Date : 20180820
Dossier : IMM-5459-17
Référence : 2018 CF 845
Montréal (Québec), le 20 août 2018
En présence de monsieur le juge Locke
ENTRE :
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HAMADOU BAHITI KONE
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demandeur
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et
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MINISTRE DE L’IMMIGRATION, DES RÉFUGIÉS ET DE LA CITOYENNETÉ et MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE
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défendeurs
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JUGEMENT ET MOTIFS
I.
Nature de l’affaire
[1]
Il s’agit en l’espèce d’une demande de contrôle judiciaire déposée par Hamadou Bahiti Kone (le demandeur), à l’encontre de deux décisions. La première décision, datée du 5 décembre 2017, est une mesure d’exclusion rendue par un délégué du Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile (le Ministre) indiquant que le demandeur est interdit de territoire pour avoir violé les conditions de son permis d’études. La deuxième décision est datée du 9 décembre 2017 et rejette la demande de rétablissement du permis d’études du demandeur, basée sur le fait qu’il était visé par une mesure d’exclusion exécutoire.
II.
Faits non contestés
[2]
Le demandeur, citoyen de la Côte d’Ivoire, est arrivé au Canada le 8 août 2015 à titre de résident temporaire titulaire d’un permis d’études valide jusqu’au 8 octobre 2017. L’alinéa 220.1(1) du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227, prévoit que le titulaire d’un permis d’études soit et demeure inscrit aux études, et qu’il suive activement son programme.
[3]
Au début, le demandeur était inscrit aux études à l’Université d’Ottawa.
[4]
En mai 2016, le père du demandeur est décédé, et le demandeur a voyagé en Côte d’Ivoire pour les funérailles. Il est revenu au Canada seulement le 14 septembre 2016, après le début des classes de l’automne 2016.
[5]
Le demandeur n’a pas suivi des études en automne 2016. Après le décès de son père, le demandeur s’est déplacé à Montréal pour vivre avec son frère. Il s’est inscrit à l’Institut Teccart pour ses études en hiver 2017.
[6]
Pour l’automne 2017, le demandeur est retourné à Ottawa et s’est inscrit de nouveau à l’Université d’Ottawa.
[7]
L’expiration du passeport ivoirien du demandeur a engendré des délais et le demandeur n’a pu demander le renouvellement de son permis d’études que vers le 17 octobre 2017, quelques jours après son expiration.
[8]
Le 4 décembre 2017, le demandeur a été arrêté par la police de la ville d’Ottawa dans le contexte d’une perquisition liée à des soupçons de fraude impliquant l’un de ses amis ivoiriens. Le demandeur a eu l’occasion de parler à un avocat au téléphone au poste de police. Aucune accusation criminelle n’a été portée contre lui ni ses amis.
[9]
Vers 21h00, ce même 4 décembre 2017, le demandeur a été interrogé par un agent de l’exécution de l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC), Daniel Carré, et un délégué du Ministre, Gholamhossein Valioghli, concernant son identité et son statut au Canada (le premier entretien).
[10]
Suite à ce premier entretien, l’agent Carré a conclu qu’il y avait raison de croire que le demandeur était inadmissible pour avoir omis de respecter les conditions de son permis d’études : assister aux cours et fréquenter l’établissement scolaire. L’agent Carré a préparé un rapport d’interdiction de territoire en vertu de l’article 44 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 (LIPR), à cet effet.
[11]
Le demandeur a été arrêté de nouveau par les agents de l’ASFC et a été emmené aux bureaux de l’ASFC. Tôt le 5 décembre 2017, le demandeur a été interrogé une deuxième fois par le délégué du Ministre (l’agent Valioghli) et l’agent Carré (le deuxième entretien). Le but de ce deuxième entretien était de déterminer si le rapport de l’agent Carré en vertu de l’article 44 était bien fondé.
[12]
Suite à ce deuxième entretien, l’agent Valioghli a rendu la mesure d’exclusion qui est l’un des objets de la présente demande de contrôle judiciaire.
[13]
Quelques jours plus tard, le 9 décembre 2017, la demande de rétablissement du permis d’études du demandeur a été rejetée parce que le demandeur faisait l’objet d’une mesure de renvoi qui était devenu exécutoire.
III.
Faits contestés
A.
En ce qui concerne les études du demandeur
[14]
Le demandeur allègue qu’il a suivi ses cours à l’Université d’Ottawa pendant l’automne 2015 et l’hiver 2016, et qu’ils se déroulaient bien. De leur part, les défendeurs allèguent que le demandeur a admis pendant le premier entretien qu’il n’a pas réussi ses cours.
[15]
Le demandeur a fourni comme pièce jointe à son mémoire de réplique un document qui semble indiquer ses notes pour l’automne 2015. Ce document indique un succès limité. Il ne fait aucune référence à l’hiver 2016. Plus important, ce document ne fait pas partie de la preuve, n’ayant pas été joint à un affidavit.
[16]
Le demandeur allègue qu’il a suivi des cours à l’Université d’Ottawa pendant l’automne 2017, mais a arrêté à l’expiration de son permis d’études le 8 octobre 2017. De leur part, les défendeurs allèguent que le demandeur a admis pendant le premier entretien qu’il ne s’est pas présenté pour ses cours de l’automne 2017.
B.
En ce qui concerne les événements des 4 et 5 décembre 2017
[17]
Le demandeur allègue avoir été relâché par la police et arrêté de nouveau par l’ASFC avant le premier entretien. Le demandeur allègue aussi qu’il n’a pas eu l’opportunité de consulter un avocat après son ré-arrestation.
[18]
Les défendeurs allèguent que le premier entretien a eu lieu pendant que le demandeur était toujours détenu par la police, et qu’il avait pour but simplement d’identifier le demandeur et de vérifier son statut. Les défendeurs allèguent que le transfert de la détention du demandeur de la police à l’ASFC a eu lieu seulement quelques minutes avant minuit le 4 décembre 2017, après la fin du premier entretien et après que l’agent Carré ait conclu qu’il y avait raison de croire que le demandeur est inadmissible.
[19]
Le demandeur allègue que le premier entretien a duré plusieurs heures. Les défendeurs allèguent qu’il a duré seulement 20 à 30 minutes.
[20]
Le demandeur allègue que pendant le premier entretien il avait faim et froid, et il se sentait obligé de répondre à toute question et de consentir à toute demande. Le demandeur allègue aussi qu’il n’a jamais consenti à la fouille de son téléphone intelligent. De leur part, les défendeurs allèguent que ni l’agent Carré ni l’agent Valioghli n’a demandé ou ordonné que le demandeur leur fournisse son téléphone intelligent. Les défendeurs allèguent que c’est le demandeur qui a suggéré faire référence audit téléphone pour confirmer son inscription à l’université.
[21]
Le demandeur allègue que le deuxième entretien a eu lieu vers 6h 00 le 5 décembre 2017. Les défendeurs indiquent qu’il a eu lieu à 2h 15.
[22]
Le demandeur allègue qu’avant le deuxième entretien il a été avisé qu’il n’y avait aucun avocat disponible. Il allègue aussi qu’il ne s’est pas fait offrir le choix d’attendre qu’un avocat soit disponible. De leur part, les défendeurs allèguent que le demandeur a été avisé avant le deuxième entretien de son droit de consulter un avocat, et un téléphone et une liste d’avocats ont été mis à sa disposition pendant au moins 20 minutes. Les défendeurs allèguent aussi que les agents l’ont aussi aidé à identifier des avocats francophones.
[23]
Les défendeurs allèguent qu’au deuxième entretien le demandeur a confirmé qu’il comprenait le but de l’entretien, et qu’il n’avait aucune preuve à introduire, ni question à poser.
IV.
Questions en litige
[24]
Les questions en litige se séparent en deux catégories : (i) les questions d’équité procédurale ; et (ii) les questions du caractère raisonnable des décisions en litige.
[25]
Les questions d’équité procédurale concernent les sujets suivants :
- Le droit à un avocat ;
- Fouille du téléphone intelligent ;
- Opportunité de présenter de la preuve aux entretiens ; et
- Motifs inadéquats.
[26]
Les questions du caractère raisonnable des décisions concernent les sujets suivants :
- Études à l’automne 2017 ;
- Études à l’automne 2015 ;
- Institut d’enseignement désigné ;
- Études à l’automne 2016 ;
- Études à l’hiver 2017 ; et
- La décision du 9 décembre 2017 rejetant la demande de rétablissement du permis d’études.
V.
Analyse
A.
La norme de contrôle
[27]
Il n’y a aucun débat sur la norme de contrôle applicable en l’espèce. Les parties s’entendent que les questions touchant à l’essentiel du pouvoir discrétionnaire du décideur – soit la mesure d’exclusion dans le présent litige – doivent être évaluées selon la norme de la décision raisonnable : Khosa c Canada, 2009 CSC 12 aux paras 59 et 61. L’application de la norme de la décision correcte est appropriée pour les questions d’équité procédurale : Khosa, au para 43.
B.
Note préliminaire
[28]
Les défendeurs s’objectent à l’admission du guide ENF 6, concernant l’examen des rapports établis en vertu du paragraphe 44(1) de la LIPR, comme preuve. Malgré la mention de ce document dans le mémoire supplémentaire du demandeur, il n’a pas été mis en preuve.
[29]
Le demandeur répond que les défendeurs sont très familiers avec le guide ENF 6, et qu’il s’agit d’un document qui peut être persuasif dans le contexte de la présente demande. Le demandeur fait référence à ce document pour appuyer son argument de l’obligation de l’aviser de son droit de consulter un avocat.
[30]
À mon avis, il n’est pas nécessaire que je décide la question de l’admissibilité du guide ENF 6. Il n’a pas force de loi. Plus important, le guide ENF 6 est pertinent à l’examen des rapports en vertu de l’article 44, et pas à leur création. Donc, le guide ENF 6 est pertinent aux procédures suivies dans le contexte du deuxième entretien, au lieu du premier entretien. Finalement, je conclus ci-dessous que les droits du demandeur n’ont pas été violés.
C.
Questions en litige
(1)
Le droit à un avocat
[31]
Le demandeur argumente que son droit de consulter un avocat et d’être avisé de ce droit a été violé avant chacun des deux entretiens. Malgré le fait qu’il a pu consulter un avocat avant son interrogatoire par la police, il soumet que le but du premier entretien avec l’agent Carré était différent. Il soumet qu’il avait le droit d’être avisé de nouveau de son droit à un avocat, ce qui n’a pas été fait. En ce qui concerne le deuxième entretien, le demandeur se plaint qu’il n’a pas pu joindre un avocat au milieu de la nuit, et que les agents aurait dû lui offrir de remettre le deuxième entretien jusqu’à qu’un avocat soit disponible.
[32]
Tel qu’indiqué ci-haut, le guide ENF 6 n’est pas pertinent aux procédures suivies dans le contexte du premier entretien. De plus, j’accepte l’allégation des défendeurs que le demandeur était toujours détenu par la police lors du premier entretien. La preuve me convainc que le transfert du demandeur de la police à l’ASFC a eu lieu peu avant minuit le 4 décembre 2017, et qu’avant ce transfert, il demeurait sous le contrôle de la police.
[33]
Plus important encore, le demandeur n’a pas contesté la décision de l’agent Carré de produire son rapport en vertu de l’article 44. Les décisions contestées sont (i) la mesure d’exclusion émise après avoir examiné le rapport de l’agent Carré, et (ii) le rejet de la demande de rétablissement du permis d’études. Dans l’absence d’une contestation de la décision de l’agent Carré, il n’est pas du tout clair que l’objection du demandeur aux procédures suivies dans le contexte du premier entretien est admissible.
[34]
En tous cas, je ne suis pas convaincu que le demandeur avait le droit d’être avisé de nouveau de son droit de consulter un avocat avant le premier entretien.
[35]
Le demandeur se fie sur la décision dans Rodriguez Chevez c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2007 CF 709 (Chevez). Mais je note qu’au paragraphe 11 de cette décision la juge indique qu’il n’existe pas en tant que tel un droit à l’assistance d’un avocat lors d’une entrevue menée par un agent d’immigration. Je comprends que cette phrase s’applique au premier entretien. Chevez concerne principalement le droit de consulter un avocat avant l’examen du rapport en vertu de l’article 44 (le deuxième entretien). De plus, les faits dans la présente demande se distinguent des faits dans Chevez. Le demandeur était détenu pendant plusieurs jours et avait demandé un avocat. Un avocat était présent dans l’édifice mais pas disponible à ce moment-là. Dans le présent cas, j’accepte l’allégation qu’on a aidé le demandeur à contacter un avocat avant le deuxième entretien. J’accepte aussi que le demandeur n’a jamais indiqué qu’il ne pouvait pas joindre un avocat. À mon avis, l’arrêt Chevez n’aide pas le demandeur.
[36]
Le demandeur fait référence aussi à la décision dans Canada (Citoyenneté et Immigration) c Paramo de Gutierrez, 2016 CAF 211. Cette décision se distingue aussi du présent cas : elle concerne le droit de consulter un avocat dans le contexte d’une demande d’asile.
[37]
La décision dans Chen c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2006 FC 910, sur laquelle le demandeur se fie aussi, se distingue pareillement sur les faits. M. Chen était détenu pendant plusieurs jours sans se voir offrir l’opportunité de consulter un avocat. Éventuellement, ses déclarations pendant ce temps ont été utilisées pour contredire son témoignage dans le contexte de sa demande d’asile.
[38]
Le demandeur se fie aussi sur la décision de la Cour suprême du Canada dans R c Sinclair, 2010 CSC 35 (Sinclair), qui parle au paragraphe 57 de l’obligation d’accorder une nouvelle opportunité de consulter un avocat « s’il devient clair, par suite d’un changement de circonstances ou de faits nouveaux, que les conseils reçus au départ, compte tenu du contexte, ne suffisent plus ou ne sont plus bons. »
Je ne suis pas convaincu que Sinclair confirme le droit du demandeur d’être avisé de nouveau de son droit de consulter un avocat. Premièrement, je note que les faits dans Sinclair concernaient le domaine criminel. De plus, je n’accepte pas que les circonstances pour le demandeur ont changé autant que les conseils que le demandeur aurait reçus au départ ne suffisaient plus. Au départ, le demandeur savait qu’il n’avait aucune pièce d’identité, et qu’il était au Canada sur la base d’un permis d’études qui avait expiré et qui était en processus de renouvellement. Il était prévisible qu’il serait interrogé au sujet de son identité et son statut au Canada.
[39]
Je suis convaincu que la preuve sur laquelle le délégué du Ministre s’est basé (incluant le rapport de l’agent Carré) était obtenue d’une façon qui respecte les droits du demandeur. Donc, même si j’accordais la demande, et rejetais la décision du délégué du Ministre, je suis convaincu qu’un autre délégué arriverait à la même décision si jamais le rapport serait réexaminé. Il n’est pas du tout clair quelle preuve le demandeur pourrait fournir pour surmonter son défaut de suivre des études pendant les automnes de 2016 et 2017.
[40]
Je n’accepte pas que la faim ou le froid ou le manque de sommeil du demandeur soit un facteur pertinent. J’accepte la preuve des défendeurs que le deuxième entretien a eu lieu vers 2h 15 le 5 décembre, et pas vers 6h 00 comme le demandeur l’allègue. Donc, le manque de sommeil n’était pas majeur. De plus, les autres déclarations du demandeur que je n’accepte pas (dont il est fait référence dans cette décision) me donnent raison de ne pas accepter son témoignage concernant sa faim, d’avoir eu froid et son allégation que sa coopération lors du premier entretien était causée par ces facteurs.
[41]
Je n’accepte pas non plus l’argument du demandeur que les agents Carré et/ou Valioghli ont confondu le demandeur avec son ami Ahmed Kone, et que c’est pour cette raison qu’ils ont conclu que le demandeur a eu l’opportunité de consulter un avocat. Je ne vois aucune indication d’une telle confusion. À mon avis, il s’agit de spéculation de la part du demandeur.
(2)
Fouille du téléphone intelligent
[42]
Cette question découle d’un conflit factuel important – tel qu’indiqué ci-haut, le demandeur allègue qu’il n’a jamais consenti à la fouille de son téléphone intelligent, tandis que les défendeurs allèguent que le demandeur a demandé que les agents vérifient son inscription à l’université par référence audit téléphone.
[43]
Je crois la version des faits des défendeurs. Les agents Carré et Valioghli n’avaient aucune raison de mentir, surtout parce que le contenu du téléphone était peu révélateur. Je rejette l’argument du demandeur qu’il n’aurait jamais offert une fouille de son téléphone sachant que son contenu n’était pas suffisant pour éviter la mesure d’exclusion. Il est entièrement possible que le demandeur a offert la preuve de son inscription à l’université en espérant qu’elle serait suffisante.
[44]
Le demandeur demande que je tire une inférence négative contre les défendeurs du fait que les notes des agents Carré et Valioghli ne font aucune mention de la fouille du téléphone intelligent du demandeur. Je refuse. Puisque le contenu du téléphone n’a révélé rien de concluant, il ne me surprend pas que les agents n’en ont pas fait référence dans leurs notes.
[45]
Même si j’acceptais la version des faits du demandeur, je ne serais pas disposé à accorder la présente demande sur cette base. L’exclusion de toute preuve obtenue du téléphone ne changerait pas le résultat des décisions en litige.
(3)
Opportunité de présenter de la preuve aux entretiens
[46]
Le demandeur se plaint qu’à cause de sa détention, la brièveté du deuxième entretien, et l’absence d’un avocat, il n’a pas eu l’opportunité de présenter de la preuve en sa faveur avant que la mesure d’exclusion soit rendue.
[47]
Mais le demandeur a admis de ne pas avoir suivi des cours aux sessions d’automne de 2016 et 2017. Cette admission s’applique toujours à l’automne 2016, tandis que le demandeur nie maintenant avoir admis d’arrêter de participer à ses cours de l’automne 2017 avant l’expiration de son permis d’études. On ne m’a montré aucune preuve objective, devant le délégué du Ministre ou non, qui contredit la conclusion que le demandeur omettait de se conformer aux conditions de son permis d’études.
[48]
L’opportunité de présenter de la preuve pour répondre à l’absence de preuve de l’inscription du demandeur à l’Institut Teccart à l’hiver 2017 n’aurait pas changé le résultat.
(4)
Motifs inadéquats
[49]
Le demandeur argumente que l’équité procédurale requiert des motifs adéquats écrits pour justifier la décision administrative.
[50]
Cet argument doit être rejeté. Bien que l’absence totale de motifs puisse s’élever à un manque d’équité procédurale, dans les cas où, comme en l’espèce, il y a des motifs, « [l]e raisonnement qui sous‑tend la décision/le résultat ne peut être remis en question que dans le cadre de l’analyse du caractère raisonnable de celle‑ci. »
: Newfoundland and Labrador Nurses’ Union c Terre-Neuve-et-Labrador (Conseil du Trésor), 2011 CSC 62 au para 22.
(5)
Études à l’automne 2017
[51]
Il s’agit d’une autre question qui découle d’un conflit factuel important. Les défendeurs allèguent que le demandeur a admis ne pas avoir suivi ses cours à l’Université d’Ottawa pendant l’automne 2017, alors que le demandeur nie avoir fait cet aveu.
[52]
La preuve confirme son inscription mais pas sa participation.
[53]
Encore une fois, j’accepte la version des faits des défendeurs parce que je ne vois aucune raison de ne pas croire les témoignages de l’agent Carré et de l’agent Valioghli. Même devant moi, le demandeur n’a présenté aucune preuve, autre que sa propre déclaration, d’avoir assisté à ses cours avant l’expiration de son permis d’études.
[54]
Le demandeur argumente que l’on n’a pas considéré que, après l’expiration de son permis d’études le 8 octobre 2017, il n’avait plus le droit de suivre ses cours. Cet argument n’est pas pertinent à cause de la preuve, que j’accepte, de l’aveu du demandeur de ne pas avoir suivi ses cours à l’automne 2017, même avant l’expiration de son permis d’études.
[55]
Je n’accepte pas l’argument du demandeur qu’il est inconcevable qu’il aurait encouru les frais de scolarité sans avoir suivi ses cours. Cette possibilité dépend du montant des frais payés. Les notes de l’agent Carré indique que l’Université d’Ottawa l’a informé qu’au moment du premier entretien le 4 décembre 2017, le demandeur devait 7 230 $ à l’Université. Je n’ai vu aucune preuve qui contredit ce fait. Alors, il semble que le demandeur n’a pas encouru tous les frais de scolarité liés à son inscription.
[56]
À mon avis, la conclusion de l’agent Valioghli de rendre la mesure d’exclusion à cause du défaut du demandeur de suivre des cours à l’automne 2017 était raisonnable.
(6)
Études à l’automne 2015
[57]
Le demandeur soumet qu’il est inconcevable de prétendre qu’il aurait dit aux agents qu’il avait échoué tous ses cours à l’automne 2015 alors que la preuve indique le contraire.
[58]
Premièrement, je note qu’il est imprécis de prétendre que la soumission des défendeurs soit que le demandeur a échoué tous ses cours. En fait, les défendeurs soumettent qu’il a admis qu’il « n’a pas réussi ses cours »
. Ceci est appuyé par les notes de l’agent Carré qui indique que le demandeur a déclaré qu’il « a été [à] l’Université d’Ottawa en 2015 mais n’a pas réussi »
. Malgré que la preuve des notes du demandeur à l’automne 2015 n’a pas été présentée correctement (voir le paragraphe 10 ci-dessus), j’en fais référence pour démontrer que la soumission des défendeurs n’est pas en contradiction avec ses notes. Le document qui a été soumis par le demandeur indique que ses notes étaient : D, D+, C, E. Présumant que « E »
indique un échec, la déclaration du demandeur qu’il n’a pas réussi est concevable.
[59]
En tous cas, le défaut du demandeur d’avoir suivi des cours aux automnes 2016 et 2017 suffisait pour justifier la mesure d’exclusion. Même s’il y avait une erreur dans la considération de la participation du demandeur aux cours pendant l’automne 2015, il ne changerait pas le résultat.
(7)
Institut d’enseignement désigné
[60]
Le demandeur soumet que l’agent Valioghli a erré en indiquant que son permis d’études le restreignait à l’Université d’Ottawa. Je ne vois pas une telle indication par l’agent Valioghli.
(8)
Études à l’automne 2016
[61]
Le demandeur ne conteste pas qu’il n’a pas suivi de cours pendant l’automne 2016. Cependant, il soumet qu’il n’a pas pu s’inscrire pour la session de l’automne 2016 parce qu’il est revenu au Canada trop tard.
[62]
Premièrement, je note que le demandeur ne fait référence à aucune autorité à l’effet que son absence du Canada pourrait l’excuser.
[63]
Deuxièmement, je note le manque de preuve que le demandeur n’aurait pas pu retourner au Canada assez tôt pour s’inscrire, ou qu’il n’aurait pas pu s’inscrire à l’étranger.
[64]
De plus, la portée du pouvoir discrétionnaire du délégué du Ministre était restreinte : Hussein c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2018 CF 44 au para 66.
[65]
À mon avis, la conclusion de l’agent Valioghli de rendre la mesure d’exclusion à cause du défaut du demandeur de suivre des cours à l’automne 2016 était raisonnable.
(9)
Études à l’hiver 2017
[66]
Les notes de l’agent Valioghli indique l’absence de preuve de la participation du demandeur à des cours à l’hiver 2017. La preuve devant moi indique que le demandeur était effectivement inscrit à l’Institut Teccart à l’hiver 2017. Le demandeur cite cette preuve comme exemple de ce qu’il aurait pu présenter lors du deuxième entretien s’il lui en aurait été donné l’opportunité.
[67]
À mon avis, il n’est pas clair que l’absence de preuve d’inscription aux cours à l’hiver 2017 était une des raisons pour la mesure d’exclusion. Mais, même si le droit du demandeur de présenter de la preuve de son inscription pour des cours à l’hiver 2017 était violé, le résultat d’une mesure d’exclusion n’aurait pas été changé à cause du défaut du demandeur d’avoir suivi des cours aux automnes 2016 et 2017.
(10)
La décision du 9 décembre 2017 rejetant la demande de rétablissement du permis d’études
[68]
Puisque je ne trouve aucune erreur dans la mesure d’exclusion, il suit que le rejet de la demande de rétablissement du permis d’études du demandeur n’était pas erroné.
VI.
Conclusion
[69]
Pour les motifs présentés ci-dessus, la présente demande doit être rejetée.
[70]
Les parties s’entendent qu’il n’y a aucune question grave de portée générale à certifier.
JUGEMENT au dossier IMM-5459-17
LA COUR STATUE que :
La demande de contrôle judiciaire est rejetée.
Aucune question grave de portée générale n’est certifiée.
« George R. Locke »
Juge
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER :
|
IMM-5459-17
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INTITULÉ :
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HAMADOU BAHITI KONE c MINISTRE DE L’IMMIGRATION, DES RÉFUGIÉS ET DE LA CITOYENNETÉ ET MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE
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LIEU DE L’AUDIENCE :
|
Ottawa (Ontario)
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DATE DE L’AUDIENCE :
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LE 10 juillet 2018
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JUGEMENT ET MOTIFS :
|
LE JUGE LOCKE
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DATE DES MOTIFS :
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LE 20 août 2018
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COMPARUTIONS :
Me Marwa Racha Younes
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Pour le demandeur
|
Me Sarah Jiwan
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Pour les défendeurs
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AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Marwa Racha Younes
Avocate
Ottawa (Ontario)
|
Pour le demandeur
|
Procureur(e) général(e) du Canada
Ottawa (Ontario)
|
Pour les défendeurs
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