Date : 20180719
Dossier : IMM-35-18
Référence : 2018 CF 764
Vancouver (Colombie-Britannique), le 19 juillet 2018
En présence de monsieur le juge Shore
ENTRE :
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ANGELE CELESTE FIVAZ
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demanderesse
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et
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LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE
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défendeur
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JUGEMENT ET MOTIFS
I.
Résumé des faits
[1]
La demanderesse est une citoyenne de l’Afrique du Sud âgée de 36 ans. Le 27 juin 2017, la demanderesse est entrée au Canada avec un visa de visiteur, après avoir obtenu un visa pour entrées multiples valide du 3 décembre 2015 au 23 mai 2023.
[2]
En août 2017, la demanderesse a présenté une demande de permis de travail, afin de pouvoir occuper un poste de soignante grâce au Programme des travailleurs étrangers temporaires. Le 11 décembre 2017, la demanderesse a reçu une lettre du Consulat général du Canada à Los Angeles, en Californie, mentionnant que sa demande visant à obtenir l’autorisation de travailler au Canada avait été approuvée et qu’elle devait solliciter l’entrée au Canada d’ici le 31 décembre 2019, afin d’obtenir son permis de travail.
[3]
Le 26 décembre 2017, la demanderesse est entrée au Canada depuis un point d’entrée, à titre de travailleuse cette fois. Après avoir examiné le passeport de la demanderesse ainsi que la lettre d’octroi du permis de travail, datée du 11 décembre 2017, un agent des services frontaliers a eu des raisons de croire que la demanderesse avait travaillé au Canada sans permis, à titre de visiteuse.
[4]
Le 2 janvier 2018, la demanderesse s’est présentée de nouveau au point d’entrée au Canada, comme l’agent des services frontaliers le lui avait demandé. Après avoir interrogé la demanderesse, un agent de l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) a rédigé un rapport en application du paragraphe 44(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001 c 27 (la LIPR). L’agent a conclu que la demanderesse travaillait effectivement au Canada sans permis, et il a recommandé qu’elle fasse l’objet d’une interdiction de territoire au Canada, en application de l’article 41, plus précisément l’alinéa 20(1)b) de la LIPR et l’article 8 du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227 (le RIPR).
[5]
Le 2 janvier 2018, le délégué du ministre (le délégué) a prononcé une mesure d’exclusion à l’égard de la demanderesse aux termes du paragraphe 44(2) de la LIPR, confirmant que la demanderesse était interdite de territoire pour manquement à la LIPR et au RIPR.
[6]
La demanderesse sollicite le contrôle judiciaire de cette mesure d’exclusion conformément au paragraphe 72(1) de la LIPR.
II.
Dispositions pertinentes
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L’alinéa 20(1)b) et l’alinéa 41a) de la LIPR prescrivent ce qui suit :
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Le paragraphe 8(1) et le sous-alinéa 228(1)c)(iii) du RIPR prescrivent ce qui suit :
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III.
Discussion
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Pour les motifs qui suivent, la demande de contrôle judiciaire est accueillie.
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La norme de contrôle applicable à une décision du délégué prononçant une mesure d’exclusion est celle de la décision raisonnable (Mancilla Obregon c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2018 CF 526, au paragraphe 6). La Cour n’interviendra que si la décision n’appartient pas aux « issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit »
(Dunsmuir c Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, au paragraphe 47 [Dunsmuir]).
[11]
Les questions litigieuses soulevées en l’espèce consistent à décider si le délégué a commis une erreur de droit en prononçant la mesure d’exclusion et si la décision est raisonnable.
[12]
La demanderesse invoque la décision Paranych c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2018 CF 158 [Paranych] pour faire valoir que le délégué n’avait pas le pouvoir de prononcer la mesure d’exclusion au motif que la demanderesse avait travaillé au Canada sans autorisation. Quant au défendeur, il prétend que la décision était équitable et raisonnable, compte tenu des éléments de preuve présentés.
[13]
Selon les éléments de preuve présentés, la demanderesse a, elle-même, admis avoir travaillé au Canada sans d’abord avoir obtenu un permis de travail. Au cours de son entrevue avec un agent de l’ASFC, la demanderesse a avoué avoir reçu 3 600 $, depuis le mois d’août 2017, pour son travail au pair (dossier certifié du tribunal [DCT], déclaration solennelle datée du 2 janvier 2018, à la page 8) En conséquence, l’agent qui a préparé le rapport, en application du paragraphe 44(1) de la LIPR, a noté dans ses motifs que la demanderesse n’était pas autorisée à travailler pendant six mois, conformément au sous-alinéa 200(3)e)(i) du RIPR, et qu’un permis de travail ne pouvait lui être délivré à ce moment, compte tenu du Règlement (DCT, rapport [traduction] « Paragraphe 44(1) – Faits saillants » – Affaires aux points d’entrée [sommaire], à la page 6). Par conséquent, la mesure d’exclusion était fondée sur la même conclusion relative à l’inadmissibilité, comme indiqué dans le rapport, selon laquelle il a été jugé que la demanderesse avait enfreint les dispositions de la LIPR parce qu’elle a travaillé au Canada sans autorisation.
[14]
La Cour est d’accord avec les observations de la demanderesse et elle réitère la position adoptée par la Cour fédérale dans la décision Paranych, précitée :
[24] Comme dans l’affaire Yang, la prétendue violation n’était pas de chercher à entrer au Canada pour y travailler sans permis de travail, mais plutôt d’avoir déjà travaillé sans permis durant son séjour au Canada. […]
[25] Le travail sans permis ne constitue pas une violation de la Loi ou du Règlement pour laquelle l’agent avait le pouvoir de prendre une mesure de renvoi. L’agent était plutôt tenu de transmettre un rapport à la Section de l’immigration, comme le prescrit le paragraphe 44(2) de la Loi.
[15]
La demanderesse avait effectivement présenté une demande de permis travail, laquelle était déjà approuvée lorsqu’elle s’est présentée au point d’entrée au Canada. Le 26 décembre 2017, la demanderesse n’a pas cherché à entrer au Canada avec l’intention d’y travailler sans permis de travail; elle a cherché à entrer au Canada dans le but d’obtenir son permis de travail à la frontière. La Cour conclut que la décision du délégué est déraisonnable parce qu’elle manque de justification, de transparence et d’intelligibilité, selon l’arrêt Dunsmuir, précité.
IV.
Conclusion
[16]
La demande de contrôle judiciaire est donc accueillie; et la mesure d’exclusion rendue contre la demanderesse est annulée.
JUGEMENT DANS LE DOSSIER IMM-35-18
LA COUR accueille la présente demande de contrôle judiciaire. La mesure d’exclusion rendue contre la demanderesse est annulée. Il n’y a aucune question grave de portée générale à certifier.
« Michel M.J. Shore »
Juge
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER :
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IMM-35-18
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INTITULÉ :
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ANGELE CELESTE FIVAZ c LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE
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LIEU DE L’AUDIENCE :
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Vancouver (Colombie-Britannique)
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DATE DE L’AUDIENCE :
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Le 18 juillet 2018
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JUGEMENT ET MOTIFS :
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LE JUGE SHORE
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DATE DES MOTIFS :
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Le 19 juillet 2018
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COMPARUTIONS :
Amanda Aziz
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Pour la demanderesse
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Brett J. Nash
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Pour le défendeur
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AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Embarkation Law Corporation
Vancouver (Colombie-Britannique)
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Pour la demanderesse
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Procureur général du Canada
Vancouver (Colombie-Britannique)
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Pour le défendeur
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