Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 20180927


Dossier : T-461-18

Référence : 2018 CF 959

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 27 septembre 2018

En présence de monsieur le juge O’Reilly

ENTRE :

THERESA C NANKA

demanderesse

et

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I.  Aperçu

[1]  Mme Theresa Nanka a commencé à recevoir le supplément de revenu garanti (SRG) en 2012. Service Canada a initialement calculé son supplément de revenu garanti en fonction du fait qu’elle était célibataire. Dans ses déclarations de revenus pour les années 2012, 2013 et 2014, elle a déclaré à l’Agence du revenu du Canada (ARC) qu’elle était en union de fait. Se fondant sur les renseignements figurant sur le site Web de Service Canada, elle a présumé que l’ARC aviserait Service Canada de son nouvel état civil.

[2]  En fait, Service Canada n’a pris connaissance de ce changement qu’en 2015. Il a révisé la situation de Mme Nanka et a déterminé qu’elle avait été en union de fait depuis juillet 2012, et qu’elle avait reçu un montant trop élevé de 13 189,02 $ à titre de supplément de revenu garanti.

[3]  Mme Nanka a demandé un réexamen de la décision après avoir été informée, par Service Canada, du versement excédentaire. Service Canada a maintenu sa décision initiale.

[4]  Mme Nanka a alors a interjeté appel de cette décision devant la division générale du Tribunal de la sécurité sociale. La division générale a rejeté son appel de façon sommaire au motif qu’elle n’avait pas la compétence requise. Elle a conclu qu’elle n’était en mesure d’entendre des appels qu’à l’égard des décisions de refuser ou de limiter les prestations, et non à l’égard des décisions de réduire le versement excédentaire de prestations ou d’y renoncer. Seul le ministre de l’Emploi et du Développement social peut réduire un versement excédentaire ou y renoncer, et la décision du ministre ne peut pas être portée en appel devant le Tribunal.

[5]  Mme Nanka a de nouveau interjeté appel devant la division d’appel, qui a maintenu la décision de la division générale.

[6]  Mme Nanka présente maintenant une demande de contrôle judiciaire de la décision rendue par la division d’appel. Elle soutient que le paiement en trop qu’elle a reçu provenait exclusivement d’une erreur commise par Service Canada, qu’aucun blâme ne peut lui être attribué, et que l’obligation de rembourser l’excédent entraînerait pour elle des difficultés financières.

[7]  Bien que je reconnaisse que Mme Nanka ait raisonnablement pu croire que Service Canada serait informé de son changement d’état civil par ses déclarations de revenus, je ne peux conclure que la division d’appel a commis une erreur susceptible de contrôle lorsqu’elle a estimé que ni la division générale ni la division d’appel n’avaient compétence pour disposer de l’appel de Mme Nanka. Elle a raisonnablement rejeté l’appel de façon sommaire. Par conséquent, je dois rejeter la présente demande de contrôle judiciaire.

[8]  La seule question en litige est de savoir si la division d’appel a raisonnablement conclu que le Tribunal n’avait pas compétence, et que l’appel interjeté par Mme Nanka devrait être rejeté de façon sommaire.

II.  Le cadre législatif

[9]  La personne qui conteste une décision de refus de la prestation ou une décision du ministre portant sur le montant de la prestation peut demander au ministre de réviser sa décision (Loi sur la sécurité de la vieillesse, LRC (1985), c O-9, au paragraphe 27.1) [LSV]; voir l’annexe pour toutes les dispositions citées. Si la demande de révision est rejetée, la personne peut interjeter appel de la décision devant le Tribunal de la sécurité sociale (LSV, au paragraphe 28(1)). La division générale du Tribunal rejette de façon sommaire l’appel si elle est convaincue qu’il n’a aucune chance raisonnable de succès (Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social, LC 2005, c 34, au paragraphe 53(1) [LMEDS]. Le rejet sommaire peut être porté en appel devant la division d’appel du Tribunal de la sécurité sociale, sans qu’il soit nécessaire d’obtenir une permission (LMEDS, aux paragraphes 53(3) et 56(2)). Les moyens d’appel comprennent l’inobservation d’un principe de justice naturelle, une erreur de droit et de graves erreurs de fait (LMEDS, au paragraphe 58(1)).

[10]  Le trop-perçu d’une prestation est recouvrable à titre de créance envers Sa Majesté (LSV, au paragraphe 37(2)). Toutefois, le ministre peut renoncer en tout ou en partie à un versement excédentaire découlant d’une erreur administrative, ou si le remboursement causera un préjudice injustifié au débiteur (LSV, aux alinéas 37(4)c) et d)). La décision du ministre peut faire l’objet d’un contrôle judiciaire devant la Cour (Canada (Ministre du Développement des ressources humaines) c Tucker, 2003 CAF 278, aux paragraphes 11 et 14.

III.  La décision de la division d’appel était-elle déraisonnable?

[11]  Mme Nanka soutient qu’il serait injuste qu’elle soit tenue de rembourser le trop-perçu du SRG, parce qu’elle s’est fiée sur Service Canada pour calculer sa prestation en fonction des renseignements qu’elle a communiqués à l’ARC. D’après les renseignements figurant sur son site Web, Service Canada examine les renseignements fiscaux des prestataires pour calculer le montant de SRG auquel ils ont droit.

[12]  Il est clair qu’aucun blâme ne peut être attribué à Mme Nanka à l’égard du versement excédentaire.

[13]  Toutefois, la question dont je suis saisi est celle de savoir si la division d’appel a commis une erreur en rejetant l’appel de Mme Nanka. J’estime que la décision de la division d’appel n’était pas déraisonnable dans les circonstances.

[14]  Comme je l’ai déjà mentionné, une personne peut demander le réexamen d’une décision de refuser ou de limiter les prestations. De là, la personne peut interjeter appel devant la division générale, puis devant la division d’appel du Tribunal de la sécurité sociale. Toutefois, Mme Nanka ne contestait pas le refus de la prestation ou le montant qu’on lui avait accordé. Elle était plutôt préoccupée par l’obligation de rembourser le montant payé en trop. Sur cette question, son seul recours était de demander au ministre de renoncer en tout ou en partie au versement excédentaire.

[15]  Il s’ensuit qu’il n’y avait rien de déraisonnable dans la conclusion tirée par la division d’appel selon laquelle ni la division générale ni la division d’appel n’avaient compétence pour disposer de l’appel de Mme Nanka, et que son appel devrait être rejeté de façon sommaire. Sa décision était le résultat d’une interprétation raisonnable de la loi applicable.

[16]  Je souligne que le ministre peut renoncer à un versement excédentaire même en l’absence d’une demande précise de la personne qui l’a reçu. Il semble que dans le cas de Mme Nanka, une décision selon laquelle le ministre réduira ou effacera le versement excédentaire n’a pas encore été rendue.

IV.  Conclusion et décision

[17]  La conclusion de la division d’appel selon laquelle le Tribunal n’avait pas compétence dans les circonstances, et que l’appel de Mme Nanka devait être rejeté de façon sommaire n’était pas déraisonnable compte tenu de la loi applicable. Par conséquent, je dois rejeter la présente demande de contrôle judiciaire. Aucuns dépens ne sont adjugés.


JUGEMENT dans le dossier T-461-18

LA COUR rejette la demande de contrôle judiciaire sans dépens.

« James W. O’Reilly »

Juge


ANNEXE

Loi sur la sécurité de la Vieillesse, LRC (1985), c O-9

Old Age Security Act, RSC 1985, c O-9

Demande de révision par le ministre

Request for reconsideration by Minister

27.1 (1) La personne qui se croit lésée par une décision de refus ou de liquidation de la prestation prise en application de la présente loi peut, dans les quatre-vingt-dix jours suivant la notification par écrit de la décision, ou dans le délai plus long que le ministre peut accorder avant ou après l’expiration du délai de quatre-vingt-dix jours, demander au ministre, selon les modalités réglementaires, de réviser sa décision.

27.1 (1) A person who is dissatisfied with a decision or determination made under this Act that no benefit may be paid to the person, or respecting the amount of a benefit that may be paid to the person, may, within ninety days after the day on which the person is notified in writing of the decision or determination, or within any longer period that the Minister may, either before or after the expiration of those ninety days, allow, make a request to the Minister in the prescribed form and manner for a reconsideration of that decision or determination.

Appels en matière de prestation

Appeal — benefits

28 (1) La personne qui se croit lésée par une décision du ministre rendue en application de l’article 27.1, notamment une décision relative au délai supplémentaire, ou, sous réserve des règlements, quiconque pour son compte, peut interjeter appel de la décision devant le Tribunal de la sécurité sociale, constitué par l’article 44 de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social.

28 (1) A person who is dissatisfied with a decision of the Minister made under section 27.1, including a decision in relation to further time to make a request, or, subject to the regulations, any person on their behalf, may appeal the decision to the Social Security Tribunal established under section 44 of the Department of Employment and Social Development Act.

 

[…]

Recouvrement du trop-perçu

Recovery of amount of payment

37 (2) Le trop-perçu constitue une créance de Sa Majesté dont le recouvrement  peut être poursuivi en tout temps à ce titre devant la Cour fédérale ou tout autre tribunal compétent, ou de toute autre façon prévue par la présente loi.

37 (2) If a person has received or obtained a benefit payment to which the person is not entitled, or a benefit payment in excess of the amount of the benefit payment to which the person is entitled, the amount of the benefit payment or the excess amount, as the case may be, constitutes a debt due to Her Majesty and is recoverable at any time in the Federal Court or any other court of competent jurisdiction or in any other manner provided by this Act.

[…]

Remise

Remission of amount owing

(4) Malgré les paragraphes (1), (2) et (3), le ministre peut, sauf dans les cas où le débiteur a été condamné, aux termes d’une disposition de la présente loi ou du Code criminel, pour avoir obtenu la prestation illégalement, faire remise de tout ou partie des montants versés indûment ou en excédent, s’il est convaincu :

(4) Notwithstanding subsections (1), (2) and (3), where a person has received or obtained a benefit payment to which that person is not entitled or a benefit payment in excess of the amount of the benefit payment to which that person is entitled and the Minister is satisfied that:

[…]

c) soit que le remboursement causera un préjudice injustifié au débiteur;

(c) repayment of the amount or excess of the benefit payment would cause undue hardship to the debtor, or

d) soit que la créance résulte d’un avis erroné ou d’une erreur administrative survenus dans le cadre de l’application de la présente loi.

(d) the amount or excess of the benefit payment is the result of erroneous advice or administrative error in the administration of this Act, the Minister may, unless that person has been convicted of an offence under any provision of this Act or of the Criminal Code in connection with the obtaining of the benefit payment, remit all or any portion of the amount or excess of the benefit payment.

Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social, LC 2005, ch 34

Department of Employment and Social Development Act, SC 2005, c 34

Rejet

Dismissal

53 (1) La division générale rejette de façon sommaire l’appel si elle est convaincue qu’il n’a aucune chance raisonnable de succès.

53 (1) The General Division must summarily dismiss an appeal if it is satisfied that it has no reasonable chance of success.

[…]

Appel à la division d’appel

Appeal

(3) L’appelant peut en appeler à la division d’appel de cette décision.

(3) The appellant may appeal the decision to the Appeal Division.

[…]

Exception

Exception

56 (2) Toutefois, il n’est pas nécessaire d’obtenir une permission dans le cas d’un appel interjeté au titre du paragraphe 53(3).

56 (2) Despite subsection (1), no leave is necessary in the case of an appeal brought under subsection 53(3).

Moyens d’appel

Grounds of appeal

58 (1) Les seuls moyens d’appel sont les suivants :

58 (1) The only grounds of appeal are that

a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;

(a) the General Division failed to observe a principle of natural justice or otherwise acted beyond or refused to exercise its jurisdiction;

b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;

(b) the General Division erred in law in making its decision, whether or not the error appears on the face of the record; or

c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

(c) the General Division based its decision on an erroneous finding of fact that it made in a perverse or capricious manner or without regard for the material before it.


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T-461-18

 

INTITULÉ :

THERESA C NANKA c LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Winnipeg (Manitoba)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 10 SEPTEMBRE 2018

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE O’REILLY

 

DATE DES MOTIFS :

Le 27 SEPTEMBRE 2018

 

COMPARUTIONS :

Theresa Nanka

 

POUR LA DEMANDERESSE – POUR SON PROPRE COMPTE

 

Matthew Vens

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Sous-procureur général du Canada

Winnipeg (Manitoba)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.