Dossier : IMM-4972-17
Référence : 2018 CF 668
Ottawa (Ontario), le 28 juin 2018
En présence de madame la juge Elliott
ENTRE :
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YIMOU WANG
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demandeur
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et
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LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ
ET DE L’IMMIGRATION
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défendeur
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MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT
I.
Aperçu
[1]
Yimou Wang (le demandeur) sollicite le contrôle judiciaire, en application du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 (LIPR), d’une décision datée du 23 octobre 2017 de la Section d’appel des réfugiés (SAR) de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada.
[2]
Le demandeur avait interjeté appel de la décision de la SAR de la Section de la protection des réfugiés (SPR), laquelle avait conclu qu’il n’était pas un réfugié ni une personne à protéger en raison de sa crédibilité et de préoccupations découlant d’une preuve insuffisante. La SAR a rejeté cet appel et a maintenu que le demandeur n’était pas un réfugié ni une personne à protéger.
[3]
Le demandeur est un citoyen de la Chine âgé de 34 ans. Il a travaillé dans le domaine de la construction et a une sixième année scolaire. Il déclare avoir eu un accident de travail à la fin de 2013 dans lequel il s’est blessé au dos. Le demandeur déclare qu’il a suivi des traitements de la médecine occidentale et traditionnelle qui lui étaient d’une aide limitée et, pour cette raison, il s’est tourné vers le Falun Gong au cours de l’été 2014 suivant la recommandation d’un ami.
[4]
Le demandeur a ajouté qu’en octobre 2014, le Bureau de la sécurité publique (BSP) a fait une descente dans une résidence où il pratiquait le Falun Gong au sein d’un groupe. Il déclare qu’après avoir été prévenu de la venue des autorités, les membres du groupe ont pris la fuite et il est allé se cacher à la résidence de ses cousins au deuxième degré.
[5]
Le demandeur déclare qu’après la descente, il avait été informé que le BSP était toujours à sa recherche, qu’une citation à comparaître avait été délivrée contre lui et qu’il avait été licencié.
[6]
Le demandeur est venu au Canada avec l’aide d’un passeur de clandestins en février 2015 et déclare qu’il a ensuite commencé à participer à des activités publiques du Falun Gong au Canada.
[7]
La demande est rejetée pour les motifs qui suivent.
II.
Questions en litige
[8]
La question cruciale en l’espèce consiste à déterminer si la conclusion quant à la crédibilité par la SAR, selon laquelle le demandeur n’est pas un adepte authentique du Falun Gong, est raisonnable.
[9]
Le demandeur affirme que les conclusions quant à sa crédibilité ont été rendues sans tenir compte de manière adéquate qu’il n’a étudié que pendant six ans et qu’il était nerveux au moment de l’audience de la SPR. Il affirme que ces deux situations expliquent les problèmes liés à son témoignage, que la SPR et la SAR ont toutes deux considéré comme hésitant et problématique, les amenant à tirer des conclusions négatives quant à sa crédibilité.
[10]
Le demandeur ajoute que compte tenu de son faible niveau d’instruction, la SAR avait des attentes déraisonnables sur sa capacité à expliquer le caractère médical de ses problèmes de dos et ce qu’il comprenait du Falun Gong. Il soutient donc que les conclusions négatives quant à sa crédibilité fondées sur ses connaissances de sa blessure et de la religion étaient déraisonnables.
[11]
À l’appui des conclusions quant à la crédibilité tirées par la SAR, le défendeur affirme que le demandeur demande simplement à la Cour de réexaminer la preuve. Comme il est bien connu, ce n’est pas le rôle de la Cour de réexaminer la preuve à l’occasion d’un contrôle judiciaire : Canada (Citoyenneté et Immigration) c. Khosa, 2009 CSC 12, aux paragraphes 59 et 61, [2009] 1 RCS 339, et affaires subséquentes, p. ex., Cabdi c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 26, au paragraphe 26, 262 ACWS (3d) 1016.
III.
Norme de contrôle
[12]
La norme de contrôle applicable lors de l’examen de la décision de la SAR est celle de la décision raisonnable : Wahjudi c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2017 CF 279, aux paragraphes 6 et 7, 278 ACWS (3d) 376.
[13]
Le caractère raisonnable d’une décision tient principalement à la justification de celle-ci, à la transparence et à l’intelligibilité du processus décisionnel, ainsi qu’à l’appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit (Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, au paragraphe 47, [2008] 1 RCS 190 [Dunsmuir]).
[14]
Si les motifs, lorsqu’ils sont lus dans leur ensemble, « permettent à la cour de révision de comprendre le fondement de la décision du tribunal et de déterminer si la conclusion fait partie des issues possibles acceptables, les motifs répondent alors aux critères établis dans Dunsmuir »
: Newfoundland and Labrador Nurses’ Union c. Terre-Neuve-et-Labrador (Conseil du Trésor), 2011 CSC 62, au paragraphe 16, [2011] 3 RCS 708.
IV.
Analyse
A.
Résumé
[15]
Les conclusions quant à la crédibilité tirées par la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada doivent faire l’objet d’une grande retenue : Zhai c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 452, au paragraphe 14, 214 ACWS (3d) 548.
[16]
Bien que le demandeur allègue que la SAR a tiré des conclusions déraisonnables quant à la crédibilité, je crois que ces conclusions de la SAR étaient raisonnables compte tenu de la preuve. Par exemple, l’avocat du demandeur a fait valoir qu’il y a un autre moyen de lire bon nombre des questions posées par la SPR et les réponses qui en découlent données par le demandeur. L’avocat désigne des parties d’une transcription partielle pour montrer que la discussion semble porter quelque peu à confusion. Cependant, il est également vrai que les questions posées et les réponses données permettent pleinement de soutenir les conclusions tirées par la SPR et la SAR.
[17]
Après examen des transcriptions partielles, je suis d’avis que les conclusions, qui sont fondées sur les questions posées par la SPR et les réponses données par le demandeur, sont raisonnables. De plus, en cas de confusion, l’avocat du demandeur à ce moment-là aurait pu la dissiper en posant des questions.
[18]
Compte tenu des faits de la présente affaire, pour conclure que les conclusions quant à la crédibilité tirées par la SAR étaient déraisonnables, la Cour devrait réexaminer la preuve au lieu de déterminer si l’analyse et les conclusions de la SAR font partie des issues possibles acceptables. Comme il a été précédemment mentionné, ce n’est pas le rôle de la Cour – d’autant plus qu’il faut faire preuve d’une grande retenue envers ces évaluations de la crédibilité.
[19]
La décision rendue par la SAR respecte le critère dans Dunsmuir, en ce sens qu’il est justifié, intelligible et transparent. Le demandeur déclare que la SAR n’a présenté aucun motif valable qui lui permet de conclure que son témoignage et la preuve n’étaient pas crédibles. Je ne suis pas d’accord et soulèverais les exemples suivants.
B.
La SAR a écouté l’enregistrement de l’audience de la SPR et a expliqué pour quelle raison elle était d’accord avec les conclusions de la SPR quant à la crédibilité
[20]
La SAR a tiré plusieurs conclusions quant à la crédibilité après avoir écouté l’enregistrement de l’audience devant la SPR. En déterminant qu’elle confirmerait la décision de la SPR, la SAR a pris en compte de façon indépendante le témoignage du demandeur, et en a discuté. Trois principaux aspects ont été pris en compte : 1) le carnet médical présenté montrant pour quelle raison le demandeur avait commencé à pratiquer le Falun Gong; 2) la connaissance par le demandeur de la pratique du Falun Gong; 3) une citation à comparaître de la police. Dans cette demande, il n’est pas nécessaire d’examiner les autres conclusions, car elles répondent également aux critères de la norme de la décision raisonnable.
(1)
Le carnet médical
[21]
La SPR a conclu que le demandeur ne pouvait pas se souvenir de ses diagnostics médicaux ni les expliquer en détail. Elle a conclu qu’il n’a vu aucun médecin pour ses problèmes de dos et que, en conséquence, il n’a accordé aucune importance au carnet médical pour ce qui est de savoir s’il appuyait l’allégation du demandeur selon laquelle il s’est tourné vers le Falun Gong pour soulager sa douleur au dos.
[22]
Le demandeur a affirmé à la SAR que, compte tenu de son faible niveau de scolarité et de sa nervosité au moment de témoigner devant la SPR, il était possible qu’il ne connaisse pas le terme médical pour sa douleur au dos. La SAR a écouté l’enregistrement de l’audience de la SPR et a mentionné que le demandeur a dit à la SPR que le diagnostic faisait état d’une entorse dorsale. Il a également mentionné que lorsque la SPR lui a demandé pourquoi il ne se souvenait pas du second diagnostic de « protrusion discale »
reçu, le demandeur a répondu que le médecin n’avait mentionné le nom qu’une seule fois.
[23]
La SAR a tiré des conclusions quant à la crédibilité relatives au carnet médical. Elle a fait observer que même si les deux premiers diagnostics énoncés dans le carnet médical se rapportent à une entorse dorsale et à une protrusion discale, les autres diagnostics, y compris tous ceux posés par un nouveau médecin, faisaient uniquement état d’une protrusion discale sans mention d’entorse. La SAR a conclu qu’il était raisonnable de s’attendre à ce que le demandeur connaisse le contenu du carnet médical, puisqu’il l’avait soumis afin d’appuyer son allégation selon laquelle il a commencé à pratiquer le Falun Gong pour soulager sa douleur au dos. De même, la SAR a trouvé suspect que cet autre problème de santé n’ait pas été décrit, ne serait-ce qu’en termes simples, par le demandeur. La SAR s’est finalement entendue avec la SPR et n’a accordé aucune importance au carnet pour ce qui est de prouver qu’il a commencé à pratiquer le Falun Gong en raison de sa douleur au dos.
[24]
La SAR a discuté de la preuve que constitue le carnet médical et a exposé clairement pour quelles raisons il n’y avait accordé aucune importance. La SAR a précisé au demandeur pour quelle raison il en est venu à cette conclusion. Le demandeur aurait préféré une conclusion différente, mais l’analyse du carnet médical par la SAR respecte le critère établi dans Dunsmuir, soit la justification, la transparence et l’intelligibilité. Il s’agit d’une conclusion raisonnable quant à la crédibilité.
(2)
La pratique du Falun Gong par le demandeur.
(a)
En Chine
[25]
Après avoir écouté l’enregistrement de l’audience, la SAR a décelé que la SPR avait un véritable avantage dans l’évaluation du témoignage et de la preuve du demandeur concernant sa pratique du Falun Gong en Chine. Elle a donc souscrit à la conclusion de la SPR quant à la crédibilité selon laquelle le demandeur n’a pas pratiqué le Falun Gong en Chine et n’a pas établi qu’il participait à une pratique de groupe qui a fait l’objet d’une descente par le BSP.
[26]
La SAR a conclu, tout comme la SPR, que la « preuve du demandeur concernant sa pratique du Falun Gong était très faible et extrêmement limitée. »
La SAR a déterminé que la SPR avait été patiente avec le demandeur. Elle avait répété et reformulé les questions, lui donnant maintes occasions de lui répondre. À un certain moment, la SPR a brièvement ajourné l’audience pour aider le demandeur à se calmer, mais, même s’il disait se sentir mieux à son retour, il ne pouvait toujours pas répondre aux questions fondamentales concernant sa pratique du Falun Gong en Chine.
[27]
La SAR a conclu que les questions étaient directes et simples, et que la SPR n’avait commis aucune erreur en concluant que le demandeur n’avait pas établi, selon la prépondérance des probabilités, qu’il avait pratiqué le Falun Gong en Chine. La SAR a également déterminé que les conclusions de la SPR, qui ont été tirées à l’appui de cette conclusion, n’étaient pas erronées ni microscopiques, mais touchaient en fait le cœur de la demande.
[28]
La SAR a conclu de manière raisonnable que la pratique du Falun Gong touchait au cœur de la demande du demandeur. Le fondement général de la demande d’asile du demandeur reposait sur sa pratique du Falun Gong en Chine au sein d’un groupe de pratique qui a fait l’objet d’une descente par le BSP. Le risque qu’il a désigné découlait du fait que le BSP essayait toujours de le trouver pour procéder à son arrestation, le mettre en prison et le maltraiter. Une fois qu’il a été déterminé que le demandeur n’avait pas prouvé, selon la prépondérance des probabilités, qu’il avait en fait pratiqué le Falun Gong en Chine ou était recherché par les autorités relativement à la pratique du Falun Gong, le fondement de sa demande, autre qu’une demande d’asile sur place qu’il a soulevée, a disparu.
(b)
La connaissance du Falun Gong par le demandeur et la sincérité de sa croyance
[29]
Le demandeur a allégué devant cette cour et devant la SAR que sa croyance à l’égard du Falun Gong était véritable et sincère. Il a déclaré avoir commencé à pratiquer le Falun Gong en juillet 2014 en Chine et en a continué la pratique au Canada. Il a soutenu que son manque apparent de connaissances du Falun Gong découlait de son faible niveau d’instruction, du peu de temps qu’il pratiquait et du fait qu’il était un travailleur de la construction.
[30]
La SPR et la SAR ont toutes les deux conclu que le demandeur avait des connaissances très limitées du Falun Gong. Il a déclaré à la SPR qu’il n’avait [traduction] « aucune idée »
de ce qu’étaient les principes fondamentaux du Falun Gong. La SPR a conclu qu’il décrivait le Falun Gong comme un traitement médical ou un bienfait pour la santé et non comme un système de croyances ou un mode de vie.
[31]
En déterminant que le demandeur ne pratiquait pas véritablement le Falun Gong, la SAR a conclu que son manque de connaissances du Falun Gong était [traduction] « accablant »
pour quelqu’un qui allègue l’avoir pratiqué pendant environ trois ans, même s’il n’avait qu’une sixième année.
[32]
La SAR a affirmé selon la jurisprudence de notre Cour que le critère pour déterminer les connaissances religieuses d’un réfugié est peu exigeant et que l’analyse ne devrait pas se faire à un niveau microscopique. La SAR a examiné les conclusions de la SPR et y souscrit. Elle a souligné que le demandeur ne pouvait pas dire à la SPR ce qu’était le Falun Gong ni parler de ses principes. Interrogé à ce sujet par la SPR, le demandeur a répondu qu’il n’avait [traduction] « aucune explication »
.
[33]
Après avoir écouté l’enregistrement de l’audience, la SAR a affirmé être d’accord avec la SPR pour dire que le demandeur [traduction] « n’a démontré d’aucune manière qu’il possédait des connaissances sur le Falun Gong ou qu’il adhère sérieusement à sa pratique au Canada »
[non souligné dans l’original]. La SAR a particulièrement conclu que le témoignage du demandeur n’indiquait pas qu’il avait des connaissances sur le Falun Gong ni qu’il y avait des éléments de preuve selon lesquels il avait bien lu le Zhuan Falun dont il possédait un exemplaire. Les trois brèves lettres de soutien, dont deux provenaient de la même personne, qui avaient pour but de confirmer la pratique du Falun Gong avec le demandeur ont été jugées avoir peu de valeur compte tenu du contexte et, à ce titre, ne permettaient pas de justifier le manque complet de connaissances du Falun Gong.
[34]
L’avocat du demandeur se fonde sur l’arrêt Lin c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 288, 9 Imm LR (4th) 178 (Lin), dans lequel le juge Russell a affirmé que [traduction] le critère auquel doivent répondre les demandeurs d’asile pour démontrer leurs connaissances religieuses nécessaires en vue d’établir leur identité religieuse est très peu exigeant. Dans Lin, un réfugié ayant un niveau de scolarité de seulement trois ans, et qui pratique le Falun Gong depuis deux ans et demi, a réussi à contester une décision de la SPR qui avait conclu qu’il n’était pas un adepte du Falun Gong. Le juge Russell avait déterminé que la SPR « s’est livrée en l’espèce à une analyse trop rigoureuse et microscopique des connaissances que le demandeur avait du Falun Gong [...] [et] a fondé sa conclusion qu’il n’était pas un adepte authentique du Falun Gong sur des exigences déraisonnables et impossibles à respecter en ce qui concerne la connaissance du Falun Gong »
: au paragraphe 61.
[35]
Même si le demandeur du statut de réfugié dans Lin ne possédait que la moitié du niveau de scolarité du demandeur, ce réfugié connaissait la plupart des livres sur le Falun Gong, connaissait ce que signifiait la « tolérance »
et aussi le mot « falun »
. Il était également capable de parler du « karma »
et du « troisième œil »
: voir Lin au paragraphe 58.
[36]
Le demandeur n’a décrit aucun aspect des principes fondamentaux du Falun Gong, ni il n’a pu expliquer de quelle façon les exercices s’y rattachaient. Il a qualifié son manque de connaissances comme d’une forme d’humilité dans ses observations devant la Cour. Il allègue qu’il était suffisamment humble pour dire qu’il pratiquait le Falun Gong, mais il ne savait pas ce que c’était et, en tant que débutant, cela ne devrait pas lui être reproché. Il est difficile de voir comment un manque de connaissances aussi important, qui est décrit comme accablant, devrait être considéré comme de l’humilité, au lieu d’un manque de connaissances ou encore de mener à une conclusion, comme en l’espèce, que le demandeur n’est pas un adepte authentique du Falun Gong.
[37]
À mon avis, le critère n’est pas trop rigoureux, ni l’analyse microscopique, pour s’attendre à ce que le demandeur ait été capable de parler de façon rudimentaire de la nature et du but ou des principes du Falun Gong. Le niveau de scolarité du demandeur était de six ans, ce qui représente le double de celui du demandeur dans Lin, et la formation religieuse du demandeur est soi-disant d’environ trois ans, soit le même nombre d’années que dans le cas du demandeur dans Lin (2,5 années). Encore, le demandeur dans Lin semble avoir des connaissances beaucoup plus vastes du Falun Gong – ses enseignements, préceptes et livres – que le demandeur en l’espèce.
[38]
À part une vague allusion au fait que la pratique en groupe lui procurait plus d’énergie, le demandeur ne pouvait rien dire à la SPR au sujet de la pratique du Falun Gong, sauf que les exercices l’aidaient à se sentir mieux. Compte tenu de ces faits, il était entièrement raisonnable pour la SPR et la SAR de conclure que le demandeur n’était pas un adepte authentique ayant une croyance sincère à l’égard du Falun Gong. Les SPR et SAR ne demandaient que des connaissances minimales, compte tenu du critère peu exigeant de la jurisprudence et la situation personnelle du demandeur, et, même là, il était incapable de démontrer ces connaissances minimales ou d’expliquer suffisamment pour quelle raison il ne les avait pas.
[39]
Les motifs fournis par la SAR sont, encore, justifiés, intelligibles et transparents, tandis que la conclusion qu’elle a tirée appartient aux issues possibles et acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit. Sur ce fondement, cette conclusion quant à la crédibilité est également raisonnable.
(3)
La citation à comparaître de la police
[40]
Le demandeur a produit, afin de corroborer sa poursuite possible par le BSP pour pratiquer le Falun Gong, une citation à comparaître de la police lui demandant de se présenter au bureau de la sécurité sociale du BSP dans la ville de Fuquig afin de subir un interrogatoire. La SPR a rejeté immédiatement la citation à comparaître, aux motifs que ce document est très facile à reproduire.
[41]
Le demandeur a allégué devant la SAR que la SPR n’avait pas pris le temps d’analyser le document pour déterminer s’il était authentique. Il a fait remarquer qu’il comportait une caractéristique de sécurité ayant la forme d’une estampille rouge, et qu’une présomption d’authenticité aurait dû être appliquée.
[42]
La SAR a examiné la citation à comparaître et l’a comparée aux échantillons du Cartable national de documentation (CND) pour la Chine datés du 31 mars 2017, trouvés dans le dossier certifié du tribunal aux pages 40 à 47. Le CND mentionnait que, depuis 2003, le format des citations à comparaître n’a pas changé et qu’il ne devrait y avoir aucune variante régionale. Il mentionnait également que les citations à comparaître sont censées être utilisées partout dans le pays. La SAR a comparé la citation à comparaître originale aux échantillons, et a déterminé que la structure et le format de la citation à comparaître étaient quelque peu divergents.
[43]
Se fondant sur les divergences et vu le manque de connaissances du demandeur à l’égard du Falun Gong et l’accessibilité des documents frauduleux en Chine, la SAR a conclu que, selon la prépondérance des probabilités, le document était frauduleux.
[44]
Le demandeur allègue que les documents étrangers sont présumés authentiques. Il ajoute que les différences constatées par la SAR n’étaient pas claires et que, à ce titre, la conclusion n’était pas transparente.
[45]
La SAR a fourni des exemples précis des divergences qu’elle a trouvées par rapport aux citations à comparaître du CND. Par exemple, elle explique qu’un identifiant qui devrait se trouver devant le nom de la personne dans la partie supérieure gauche du formulaire était manquant. De même, la structure des deuxième et troisième lignes ne correspondait pas au CND, c’est-à-dire que le dessin devant le nombre quarante-cinq était sur la deuxième ligne, mais comme le montre l’échantillon, elle aurait dû être sur la troisième ligne.
[46]
L’avocat du demandeur a également soutenu que les exemples de formulaires n’étaient plus accessibles en ligne et qu’il n’était donc pas possible de critiquer les conclusions rendant cette conclusion déraisonnable en raison du manque de transparence. En l’espèce, les échantillons ont été fournis dans le dossier certifié du tribunal, de sorte que rien n’empêchait l’avocat de faire cette critique et que l’argument de manque de transparence n’a pas de poids.
[47]
Bien qu’il y ait une présomption que les documents soumis par un gouvernement étranger sont valides, cette présomption est réfutable : Rasheed c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 587, au paragraphe 19, 35 Imm LR (3d) 299. La SAR a fait remarquer les divergences au vu du document. Le document en question est censé être une citation à comparaître obligeant le demandeur à se présenter à un interrogatoire « concernant les activités illégales du Falun Gong »
, cependant, la SPR et la SAR ont chacune tiré plusieurs conclusions raisonnables selon lesquelles l’allégation du demandeur faisant de lui un adepte du Falun Gong n’était pas crédible et que le BSP n’était pas à sa recherche. La combinaison des divergences au vu du document, l’accessibilité de documents frauduleux et la nature des conclusions quant à la crédibilité suffisent à réfuter la présomption de validité en l’espèce, car elle s’applique à la citation à comparaître de la police.
C.
Demande d’asile sur place
[48]
Le demandeur a également présenté une demande d’asile sur place relativement à sa pratique du Falun Gong au Canada. La SAR a déterminé qu’il n’avait jamais pratiqué le Falun Gong en Chine et que le BSP ne le recherchait pas. Du plus, la SAR est d’accord avec la conclusion de la SPR selon laquelle le demandeur n’est pas un adepte authentique du Falun Gong au Canada. Il n’y avait aucun élément de preuve que la participation du demandeur aux activités du Falun Gong au Canada était venue à l’attention des autorités chinoises. Il était donc raisonnable que la SAR détermine qu’il ne serait pas un réfugié ou une personne à protéger s’il retournait en Chine, car il n’y avait pas d’éléments de preuve suffisants selon lesquels les autorités chinoises seraient au courant de sa participation au Falun Gong et, comme il n’était pas un adepte authentique, il n’aurait pas de motif pour continuer à participer au Falun Gong en Chine. Ainsi, il était raisonnable de rejeter sa demande d’asile sur place.
V.
Conclusion
[49]
La demande est rejetée pour l’ensemble des motifs qui précèdent.
[50]
Aucune partie n’a proposé de question à certifier, et aucune n’est soulevée.
JUGEMENT DANS LE DOSSIER IMM-4972-17
LA COUR rejette la présente demande, sans qu’aucune question soit certifiée.
« E. Susan Elliott »
Juge
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER :
|
IMM-4972-17
|
INTITULÉ :
|
YIMOU WANG c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION
|
LIEU DE L’AUDIENCE :
|
Toronto (Ontario)
|
DATE DE L’AUDIENCE :
|
Le 21 juin 2018
|
JUGEMENT ET MOTIFS :
|
LA JUGE ELLIOTT
|
DATE DES MOTIFS :
|
Le 28 juin 2018
|
COMPARUTIONS :
Phillip Trotter
|
Pour le demandeur
|
Modupe Oluyomi
|
Pour le défendeur
|
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Lewis & Associates
Avocats
TORONTO (ONTARIO)
|
Pour le demandeur
|
Procureur général du Canada
Toronto (Ontario)
|
Pour le défendeur
|