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Date : 20180628


Dossier : IMM-5015-17

Référence : 2018 CF 674

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 28 juin 2018

En présence de monsieur le juge Boswell

ENTRE :

ZSOLT VENTER

KITTI VENTERNE VARNAI

GERGO GABOR MARSOVSZKI

JAZMIN VIRAG VENTER

demandeurs

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]  Les demandeurs sont membres d’une famille hongroise d’origine mixte hongroise et rome. M. Venter et son épouse, Mme Varnai ont une fille, Jasmin, âgée de 6 ans, et Mme Varnai est aussi la mère de Gergo Gabor Marsovszki, âgé de 11 ans. Craignant d’être persécutés par les racistes anti-Roms et les militants d’extrême droite, ils ont quitté la Hongrie à destination du Canada le 17 novembre 2011, où à leur arrivée, ils ont déposé des demandes d’asile. La Section de la protection des réfugiés (SPR) de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada a rejeté leurs demandes dans une décision rendue le 1er novembre 2017, où l’existence d’une possibilité de refuge intérieur (PRI) constituait la question déterminante. Les demandeurs présentent maintenant une demande de contrôle judiciaire en application du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 (LIPR). Ils sollicitent de la Cour l’annulation de la décision de la SPR et le renvoi de l’affaire pour réexamen par un autre commissaire de la SPR.

I.  Décision de la SPR

[2]  Dans sa décision du 1er novembre 2017, la SPR a examiné la définition d’une PRI viable comme formulée dans les arrêts Thirunavukkarasu c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1993] ACF no 1172, [1994] 1 CF 589 (CAF) [Thirunavukkarasu], Rasaratnam c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1992] 1 CF 706, 31 ACWS (3d) 139 (CAF) [Rasaratnam] et Ranganathan c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2000] ACF no 2118, [2001] 2 CF 164. La SPR a résumé la jurisprudence enseignant que si une PRI existe dans le pays d’origine, les demandeurs doivent s’en prévaloir à moins de pouvoir démontrer qu’il est déraisonnable de le faire ou que cela entraînerait trop de difficultés. La SPR a souligné le fait que le critère bipartite émanant des arrêts Rasaratnam et Thirunavukkarasu requiert qu’un décideur conclut, selon la prépondérance des probabilités, qu’il n’y a pas de possibilité sérieuse que le demandeur soit persécuté ou subisse un préjudice advenant son renvoi dans la PRI proposée, et aussi qu’il ne serait pas déraisonnable compte tenu de l’ensemble des circonstances, notamment les circonstances propres au demandeur en question, qu’il y trouve refuge.

[3]  La SPR a fait remarquer que les demandeurs n’avaient fait état d’aucun problème rencontré par la mère de M. Venter en tant que Rom à Szigetszentmiklós, où les demandeurs vivaient avant leur arrivée au Canada, ou que le frère aurait pu y rencontrer en raison de son origine ethnique mixte. La SPR a examiné le témoignage et les présentations des demandeurs adultes, notamment qu’ils ne pouvaient pas habiter en toute sécurité n’importe où en Hongrie en raison de la petite taille du pays; leurs persécuteurs les avaient retrouvés après leur déménagement dans les limites de Szigetszentmiklós et les menaces ont continué même après qu’ils eurent fui la Hongrie, et la nouvelle de leur origine ethnique mixte se serait propagée rapidement même s’ils avaient déménagé ailleurs en Hongrie. La SPR a conclu, selon la prépondérance des probabilités, que le nom de famille de M. Venter ne révélait pas son origine rome. Notant que les éléments de preuve et les témoignages des demandeurs adultes indiquaient que Szigetszentmiklós est une petite ville où les habitants se connaissent généralement tous, la SPR a conclu que M. Venter était connu comme étant Rom à Szigetszentmiklós parce qu’on savait que sa mère était Rom. En revanche, la SPR a observé que Budapest est une grande ville de plus de 1,7 million de personnes, et bien qu’une grande ville ne puisse pas être considérée comme une PRI du seul fait de sa taille, les demandeurs ne seraient pas étiquetés comme étant des Roms à Budapest du fait de l’origine ethnique de la mère de M. Venter.

[4]  Pour satisfaire au premier volet du critère relatif à la PRI, la SPR a souligné qu’il incombait aux demandeurs de démontrer qu’ils risquent sérieusement d’être persécutés dans toute la Hongrie, y compris dans la partie qui offrait prétendument une possibilité de refuge intérieur. La SPR a examiné la situation particulière des demandeurs, notant que M. Venter et sa fille Jazmin portaient un nom de famille hongrois de souche, et que rien ne démontrait que les personnes ayant ce profil seraient persécutées par des skinheads, par le parti d’extrême droite Jobbik, ou par des Hongrois ou des agents de police racistes. La SPR a également examiné les observations des demandeurs selon lesquelles les gens apprendraient l’origine ethnique rome de M. Venter quand sa mère viendrait à la maison ou par un collègue ou quelqu’un à l’école des enfants. Selon la SPR, la crainte de préjudice alléguée par les demandeurs, compte tenu de leur situation et des circonstances particulières, était hypothétique et l’allégation voulant qu’ils soient pourchassés et persécutés à Budapest n’était pas objectivement fondée.

[5]  La SPR a ensuite examiné si les demandeurs pourraient se prévaloir de la protection de l’État à Budapest, soulignant la présomption de protection adéquate de l’État à moins que l’État soit en panne complète, et que le fardeau que devaient surmonter les demandeurs s’alourdissait en proportion de la force de la démocratie de l’État. Après avoir passé en revue la documentation sur la situation dans le pays, la SPR a conclu que même si les persécuteurs allégués avaient découvert les demandeurs à la suite de leur déménagement lorsqu’ils ont déménagé dans leur ville natale et dans les environs, ils n’ont pas présenté suffisamment d’éléments de preuve dignes de foi, satisfaisants et probants pour établir que les agents de persécution allégués les poursuivraient dans Budapest pour leur faire du mal ou que l’un de ceux-ci avait de l’influence auprès des autorités à Budapest et pourrait empêcher la police de leur accorder une protection adéquate s’ils en avaient besoin. La SPR a reconnu que, même si les demandeurs n’avaient pas obtenu d’aide de la police à Szigetszentmiklós puisque la police n’a pas pu donner suite à leurs plaintes en l’absence d’information sur l’identité des assaillants, il était raisonnable de s’attendre à ce que les demandeurs cherchent à obtenir réparation en portant plainte pour corruption ou pour l’inaction alléguée de la police auprès d’autres organisations de sécurité appropriées chargées d’examiner la corruption ou l’inaction injustifiée par la police, surtout s’ils croyaient qu’ils étaient privés de protection en raison de leur présumée origine ethnique rome. La SPR a conclu que, bien que le racisme et la discrimination existent dans l’ensemble de la Hongrie, la preuve documentaire a démontré que les demandeurs pourraient raisonnablement bénéficier de la protection adéquate de l’État s’ils en avaient besoin et que leur crainte alléguée de préjudice à Budapest ne reposait sur aucun fondement objectif.

[6]  En ce qui concerne le second volet du critère relatif à la PRI, la SPR a souligné que la norme pour conclure qu’une PRI est déraisonnable est rigoureuse et que la barre à franchir est très haute et ne peut pas être atteinte en invoquant les difficultés ordinaires associées au déplacement et à la réinstallation. La SPR a ajouté que M. Venter avait 12 ans de scolarité, ce qui comprend sa formation professionnelle, ainsi qu’une expérience de travail variée, et qu’il n’est pas objectivement déraisonnable de croire que les demandeurs pourront se réfugier à Budapest et tirer profit des possibilités de travail accrues qui y sont offertes par rapport à leur petite ville. La SPR a examiné les éléments de preuve d’ordre médical concernant l’incidence sur la santé physique et psychologique de Mme Varnai d’un renvoi en Hongrie, et a conclu que les demandeurs, y compris Mme Varnai, auraient accès à des traitements médicaux essentiels et à d’autres services et commodités à Budapest.

[7]  La SPR a conclu qu’il n’y avait pas de risque sérieux de persécution ou de préjudice si les demandeurs étaient renvoyés en Hongrie et s’installaient à Budapest et a par conséquent rejeté leurs demandes en application des articles 96 et 97 de la LIPR.

II.  Était-il raisonnable pour la SPR de conclure que les demandeurs avaient une possibilité de refuge intérieur viable?

[8]  Les décisions sur la disponibilité d’une possibilité de refuge intérieur sont examinées en regard de la norme de la décision raisonnable (Tariq c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2017 CF 1017, au paragraphe 14, 285 ACWS (3d) 143); et, comme la Cour l’a souligné dans Lebedeva c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2011 CF 1165, au paragraphe 32, [2011] ACF no 1439, les conclusions qui touchent l’existence ou non d’une possibilité de refuge intérieur « appellent la retenue parce qu’elles sont fondées non seulement sur l’appréciation de la situation du demandeur d’asile, mais également sur une connaissance spécialisée des conditions dans le pays concerné ». (voir aussi : Rodriguez Diaz c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2008 CF 1243, au paragraphe 24, [2009] 3 RCF 395, et Sivasamboo c. Canada (Citoyenneté et Immigration), [1995] 1 CF 741, au paragraphe 26, [1994] ACF no 2018).

[9]  La norme de la décision raisonnable charge la cour de la révision d’une décision administrative quant à « la justification de la décision, à la transparence et à l’intelligibilité du processus décisionnel » et elle doit déterminer « l’appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit » (Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, au paragraphe 47, [2008] 1 RCS 190). Les motifs répondent aux critères établis « s’ils permettent à la cour de révision de comprendre le fondement de la décision du tribunal et de déterminer si la conclusion fait partie des issues possibles acceptables » (Newfoundland and Labrador Nurses’ Union c. Terre-Neuve-et-Labrador (Conseil du Trésor), 2011 CSC 62, au paragraphe 16, [2011] 3 RCS 708). De plus, « si le processus et l’issue en cause cadrent bien avec les principes de justification, de transparence et d’intelligibilité, la cour de révision ne peut y substituer l’issue qui serait à son avis préférable », et il n’entre pas « dans les attributions de la cour de révision de soupeser à nouveau les éléments de preuve » : Canada (Citoyenneté et Immigration) c. Khosa, 2009 CSC 12, aux paragraphes 59 et 61, [2009] 1 RCS 339 [Khosa].

[10]  Pour plusieurs motifs, les demandeurs soutiennent que la SPR a commis une erreur en concluant qu’il existait une PRI viable à Budapest. Premièrement, la SPR n’a pas pris en compte le fait que M. Venter serait reconnu comme étant d’origine rome en raison de son apparence. Étant donné qu’il était étiqueté comme Rom à Szigetszentmiklós, les demandeurs soutiennent qu’il est raisonnable de supposer qu’il en serait de même à Budapest en raison de son apparence. Deuxièmement, la SPR a conclu de façon déraisonnable que la protection de l’État serait accordée aux demandeurs à Budapest en procédant à une analyse sélective des éléments de preuve documentaire sur la situation dans le pays, tout en faisant fi de message général de la preuve voulant que la protection de l’État n’était pas adéquate et en omettant de mentionner ou d’examiner des passages très pertinents qui contredisent directement les conclusions de la SPR. Troisièmement, la SPR a de façon déraisonnable centré son analyse sur les changements législatifs pour démontrer que l’État pouvait assurer une protection adéquate, mais a omis d’examiner si ces changements étaient efficaces sur le terrain. Selon les demandeurs, tous les changements législatifs cités par la SPR datent de 2011 et avant, alors que les éléments de preuve documentaire récents démontrent que la pertinence de la protection de l’État sur le terrain n’a pas été accrue; et la présence de mécanismes de plainte à la police et d’organisations non gouvernementales se portant à la défense des Roms en Hongrie ne constitue pas une preuve de la protection de l’État. Enfin, en ce qui concerne le deuxième volet du critère établi par l’arrêt Thirunavukkarasu, les demandeurs soutiennent que, compte tenu de la conclusion antérieure de la SPR selon laquelle le racisme et la discrimination prévalent dans toute la Hongrie, il incombait à la SPR d’évaluer si cet état de fait entraverait leur accès à des services médicaux ou autres à Budapest. De l’avis des demandeurs, il était déraisonnable que la SPR n’aborde pas le fait qu’ils seraient susceptibles d’être victimes de discrimination à Budapest.

[11]  Selon le défendeur, il incombe aux demandeurs de produire suffisamment d’éléments de preuve pour satisfaire au seuil élevé permettant d’établir qu’une PRI est déraisonnable. Le défendeur fait valoir que la question de savoir si un citoyen hongrois d’origine rome subira de la persécution doit être évaluée au cas par cas, et il soutient que ce que voudraient les demandeurs, c’est que la Cour apprécie à nouveau la preuve que la SPR a examinée. En particulier, le défendeur soutient que les prétentions des demandeurs voulant que la SPR n’ait pas tenu compte de l’efficacité sur le terrain des changements législatifs ne sont pas fondées puisque la SPR a mentionné explicitement que les initiatives du gouvernement hongrois [traduction] « obtiennent de bons résultats sur le terrain » ou [traduction] « ont des effets concrets sur le terrain sur le plan opérationnel » De l’avis du défendeur, la lecture par les demandeurs d’extraits de la documentation sur la situation dans le pays ne démontre pas une erreur ou un examen sélectif de la preuve puisque la SPR n’était pas tenue de citer tous les éléments de preuve contradictoires, mais seulement de fonder raisonnablement ses conclusions sur les éléments de preuve dont elle disposait. En tout état de cause, le défendeur affirme que la conclusion de la SPR selon laquelle les demandeurs pourraient au besoin bénéficier de la protection de l’État à Budapest était déterminante de leurs demandes.

[12]  À mon avis, il était raisonnable pour la SPR de conclure que les demandeurs avaient une possibilité de refuge intérieur viable à Budapest. Il est vrai, comme le soulignent les demandeurs, que la SPR a fait référence à de la documentation et à des changements législatifs de 2011 et avant, et que la présence de mécanismes de plainte à la police et d’organisation non gouvernementales pro-Roms en Hongrie ne constitue pas une preuve de la protection de l’État. Cependant, la SPR a également examiné des éléments de preuve plus récents, dont un cartable national de documentation (CND) publié le 31 août 2017. Le seul fait que la SPR ait pu s’appuyer sur de l’information du CND du 31 octobre 2011 ne rend pas sa décision déraisonnable.

[13]  De plus, je ne suis pas d’accord avec les demandeurs qui soutiennent que la SPR a conclu de façon déraisonnable que la protection de l’État serait accordée aux demandeurs à Budapest en procédant à une analyse sélective des éléments de preuve documentaire sur la situation dans le pays, tout en omettant de mentionner ou d’évaluer des passages pertinents de ces éléments de preuve qui contredisent directement ses conclusions. Il est bien établi que les décideurs administratifs, dont la SPR, n’ont pas à faire référence à chaque élément de preuve dans leurs décisions (voir, par exemple : Kahumba c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2018 CF 551, aux paragraphes 42 à 45, [2018] ACF no 553). La présomption qu’un décideur a examiné tous les éléments de preuve, après avoir fait une déclaration générale voulant qu’il l’ait fait, s’applique à l’évaluation par la SPR d’une demande d’asile. Les commissaires de la SPR ne sont pas tenus de faire référence à chaque élément de preuve tant qu’ils déclarent dans leurs conclusions qu’ils ont tenu compte de tous les éléments de preuve.

[14]  Dans le cas présent, la SPR avait amplement d’éléments de preuve pour étayer sa conclusion d’une PRI à Budapest pour les demandeurs. Bien que la SPR n’ait pas explicitement mentionné les différents passages de la documentation sur la situation dans le pays mis en évidence par les demandeurs comme étant en contradiction avec la disponibilité de la protection adéquate de l’État pour eux, il est présumé que la SPR a tenu compte de tous les éléments de preuve. La SPR a en effet raisonnablement conclu [traduction] « après un examen approfondi de tous les éléments de preuve […] que les demandeurs pourraient raisonnablement bénéficier de la protection de l’État » à Budapest.

[15]  Dans la décision Lakatos c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2014 CF 785, au paragraphe 33, [2014] ACF no 842, la Cour a fait remarquer que :

...Il ne suffit pas pour les demandeurs d’invoquer uniquement une preuve documentaire faisant état des lacunes du système de protection de l’État s’ils n’ont pris aucune mesure pour se prévaloir de la protection dont ils disposaient. Les demandeurs doivent demander la protection de leur État dans les cas où la protection peut raisonnablement être assurée et ce n’est que dans les cas d’un effondrement complet de l’appareil étatique que cette exigence peut être écartée...

[16]  Dans le cas qui nous occupe, les demandeurs n’ont pas démontré que la police ne leur viendrait pas en aide s’ils étaient victimes de violence raciale à Budapest. Les demandeurs n’ont jamais tenté d’obtenir la protection de l’État où que ce soit ailleurs que dans leur ville natale, et la SPR n’était pas convaincue que l’inaction de la police à Szigetszentmiklós même était due à l’origine ethnique de M. Venter. La SPR a conclu que la police de Szigetszentmiklós [traduction] « n’a pas pu donner suite à leurs plaintes en l’absence d’information sur l’identité des auteurs présumés » des attaques contre eux. Cette conclusion de la SPR était raisonnable, notamment à la lumière d’un incident dont il a été discuté lors de l’audience au cours de laquelle le père de M. Venter (d’origine hongroise) a déclaré qu’il avait signalé à la police avoir reçu une lettre de menace et que la police n’a fait aucun suivi, ce qui suggère que l’inaction de la police n’était pas due à l’appartenance ethnique.

[17]  En outre, la SPR n’a pas, comme les demandeurs soutiennent, pris en compte les mesures législatives prises par le gouvernement hongrois sans tenir compte de leur efficacité sur le terrain. Au contraire, la SPR a expressément conclu que :

...le gouvernement a adopté des lois et mis en place de nombreuses initiatives tactiques dans plusieurs ministères, et que celles-ci obtiennent de bons résultats sur le terrain. Les éléments de preuve documentaire démontrent que les demandeurs bénéficieraient de recours pour obtenir une protection de l’État ou pour demander réparation si des services de sécurité leur étaient refusés en raison de leur origine rome (sic)...

...les éléments de preuve démontrent que les lois et les programmes et les mesures adoptés par la Hongrie pour protéger ses citoyens, y compris les Roms, évoluent peu à peu et ont des effets concrets sur le terrain sur le plan opérationnel. Les éléments de preuve prouvent aussi que la police enquête sur les crimes commis contre les Roms et que les criminels sont tenus responsables, lorsqu’il y a suffisamment d’éléments de preuve.

[18]  Comme notre Cour l’a observé dans l’affaire Mudrak c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 188, ACF no 180 [2015], aux paragraphes 55 et 56 :

...il ne convient pas non plus d’inverser le fardeau de la preuve concernant la présomption de protection adéquate de l’État dans une société démocratique lorsqu’un pays adopte des lois ou lorsque la preuve établit qu’il y a de plus en plus d’actes de violence. La Commission doit alors faire la démonstration, dans ses motifs, de l’efficacité concrète des mesures prises pour prévenir les incidents de persécution. […]

En outre, le fait qu’un gouvernement démocratique adopte des lois et d’autres mesures pour lutter contre la persécution ne devrait pas être considéré comme une admission de l’absence de protection de l’État. La Cour s’appuie d’abord sur la présomption de protection adéquate de l’État dans une nation démocratique (Ward, aux pages 724 et 726). ...les lois et les autres mesures énergiques et fermes mises en vigueur devraient être considérées comme une preuve étayant les fondements démocratiques du pays, ce qui renforce la présomption de protection adéquate de l’État au lieu d’exiger de la Commission qu’elle démontre l’efficacité concrète de ces mesures. ...la conclusion tirée par la Commission en l’espèce selon laquelle les lois et les autres mesures adoptées par le gouvernement hongrois pour protéger les citoyens roms renforcent la présomption de protection adéquate de l’État et accroît la difficulté qu’un demandeur doit surmonter. Cela est particulièrement vrai lorsque ce dernier n’est pas en mesure de produire une preuve claire et convaincante d’une crainte fondée de persécution de nature subjective ou d’un besoin objectif de protection.

[Souligné dans l’original.]

[19]  Dans le cas qui nous occupe, la décision de la SPR était raisonnable. Il n’incombait pas à la SPR d’aborder la discrimination à laquelle les demandeurs pourraient être exposés à Budapest puisqu’elle avait conclu que la crainte de préjudice alléguée par les demandeurs était hypothétique et que l’allégation voulant qu’ils soient pourchassés et persécutés à Budapest n’était pas objectivement fondée. La SPR a raisonnablement conclu que les demandeurs n’avaient pas produit suffisamment d’éléments de preuve pour réfuter la présomption de protection adéquate de l’État à Budapest ou pour démontrer que la réinstallation à Budapest ne serait pas raisonnable compte tenu de la situation particulière des demandeurs et des circonstances.

III.  Conclusions

[20]  Les motifs soulevés par la SPR pour rejeter la demande d’asile des demandeurs sont transparents, intelligibles et justifiables et sa décision appartient aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit. La demande de contrôle judiciaire des demandeurs est donc rejetée.

[21]  Comme aucune des parties n’a proposé de question à certifier d’importance générale, en application de l’alinéa 74d) de la LIPR, aucune question n’est certifiée.


JUGEMENT dans le dossier IMM-5015-17

LA COUR rejette la présente demande de contrôle judiciaire et il n’y a aucune question de portée générale à certifier.

« Keith M. Boswell »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-5015-17

 

INTITULÉ :

ZSOLT VENTER, KITTI VENTERNE VARNAI, GERGO GABOR MARSOVSZKI, JAZMIN VIRAG VENTER c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 19 juin 2018

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE BOSWELL

 

DATE DES MOTIFS :

Le 28 juin 2018

 

COMPARUTIONS :

Stephanie Fung

 

Pour les demandeurs

 

Leila Jawando

 

Pour le défendeur

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Lewis & Associates

Avocats

Toronto (Ontario)

 

Pour les demandeurs

 

Procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

Pour le défendeur

 

 

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