervention judiciaire.
[32]
En conséquence, la présente demande de contrôle judiciaire est rejetée. Aucune question n’est soulevée pour être certifiée.
JUGEMENT DANS LE DOSSIER IMM-4063-17
LA COUR rejette la demande de contrôle judiciaire. Aucune question n’est soulevée pour être certifiée.
« E. Heneghan »
Juge
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER :
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Dossier : IMM-4063-17
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INTITULÉ :
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AMINA OGHENERHO OMOKRI c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION
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LIEU DE L’AUDIENCE :
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Toronto (Ontario)
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DATE DE L’AUDIENCE :
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LE 5 mars 2018
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JUGEMENT ET MOTIFS :
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LA JUGE HENEGHAN
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DATE DES MOTIFS :
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Le 28 septembre 2018
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COMPARUTIONS :
Peter Lulic
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Pour la demanderesse
|
Lorne McClenaghan
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Pour le défendeur
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AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Avocat
Toronto (Ontario)
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Pour la demanderesse
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Procureur général du Canada
Toronto (Ontario)
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Pour le défendeur
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