Date : 20180724
Dossier : IMM-452-18
Référence : 2018 CF 776
Montréal (Québec), le 24 juillet 2018
En présence de madame la juge St-Louis
ENTRE :
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RECEP ALTIPARMAK
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demandeur
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et
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LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION
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défendeur
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JUGEMENT ET MOTIFS
I.
Introduction
[1]
Le demandeur, M. Recep Altiparmak, est citoyen turc. En février 2000, il arrive au Canada et reçoit le statut de résident permanent du Canada. Le 31 mai 2012, M. Altiparmak est déclaré coupable d’agression sexuelle sous l’alinéa 271(1)a) du Code criminel, LRC 1985, c C-46 [le Code criminel], et le 5 juillet 2013, il est condamné à 90 jours de prison, à purger de façon discontinue.
[2]
Le 30 septembre 2015, la Section de l’immigration [SI] conclut que M. Altiparmak est une personne décrite à l’alinéa 36(1)a) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [Loi] et elle émet une mesure d’expulsion à son endroit.
[3]
Le même jour, M. Altiparmak interjette appel de la décision de la SI devant la Section d’appel de l’immigration [SAI]. Il ne conteste alors pas la validité en droit de la mesure d’expulsion précitée, mais il demande la prise de mesures spéciales en vertu de l’alinéa 67(1)(c) de la Loi, soit le sursis de l’exécution de la mesure d’expulsion.
[4]
Le 22 décembre 2017, la SAI rejette l’appel. Elle estime que M. Altiparmak n’a pas établi par prépondérance de la preuve qu’il y a suffisamment de motifs humanitaires justifiant la prise de telles mesures spéciales.
[5]
Enfin, en avril 2017, M. Altiparmak plaide coupable à une accusation de conduite avec facultés affaiblies aux termes du paragraphe 255(1) du Code criminel.
II.
Décision contestée
[6]
Dans sa décision, la SAI rappelle que la mesure d’expulsion n’est pas contestée en droit et qu’elle est fondée. La SAI rappelle aussi, notamment, qu’il incombe à M. Altiparmak de prouver qu’il existe des motifs d’ordre humanitaire justifiant la prise de mesures spéciales en vertu de l’alinéa 67(1)(c) de la Loi.
[7]
La SAI nomme les facteurs non exhaustifs établis dans la décision Ribic v Canada (Minister of Employment & Immigration), [1985] IABD no 4 (QL), confirmés par la Cour suprême du Canada dans Chieu c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2002 CSC 3 [Chieu], outre l’intérêt supérieur de l’enfant directement touché. Ces facteurs sont : la gravité de l’infraction ou des infractions à l’origine de la mesure de renvoi; la possibilité de réadaptation ou les circonstances du manquement aux conditions d’admissibilité; la période passée au Canada et le degré d’établissement au Canada de l’appelant; la famille qu’il a au pays et les bouleversements que le renvoi de l’appelant occasionnerait sur cette dernière; le soutien dont bénéficie l’appelant au sein de sa famille, mais aussi de sa collectivité; et l’importance des difficultés que causerait à l’appelant le retour dans son pays de nationalité.
[8]
Ainsi, pour chacun de ces facteurs, la SAI détaille la situation de M. Altiparmak et conclut que (1) l’infraction à l’origine de la mesure d’expulsion est de nature grave et présente des facteurs aggravants; (2) le potentiel de réhabilitation de M. Altiparmak est faible; (3) son établissement est essentiellement lié au passage du temps et au fait que ses deux enfants sont nés au Canada, mais qu’il est étonnamment faible, M. Altiparmak vivant essentiellement de prestations d’aide sociale depuis son arrivée; (4) il y aura un bouleversement pour la famille, mais elle ne subira pas un préjudice indu; (5) son épouse représente un soutien pour M. Altiparmak, mais ce soutien ne s’est pas traduit par une amélioration de sa situation; et (6) vu les circonstances présentées et le risque posé par M. Altiparmak, la mesure d’expulsion n’est pas contraire à l’intérêt des enfants.
III.
Arguments des parties
[9]
Les parties s’entendent sur le fait que la décision doit être contrôlée selon la norme de la décision raisonnable, M. Altiparmak soutenant que la décision est déraisonnable tandis que le Ministre soutient qu’elle est raisonnable.
[10]
Dans son mémoire, M. Altiparmak plaide que la décision de la SAI est déraisonnable puisque la SAI n’a pas bien évalué (1) l’intérêt supérieur des enfants, et (2) l’alcoolisme et le risque de récidive du demandeur.
[11]
À l’audience, l’avocate de M. Altiparmak a souhaité présenter des arguments nouveaux et l’avocat du défendeur s’y est objecté. La jurisprudence de la Cour « laisse entendre qu’à moins d’une situation exceptionnelle, de nouveaux arguments non présentés dans le mémoire des faits et du droit d’une partie ne doivent pas être considérés, puisque cela porterait préjudice à la partie opposée, et pourrait faire en sorte que la Cour ne puisse pas évaluer convenablement les mérites de ce nouvel argument »
(Abdulkadir c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2018 CF 318 au para 81; Del Mundo c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2017 CF 754 aux para 12 à 14 [Del Mundo]; Mishak c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (1999), 173 FTR 144 (1re inst) au para 6; Adewole c Canada (Procureur général), 2012 CF 41 au para 15). En l’instance, l’avocate de M. Altiparmak n’a pas invoqué l’existence d’une situation exceptionnelle et la Cour ne considèrera donc pas les arguments nouveaux.
[12]
En lien avec l’intérêt supérieur des enfants, M. Altiparmak cite de longs passages de la décision Kanthasamy c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CSC 61 [Kanthasamy] et il soutient essentiellement que la SAI a manqué de sensibilité à l’égard des enfants.
[13]
En lien avec le deuxième point, M. Altiparmak plaide que la SAI a commis une erreur en évaluant l’impact de sa consommation d’alcool, d’une possible absence du père pour les enfants, de son absence sur le mode de vie des enfants et de la présence des parents et de la fratrie de son épouse.
[14]
En lien avec son risque de récidive, M. Altiparmak plaide que la SAI n’a pas évalué correctement le rapport d’évaluation psychosexuelle de 2012 qui confirme plutôt que le risque de récidive est faible et que la récente infraction de conduite avec facultés affaiblies est un malheureux incident qui est attribuable à son problème de consommation d’alcool.
[15]
Le défendeur répond que l’évaluation des motifs humanitaires par la SAI est raisonnable, car elle tient compte de tous les facteurs pertinents, considère la preuve et les témoignages, et pondère les intérêts divergents.
[16]
Le défendeur rappelle que la Cour doit déterminer si la décision est raisonnable et non réévaluer la preuve au dossier, et qu’en l’espèce, M. Atliparmak n’a pas présenté de motif sérieux permettant d’accueillir sa demande.
IV.
Décision
[17]
La Cour est d’accord avec les parties et contrôlera la décision de la SAI selon la norme de la décision raisonnable (Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Khosa, 2009 CSC 12 au para 58 [Khosa]). Dans son examen de la décision de la SAI, la Cour sera guidée par les propos de la Cour suprême selon lesquels le caractère raisonnable tient à « la justification de la décision, à la transparence et à l'intelligibilité du processus décisionnel, ainsi qu'à l'appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit »
(Dunsmuir c Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9 au para 47).
[18]
Il convient aussi de noter que la SAI dispose d’un large pouvoir discrétionnaire pour évaluer si les considérations d’ordre humanitaire justifient la prise de mesures spéciales aux termes de l’alinéa 67(1)c) et de l’article 68 de la Loi (Chieu, au para 66). La Cour doit conséquemment faire preuve de retenue et de déférence (Kanthasamy, au para 111).
[19]
Enfin, dans le cadre d’un contrôle judiciaire, précisons qu’il ne revient pas à cette Cour de substituer sa décision à celle qui a été retenue et qu’il ne rentre pas dans ses attributions de soupeser à nouveau les éléments de preuve (Khosa, aux para 59 et 61; Du c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2012 CF 1094 au para 48).
[20]
Devant la SAI, M. Altiparmak a limité sa preuve à sept éléments, soit ses avis de cotisation de 2013 à 2016, le certificat de naissance de ses enfants, la carte de résidence de son épouse, une lettre de sa fille, le rapport d’évaluation psychosexuelle à l’intention du Ministère de la Sécurité publique du Québec, une copie de son passeport et une preuve d’emploi en 2016.
[21]
La Cour a revu ces éléments de preuve, le témoignage de M. Altiparmak et celui de son épouse et a considéré les arguments présentés, mais n’a pas été convaincue que les conclusions de la SAI sont déraisonnables.
[22]
La SAI a examiné la gravité de l’infraction, la possibilité de réadaptation du demandeur, la durée de son séjour au Canada, son degré d’établissement, la présence de sa famille au Canada, les bouleversements que son renvoi aura sur cette dernière, le soutien dont il bénéficie au Canada, ainsi que l’intérêt supérieur des enfants. L’analyse de la SAI et ses conclusions ne paraissent pas déraisonnables compte tenu du dossier et font partie « des issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit »
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JUGEMENT
LA COUR STATUE que
La demande de contrôle judiciaire est rejetée;
Aucune question n’est certifiée;
Le tout sans frais.
« Martine St-Louis »
Juge
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER :
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IMM-452-18
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INTITULÉ :
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RECEP ALTIPARMAK c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION
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LIEU DE L’AUDIENCE :
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Montréal (Québec)
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DATE DE L’AUDIENCE :
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LE 23 juillet 2018
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JUGEMENT ET MOTIFS :
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LA JUGE ST-LOUIS
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DATE DES MOTIFS :
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LE 24 juillet 2018
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COMPARUTIONS :
Meryam Haddad
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Pour le demandeur
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Evan Liosis
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Pour le défendeur
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AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Meryam Haddad
Avocate
Montréal (Québec)
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Pour le demandeur
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Nathalie G. Drouin
Sous-procureur général du Canada
Montréal (Québec)
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Pour le défendeur
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