Dossier : T-1808-17
Référence : 2018 CF 648
[TRADUCTION FRANÇAISE RÉVISÉE PAR L’AUTEUR]
Ottawa (Ontario), le 21 juin 2018
En présence de monsieur le juge Grammond
ENTRE :
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JOE PASTION
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demandeur
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et
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LA PREMIÈRE NATION DENE THA’
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défenderesse
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JUGEMENT ET MOTIFS
[1]
Le demandeur, Joe Pastion, a fait appel des résultats de la récente élection du chef de la Première nation Dene Tha’ devant le Comité des appels en matière d’élections de la Première nation [le Comité]. Avant l’élection, M. Pastion occupait le poste de chef. Il n’a pas réussi à se faire réélire, et c’est James Ahnassay qui a remporté le scrutin avec 158 voix. M. Pastion a terminé second avec 129 voix, perdant ainsi par un écart de 29 voix.
[2]
M. Pastion a fait appel au motif que l’un des candidats, M. Didzena, qui a obtenu 44 voix, était inéligible puisqu’il ne résidait pas ordinairement dans une des réserves de la Première nation. M. Pastion a déposé une plainte au Comité à ce sujet. Le Comité a rejeté la plainte, en concluant qu’il n’y avait pas eu [traduction] « infraction au règlement »
et que, même en supposant qu’il y ait une telle infraction, elle [traduction] « n’avait pas influé de manière significative sur les résultats de l’élection ».
[3]
M. Pastion sollicite maintenant le contrôle judiciaire de la décision du Comité. Il affirme que le nombre de voix obtenues par M. Didzena était supérieur à l’écart entre le nombre de voix qu’il a reçues et le nombre de voix remportées par M. Ahnassay. Dans le droit électoral, cet écart est souvent appelé le critère du « nombre magique »
. M. Pastion affirme qu’étant donné que le nombre de voix reçues par un candidat inéligible dépassait le « nombre magique »
, on ne peut être certain que le résultat de l’élection aurait été le même si le nom du candidat inéligible n’avait pas été inscrit sur le bulletin de vote.
[4]
Je rejette la présente demande, parce qu’une lecture objective de la décision du Comité permet de constater que ce dernier n’a pas reconnu que M. Didzena était inéligible. Il a plutôt conclu que toute contestation de son éligibilité aurait dû être présentée à une étape antérieure du processus. Ainsi, le comité a rendu une décision raisonnable en rejetant l’appel de M. Pastion.
[5]
Afin d’expliquer pourquoi j’en arrive à cette conclusion, je dois revenir en arrière et passer en revue les principes fondamentaux régissant l’intervention de la Cour fédérale dans les affaires de gouvernance des Premières nations. Je traiterai de la nature du règlement électoral adopté par la Première nation Dene Tha’. J’expliquerai pourquoi la norme de la décision raisonnable est la norme de contrôle applicable en l’espèce. Je pourrai ensuite analyser la décision rendue par le comité concernant l’appel de M. Pastion et expliquer pourquoi cette décision était raisonnable.
I.
Le droit applicable
[6]
Les règles de droit qui s’appliquent en l’espèce se trouvent dans le Dene Tha’ First Nation Election Regulations 1993 [Règlement électoral]. Ce règlement a été adopté par la Première nation Dene Tha’.
[7]
Aucune disposition précise du droit canadien n’habilite la Première nation Dene Tha’ à adopter ce règlement. L’article 2 de la Loi sur les Indiens, LRC 1985, c I-5 [la Loi sur les Indiens] énonce plutôt que pour certaines Premières nations, comme la Première nation Dene Tha’, le conseil est « choisi selon la coutume de [la bande] »
. Comme nous le verrons ci-dessous, le terme « coutume »
employé dans la Loi sur les Indiens doit être compris au sens large; il fait référence à ce que l’on devrait appeler droit autochtone.
[8]
Les traditions juridiques autochtones comptent parmi les traditions juridiques du Canada. Elles font partie du droit du pays. Le juge en chef McLachlin de la Cour suprême du Canada a écrit, il y a plus de quinze ans, que « les intérêts et les lois coutumières autochtones étaient présumés survivre à l’affirmation de souveraineté »
(Mitchell c M.R.N., 2001 CSC 33, au paragraphe 10, [2001] 1 RCS 911). Dans une longue série de décisions, de Connolly c Woolrich (1867), 11 LCJ 197, 17 RJRQ 75 (CS)
, conf. par (1869), 17 RJRQ 266, 1 CNLC 151 (BR),
à Casimel c Insurance Corp of BC (1993), 106 DLR (4th) 720 (CACB), les tribunaux canadiens ont reconnu l’existence des traditions juridiques autochtones et donné effet à certaines situations créées par le droit autochtone, en particulier dans les affaires concernant les relations familiales (pour un exposé sommaire, voir Sébastien Grammond, Terms of Coexistence: Indigenous Peoples and Canadian Law (Toronto: Carswell, 2013), aux pages 374-385; voir également Première Nation d’Alderville c Canada, 2014 CF 747).
[9]
Bien que les tribunaux canadiens aient reconnu à l’occasion le droit autochtone, la tendance générale a plutôt été, pendant une longue période, au déni et à la suppression (voir Alan Hanna, « Spaces for Sharing: Searching for Indigenous Law on the Canadian Legal Landscape »
(2018) 51 UBC L Rev 105). Cette tendance était particulièrement évidente dans le domaine qui nous concerne en l’espèce, à savoir la gouvernance des communautés. Dès 1869, le législateur a promulgué des dispositions autorisant le gouvernement à supprimer les systèmes traditionnels de gouvernance et à les remplacer par des conseils élus chargés de régir les affaires des communautés (Acte pourvoyant à l’émancipation graduelle des Sauvages, à la meilleure administration des affaires des Sauvages, et à l’extension des dispositions de l’acte trente-et-un Victoria, chapitre quarante-deux, LC 1869, c 6, art 10). En pratique, cela s’est fait en ajoutant des noms de Premières nations à un règlement contenant les noms de toutes les Premières nations qui doivent mener des élections conformément à la Loi sur les Indiens. Plusieurs Premières nations ont résisté à l’imposition d’une gouvernance élective ou conservé leurs systèmes traditionnels en parallèle aux conseils de bande élus (voir, par exemple, le cas présenté dans Logan c Styres (1959), 20 DLR (2d) 416 (HC Ont)).
[10]
Depuis quelque temps, on assiste à un regain d’intérêt pour les traditions juridiques autochtones. Elles font l’objet de recherches et de programmes d’enseignement universitaires (voir, par exemple, John Borrows, Canada’s Indigenous Constitution (Toronto : University of Toronto Press, 2010) [Borrows, Indigenous Constitution]; Indigenous Law and Legal Pluralism, numéro spécial de la Revue de droit de McGill, vol. 61 no 4 (2016); Hadley Friedland, The Wetiko Legal Principles: Cree and Anishinabek Responses to Violence and Victimization (Toronto : University of Toronto Press, 2018)). La Commission de vérité et réconciliation du Canada a souligné que la reconnaissance du pouvoir des peuples autochtones d’édicter des lois est essentielle à la réconciliation (Honorer la vérité, réconcilier pour l’avenir : sommaire du rapport final de la commission de vérité et réconciliation du Canada (2015), aux pages 215 à 221). En outre, la Déclaration sur les droits des peuples autochtones des Nations Unies (A Res 61/295, 61e sess, supp. no 53 (2007)) fait écho à ces aspirations à l’article 34 :
Les peuples autochtones ont le droit de promouvoir, de développer et de conserver leurs structures institutionnelles et leurs coutumes, spiritualité, traditions, procédures ou pratiques particulières et, lorsqu’ils existent, leurs systèmes ou coutumes juridiques, en conformité avec les normes internationales relatives aux droits de l’homme.
[11]
Depuis une quarantaine d’années, le gouvernement fédéral reconnaît et appuie le désir des Premières nations de « revenir à la coutume »
en retirant leur nom de la liste des Premières nations qui doivent tenir des élections conformément à la Loi sur les Indiens. Toutefois, le gouvernement entreprend cette démarche uniquement lorsqu’une Première nation adopte une « coutume »
prévoyant la tenue régulière d’élections. Concrètement, ces Premières nations sont autorisées à s’écarter des paramètres du processus électoral établi par la Loi sur les Indiens, mais elles doivent quand même respecter les principes démocratiques.
[12]
Malgré les restrictions découlant de la politique gouvernementale, de nombreuses Premières nations ont promulgué des lois concernant divers aspects de leur gouvernance, y compris les élections. Un aspect de ce pouvoir normatif doit être souligné. Comme l’a expliqué le juge Mandamin de notre Cour :
La capacité de la [Première nation] de légiférer en matière de leadership et de gouvernance ne provient pas de la Loi sur les Indiens ou d’un autre pouvoir législatif. Elle est plutôt le fruit de l’exercice du droit ancestral de cette Première Nation de faire ses propres lois en matière de gouvernance.
(Gamblin c Conseil de la Nation des Cris de Norway House, 2012 CF 1536, au paragraphe 34 [Gamblin]; voir également Canadien Pacifique Ltée c Bande indienne de Matsqui, [2000] 1 CF 325 (CA), au paragraphe 29.)
[13]
Ainsi, ce que la Loi sur les Indiens désigne comme une « coutume »
est souvent le produit écrit des délibérations publiques au sein d’une Première nation. Comme le souligne le professeur Borrows, les peuples autochtones ont tout à fait le droit d’utiliser la forme écrite pour exprimer leurs lois, et cela ne rend pas ces lois moins autochtones (Borrows, Indigenous Constitution, aux pages 42 à 44; voir également Henry c Conseil coutumier de la Première nation Anishinabe de Roseau River, 2017 CF 1038, au paragraphe 13 [Henry]; Naiomi Metallic, « Indian Act By-Laws: A Viable Means for First Nations to (Re)Assert Control over Local Matters Now and not Later » (2016), 67 UNBLJ 211, à la page 232). L’expression « législation autochtone »
serait sans doute mieux choisie pour désigner le Règlement électoral que le mot « coutume »
.
[14]
Lorsqu’elle adopte une loi pour la sélection de ses dirigeants, une Première nation peut, si elle le souhaite, s’appuyer sur les mécanismes de la démocratie occidentale. Elle peut aussi opter pour un mécanisme qui combine la démocratie occidentale et la tradition autochtone. Par exemple, en l’espèce, le Règlement électoral prescrit que la nomination des candidats doit être approuvée par un sénat d’Aînés, et que les membres de ce sénat d’Aînés peuvent également être invités à faire partie d’un comité d’appel en matière d’élections. Bien entendu, il appartient à chaque Première nation de décider comment elle va combiner les diverses sources de droit. Notre Cour devrait respecter ce choix.
II.
Rôle de la Cour fédérale quant aux élections au sein des Premières nations
A.
Compétence
[15]
Les parties conviennent que notre Cour a compétence pour examiner les décisions du Comité. En effet, de nombreuses décisions indiquent que notre Cour a compétence pour examiner des décisions concernant la validité d’élections au sein des Premières nations, y compris lorsque la décision est rendue par un organisme créé par les lois électorales de la Première nation, comme c’est le cas du Comité d’appel en matière d’élections en l’espèce (voir, par exemple, Canatonquin c Gabriel, [1980] 2 CF 792 (CA); Ratt c Matchewan, 2010 CF 160, aux paragraphes 96 à 106; Gamblin, aux paragraphes 29 à 63). En exerçant cette compétence, la Cour a acquis une expertise en matière de différends touchant à la gouvernance des Premières nations. Elle offre également des services de médiation ou d’autres processus qui facilitent l’expression d’une gamme plus vaste de lois et de principes autochtones dans le règlement de tels différends (voir Henry, aux paragraphes 18 à 37).
B.
Norme de contrôle
[16]
Cela m’amène aux principes qui guident la Cour dans l’exercice de son pouvoir de surveillance à l’égard des organismes décisionnels autochtones.
[17]
M. Pastion affirme que la Cour devrait examiner la décision du Comité en fonction de la norme de la décision correcte, puisque les questions en litige sont des questions de droit. Autrement dit, je devrais substituer mon opinion à celle du Comité. Je ne puis accepter cet argument. La norme de contrôle est celle de la décision raisonnable, et non celle de la décision correcte.
[18]
Depuis une quarantaine d’années, la Cour suprême du Canada demande aux tribunaux de faire preuve de déférence à l’endroit des décideurs administratifs lorsqu’elle examine leurs décisions (S.C.F.P. c Société des Alcools du N.-B., [1979] 2 RCS 227). Dans l’arrêt Dunsmuir c Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 RCS 190 [Dunsmuir], la Cour a décidé que cela signifiait que dans la plupart des cas, les cours de révision doivent s’abstenir d’annuler une décision administrative, à moins qu’il ne soit démontré qu’elle est déraisonnable. Plus précisément, « la cour appelée à réviser la décision d’un tribunal administratif spécialisé qui interprète et applique sa loi constitutive ou une loi étroitement liée à son mandat doit présumer que la norme de la décision raisonnable s’applique »
(Barreau du Québec c Québec (Procureure générale), 2017 CSC 56, au paragraphe 15, [2017] 2 RCS 488). On parlera souvent de la présomption de déférence envers l’interprétation de la « loi constitutive »
.
[19]
Pourquoi faut-il faire preuve de déférence? En somme, c’est principalement afin de respecter l’intention du législateur voulant que certaines questions soient tranchées par des organismes administratifs. Si les tribunaux devaient, lors d’un contrôle judiciaire, imposer leurs propres décisions, l’intention du législateur serait contrecarrée (Dunsmuir, au paragraphe 30). L’expertise est une autre raison fréquemment invoquée. Si le législateur a conféré à un organisme administratif la compétence visant une question en particulier, c’est souvent parce que cet organisme est composé de personnes qui possèdent une connaissance approfondie de la question, ou dont on s’attend qu’ils acquièrent une telle connaissance en tranchant fréquemment ce type de litige (Dunsmuir, aux paragraphes 49, 54 et 55).
[20]
Ces motifs s’appliquent avec une force égale, voire supérieure, lorsque les tribunaux sont appelés à réviser des décisions rendues par des organismes autochtones. En fait, depuis l’arrêt Dunsmuir, la Cour d’appel fédérale a affirmé à plusieurs reprises que les décisions des comités d’appel en matière d’élections des Premières nations devaient être examinées selon la norme de la décision raisonnable, y compris lorsqu’elles reposent sur une interprétation des dispositions d’un code électoral : Première nation de Fort McKay c Orr, 2012 CAF 269, aux paragraphes 8 à 12; D’Or c St. Germain, 2014 CAF 28, aux paragraphes 5 à 7; Johnson c Tait, 2015 CAF 247 , au paragraphe 28; Lavallee c Ferguson, 2016 CAF 11, au paragraphe 19; Cold Lake First Nations c Noel, 2018 FCA 72, au paragraphe 24.
[21]
Il peut être utile d’examiner de plus près les raisons qui commandent la déférence à l’égard des décideurs autochtones chargés d’appliquer les lois autochtones.
[22]
La catégorie « expertise »
comprend de nombreuses formes de connaissances. Les décideurs autochtones sont de toute évidence mieux placés que les tribunaux non autochtones pour comprendre les traditions juridiques autochtones. Ils sont particulièrement bien placés pour comprendre les objectifs des lois autochtones. Ils sont également sensibles à l’expérience autochtone en général et à la situation de la nation ou de la communauté précise touchée par la décision. Ils peuvent être en mesure de prendre connaissance d’office de faits qui sont évidents et indiscutables pour les membres de cette communauté ou nation en particulier, et que notre Cour pourrait ne pas connaître. En fait, les Autochtones considèrent souvent qu’une personne est la mieux placée pour rendre une décision si elle a une connaissance étroite de la situation en cause (voir Lorne Sossin, « Indigenous Self-Government and the Future of Administrative Law »
(2012) 45 UBC L Rev 595, aux pages 605 à 607). Notre Cour a reconnu que certaines de ces raisons militent en faveur d’un plus grand degré de déférence à l’égard des décideurs autochtones (Giroux c Première Nation de Swan River, 2006 CF 285, aux paragraphes 54 et 55; Shotclose c Première Nation Stoney, 2011 CF 750, au paragraphe 58; Beardy c Beardy, 2016 CF 383, au paragraphe 43). Par exemple, dans une décision très récente, le juge Phelan a souligné ce qui suit :
Comme les décisions font appel aux connaissances et à l’expertise que possède la commission d’appel sur les normes et pratiques de la communauté, et qu’il s’agit d’une décision interne portant sur les lois électorales d’une communauté, il convient, eu égard au respect que l’on doit aux peuples autochtones en ce qui a trait à la gouvernance de leurs affaires internes, de faire preuve d’une grande retenue à l’égard de la décision de la commission, tout en s’assurant qu’elle appartient aux issues raisonnables possibles.
(Commanda c Première Nation des Algonquins de Pikwakanagan, 2018 CF 616, au paragraphe 19)
[23]
L’idée que le législateur souhaite que l’on fasse preuve de déférence à l’égard des décideurs administratifs a une résonance particulière dans le contexte autochtone. Depuis au moins trois décennies, le gouvernement fédéral a pour politique de reconnaître l’autonomie gouvernementale des peuples autochtones (voir, par exemple, le Guide de la politique fédérale sur l’autonomie gouvernementale, gouvernement du Canada, 1995). La promulgation de lois électorales autochtones, comme le Règlement électoral dont il est question en l’espèce, constitue un exercice d’autonomie gouvernementale. Or, la mise en application des lois est une composante de l’autonomie gouvernementale. Il est souhaitable que les lois soient appliquées par les gens qui les font. Par conséquent, lorsque des lois autochtones accordent une compétence à un décideur autochtone, faire preuve de déférence à son égard découle du principe d’autonomie gouvernementale.
[24]
Les lois autochtones confient souvent aux Aînés certains pouvoirs décisionnels. En l’espèce, le Règlement électoral prescrit que la nomination des candidats doit être approuvée par un sénat d’Aînés. Des Aînés peuvent également être invités à faire partie d’un comité d’appel en matière d’élections. En fait, le comité formé pour examiner l’appel interjeté par M. Pastion était composé de trois Aînés.
[25]
Dans son rapport, la Commission royale sur les Peuples autochtones a dit ceci au sujet des Aînés :
Les [Aînés] sont généralement, mais non exclusivement, des membres âgés de la communauté. Ce sont des personnes qui ont vécu longtemps, qui ont contemplé maintes fois le cycle des saisons et vu changer le monde autour d’eux. Dans de nombreuses cultures autochtones, on estime que la vieillesse s’accompagne de certaines caractéristiques, notamment la perspicacité, la sagesse et l’autorité, qu’on ne retrouve guère dans les premières périodes de la vie. Traditionnellement, les personnes qui atteignaient un certain âge faisaient office de conseillers, de guides et de personnes-ressources pour les jeunes qui cherchaient encore à donner un sens à leur vie.
(Rapport de la Commission royale sur les Peuples autochtones, vol. 4, Perspectives et réalités (Ottawa, 1996), à la page 160).
[26]
Lorsque le pouvoir de rendre une décision est confié aux Aînés, c’est là un facteur additionnel militant en faveur de la norme de la décision raisonnable. En fait, la déférence est une manifestation du respect dû aux Aînés dans la plupart des sociétés autochtones.
[27]
Je tiens à souligner que ces justifications de la déférence sont tout aussi pertinentes lorsque la question en litige met en jeu l’interprétation de lois autochtones écrites. Dans plusieurs arrêts récents, la Cour suprême du Canada a établi une présomption selon laquelle la norme de la décision raisonnable est la norme de contrôle lorsqu’un décideur interprète sa propre « loi constitutive »
(McLean c Colombie-Britannique (Securities Commission), 2013 CSC 67, au paragraphe 21, [2013] 3 RCS 895). En l’espèce, le Règlement électoral est la « loi constitutive »
du Comité. La présomption en faveur de la norme de la décision raisonnable n’est réfutée que dans des circonstances exceptionnelles. Aucune circonstance de ce type n’existe en l’espèce. On ne saurait affirmer que l’interprétation du Règlement électoral est une question d’importance pour le système juridique canadien dans son ensemble.
[28]
Une dimension particulière de la déférence doit être soulignée. Les cours de révision qui cherchent à savoir si la décision d’un décideur autochtone était déraisonnable devraient lire ses motifs avec bienveillance et compléter toute omission apparente en examinant le dossier (Newfoundland and Labrador Nurses’ Union c Terre-Neuve-et-Labrador (Conseil du Trésor), 2011 CSC 62, au paragraphe 16, [2011] 3 RCS 708). Un contrôle judiciaire n’est pas une « chasse au trésor, phrase par phrase, à la recherche d’une erreur »
(Syndicat canadien des communications, de l’énergie et du papier, section locale 30 c Pâtes & Papier Irving, Ltée, 2013 CSC 34, au paragraphe 54, [2013] 2 RCS 458).
[29]
Pour ces raisons, je conclus que la décision du Comité doit être examinée selon la norme de la décision raisonnable.
III.
Analyse de la décision du Comité
[30]
En ayant ces principes en tête, je me penche maintenant sur la décision du Comité de rejeter l’appel de M. Pastion. J’estime que cette décision était raisonnable. Lorsqu’on lit cette décision attentivement, il devient clair que le principal motif du Comité pour rejeter l’appel était qu’il était trop tard pour contester l’éligibilité de M. Didzena. Il s’agit là d’une interprétation raisonnable du Règlement électoral.
A.
Quelle a été la décision du Comité?
[31]
Les parties ne s’entendent pas sur la teneur de la décision du Comité. M. Pastion affirme que le Comité a estimé que M. Didzena était inéligible, mais qu’il est arrivé à la conclusion que la présence du nom de M. Didzena sur le bulletin de vote n’avait pas eu d’incidence significative sur le résultat de l’élection. En revanche, la Première nation affirme que le Comité a simplement souligné que l’éligibilité de M. Didzena n’avait pas été contestée selon la procédure établie dans le Règlement électoral. Par conséquent, le raisonnement du Comité concernant la question de savoir si le résultat de l’élection avait pu être influencé de manière importante n’était qu’un argument subsidiaire qui justifiait le rejet par le Comité de l’appel de M. Pastion.
[32]
À mon avis, la Première nation explique correctement le raisonnement du Comité. En fait, il s’agit d’une affaire où les enseignements de l’arrêt Newfoundland Nurses sont particulièrement pertinents.
[33]
Pour comprendre la décision du Comité, il est utile de faire référence au départ à deux dispositions du Règlement électoral. Le paragraphe 1(6) prescrit que le président d’élection doit afficher un avis d’élections, un avis de mise en candidature et une liste des électeurs. Selon les définitions données dans le Règlement électoral, un électeur ou un candidat doit résider ordinairement dans l’une des réserves de la Première nation. Le paragraphe 1(6) prescrit ensuite ceci :
[traduction]
[…] Le Conseil déterminera le lieu de résidence des électeurs et des candidats avant l’élection, et les décisions du Conseil seront définitives. Cette détermination se fera au moyen de l’approbation par le Conseil de liste des électeurs éligibles. […]
[34]
De plus, le paragraphe 1(8) énonce une procédure pour contester les décisions rendues lors des assemblées de mise en candidature :
[traduction]
Toute personne qui souhaite faire appel des procédures influant sur le résultat du processus de mise en candidature doit s’adresser par écrit au président d’élection. Un tel appel sera examiné s’il est reçu immédiatement après la date de l’assemblée de mise en candidature et une réponse sera donnée avant l’élection prévue.
[35]
Ayant ces dispositions à l’esprit, nous pouvons maintenant nous pencher sur la partie pertinente de la décision du Comité concernant l’éligibilité de M. Didzena, qui se lit comme suit :
[traduction] Le demandeur a affirmé dans son affidavit que le 12 octobre, lors de l’assemblée de mise en candidature au poste de chef tenue à Chateh, un électeur a questionné M. Didzena concernant son lieu de résidence, et indiqué qu’il ne pouvait pas être candidat au poste de chef. Le demandeur et d’autres personnes présentes ont entendu les doléances de l’électeur, mais personne n’a fait quoi que ce soit à ce sujet, et aucun des autres candidats ou des membres de la Première nation n’a pris de mesure pour régler la question.
[36]
Le Comité a ensuite cité le paragraphe 1(8) du Règlement électoral et a conclu ce qui suit : [traduction] « Le Comité d’appel convient que l’inéligibilité de M. Didzena a été rendue publique lors des trois assemblées communautaires ».
[37]
Il est évident que le coeur de la décision du Comité est que toute contestation portant sur le respect par M. Didzena de l’obligation de résidence aurait dû faire l’objet d’un appel immédiat concernant la candidature, conformément au paragraphe 1(8) du Règlement électoral. Dans ce contexte, le fait que le Comité ait souligné que les allégations concernant le lieu de résidence de M. Didzena ont été largement rendues publiques montre que le Comité était d’avis qu’en ne s’y opposant pas immédiatement, les membres de la Première nation avaient consenti à la candidature de M. Didzena ou renoncé à toute possibilité de la contester.
[38]
La décision du Comité est relativement brève et n’est peut-être pas exprimée de la façon la plus claire possible. À cet égard, l’expression [traduction] « l’inéligibilité de M. Didzena »
signifie indubitablement « les allégations concernant l’inéligibilité de M. Didzena »
.
[39]
Ainsi, la principale raison motivant la décision du Comité est qu’il aurait fallu présenter toute contestation portant sur l’éligibilité de M. Didzena conformément au paragraphe 1(8). Cela n’ayant pas été fait, une telle contestation est maintenant exclue.
B.
Absence d’infraction
[40]
Cela m’amène à la question cruciale : était-il raisonnable pour le Comité de conclure qu’il n’y avait eu [traduction] « aucune infraction »
au Règlement électoral?
[41]
Je ne dois pas entreprendre cette analyse en donnant ma propre réponse à la question et en comparant la décision du Comité à celle-ci. Je dois plutôt examiner la décision du Comité avec bienveillance, et me demander si cette décision était justifiée.
[42]
Dans mon analyse, je dois garder à l’esprit que le Comité a une connaissance directe de la façon dont la Première nation a mené ses élections jusqu’à présent. Je dois également reconnaître que les lois électorales des Premières nations prévoient souvent une assemblée officielle de mise en candidature.
[43]
Ainsi, il était raisonnable pour le Comité de conclure que toute contestation au sujet du processus de mise en candidature aurait dû être présentée immédiatement après l’assemblée de mise en candidature et non après l’élection. C’est précisément ce que prévoit le paragraphe 1(8) du Règlement électoral.
[44]
Cela est encore plus logique lorsque la contestation repose sur l’obligation de résidence. Comme nous l’avons vu précédemment, il est indiqué dans la section des définitions du Règlement que toute décision concernant l’obligation de résidence est prise par le Conseil de la Première nation, et que ces décisions sont définitives. Personne n’a prétendu que le nom de M. Didzena n’apparaissait pas sur la liste des électeurs approuvée par le Conseil et que ce dernier ne pouvait donc pas se présenter aux élections. Je souligne, à cet égard, que M. Pastion était chef, et donc membre du Conseil, au moment où le Conseil était censé approuver la liste des électeurs.
[45]
En sens contraire, on pourrait dire que l’alinéa 8(5)b) du Règlement électoral énonce expressément que le fait qu’un [traduction] « candidat s’étant présenté à l’élection était inéligible »
constitue un motif pour faire appel des résultats. On pourrait avancer que l’interprétation faite par le Comité du Règlement électoral prive l’alinéa 8(5)b) de tout effet, ce qui est contraire aux principes d’interprétation. Toutefois, cela ne rend pas la décision du Comité déraisonnable. Lorsque deux interprétations d’une loi écrite sont possibles, il n’est pas déraisonnable de choisir une interprétation aux dépens de l’autre.
[46]
J’ajouterais également qu’un tel argument suppose un degré de cohérence et de logique interne qui n’est, malheureusement, pas toujours présent dans les lois électorales des Premières nations. Néanmoins, la Cour ne doit pas oublier que la norme de la décision raisonnable demeure la norme de contrôle et doit résister à la tentation d’imposer sa propre interprétation du Règlement électoral. Lorsqu’il existe une incohérence apparente, un décideur autochtone comme le Comité est mieux placé que notre Cour pour comprendre l’objectif et l’économie de la loi autochtone en question et choisir une interprétation que les membres de la communauté touchée trouveront légitime.
C.
Le nombre magique
[47]
Étant donné la conclusion qui précède, il n’est pas strictement nécessaire que je tranche la question de savoir si le motif subsidiaire invoqué par le Comité pour rejeter l’appel de M. Pastion était raisonnable. Néanmoins, les deux avocats ont indiqué que des directives de la Cour pourraient être utiles. Par conséquent, je me propose de décrire les thèses en présence et d’offrir mon évaluation des motifs du Comité à cet égard. Pour cette discussion, je supposerai ce que je viens tout juste de rejeter, soit que M. Didzena était inéligible et que les voix en sa faveur constituaient une irrégularité.
[48]
L’argument de M. Pastion est que le Comité a commis une erreur en n’appliquant pas ce qu’on appelle dans le droit électoral canadien le critère du « nombre magique »
. Ce critère signifie que lorsqu’un tribunal doit décider si des irrégularités ont influé sur le résultat d’une élection, il doit se concentrer sur le nombre de voix séparant le candidat victorieux du candidat arrivé au second rang : c’est ce qu’on appelle le « nombre magique »
. Si le nombre de voix rejetées ou acceptées à tort dépasse le « nombre magique »
, il est possible que le résultat de l’élection ait été influencé et la Cour devrait normalement annuler l’élection. Le critère du « nombre magique »
a été appliqué par notre Cour et d’autres tribunaux chargés d’examiner les résultats d’élections dans des communautés autochtones (voir, par exemple, Lewis c Nation Gitxaala, 2015 CF 204; Omoth c Ghostkeeper, 2005 ABQB 671; McNabb c Cyr, 2017 SKCA 27).
[49]
Toutefois, dans l’arrêt Opitz c Wrzesnewskyj, 2012 CSC 55, [2012] 3 RCS 76 [Opitz], la Cour suprême du Canada a soulevé des doutes quant à la validité du critère du « nombre magique »
:
[71] Jusqu’à maintenant, les tribunaux ont utilisé exclusivement le critère du « nombre magique » énoncé dans O’Brien (p. 93) pour trancher les requêtes en contestation d’élection. Selon ce critère, il faut annuler l’élection si le nombre de votes rejetés égale ou dépasse la majorité du vainqueur (Blanchard, p. 320).
[72] Le critère du « nombre magique » est simple. Toutefois, par sa nature, il favorise le requérant. Il suppose que tous les votes rejetés étaient pour le candidat élu, ce qui est en fait très peu probable. Aucun autre critère n’a cependant été élaboré. En l’espèce, on n’a présenté aucun élément de preuve à l’appui d’une quelconque formule statistique qui serait fiable et qui ne compromettrait pas le caractère confidentiel du scrutin.
[73] Nous aurons donc recours au critère du nombre magique pour les besoins de la présente requête. L’élection doit être annulée si le nombre de votes rejetés est égal ou supérieur à la majorité du candidat élu. Par contre, nous n’écartons pas la possibilité qu’un tribunal adopte à l’avenir une méthode plus réaliste pour trancher les requêtes en contestation d’élection.
[50]
Dans l’arrêt Opitz, la Cour a également mentionné que l’annulation d’une élection est un recours extraordinaire qui prive, dans un sens, l’ensemble de la population de son droit de participer au scrutin (au paragraphe 48). Elle a également indiqué que le système ne devrait pas être conçu de manière à encourager les poursuites après l’élection (au paragraphe 49) et que ces poursuites, si elles étaient trop fréquentes, pourraient affaiblir la confiance du public dans le système électoral (au paragraphe 2). Ces remarques, faites dans le contexte d’une élection fédérale, sont également valides dans le cas d’élections au sein des Premières nations.
[51]
Les tribunaux américains ont parfois appliqué une solution de rechange au critère du « nombre magique »
. Cette solution est appelée la « déduction proportionnelle »
. Lorsque des personnes ont voté illégalement, on déduit du nombre de voix de chaque candidat un nombre proportionnel au nombre total de votes reçus par chaque candidat dans le bureau de vote concerné. Ainsi, plutôt que de supposer que tous les votes non valides auraient été en faveur du vainqueur, la déduction proportionnelle suppose que la répartition de ces votes refléterait la répartition réelle et observable des votes. Pourtant, la déduction proportionnelle a également été critiquée, précisément parce que son hypothèse sous-jacente pourrait se révéler invalide dans certaines circonstances (Ilana Ludwin, « Electoral Errors in Etobicoke: Issues & Implications »
(2013) 7 JPPL 339, aux pages 355 et 356; Steven F. Huefner, « Remedying Election Wrongs »
(2007) 44 Harv J Legis 266, à la page 282; voir aussi Kevin J. Hickey, « Accuracy Counts: Illegal Votes in Contested Elections and the Case for Complete Proportionate Deduction »
(2008) 83 NYUL Rev 167).
[52]
Dans l’état actuel du droit, il est difficile de formuler des propositions pouvant s’appliquer de façon générale. Tout ce qu’il est possible de dire, c’est qu’à la suite de l’arrêt Opitz, le critère du « nombre magique »
n’est plus obligatoire. La vraie question est de savoir si, dans les circonstances de l’espèce, les irrégularités ont influé de manière significative sur le résultat de l’élection. À l’avenir, le témoignage d’un expert pourrait être présenté pour montrer, en fonction d’hypothèses raisonnables, la probabilité statistique d’un résultat différent.
[53]
Certaines caractéristiques de la présente affaire la rendent légèrement atypique et me facilitent quelque peu la tâche. D’abord, il ne s’agit pas d’une affaire, comme dans l’arrêt Opitz, où il est allégué que des personnes ont illégalement voté. Dans ces affaires, étant donné le caractère secret du scrutin, nous ne savons pas pour quel candidat ces votes illégaux ont été enregistrés. Par contre, en l’espèce, nous savons que les votes qui posent problème sont ceux inscrits en faveur de M. Didzena. Au lieu de déduire ces votes de ceux du vainqueur, la Cour est invitée à les allouer au candidat arrivé au second rang. Ensuite, la plupart des affaires touchant des élections, ainsi que la distinction entre le critère du « nombre magique »
et la déduction proportionnelle, semblent reposer sur l’hypothèse que la grande majorité des votes sont concentrés sur deux, ou peut-être trois candidats principaux. En l’espèce, huit candidats avaient reçu un nombre de voix dans le même ordre de grandeur. De toute évidence, la probabilité d’une incidence sur le résultat est beaucoup plus faible lorsque les voix sont réparties sur un grand nombre de candidats. Enfin, contrairement à des affaires comme l’arrêt Opitz, la Cour siège en contrôle judiciaire et non en appel. Il faut faire preuve de déférence à l’égard du Comité.
[54]
Je peux maintenant me pencher sur les motifs du Comité qui, dans leur partie pertinente, se lisent comme suit :
[traduction]
En outre, Fred Didzena a obtenu un total de 44 voix, mais après un examen attentif, le Comité d’appel ne peut déterminer avec certitude comment ces voix auraient été réparties entre les autres candidats, et cela n’aurait pas influé de façon significative sur le résultat de l’élection.
[55]
Ces motifs doivent être évalués globalement, en gardant à l’esprit les raisons pour lesquelles les décideurs autochtones méritent une certaine déférence. Le Comité était composé de trois Aînés de la Première nation Dene Tha’. Ils ont certainement une connaissance intime de la situation politique de la Première nation. Ils connaissent sûrement les candidats, leurs programmes et les sources de leurs appuis parmi les membres de la Première nation. Pour changer l’issue de l’élection, M. Pastion aurait dû être le second choix d’au moins 30 des 44 électeurs qui ont voté pour M. Didzena. Les trois Aînés qui composaient le Comité sont infiniment mieux placés que notre Cour pour décider s’il y avait quelque possibilité que cela se produise. Leur décision devrait être respectée.
[56]
L’affirmation du Comité, selon laquelle il [traduction] « ne peut déterminer avec certitude »
quel était le second choix des électeurs qui ont voté pour M. Didzena, peut laisser croire, si elle est prise isolément, que le Comité a appliqué le mauvais critère, parce qu’un demandeur n’a pas à fournir de preuve concluante que les électeurs auraient voté en sa faveur. Toutefois, il s’agirait là précisément du type d’examen pointilleux que proscrit l’arrêt Newfoundland Nurses. La lecture des motifs dans leur ensemble me convainc que le Comité a compris quelle était la question à trancher, à savoir, selon ses propres mots, si l’incident avait [traduction] « joué un rôle significatif sur le résultat de l’élection »
.
[57]
Le Comité n’a pas expliqué pourquoi il avait rendu cette décision, sauf pour dire qu’il en était venu à cette conclusion après un [traduction] « examen attentif »
. Néanmoins, même en l’absence d’une preuve statistique, les faits de l’espèce sont tels que la conclusion du Comité appartient « aux issues possibles acceptables »
(Dunsmuir, au paragraphe 47). Il y avait huit candidats qui ont remporté entre 27 et 158 voix, pour un total de 693 suffrages exprimés. M. Pastion a reçu 19 % des voix. Pour changer l’issue de l’élection, il aurait fallu qu’au moins 30 des 44 électeurs qui ont voté pour M. Didzena votent pour M. Pastion, ce qui aurait représenté 68 % de ces électeurs. Il est très peu probable que ceux qui ont voté pour M. Didzena auraient voté si fortement pour M. Pastion. Ainsi, la décision du Comité appartient aux issues raisonnables.
IV.
Conclusion
[58]
La décision du Comité, lorsque lue globalement et objectivement, était qu’il était trop tard pour contester l’éligibilité de M. Didzena. Le Comité a également fourni un autre motif pour rejeter l’appel, à savoir que même s’il y a eu infraction, elle n’a pas influé de manière significative sur les résultats de l’élection. La décision était raisonnable. Par conséquent, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.
JUGEMENT DANS LE DOSSIER T-1808-17
LA COUR rejette la demande de contrôle judiciaire avec dépens.
« Sébastien Grammond »
Juge
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
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Dossier :
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T-1808-17
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INTITULÉ :
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JOE PASTION c. LA PREMIÈRE NATION DENE THA’
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LIEU DE L’AUDIENCE :
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Edmonton (Alberta)
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DATE DE L’AUDIENCE :
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LE 5 juin 2018
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JUGEMENT ET MOTIFS :
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LE JUGE GRAMMOND
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DATE DES MOTIFS :
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LE 21 juin 2018
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COMPARUTIONS :
Priscilla Kennedy
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Pour le demandeur
JOE PASTION
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Michael Solowan
Aliseyah Gulamhusin
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Pour la défenderesse
LA PREMIÈRE NATION DENE THA’
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AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
DLA Piper (Canada) LLP
Avocats
Edmonton (Alberta)
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Pour le demandeur
JOE PASTION
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Brownlee LLP
Avocats
Edmonton (Alberta)
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Pour la défenderesse
LA PREMIÈRE NATION DENE THA’
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